Début de semaine avec une seule couleur au compteur : le vert. Pendant la nuit de dimanche à lundi, nous avions plongé dans nos statistiques pour voir ce que la « renonciation » d’un Président pouvait avoir comme conséquences pour le marché. Après avoir sorti la tête de l’eau à l’aube, nous avons finalement jeté l’éponge en se disant : « Oh et puis merde, dans le doute on va acheter, parce que la tech elle a quand même bien baissé la semaine dernière. Et puis on trouvera bien une justification pour expliquer nos achats. Tiens, on va dire que la renonciation de Biden enlève de l’incertitude et que Trump a moins de chances de gagner. Ça devrait suffire !!! »… Et c’est ce qu’on a fait.
L’Audio du 23 juillet 2024
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Parfois contradictoire, mais suffisant pour monter
Le Nasdaq a donc terminé en hausse de 1.58% et c’était clairement dans ses rangs qu’il fallait aller chercher la performance, puisque les intervenants se sont surtout concentrés sur les valeurs technologiques qui avaient pris des claques dans la tronche la semaine dernière. Les Magnificent Seven étaient de retour et la justification de la hausse n’était pas toujours très claire. Il faut avouer que ce lundi n’était pas complètement certain de la valeur de ses motivations. On ne peut pas nier le fait que la renonciation de Biden a été un peu au centre de conversations, mais il est difficile de savoir si le fait que le Président disparaisse du jeu a vraiment ou en tous les cas : va vraiment changer quelque chose. En tous les cas, si l’on prend l’aspect politique comme premier cheval de bataille, on n’a pas trop perdu de temps pour se dire que selon les premiers sondages, Kamala Harris aurait déjà plus ou moins sécurisé sa nomination comme candidate officielle des Démocrates. La plupart des poids lourds du parti, dont la dysfonctionnelle famille Clinton, ont approuvé la candidature de la Vice-Présidente.
En tous les cas, Kamala Harris a directement mis les pieds en campagne dès lundi matin en s’en prenant frontalement à Trump. Les sites de paris en ligne estiment que Trump a plus de chances de perdre contre elle que contre celui qu’il appelait « Joe l’escroc » et cette « probabilité » de défaite a été interprétée de deux manières par les experts en finance que nous sommes :
Première interprétation : cela augmente l’incertitude du résultat de novembre. Après l’attentat, on était plutôt certain que Trump allait battre Biden sans forcer, mais depuis hier matin, c’est moins évident qu’il l’emporte, donc l’incertitude est de retour. Et quand l’incertitude est de retour – tenez-vous bien – les traders achètent de la technologie parce que ce sont des titres qui sont « défensifs ». Défensifs dans le sens que ce sont de tels mastodontes, que les revenus et la croissance sont quasiment certains pour les années à venir et que ces sociétés sont tellement internationales que Trump – même en y mettant un maximum de protectionnisme – ne pourra pas les gêner dans leurs business. Donc hier, il suffisait d’être une grosse techno pour devenir une valeur défensive pour se protéger de l’incertitude politique. Je ne sais franchement pas si j’aurais pu dormir avec ça, mais on va dire que ça fait du sens.
Seconde interprétation : Le fait que la victoire de Trump soit moins certaine et que Kamala Harris ait sa chance, fait également s’éloigner le spectre des droits de douanes et d’un protectionnisme exacerbé de la part de Trump. Ça ne veut pas dire que Harris VA GAGNER à coup sûr, mais dans l’hypothèse d’une victoire de la Vice-Présidente, cela serait une bonne nouvelle pour les sociétés étrangères qui ne verraient pas une pression supplémentaire sur leurs marges à cause d’une avalanche de mesures pour protéger les compagnies américaines. Forts de cette logique, les intervenants se sont aussi jetés sur les titres qui avaient cotisés dans le momentum de la « Trump Trade ». Hier, l’énergie verte et les voitures électriques retrouvaient des couleurs.
Mal à la tête
Alors voilà, je ne sais pas si ces explications sont rationnelles ou si elles vous semblent logiques, mais c’est un peu ce qui ressort du bilan d’hier. Il y avait aussi le côté chasse aux bonnes affaires, puisque les titres liés aux semi-conducteurs et à l’intelligence artificielle s’étaient quand même fait démolir la semaine dernière – rappelons tout de même que, pour mémoire, le SOX s’est quand même pris 8% dans les dents en 5 jours de trading – on peut donc dire qu’il y avait également une sorte de « rebond technique » à l’aube de deux semaines de publications trimestrielles qui pourraient relancer la machine technologique sur les traces de nouveaux records historiques. Notons quand même que dès ce soir, ça va commencer à swinguer sur les publications et si on peut racheter des titres pas trop chers à l’aube d’une publication qui pourrait – éventuellement peut-être – être méga-sexy, on aurait tort de s’en priver.
Et pour être franc, je dois dire que je préfère nettement ce scénario. Je préfère clairement croire que les intervenants sont venus acheter sur faiblesse, plutôt que d’imaginer qu’il y a des gens qui se sont levés hier matin et qui ont commencé à faire des théories abracadabrantesques sur les conséquences de la « renonciation de Biden », conséquences que l’on aurait interpolées avec la probabilité d’une défaite de Trump, tout ça pour autant que Kamala Harris soit bien intronisée candidate par les Démocrates. Quand on pense que ça voudrait dire que l’investisseur d’hier se serait posé à son desk lundi matin et se serait dit :
« Tiens, si j’achetais des Magnificent Seven, de l’énergie verte, des Rivians et des Tesla ? Non parce que si l’on part du principe que Kamala a plus de chance de battre Donald que Joe en avait et que « SI » Kamala devient Présidente, ça sera bon pour l’écologie, l’énergie verte et les voitures électriques sans compter que les Magnificent Seven seront intouchables dans tous les cas et qu’ils ont la croissance et les revenus garantis pour les siècles à venir. Et puis, le scénario KAMALA est plausible, il suffit qu’elle soit intronisée candidate le 19 août, puis qu’elle renverse tous les sondages et qu’elle ne se fasse pas tirer dessus et le tour est joué ! Allez, ce matin je me lance comme ça… on verra bien ce que ça donne dans quatre mois !!! »
Rien qu’à l’idée que quelqu’un ait pu réfléchir à ça hier matin entre café et donuts, me donne mal au crâne et je préfère nettement me dire que ceux qui ont regardé la tech tomber la semaine dernière sont venus la racheter en se disant que fondamentalement, ils se foutaient pas mal de savoir qui serait le locataire de la Maison Blanche, parce que depuis bien des années, les politiques se sont tous appliqués à démontrer qu’ils sont tous des clowns, peu importe que le courant soit de droite, de gauche ou du milieu. Bref, hier on a acheté la tech parce que c’était « pas cher » et que, si ça se trouve, les chiffres du trimestre qui vont nous tomber dessus dans les jours à venir, seront trop trop trop bons.
En Asie et ailleurs
Oui, oui, je sais ma réflexion du matin est un peu complexe et torturée, mais c’est pas moi qui ai commencé. Ça fait des mois que le marché est bipolaire avec la vision à long terme d’une éphémère et la mémoire d’un poisson rouge. Alors commencer à prendre des positions sous prétexte qu’un type aux cheveux orange ou qu’une Vice-Présidente que personne n’apprécie vraiment sera ou ne sera pas Président, le tout 4 mois avant une élection, tout en sachant qu’entre deux il y a encore deux meetings de la FED, la réunion de Jackson Hole, 4 fois les Non-Farm Payrolles, 4 fois le CPI, quatre fois le PPI et quatre fois le PCE, je crois que c’est au-dessus de mes forces. À moins d’avoir fait une formation complète en astrologie ou d’avoir la De Lorean de Retour vers le Futur à disposition pendant un week-end. Toujours est-il qu’hier nous avons montré encore une fois que nos capacités de réflexions et de visionnaires anticipateurs sont toujours au top. Ce matin le Japon et les autres marchés asiatiques ont tenté le rebond au début de la séance, alors que vous étiez tous encore en train de dormir OU de rentrer de boîte, mais depuis on s’est bien dégonflé et là aussi, on parle de rebond technologique et d’incertitudes politiques américaines. Actuellement, Tokyo est en baisse de 0.08% et si les Japonais terminent la journée en baisse, ça sera la cinquième baisse d’affilée. Hong Kong recul de 0.10% et la Chine abandonne 0.6%. Pour le reste : le pétrole est à 78.41$ et ne fait absolument rien, tout comme l’or qui est à 2’399$ pendant que le Bitcoin est à 67’600$.
Pour ce qui est « du reste », on notera que Crowdstrike continuait de se faire défoncer durant la séance d’hier. La gigantesque panne informatique de l’autre jour continue de peser sur certaines entreprises, comme les compagnies aériennes et les vendeurs sont encore très présents. Cependant, il faudra se souvenir qu’hier Madame Cathie Wood est venu racheter des Crowdstrike pour son fond Ark Invest. Il est vrai que le titre est en baisse de 34% sur une semaine et qu’il ressemble plus à un couteau qui tombe qu’à autre chose, mais à un moment, le jour où ça va rebondir, ça pourrait aller super-vite aussi. Du côté des chiffres trimestriels, SAP a sorti de bons chiffres avec une guidance en ligne avec les attentes, le titre prenait 4.5% after close et l’ouverture devrait se faire en hausse en Allemagne ce matin. Par contre, chez Verizon on a publié des chiffres légèrement en-dessous des attentes parce que les Américains gardent leurs téléphones plus longtemps et que le taux de renouvellement est en baisse. On peut donc en tirer deux théories avec des résultats différents : les téléphones sont plus solides qu’avant. Ou alors les clients dépensent moins parce qu’ils n’ont plus de fric. Dans la première suggestion, c’est pas bon pour les fabricants de téléphones, parce que c’est TROP SOLIDE et on vend moins. Et dans la seconde, c’est l’état de l’économie qui me fait peur… Toujours au chapitre des chiffres du trimestre et pour vous prouver que pour monter after close, il faut vraiment faire tout juste ; NXP Semiconductors a publié des chiffres en accord avec les attentes, mais avec une guidance qualifiée de « timide ». Le titre perdait 8% after close…
Pour le reste
Dans les news du matin qu’il faudra retenir ; Kamala Harris promet un futur brillant si on vote pour elle. C’est surprenant. Dans la foulée, Pelosi vient de lui donner son vote – c’est bon, elle est candidate « presque » officielle. Google et WIZ ont décidé de renoncer au rachat de l’un par l’autre. WIZ – actif dans la cybersécurité – va poursuivre son chemin pour son IPO. Un deal de 23 milliards qui s’envole, mais qui fait tout de même prendre conscience que la Cybersécurité est un enjeu majeur – ENFIN, QUAND ça FONCTIONNE, n’est-ce pas Crowdstrike ? Il y a aussi Korean Airlines qui vient de commander 40 Boeing – 20 787 Dreamliners et 20 777x qui doit encore être certifié par la FAA. C’est un vote confiance pour Boeing – un truc que l’on n’avait plus vu depuis longtemps. Reste plus qu’à faire voler le 777 et qu’il se pose avec toutes ses portes. Les ETF’s Ethereum commencent à traiter aujourd’hui, certains disent déjà que l’Ether peut monter de 90%. Nvidia est en train de développer une puce dédiée à l’IA qui devrait pouvoir s’exporter en Chine, puisqu’elle correspond à tous les critères mis en place par Washington. Je me demande ce que ça peut bien vouloir dire ? Est-ce que la puce dédiée à l’IA est moins intelligente en Chine ou alors est-ce qu’elle ne parle pas mandarin et le temps d’apprendre la langue elle sera obsolète ? Je m’interroge. Autrement, Porsche a revu ses prévisions à la baisse pour l’ensemble de 2024. Ils expliquent qu’une pénurie de pièces en aluminium pourrait l’obliger à interrompre la production de certains modèles. Comme Airbus.. Ils ont qu’à les faire en carbone leurs 911 !!!
En France, il y a Macron qui demande « une trêve politique » pendant les JO’s. Comme si le pays n’était pas encore assez bloqué comme ça, en plus il faut laisser le temps aux Ministres d’utiliser leurs tickets gratuits pour aller voir les qualifications du judo et les finales du ping-pong. Et puis, on parle toujours de rotation de secteurs, le Russell 2000 a l’attention de tous, le méga-bull de Wall Street, Tom Lee pense que l’ETF IWN – qui réplique le Russell 2000 – vaudra 300$ avant la fin de l’année. Vous prenez un peu de ça et de l’Ether qui va monter de 90% et la fin d’année sera belle. Pour ce qui est des chiffres du jour, c’est un peu mince du côté macro, puisque nous n’aurons que les ventes de maisons existantes. En revanche, ça sera bien plus spectaculaire côté chiffres trimestriels.
En Suisse nous aurons Kuehne Nagel, Lindt & Spruengli, Logitech et Temenos, en France il y aura Dassault, Alstom, Thales et LVMH, qui publiera ce soir. Aux USA, avant l’ouverture nous aurons Spotify, UPS, GE, GM, Coca-Cola et Philip Morris. Puis après la clôture, ça va commencer à chauffer avec Google, Tesla, Enphase, Visa et Texas Instruments. Il y aura aussi Chubb et Seagate. Nous allons avoir une vraie idée de l’état du marché ! Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.14% et je ne veux même pas savoir quelle théorie on va nous sortir pour justifier la séance de ce jour, sinon je vais devoir reprendre un Alka-Selzer.
Passez une excellente journée et je vous retrouve demain pour parler de Google et de Tesla qui vont monter parce que Kamala, elle est quand même trop cool.
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
“You make most of your money in a bear market, you just don’t realize it at the time.” Shelby Cullom Davis