Vous pouvez prendre l’ensemble des médias financiers, vous pouvez les retourner dans tous les sens et chercher LA NOUVELLE qui peut être intéressante, la SEULE qui va ressortir, le SEUL sujet qui semble obséder la presse financière depuis une douzaine d’heures, c’est le sujet de la FED qui a baissé les taux de 0.25%, mais qui a fait KRACHER le marché quand même. Alors oui, je sais un KRACH, ça n’est pas 3% de baisse en une séance. Mais quand vous avez des indices qui ne veulent plus baisser depuis 5 mois, 3%, c’est presque un KRACH. La question que tout le monde se pose ce matin est la suivante : « Bon alors, on rachète quand ? »

L’Audio du 19 décembre 2024

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La FED et puis la FED…

Hier soir la FED a décidé de baisser les taux de 25 basis point. Grosso modo 97% des EXPERTS en finance et en économie attendaient cette baisse. La surprise était nulle et la FED a fait plus ou moins ce que « le marché » voulait qu’elle fasse. Jusque-là, tout semblait se passer pour le mieux et il n’y avait rien d’autre à dire ou à faire si ce n’est de retourner vaquer à nos occupations. OUI, mais après la baisse des taux annoncée, il y a le communiqué de presse de la FED et il y a Powell qui vient se justifier et expliquer ce qui s’est passé. Et c’est là que tout est parti en vrille. Qu’on a glissé sur la savonnette et que l’on a remis toutes nos convictions en question et oublié le fait que le Trump le Messie viendrait multiplier les pains à la fin du mois de janvier.

Depuis la « panique » du Carry Trade du mois d’août, le marché n’avait plus paniqué de la sorte. Depuis la panique du Carry Trade, nous n’avions plus vu la volatilité exploser à une vitesse pareille. Hier soir, l’indicateur de la peur, a pris près de 80% en quelques minutes. On peut supposer que le fait que les Américains soient « all-in » sur les actions américaines et que le niveau de « bullishness » n’ait jamais été aussi élevé dans l’histoire, soient des raisons valables pour la violence du sell-off d’hier soir. Alors il va falloir savoir raison garder, car même si le Dow Jones a perdu 1123 points pour sa DIXIÈME séance de baisse consécutive (chose qui nous n’avions plus vue depuis CINQUANTE ans – enfin, en ce qui me concerne, je ne l’avais même jamais vu !), même si le S&P500 était en baisse de 2.95% et que le Nasdaq plongeait de 3.56%, nous ne sommes pas encore en Bear Market et lorsque l’on regarde le comportement des Magnificent Seven, on se rend compte que ça a fait mal, mais que ça n’est pas encore la fin du monde.

Apple est revenu à son niveau d’il y a deux jours, tout comme Tesla. Google a perdu une semaine de trading, Microsoft, Meta et Amazon sont de retour deux semaines en arrière et Nvidia, c’est un peu plus dur, mais ils sont de retour sur les cours d’il y a un mois. Les performances de l’année sont encore largement sauves et on ne va pas perdre tout espoir immédiatement. D’ailleurs ce matin les futures sont en hausse – de 0.10% – mais en hausse quand même et Nvidia reprenait déjà 2% after close. Mais alors que la FED a fait EXACTEMENT ce que l’on attendait d’elle ; pourquoi est-ce que le marché s’est fait défoncer de la sorte ? Eh bien c’est finalement assez simple et ça tient en une phrase : « Aujourd’hui, la décision a été plus difficile à prendre, mais nous avons décidé que c’était la bonne ».

Le retour du faucon ET DE L’INFLATION !

Hier soir, durant la conférence de presse, Jerome Powell a donc déclaré que la décision avait été plus difficile à prendre, mais qu’ils avaient décidé que c’était la bonne. Pas besoin de maitriser la sémantique pour comprendre que lorsqu’il parle de « décision difficile à prendre », il parle de BAISSER LES TAUX. Et s’il a trouvé que ça n’était pas ÉVIDENT de baisser les taux, c’est que potentiellement, il aurait aussi bien pu ne pas le faire et laisser les taux directeurs inchangés pour le reste de l’année. Mais finalement, ils ont donc quand même décidé de le faire histoire de ne pas gâcher les fêtes de fin d’année.

La décision a donc été prise en leur âme et conscience, mais il y avait quand même une dissidente, puisque Beth Hammack, présidente de la FED de Cleveland est restée sur ses appuis et insistait pour ne rien faire. Et si la phrase : « Aujourd’hui, la décision a été plus difficile à prendre, mais nous avons décidé que c’était la bonne » a marqué le début de la hausse de la volatilité et l’arrivée des vendeurs en masse sur le marché, c’est l’analyse de la conférence de presse qui fournit le carburant pour achever la pire journée de baisse depuis le mois d’août, jour maudit où l’on a bien cru que le Japon allait remonter les taux et flinguer la poule aux œufs d’or du Carry Trade.

Le poids des mots, mais sans les photos

Si l’on reprend les choses une à une, on se rendra compte que oui, la FED a réduit ses taux de 25 points de base pour un total de 100 points de base en 2024. Mais qu’en revanche, il y avait un membre de la FED qui n’était pas d’accord, que la FED a réduit ses prévisions de baisses des taux en 2025 – le fameux DOT-PLOT chart – dorénavant, alors que la FED avait prévu de baisser les taux TROIS FOIS l’an prochain, nous ne serons plus que sur un objectif de DEUX (pour un montant de 50 points de base). Et encore, ça c’est si TOUT SE PASSE BIEN. Il y a déjà des sondages qui ont été publiés hier soir qui laissent supposer que 20% du marché s’attend carrément à une HAUSSE des taux en 2025.

Sondage qui part à la hausse surtout parce que la FED a révisé à la hausse ses prévisions d’inflation pour 2025 de 2.1% à 2.5%. Ce que signifie que Powell et ses amis ne croient plus à l’objectif de 2% sur l’inflation ou que cela prendra bien plus de temps et qu’il faudra attendre 2026. Et encore, c’est même pas sûr. Dans le package des mots d’hier soir, on notera aussi que la FED s’attend à une hausse du chômage pour l’an prochain – puisque le taux de sans-emploi devrait passer à 4.3%, d’ailleurs Powell a déclaré à demi-mots que s’ils avaient baissé les taux cette fois, c’était JUSTEMENT pour stimuler marché de l’emploi ! Le même marché de l’emploi qui était qualifié de solide lors du dernier meeting. En résumé, la FED est en train de montrer ses sentiments au monde entier et c’est pas super-super en ce qui concerne leur vision de l’économie pour l’an prochain. Sans compter qu’un des membres de la FED pense carrément qu’il y aura zéro baisse de taux en 2025. Ça sent quand même le virage à 180 degrés genre Fast & Furious, épisode 74.

Bref, on s’est pris une claque et du coup, on doute…

Faire le bilan de la séance d’hier est donc assez simple ; ça fait des mois que l’on refuse de voir que l’économie va mal et que l’inflation revient petit à petit. Des mois que la FED tente de cacher la poussière sous le tapis, mais à la fin ça a quand même fini par se voir et les marchés l’ont sanctionné. Maintenant, il va falloir que l’on se mette d’accord pour savoir si dorénavant ces « mauvaises nouvelles » sont déjà dans les prix ou si l’on n’a pas encore pris toute la mesure des déclarations d’hier soir. Lors des prochaines heures, les EXPERTS en finance que nous sommes, allons tout reprendre à zéro et essayer de voir si ce qui s’est passé hier n’est qu’un évènement isolé et que c’est en fait l’opportunité d’achat de l’année, puisque l’on sait que – statistiquement – le marché monte (presque) toujours entre Noël et Nouvel An et que la FED a juste fait une crise de conscience avant les cadeaux. Ou s’il y a quelque chose de plus grave qui nous attend.

Ce qui est phénoménal, c’est qu’hier Powell s’est contenté de commenter ce que l’on savait déjà – la hausse de l’inflation, on en a parlé dans cette chronique, elle n’est pas tombée hier soir ! Tout comme le marché de l’emploi qui est au fond du trou n’est pas LA NOUVELLE qui vient de tomber sur les téléscripteurs. Non, hier soir c’était comme un « wake-up call », comme si tout le monde réalisait qu’en fait nous étions au pays des Bisounours depuis 12 mois et que là tout de suite, on venait de comprendre que l’eau ça mouille et que le feu ça brûle et que même si un tigre du bengale, ça ressemble à une peluche, si tu vas essayer de le gratter derrière les oreilles, c’est probablement le dernier truc que tu gratteras de ta vie. Hier soir le discours de Powell c’était : « et la lumière fût »… Reste à voir comment on va gérer le light show ces prochains jours, puisque je suis déjà tombé sur un article qui mentionne la probabilité d’une stagflation et un autre qui mentionne que les « EXPERTS à WALL STREET » sont déjà en train de réviser leurs attentes au sujet des baisses de taux à venir. Des visionnaires, encore une fois.

Stagflation

Pour ceux qui ont un doute, la STAGFLATION c’est quand l’économie fait du surplace pendant que les prix s’emballent. Un peu comme être coincé dans un embouteillage avec le chauffage à fond : on n’avance pas, mais ça chauffe quand même. En gros, une croissance molle et les prix montent. Pas vraiment de quoi faire plaisir aux investisseurs, puisque si l’on se base sur le passé, les périodes de stagflation nous ramènent aux chocs pétroliers de 73 et 79, puis au début des années 80 et en 2020 où nous l’avions frôlée après le COVID. Je vous laisse vous plonger dans les charts si ça vous dit, mais disons que dans ce genre de période de merde, les taux ont tendance à prendre l’ascenseur de manière très déplaisante.

Le reste de ce que l’on peut dire

Ce matin, sans surprise, les marchés asiatiques sont tous dans le rouge dans le sillage de la FED. Le Japon est en baisse de 0.5%, Hong Kong de 1% et la Chine de 0.8%. Les rumeurs de possible fusion entre Honda et Nissan ne suffisent pas à inverser la tendance. Honda est en baisse de 1.4% et Nissan monte de 6% et Renault qui ne sait pas encore trop ce qu’ils vont faire là-dedans, a déjà pris plus de 5% hier à Paris. Le Japon avait ouvert plus bas, mais a récupéré un peu de terrain après que la Banque centrale du Japon ait maintenu ses taux d’intérêt inchangés, ce qui signale une plus grande prudence quant aux perspectives économiques du Japon et à l’évolution de l’inflation. La banque centrale a déclaré qu’elle s’attendait à ce que l’inflation reparte en 2025 et reste proche de son objectif annuel de 2 %. Pour le reste, le WTI est à 69.48$, l’or est à 2’622$ et le Bitcoin – que l’on considère dorénavant comme « indicateur » de l’appétit au risque, vient de se prendre une tôle, puisqu’après avoir tapé au-dessus des 108’000$ mardi, ce matin il était de retour à 98’000$ et là tout de suite, nous sommes à 101’360$.

Du côté des nouvelles du jour, on notera qu’hier soir tard, Micron a publié ses chiffres trimestriels. À priori personne ne s’en est occupé parce qu’il fallait gérer Powell, mais Micron a complètement foiré ses prévisions pour le dernier trimestre, ce qui pourrait alimenter les craintes concernant la dynamique à court terme du marché des mémoires. Le CFO a déclaré que : « Les conditions du marché de l’industrie de la NAND sont faibles, plus faibles que ce que nous avions prévu. Dans le même temps, la demande dans les segments des PC, des smartphones et des autres produits de consommation est également plus faible et « des ajustements de stocks sont en cours ». En conclusion, Micron prévoit un bénéfice entre 1.33$ et 1.53$ par action, ce qui est NETTEMENT inférieur au consensus qui était de 1.91$. Micron se faisait littéralement massacrer after close. Le titre perdait 16%. Et puis, on notera que la société chinoise TuSimple qui tente de se développer dans les camions à conduite autonome a changé de nom pour devenir CreateAI, en expliquant qu’ils voulaient se lancer dans les jeux vidéo. Ils prévoient que l’entreprise atteindra le seuil de rentabilité en 2026. On se souvient aussi des boîtes qui changeaient de nom pour mettre des « point.com » à la fin et des autres boîtes qui faisaient du thé froid et qui ont mis le mot crypto dans leur nom. Ça finit généralement très très bien. Et puis, pour terminer cette avant-dernière chronique de l’année, on vient d’apprendre que la Nouvelle-Zélande vient de tomber en récession.

Les chiffres

En conclusion, hier la FED avait l’air moins sûr d’elle et l’inflation semble quand même être un problème qui fait son retour. Tant qu’elle est sous contrôle et transitoire, ça devrait bien se passer, sinon va falloir rappeler Paul Volcker pour lui régler son compte. Ah ben non, il est mort en 2019… Ben va falloir lire ou demander à ChatGPT ce qu’il en pense.

Aujourd’hui nous aurons le climat de consommation en Allemagne et le Philly FED aux USA et il ne restera plus qu’à attendre le PCE de demain pour boucler l’année sur une note positive. Ou pas. Pour le reste, je vous souhaite une excellente journée, que la force soit avec vous et on se voit demain pour la dernière de 2024 !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

« The only thing useful banks have invented in 20 years is the ATM. »

Paul Volcker