Alors vous je ne sais pas, mais moi quand j’ai commencé dans ce métier, il y avait plusieurs catégories de « clients » ou, autrement dit, d’investisseurs. Ceux qui faisait du court terme et qui ne pensait qu’à gagner vite de l’argent et à le dépenser encore plus vite. Ceux qui faisaient du moyen terme : ils achetaient pour quelques mois, histoire de surfer la tendance et puis ceux qui faisaient du « long terme ». Les afficionados de Warren Buffet ou les mecs qui géraient le fonds de l’AVS. Et bien toute cette époque semble bien terminée parce que depuis quelques temps, j’ai l’impression que jamais nous avons vécu autant le nez dans le guidon et tout le monde est trader.

L’Audio du 26 mars 2025

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Tout va trop vite

Je ne sais pas si c’est à cause de la technologie qui va plus vite et que – du coup – plus personne ne veut garder des positions trop longtemps puisqu’il y a toujours une nouvelle plus importante qui VA TOUT CHANGER qui va sortir demain et plus personne ne veut prendre des risques pour essayer de voir au-delà. Aujourd’hui, nous ne sommes même plus capables de voir plus loin que le prochain chiffre économique et une fois qu’on l’a reçu, ce chiffre économique, on passe direct au suivant. C’est un peu l’articulation de la séance d’hier.

Nous avons d’abord commencé la séance avec le chiffre qui a surpris tout le monde en Allemagne : l’IFO. Pour ceux qui ont oublié ce qu’est l’IFO, c’est un sondage bidon qui nous crache un chiffre qui est censé mesurer le moral des entrepreneurs allemands. Et ce mois, Ô surprise, le chiffre était excellent. Vous entendrez sûrement un soupçon d’ironie dans ma voix et vous n’aurez pas tort. Non, je dis ça parce qu’en lisant la presse de ce matin, le journaliste donnait l’impression d’être surpris par la « bonne facture » de ce chiffre. Pourtant il n’y avait vraiment pas de quoi être surpris, puisqu’il y a trois jours, l’Allemagne a validé un plan de relance économique de plus de 500 milliards. Alors si vous êtes entrepreneur, vous avouerez qu’il y aurait quand fallu être très exigeant pour ne pas avoir le moral qui remonte après la signature de ce chèque en blanc et ce, surtout si vous êtes dans l’armement.

La confiance en berne

L’annonce de l’IFO qui est sortie à 86.7 contre 85.3 le mois dernier aura permis à l’Europe de terminer dans le vert. Ça plus le fait que l’on est toujours en train de se convaincre comme quoi les tarifs douaniers de Trump qui seront annoncé le 2 avril seraient plus « ciblés » qu’on le pense et que, si ça se trouve, ça va bien se passer. Finalement avec un chiffre qui laisse à penser que les Allemands sont optimistes – depuis que tout le monde est super content qu’on les laisse se réarmer – ainsi que cet optimisme exacerbé sur les tarifs de Trump, aura tout de même permis au Dax et au CAC de terminer dans le vert. Enfin surtout au DAX, parce que le CAC – quand tu fais une clôture avec une variation de 0.00% sur la séance de la veille, t’as quand même pas le droit de dire que t’as terminé en hausse.

Et puis finalement nous avons eu droit au chiffre de la confiance du consommateur américain. Alors je ne vais pas vous mentir, mais c’était franchement pas terrible et il n’y a pas de quoi se relever la nuit – même si les indices terminent quand même en hausse. Les consommateurs américains sont donc en train de perdre le sourire et de trouver tout ce qui se passe, beaucoup moins drôle. Et c’est pas juste parce que McDo a augmenté le prix du Big Mac. Non. La confiance du consommateur vient de se vautrer de 7,2 points pour atterrir à 92,9. Plus bas que le moral de l’équipe suisse de foot après une Coupe du Monde. C’est simple : on n’avait pas vu ça depuis janvier 2021. Et surtout, les attentes pour les six prochains mois ? En chute libre à 65,2. Du jamais vu depuis 12 ans. Merci qui ? Merci l’incertitude, l’inflation, et… merci Donald, bien sûr. N’oublions pas non plus que ça fait 4 mois que ça baisse et qu’il n’y a pas le moindre signe de renversement à l’horizon. Alors oui bien sûr, ça n’est pas un chiffre calculé et compilé, puisque ça ne reste qu’un sondage et qu’on connait la valeur d’un sondage – puisqu’hier encore on apprenait que les Français ont de plus en plus confiance en Macron, ce qui prouve bien que c’est plus de la science-fiction qu’autre chose.

Le moral dans les chaussettes

En tous les cas, si l’on croit ce que l’on entend, pendant que Trump continue de balancer des tarifs douaniers à 200% comme d’autres balancent des punchlines sur X, les ménages américains, eux, commencent sérieusement à flipper. Inflation qui s’incruste, récession qui rôde, et une sensation globale que tout ça commence à sentir la « stagflation » — ce délicieux cocktail des années 70, un doux mélange de croissance en berne et prix qui flambent. Juste de quoi faire péter le Dom Pérignon avec 200% de taxes à l’entrée de New York. Côté politique, c’est toujours la valse à trois temps. Voir plus de temps que trois : un jour on taxe le Mexique, le lendemain on fait marche arrière. Puis on menace l’Europe sur le vin et la vodka, histoire de bien s’assurer que personne ne comprenne plus rien. Résultat ? Les entreprises s’arrachent les cheveux, les investisseurs se rongent les ongles, et le consommateur regarde son portefeuille en se demandant s’il aura encore assez pour faire du shopping à Thanksgiving.

Cependant, le conseiller économique de Trump, Stephen Miran, reste plutôt relax. Il estime que – je cite : « c’est plus politique qu’autre chose, il ne faut pas paniquer ». OK Stephen, mais pendant ce temps-là, la Fed commence à se dire qu’il va peut-être falloir sortir les rames. Le marché de l’emploi est encore le dernier qui fait son job correctement (merci encore les 4,1% de chômage), mais pour combien de temps ? Jusqu’à vendredi prochain ???
Bref, les Américains doutent, les prix montent, et la boussole économique donne des signes de bug. Et tout ça avant même que les vraies conséquences des politiques Trump se fassent sentir. Accrochez-vous à vos caddies, il risque de faire chaud ailleurs que dans les maillots cet été.

Pas bon le chiffre

Vous l’aurez compris la confiance n’est pas bonne. Mais comme dans tout malheur, il y a toujours un truc de bon qui sort, hier il y a quand même deux ou trois intervenants qui ont trouvé l’énergie d’acheter à la clôture, parce qu’on s’est dit que si la confiance n’est pas bonne, la FED pourrait se décontracter et se décider à nous aider. Ce qui paraît assez logique. Mais pour que Powell se décide à donner un coup de main, il va tout d’abord falloir que l’inflation montre qu’ELLE aussi, est en train de se calmer.

Vous voyez comment c’est facile de trouver notre nouvelle piste de réflexion pour le reste de la semaine ? Parce que là tout de suite, je peux vous dire que tout le monde va se ruer à l’église la plus proche pour aller mettre un cierge pour que les chiffres du PCE de vendredi sortent plus faibles, histoire de pouvoir se dire qu’on la tient cette nouvelle baisse des taux pour le mois de mai !!!

L’Asie compte sur les tarifs

Je ne sais pas si vous vous souvenez de ce qui nous permettait d’être OPTIMISTES hier. Si jamais vous avez oublié, ben c’était simplement le fait que l’on supposait que Trump n’allait pas être aussi méchant que ça sur les tarifs qu’il va annoncer le 2 avril et que finalement ça allait bien se passer. Sauf que l’on ne sait toujours pas si c’est de la spéculation ou s’il y a vraiment quelqu’un là derrière qui sait quelque chose. En gros oui, c’est de la spéculation. Du coup, ce matin en Asie on reprend le même thème puisque c’est pour ça que le Nikkei est en hausse de 1% et qu’Hong Kong sympathise à coup de 0.2%, pendant que la Chine ne fait rien. Oui, je le reconnais ; on n’est quand même pas super-convaincus pour ne monter « que » de ça. Mais il faut quand même bien avoir un peu de narratif pour vous maintenir éveillé, parce que de mon côté, c’est pas simple (de rester éveillé). Au passage, on retiendra aussi que l’Australie a publié des chiffres de l’inflation qui sont plus faibles que prévu, du coup tout explose là-bas, en se basant sur le fait que la banque centrale allait baisser les taux. Comme quoi, l’investisseur est assez basic dans ses réflexions. Inflation en baisse, taux qui baissent. Emploi qui traîne la patte, taux qui baissent. Vous connaissez l’équation.

Du côté du baril, on se bat toujours avec les 69$, l’or est toujours à 3’050$ et le Bitcoin se traite à 87’500$. Dans les nouvelles du jour qu’il faudra retenir, on notera quand même que l’ombre d’une récession américaine s’allonge et assombrit les perspectives des consommateurs et des CFO aussi – en tous les cas si l’on en croit diverses enquêtes de suivi du climat économique qui ont été fait durant le mois de mars.. Environ 60 % des CFO’s s’attendent à une récession aux États-Unis au cours du second semestre, selon une enquête de CNBC et autre. Une autre en provenance de la Deutsche Bank révèle que la probabilité d’un ralentissement de la croissance au cours des 12 prochains mois est d’environ 43 %, si l’on en croit l’opinion moyenne de 400 personnes interrogées au cours de la période du 17 au 20 mars. Bon. 400 personnes sur 360 millions d’habitants – y a que moi qui trouve ça louche ?

Mais encore

Du côté de chez GameStop on a annoncé l’intention d’acheter des bitcoins et des stablecoins libellés en dollars américains par le biais de liquidités ou d’émissions futures de titres de créance et d’actions. GameStop suivra donc les traces de Strategy. Cette annonce qui était quand même partiellement attendue après que le CEO de GameStop se soit affiché partout sur les réseaux avec le patron de Strategy permettait quand même au titre de monter de 7% after close. Il y a aussi les États-Unis qui ont ajouté des dizaines d’entreprises technologiques chinoises à leur liste noire des exportations, alors qu’ils redoublent d’efforts pour freiner les capacités de Pékin en matière d’intelligence artificielle.

Autrement il y a SAP qui est devenue la plus grosse compagnie européenne en passant devant Novo Nordisk (forcément, à force de maigrir). CrowdStrike grimpait de 3,3 % après un upgrade de la société de cybersécurité de Neutre à Achat et un target à 431 $. La société enregistrera probablement plus de revenus que Wall Street ne le prévoit, selon l’analyste qui insistait également sur le fait que la « FAMEUSE PANNE » était maintenant largement derrière nous. Toujours au chapitre des Upgrades, on a Cloudflare qui a été doublement upgradé par Bank of America, qui l’a fait passer de « Underperform » à « Buy ». Les analystes ont également relevé leur objectif de prix de 60 à 160 dollars.

Les chiffre du matin

Côté chiffres économiques, nous aurons le PIB en Espagne, le nombre de chômeurs en France, les Durables Goods aux USA, ainsi que les inventaires pétroliers. Pour le moment, les futures sont proches de l’équilibre et je ne vais pas vous mentir : tout le monde attend les chiffres de PCE de vendredi et moi je suis terrorisé, parce que je ne sais vraiment pas de quoi je vais parler demain ! Pourvu qu’il se passe un truc ! Pourvu que Trump parle !!!

En attendant, très bonne journée à tous et on se voit demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“To get rich, you have to be making money while you’re asleep.” ― David Bailey