Le Dow Jones vient d’aligner sa sixième séance de hausse consécutive. Les investisseurs attendent toujours d’en savoir plus sur les tarifs douaniers et hier, Lutnick a laissé entendre qu’il avait signé le premier « deal » avec un pays. On ne sait pas encore qui c’est – même si les rumeurs parlent de l’Inde – mais peu importe, ça aura suffi pour pousser les indices à la hausse dans les dernières heures de la séance d’hier. Pour le reste, la volatilité repasse sous les 25%, la peur se dissipe et l’intérêt pour les marchés aussi. Pour le moment nous sommes en attente du « Super-Mercredi » qui est censé tout changer et qui va probablement rester, un mercredi comme les autres.
L’Audio du 30 avril 2025
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Encore une journée d’attente
Pour être franc, la séance d’hier n’a pas été extraordinaire et même s’il y avait pas mal de choses à surveiller, nous avons passé plus ou moins toute la séance à attendre « le chiffre » qui nous ferait vibrer. Ou alors l’annonce qui pourrait faire que les choses s’exciteraient à nouveau. Au-delà de l’annonce tronquée et peu claire de Lutnick et du discours de Trump sur ses 100 jours, nous ne sommes pas forcément plus avancés qu’avant. Les indices européens terminaient en ordre dispersé et le mot qui ressortait le plus était : ATTENDRE. Les seuls chiffres économiques qui sont sortis hier démontraient encore une fois que la confiance du consommateur était en danger, mais heureusement, c’était moins pire que l’on pouvait le craindre. Aux Etats-Unis le chiffre était plus bas que les attentes, mais de peu, ce qui semblait rassurer le marché. En Europe c’était pareil, le chiffre allemand est sorti « moins pire » que les attentes et c’était bien. Nous avons aussi eu droit aux JOLTS. Là aussi, on attendait 7.49 millions d’offres d’emplois et c’est sorti 300’000 en-dessous. Pas grave, on s’en contentera.
Oui parce qu’encore une fois, nous avons mis en place notre stratégie qui nous permet de ne plus paniquer. Cette fameuse stratégie que l’on qualifiera de multiples attentes et qui nous permet de relativiser n’importe quel chiffre, peu importe s’il est pourri ou pas. Prenons le cas des JOLTS d’hier. Le marché annonce officiellement que le consensus des économistes qui ont été sondés est de 7.49 millions d’offres d’emploi. Ça sort 300’000 en-dessous. Mais c’est pas grave. C’est pas grave, parce qu’en fait – lorsque tu poses une question à un économiste, il ne te donne jamais la vraie réponse. Il te donne la réponse officielle, tout en sachant qu’au fond de lui il a une autre attente qui n’est pas la même. Ça peut paraître complètement con, mais en fait il y a une logique : ça leur permet de dire qu’en fait il ne se sont pas « trompés » sur leurs prévisions, ils ont juste donné un autre chiffre alors qu’ils gardaient leur chiffre secret pour eux…
C’est débile, je sais…
Ce que je suis en train de vous raconter peut sembler débile – et d’une certaine manière, ça l’est – mais c’est le jeu. Aujourd’hui, vous avez le consensus – le truc qui est publié dans les médias et que nous, pauvres mortels, utilisons pour mesurer la qualité d’un chiffre économique et/ou trimestriel. Et puis vous avez « l’autre consensus » que l’on ne communique pas et qui sert de soupape de sécurité. Comme sur les JOLTS, le chiffre est sorti en-dessous des attentes, mais bon, les « vraies attentes » étaient de toutes manières bien plus bas, c’est finalement donc « moins pire » et c’est bien agréable de pouvoir compter sur un chiffre bidon que personne ne connaît pour se rassurer et se dire que l’emploi, finalement, c’est pas si moche et que la confiance est pourrie, mais ça aurait pu être pire !
Finalement, après ce concours magistral d’interprétation de chiffres économiques, les intervenants se sont dit qu’il suffisait peut-être simplement d’attendre demain. Et comme demain, c’est aujourd’hui, ça ne fait pas très longtemps à attendre. Donc du coup, on s’est concentré sur les chiffres du trimestre qui étaient publiés hier et sans rentrer dans les détails, on peut retenir une chose de la séance, c’est que l’on peut classer les sociétés qui publient dans deux catégories différentes :
– Celles qui ont une vision de l’avenir ou qui peuvent oser dire que le problème des tarifs est tout à fait gérable
– Et qui celles qui n’ont aucune visibilité sur l’avenir et qui sont dans un putain de brouillard super épais que tu ne croises qu’une fois dans ta vie et qui te donne l’impression que t’es dans un film de science-fiction
Vous vous en doutez, la majorité sont dans la seconde catégorie et dans la première catégorie, on a Coca-Cola qui sort des bons chiffres et qui déclare que l’avenir est parfaitement gérable. Après on a UPS qui sont dans un tunnel, qui annoncent une baisse du chiffre d’affaires et qui ressentent violemment les effets des droits de douane et qui en profitent pour virer 20’000 personnes. Ou encore Snap qui ne savent pas où ils vont mais qui pensent que le chemin sera long et compliqué, ou encore Super-Micro qui sont plus ou moins dans la même situation et qui ont un gros client qui est en train de les laisser tomber. Un gros client qui pourrait s’appeler Nvidia. Les deux titres étaient en chute libre after close. En résumé, lorsque l’on se penche sur les trimestriels, il y a à boire et à manger, comme d’habitude. La visibilité est merdique, l’avenir n’est pas simple et tout sera beaucoup plus simple lorsque l’on en saura plus sur ces tarifs qui commencent à nous pomper l’air…
Le 101ème jour
Vous l’aurez compris, tout le monde attend de voir ce qui va se passer AUJOURD’HUI, parce qu’il semblerait que comme on a appelé ce mercredi, le SUPER-MERCREDI, demain matin on devrait être dans un autre monde. Vous savez, c’est un peu comme à chaque fois qu’on attend la publication d’un chiffre sur l’inflation ou sur l’emploi ; on se dit : « Cette fois après ce chiffre, on y verra VRAIMENT plus clair !!! ». Et puis, quand le chiffre sorti, on se rend compte que c’est du pipeau et que ça ne change rien. Eh bien il se pourrait bien que ce mercredi soit pareil : chiant comme la pluie et un non-event notoire. Pourtant ça a déjà commencé, puisque ce matin les Chinois ont annoncé que l’économie chinoise commence à tousser — et c’est pas juste à cause du smog de Pékin.
Le chiffre est tombé ce matin :
PMI manufacturier à 49.0
Sous les 50. Donc contraction. Et en prime : c’est le niveau le plus bas depuis deux ans. Alors on pourrait faire semblant de s’étonner, mais en fait, non. Quand tu passes ta journée à te battre à coups de taxes avec les Ricains, que les usines tournent au ralenti, et que t’as Xi Jinping qui doit faire de la diplomatie tout en serrant les boulons à l’intérieur… Forcément, l’économie commence à avoir le hoquet. On a donc le premier gros warning rouge clignotant sur le tableau de bord économique mondial et qui est probablement induit par les tarifs douaniers de Donald. On se réjouit de voir tout à l’heure ce que ça a donné sur le PIB américain.
Donald en tournée
Et puis hier c’était aussi les 100 jours de Trump au pouvoir et il est allé le fêter à Détroit, il leur a annoncé que son bilan était FABULEUX – même si du point de vue boursier, c’est le pire bilan depuis Nixon, il y a 50 ans – et que l’avenir était rose du côté des impôts, même si personne ne comprend comment il va faire, mais que tout allait hyper-bien (selon TRUMP lui-même) et ce, même si tous les chiffres sont au rouge et démontrent que les Américains ne sont pas très loin de la panique. Le Président semble toujours très sûr de lui et il en a même profité pour s’en RE-PRENDRE à Powell. Comment c’était la phrase d’hier ?
Ah oui ;
“On n’est pas censé critiquer la Powell. On est censé le laisser faire ses trucs. Mais moi, je sais beaucoup mieux que lui ce qu’il faut faire avec les taux d’intérêt.”
Et il a ajouté que la FED ne faisait « vraiment pas du bon boulot ». MAIS C’EST PAS DE LA CRITIQUE ! Non le meeting politique de Trump a été absolument mythique hier parce que 100 jours, ça se fête ! Mais pas avec du champagne. Non. Avec des insultes, des menaces douanières, et un majeur tendu à Jerome Powell. Le Président était en mode rockstar et il a offert au public ce qu’il sait faire de mieux : parler pendant une heure et mettre des coups de pelle à tout ce qui bouge.
« On va faire des deals. Mais on n’est pas obligés. C’est nous qu’on a le produit. »
Traduction : si tu veux faire du business avec les US, tu vas payer un maximum, mais ça serait bien si tu le faisais avec le sourire. » et il s’est montré hyper-confiant sur les discussions avec la Chine et rien ne semble pouvoir le faire dévier de sa trajectoire. Je ne sais pas si ça a changé quelque chose pour le marché, mais au moins ça a mis un peu d’animation en attendant ce mercredi. Et puis ça a aussi démontré que le conflit avec Powell reste bien larvé et qu’on n’est pas à l’abri d’un nouveau SCUD…
En conclusion de la séance d’hier, Lutnick a fait un deal, mais on ne sait pas avec qui et de combien. Trump fait du Trump et allume Powell à la sulfateuse, tout en réitérant ses promesses de campagne sur les impôts, les chiffres des sociétés qui sont publiés sont « relativement pas trop mauvais », mais la visibilité n’est pas terrible, sauf chez Coca et Novartis et on en saura un peu plus aujourd’hui avec les chiffres du PIB US, le PCE, le Chicago PMI et les chiffres de l’emploi ADP – ce fameux jour où l’on pourrait apprendre que l’inflation est sous contrôle et pas si forte que ça, où l’on apprendrait que l’emploi ralenti et que la croissance s’est prise les pieds dans le tapis et OÙ, EN PLUS, on saura ce que pensent Meta et Microsoft de l’avenir merveilleux de la technologie et des taxes douanières. Ah oui et puis si l’on en croit le Pakistan, c’est aussi le jour où l’Inde va les attaquer, mais c’est pas grave : deux puissances nucléaires qui se foutent sur la gueule c’est toujours un « plus » pour chauffer la salle.
Et aujourd’hui alors ?
Pour le moment, les indices asiatiques semblent avoir reçu le message et ont l’air d’attendre paisiblement d’en savoir plus sur la macro américaine. Le Nikkei ne fait rien, le Hang Seng non plus, tout comme la Chine, malgré son PMI inquiétant. Le pétrole vient de réagir sur le principe que la « guerre économique » pourrait avoir une influence sur son prix et le baril est repassé juste sous les 60$. L’or est à 3’311$ et le Bitcoin se traite pas loin des 95’000$.
Pour le reste des news, vous aurez compris que nous sommes à nouveau ultra-dépendant de la macro et des tirades du Président Trump. Les marchés ne semblent plus vouloir baisser – en tous cas, tant que l’on n’envisage rien de pire que ce que l’on connaît déjà. Et pendant ce temps, on regarde tomber les chiffres trimestriels. Hier soir, Starbucks a annoncé une baisse plus forte que prévu de ses ventes avec une chute de 1 % au second trimestre, plombée par une demande en berne aux États-Unis et une stagnation en Chine.
Malgré un rebond à l’international (+2 %), le groupe voit ses marges s’effriter et ses bénéfices décevoir (41 cents contre 49 attendus). Le plan « Back to Starbucks » du PDG Brian Niccol peine à séduire une clientèle plus frileuse, dans un climat économique et politique incertain. En Suisse on doit aussi parler de Novartis. Novartis a attaqué 2025 comme un taureau sous stéroïdes : +12% de chiffre d’affaires, +23% d’EBIT, +22% de bénéfice net. Ils explosent toutes les attentes… et relèvent les objectifs pour la neuvième fois d’affilée. Les prévisions sont bonnes et l’avenir semble au beau fixe, sauf que tout le monde s’en fout et le titre ne faisait pratiquement rien sur l’annonce. Dès fois je me demande ce qu’il leur faut pour faire monter une action.
Mais encore
Et puis alors qu’UPS fait grise mine et licencie, il est toujours assez sympa de voir que Visa va plutôt pas mal. Je ne sais pas si c’est le chant du cygne ou si c’est juste que les gens ne peuvent pas s’arrêter de dépenser, mais Visa a publié un trimestre solide : +8 % de volume de paiements, +5,4 milliards de bénéfices, et un joli programme de rachat d’actions à 30 milliards — parce qu’il faut bien récompenser les actionnaires pendant que le monde flambe. Les consommateurs américains (qui n’ont pas confiance), eux, continuent de dépenser comme si l’inflation n’existait pas… sauf pour les trucs inutiles (désolé pour les vendeurs de trottinettes connectées). Mais attention quand même : les nouvelles taxes de Trump pourraient vite casser l’ambiance. Pour l’instant, Visa encaisse, Wall Street sourit, et tout le monde fait semblant que tout va bien. Mais dans les coulisses, ça sent le carton plein… juste avant le coup de massue.
On notera encore que Pfizer a fait mieux que prévu sur les bénéfices, mais moins bien sur les ventes — une sorte de victoire en demi-teinte façon Big Pharma. Le BPA grimpe à 0,92 $ (au-dessus du consensus), mais les revenus chutent de 8 %. Ils maintiennent leurs prévisions annuelles, en mode : “tout va bien, circulez y a rien à voir”, mais les analystes commencent à tiquer sur le manque de peps post-Covid. Les économies ? 4,5 milliards de dollars d’ici fin 2024, 1,2 milliard de rab en plus d’ici 2027… Pfizer devient un fabricant de cachets ET de PowerPoints de réduction de coûts. Bref, c’est un trimestre entre deux mondes : un pied dans l’ancien (Covid), un autre dans les promesses de demain… avec le dos qui craque sous les attentes du marché.
Et enfin…
Sur ces bonnes nouvelles, nous pouvons donc entamer le Super-Mercredi avec confiance et sérénité et commencer à suivre attentivement tout ce qui va sortir. Du côté des société, on commence ce matin avec Airbus, Total, UBS, Stellantis, Crédit Agricole et encore Volkswagen et Schnindler. Puis ensuite aux USA nous aurons Humana, Caterpillar, International Paper, Western Digital et ADP. Ensuite, après la clôture ça sera le tour de Meta et de Microsoft de truster le podium… Côté chiffres économiques, en Europe on va commencer avec le PIB en France, en Allemagne et en Europe. Il y aura aussi le CPI en France et en Allemagne. Les Allemands vont également annoncer leurs chiffres de l’emploi. Ensuite, on partira aux States pour l’avalanche du jour – avalanche tant attendue – il y aura donc – je l’ai assez répété : les chiffres de l’emploi ADP, le PCE, le PIB, le Chicago PMI et les inventaires pétroliers. Et si avec ça on me dit qu’il faut encore qu’on attende Apple pour voir ce qu’on va faire, je mords quelqu’un…
Pour le moment les futures sont en baisse de 0.5%, ça fait 101 jours que Trump est là et tout se passe bien, on ne s’ennuie pas une seconde. Passez une excellente journée et on se revoit demain pour de nouvelles aventures.
À demain.
Thomas Veillet
Investir.ch
« You know you’ve reached middle age when you’re cautioned to slow down by your doctor, instead of by the police. » — Joan Rivers