Le 30 avril Donald Trump va fêter ses 100 jours à la Maison Blanche. Les premiers bilans commencent à sortir et on rappelle le nombre « d’Executive Orders » qu’il a signé – on est à 137 – et c’est clairement mieux que ses prédécesseurs. En revanche, pour ce qui nous intéresse nous, en tant qu’investisseurs, on pourra surtout se souvenir que le Président a foutu un merdier sans précédent sur les bourses mondiales. Depuis quelques jours, les choses semblent un peu se calmer et le retour est, pour l’instant, SPECTACULAIRE. Mais la confiance a été remplacée par le doute et nous marchons toujours sur des œufs. Même si les bourses retrouvent des couleurs, la méfiance reste de mise.

L’Audio du 25 avril 2025

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Précision chirurgicale

Il n’est jamais simple de savoir « pourquoi le marché monte ou pourquoi le marché baisse ». Des fois ça se joue à pas grand-chose, des fois c’est très clair et parfaitement évident mais en ce moment, comme rien n’est plus pareil depuis le 26 janvier, c’est un ensemble de plein de choses qui dirigent les mouvements extrêmement violents des bourses mondiales en général et américaines en particulier. Et pourtant, au milieu de ces avalanches de news qui nous submergent tous les jours depuis trois mois, il y a un dénominateur commun : « Donald Trump ». Donald Trump que l’on peut également traduire par : « facteur démultiplicateur de la volatilité » ou « émancipateur de stress », on encore « producteur de tarifs en série ». Mais on ne serait pas parfaitement complet dans notre explication si l’on ne tenait pas compte du fait que Donald Trump a également fait un effort ÉNORME dans la production d’énergie verte, puisqu’à force de tourner la veste toutes les 24 heures, il produit suffisamment d’électricité pour alimenter la ville de Washington pendant les 12 prochaines années.

Hier encore, il était quasiment impossible de trouver UNE SEULE NOUVELLE dans laquelle la « marque » de Trump n’était pas inscrite en lettres capitales. Alors oui, bien sûr qu’une des raisons principales de la hausse reste encore et toujours le backpedaling de niveau league des champions sur les tarifs douaniers chinois et sur « l’affaire Jerome Powell », mais au-delà de tout ça, je crois qu’il n’y a pas une boîte qui publie en ce moment qui ne mentionne pas la problématique des tarifs douaniers, tant dans leurs résultats actuels que dans les prévisions à tâtons qu’ils esquissent pour ces prochains mois. On va donc essayer de détricoter un peu la séance d’hier. Je dis « un peu », parce que là tout de suite j’ai l’impression que si je ne suis simple et concis et que je ne vais pas droit au but, il va falloir 18 pages de chroniques et 1 heure de podcast pour faire le tour. Commençons donc par le commencement.

Le gars il dit « commençons par le commencement » après une page de diatribe verbale au sujet de Trump. On n’est pas dehors.

Les marchés sont contents et les Américains aussi (mais c’est pas sûr)

Tout d’abord les chiffres. Hier les marchés européens se sont montrés satisfaits du retour en grâce de Powell et de la « détente » annoncée par Scott Bessent au niveau de la Chine – sans compter que les déclarations de Trump qui disait qu’ils allaient « être gentils » avec les Chinois. Après si on creuse, certains économistes commencent quand même à dire que dans cette guerre, les Américains avaient plus à perdre. Ça ne se joue pas à grand-chose – peut-être à deux cargos de soja et un chargement de semiconducteurs, mais quand même. Hier les Européens étaient soulagés et pouvaient ENFIN se concentrer sur leurs chiffres trimestriels. Dans la série « résultats trimestriels à boire et à manger », Dassault Systèmes a ouvert le bal en mode déprime : bénéfice net en recul de 8,8%, marge 2025 revue à la baisse, et PAF ! 5% dans les dents. Thales a suivi le mouvement avec des prises de commandes pas franchement folles, résultat : un plongeon 4%, après avoir flirté avec -5% à l’ouverture Pourtant c’était et un des chouchous du réarmement européen qui semble faire « pchhiitt » por le moment. Chez Kering, on continue de perdre du terrain, les ventes dégringolent de 14% et le discours devient aussi enthousiaste qu’une météo de novembre à Brest. On en avait parlé hier. Worldline, quant à lui, s’est pris une vraie claque : -11,43% après avoir vu un gros contrat partir en fumée et un chiffre d’affaires qui fait grise mine. Heureusement que Renault est venu sauver l’honneur avec un petit +4,4% grâce à l’électrique qui cartonne – j’ai même faillit acheter une Alpine électrique hier. Et puis orange a fait le job en mode pépère avec une croissance à l’international et un +0,36% tout en douceur.

En Suisse on était content avec les chiffres de Roche, timoré chez Nestlé, plutôt joyeux chez Kuhne Nagel et ça cartonnait chez Belimo et Galderma. Et puis, Vontobel a enregistré une performance positive sur les trois premiers mois de l’année, malgré un contexte d’incertitude politique et de volatilité en augmentation. La masse sous gestion a augmenté mais le titre n’a pas été bien payé avec une baisse de 3.3%. À la fin de cette journée de folie où le mot « incertitude » a été utilisé une quantité de fois incalculable (merci Monsieur Trump), le DAX prenait 0.47%, la France avançait de 0.27% et notre bon vieux SMI helvétique progressait de presque 1% et voyait poindre les 12’000 sur la ligne d’arrivée. Mais on sentait quand même une chose dans le comportement des marchés européens, c’était cette espèce de sentiment désagréable que l’on sent au niveau de l’estomac. Pas celui que l’on ressent lorsque l’on a mangé 6 douzaines d’huîtres pas fraîches qui sont venues en stop depuis Arcachon, non ! Plutôt celui que l’on ressent quand on sent tout au fond de nous que dès qu’on aura tourné le dos, Donald Trump va nous faire une merde.

Que nenni

Et bien pour une fois, on s’est foutu dedans. L’Europe a terminé légèrement en hausse se demandant si la dynamique Chine/Powell allait pouvoir permettre aux USA de tenir jusqu’à la clôture et si Trump n’allait pas nous faire une déclaration dont il a le secret. Et il n’en a pas fait. Ou plutôt si, mais pas dans le sens que l’on craignait. En gros, quelques minutes après la clôture européenne, on a vu le S&P500 qui a commencé à monter un peu plus vite dans une absence de news absolument totale. Il ne se passait tout simplement rien. Tout le monde regardait monter le S&P500 en se disant : « tiens, pourquoi ça monte ??? ». Et puis, tout d’un coup Trump a annoncé que « des discussions avec les Chinois avaient été entamées ». Après des semaines à se foutre sur la gueule à coup de pourcentages improvisés, les deux géants se sont finalement mis d’accord pour parler de leurs problèmes devant un thérapeute. Les indices se sont envolés définitivement pour clôturer la journée et les Semiconducteurs – donc le Philadelphia Semiconducteur Index a littéralement disjoncté en explosant de 5.63%. Il a repris 24% depuis les plus bas, mais il doit encore monter de 40% pour atteindre les plus hauts de tous les temps. C’est dire s’il s’est fait démonter ces 8 derniers mois. Mais là, si les « discussions démarrent » et qu’à la fin ils finissent tous « best friend forever », ça va cartonner et c’est la fête au village.

Mais l’histoire ne s’arrête pas à la clôture – susse été bien trop simple – non parce qu’on aime bien quand c’est bien compliqué et puis qu’il y a plein de doutes et de suspicion. Première chose que l’on notera c’est que les indices américains ont curieusement accéléré UNE HEURE avant l’annonce de Trump sur le dégel chinois. Comme à chaque fois que le Président annonce un truc bullish, le marché monte avant qu’il parle. Un peu comme si pendant qu’il rédige son communiqué de presse, il y a quelqu’un qui fait du shopping parce qu’il mieux placé dans la chaîne d’information. Ça pue le délit d’initié à plein nez, mais le gars de la SEC qui a été mis en place par Trump à l’air d’être sourd, aveugle, muet et accessoirement, complètement con. Ou alors, c’est lui qui achète perso…

Bref, une fois de plus, il y en a qui ont dû finir la soirée au Dom Pérignon même si c’est 100% plus cher qu’il y a deux mois. Et puis l’autre « truc » qui est super drôle, c’est qu’une fois l’annonce de Trump faite, les Chinois ont immédiatement déclaré qu’ils n’étaient pas au courant qu’ils étaient en train de négocier… Et depuis Trump et Bessent s’énervent sur CNBC, CNN et Pif Gadget pour nous expliquer que « si, si, ils parlent bien avec des Chinois et que pour l’instant c’est secret mais que quand un deal sera signé on dira tout… » – Si ça se trouve, les gars sont allés bouffer au Tigre qui Mijote, succursale du Panda Gourmand de Pékin, mais à Washington, et comme le patron est chinois, ils pensent qu’ils négocient avec une délégation de Xi-Jinping. Enfin, quoi qu’il en soit, les indices US ont pris 2% sur le S&P qui ressort de la zone de correction et 2.74% sur le Nasdaq et puis les Chinois et les Américains parlent – jusqu’à preuve du contraire. Pour l’instant on veut bien croire que ça va bien se passer.

En Asie, justement…

Les marchés asiatiques sont en train de finir la semaine en beauté, surtout grâce aux techs qui ont suivi le feu d’artifice à Wall Street après les super résultats d’Alphabet (Google pour les intimes). Le Japon a carrément survolé la séance : malgré un CPI qui est un poil trop fort pour les connaisseurs, mais les investisseurs ont préféré s’accrocher à l’espoir de discussions commerciales positives avec les US, plutôt que de flipper sur une Banque du Japon plus agressive. Bref, tout le monde a suivi le train de Wall Street, qui a terminé en fanfare hier soir, porté par l’enthousiasme autour d’un éventuel dégel et par des petits signaux de la Fed qui laisse entendre qu’elle pourrait continuer à couper les taux si cela s’avérait nécessaire (et quand on voit certains chiffres, on peut se dire que ça va bientôt être nécessaire). En gros : tout va bien, jusqu’à ce que ça n’aille plus. Le Nikkei est en hausse de plus de 2%, le Hang Seng avance de 1.36% et la Chine progresse de 0.15%. Le pétrole est à 63.21$ avec toujours un fort biais vis-à-vis des discussions avec l’Iran qui sont compliquées, surtout entre Iran et US. Tu m’étonnes, quelle surprise. L’or est à 3’332$ et le Bitcoin se traite à 93’200$.

Pour le reste, le marché est submergé de chiffres trimestriels, mais le plus intéressant c’est Alphabet. La maison mère de Google a donc pulvérisé les attentes et explosait de 6% after close. Alphabet a sorti les muscles : bénéfice par action bien au-dessus des attentes (2,81 $ vs 2,01 $), chiffre d’affaires costaud à 90 milliards, et en bonus, un dividende en hausse de 5%. Histoire de faire bonne figure, le board a aussi validé un rachat d’actions de 70 milliards, comme si c’était de la petite monnaie. Google, c’est pas un moteur de recherche, c’est une imprimante à cash. Petit bémol dans tout ça ; il se dit (dans les couloirs des banques d’affaires de Wall Street ) que ça ne sera pas simple de réitérer la performance du premier trimestre durant le reste de l’année À CAUSE DES INCERTITUDES POLITICO-ÉCONOMIQUES, bien sûr…

Mais encore

Toujours au chapitre publications, hier a eu lieu la première sortie médiatique pour le nouveau boss d’Intel, Lip-Bu Tan, et on peut dire qu’il n’a pas été accueilli avec des feux d’artifice : prévisions de revenus sous les attentes, bénéfice à l’équilibre, et ambiance morose façon guerre commerciale Chine-USA. En gros, les investisseurs espéraient un plan de relance façon Rocky Balboa, ils ont eu un PowerPoint sur les réductions de coûts. Intel serre la ceinture : moins de dépenses, moins d’investissements, et bientôt peut-être… encore moins d’espoir ? Bref, Intel veut tout rationaliser… y compris les bonnes nouvelles. Le titre perdait 5.7% after close. On n’est pas encore de retour dans la success-story d’Intel dans les années 90 et pas sûr qu’on y revienne un jour. Notons tout de même que le CEO a annoncé avoir rencontré son homologue de TSMC et qu’ils se considèrent comme « partenaires ». Finalement, un mariage est peut-être ce qui pourrait arriver de mieux à Intel.

Pendant qu’Intel patauge, ServiceNow fait le show : résultats solides, carnets de commandes bien garnis, et un bon gros +15% en bourse pour célébrer le fait que l’IA n’est pas morte. Les contrats à plus de 5 millions pleuvent comme des confettis (508 au compteur), et même le secteur fédéral — d’habitude frileux — semble dire « OK pour l’automatisation ». Malgré un contexte macro pas franchement sexy, la boîte rassure, fait le job, et surfe tranquille sur la vague de l’Intelligence Artificielle. Résultat les upgrades pleuvent, les investisseurs sortent le champagne et le titre prenait 15% after close. On notera encore Pepsi qui a sorti des chiffres « BOF » et une guidance pourrie À CAUSE DES INCERTITUDES POLITICO-ÉCONOMIQUES, bien sûr et qui rejoint d’autres boîtes qui ont le même discours ChatGPT, des boîtes comme Procter & Gamble ou encore American Airlines. Et puis, on peut aussi signaler au passage, même si tout le monde se fout de la macro en ce moment, que les nouvelles inscriptions au chômage, les Jobless Claims, étaient plus fortes que prévu la semaine dernière. Ce chiffre ne veut pas dire grand-chose à lui tout seul, mais il y a quelques jours on disait que le dernier rempart de l’économie, c’était l’emploi, manquerait plus qu’il cède avant la signature d’un deal avec les Chinois.

Les chiffres et la conclusion

Ce qu’il faut retenir de la séance d’hier c’est que les choses se décantent du côté de la Chine, que – pour le moment – le sujet de Powell semble plié, mais pas celui des taux qui DOIVENT baisser. On a vu que le niveau d’endettement continuait de monter aux States et que les chiffres économiques montrent que ça ralentit et si – par hasard – la semaine prochaine le PCE est plus faible que les attentes et l’emploi freine des 4 sabots, la probabilité de voir agir la FED en mai pourrait prendre l’ascenseur à la vitesse d’un tournage de veste de Donald Trump. On doit aussi rester conscient que n’importe quelle déclaration à contre-courant de la part du Président peut nous renvoyer en correctionnelle, reste donc juste à espérer que son équipe va réussir à le museler pendant trois semaines, le temps qu’on retrouve nos esprits.

Pour la séance d’aujourd’hui, les futures sont en hausse de 0.37% – visiblement on a confiance en Trump. En tous cas plus en Trump qu’en la Chine au niveau des déclarations. Et puis nous n’aurons que très peu de chiffres économiques mis à part la confiance du consommateur version Université du Michigan – le chiffre le plus douteux de l’environnement macro américain – et qui devrait être immonde, pour garder la pression sur Powell. Et puis, du côté des sociétés, nous aurons Schlumberger, AbbVie, Phillips 66 et Colgate aux USA et puis il y aura aussi Safran, Lagardère ou encore BB Biotech.

Il me reste à vous souhaiter un excellent week-end et à vous prévenir que le ton de lundi matin pourrait être totalement différent en fonction des éventuelles déclarations de Trump ou de son score sur le parcours de golf ce dimanche ! Profitez bien, et n’oubliez pas de vous abonner à la newsletter investir.ch – comme ça vous aurez les updates de la chronique en (presque) direct et comme c’est gratuit, ça vous coûte pas cher et moi j’ai pas l’impression d’écrire dans le vide – pour l’inscription c’est en haut à droite du site, là où c’est marqué : NEWSLETTER et « adresse mail ».

À lundi et soyez forts !

Thomas Veillet
Investir.ch

« The concept of global warming was created by and for the Chinese in order to make US manufacturing non-competitive. »

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