L’économie américaine est dans le pâté – ça n’est pas une surprise, mais depuis hier, c’est confirmé. D’ailleurs Trump s’est même fendu d’un communiqué pour dire que c’était tout de la faute de Biden et qu’il fallait être patient. MAIS finalement, rien de ce qui a été publié hier n’est une surprise. C’est presque un plan qui se déroule sans accroc qui permettra à la FED de FINALEMENT baisser les taux et sauver l’économie. D’ailleurs, lorsque l’on voit ce qui s’est passé hier, on peut se dire deux choses : soit le marché est déjà en train d’anticiper un retour en gloire des USA, soit il y a des gens qui étaient mieux informés que les autres sur les chiffres de Microsoft et de Meta…
L’Audio du 1er mai 2025
Télécharger le podcast
Commençons par le commencement
Hier l’Europe a découvert quelque chose qui paraissait insoupçonné ou insoupçonnable : l’économie du Vieux Continent est en croissance. Oui, je sais, dit comme ça, ça peut paraître être un épisode de la quatrième dimension. Et pourtant. Pourtant, hier l’Europe a publié son PIB et – alors que les ÉCONOMISTES QUI SAVENT s’attendaient à une croissance molle de 0.2%, elle est sortie à 0.4%. Du coup, on est passé de « croissance molle » à « croissance tout court ». ça se joue à pas grand-chose, mais il suffit de faire mieux de 0.2% pour faire changer les investisseurs d’avis. En tous cas sur les 12 prochaines heures. Non, parce qu’hier matin, je vous mets ma main à couper que – même en cherchant bien – vous n’auriez jamais pu trouver un « expert en finance » qui vous aurait dit :
« Ouais, moi ce matin j’achète le marché parce que je parie sur la croissance européenne »
Même moi. Et même surtout moi je ne vous aurais jamais dit ça. D’ailleurs je n’y crois toujours pas et je me demande si les chiffres publiés hier n’ont pas été tirés au sort et que personne n’a rien calculé du tout. Quand on voit que TotalEnergies publie un bénéfice en baisse de 18 % pour le premier trimestre – bénéfice à 4,2 milliards $ – qui est pénalisé par la chute du pétrole et des marges – et ce malgré une production en hausse. Quand on voit que Stellantis annonce une baisse de 14% du chiffre d’affaires sur le trimestre et SUSPEND ses prévisions 2025 à cause des droits de douane et par manque TOTAL de visibilité et quand tu vois qu’Airbus supplie les USA de supprimer les droits de douane sur les avions, que tu vois que le chômage explose en France et que les fabricants de voitures se sont fait et vont se faire massacrer par Trump, il est quand même difficile de croire que l’Europe a cartonné ces trois derniers mois et que l’économie est en croissance. À moins que les milliards distribués de façon hebdomadaire à l’Ukraine soient inclus dans le calcul de la croissance – à moins que ça soit les prévisions sur les ventes d’armes à venir qui font booster l’économie.
L’Europe croit et y croit, c’est incroyable
Quoi qu’il en soit, l’Europe a terminée en hausse. Pas une hausse de folie, mais une hausse qui respecte le fait que la croissance de la région était « un poil » plus forte qu’attendue et une hausse qui respecte le fait que certains estiment que « l’Europe est un îlot de sécurité pour les investisseurs ». Je ne sais pas qui a dit ça, mais je l’ai lu ce matin et j’ai trouvé que le gars était vachement gonflé. Non, parce que ça il faut oser… Dire que l’Europe est « îlot de sécurité » alors que Trump les a dans le viseur au niveau économique et que Poutine les a dans le viseur tout court – si l’on en croit les déblatérations des ânes qui composent le gouvernement français – ça semble incroyable d’imaginer que l’Europe puisse être la première destination qui vienne à l’esprit quand tu sais pas où aller te planquer. Enfin, bref, je ne vais pas contredire les gens qui savent et qui sont détenteurs du grand sachoir du monde de la finance, donc hier les marchés européens sont montés parce que croissance meilleure que prévu il y a partout en Europe. Le Dax était en hausse de 0.32%, la France claquait un demi-pourcent de hausse en pleine euphorie et la Suisse bondissait de 0.42%.
Si le SMI montait de 0.42%, ça n’est pas à l’UBS qu’il fallait l’imputer, puisque la SEULE ET UNIQUE GRANDE BANQUE DE SUISSE AVEC LA BÉNÉDICTION de la Finma et du Conseil Fédéral, a publié un premier trimestre en mode « bien mieux que prévu », mais dans un contexte toujours explosif. Le bénéfice net est en baisse de 4 % sur un an, à 1.7 milliards, mais dépasse les attentes grâce à un taux d’imposition ultra-light – merci les copains – Les revenus baissent un peu, les charges grimpent, les rachats d’actions continuent, mais les clients apportent moins de cash, avec 39 milliards de net new money cette année contre 48 l’an dernier. La digestion du Crédit Suisse se passe « moins mal que prévu », mais la grande inconnue reste la régulation suisse, qui pourrait flinguer les ambitions de rachat d’actions.
En résumé : UBS performe MALGRÉ TOUT, mais reste coincée entre ses ambitions et le stress post-CS d’un pays qui trouve sa plus grosse banque un peu trop grosse pour ses montagnes (parfois).
Et l’économie américaine cale, pendant que le plan Trump avance
Pendant que l’on se délectait de la croissance en Europe, les Américains ont commencé à publier LEURS chiffres économiques. Les chiffres qui étaient « censés tout changer » hier matin. Je ne sais pas si vous vous souvenez encore. Donc nous avons eu droit à TROIS CHIFFRES importants :
1) Les chiffres de l’emploi ADP
2) Le PIB
3) Le PCE
Je vous préviens tout de suite, le bilan n’est pas glorieux, je suppose que vous l’avez vu, mais ce qui est surtout intéressant c’est ce que l’on peut en tirer comme conclusion.
Donc ; les chiffres de l’emploi ADP étaient attendus à 114’000. C’est sorti à 62’000. C’est non seulement très en dessous des prévisions, mais aussi en chute libre par rapport aux 147’000 du mois précédent. Il n’y a rien d’autre à dire, si ce n’est que c’est un signal clair de ralentissement sur le front de l’emploi aux USA. Chose qui pourrait peser encore un peu plus sur le dollar et sur la patience de la FED. Un chiffre qui ne fait pas plaisir, à moins de deux jours des NFP.
Le PIB américain s’est contracté de 0,3 % au premier trimestre, alors que les économistes attendaient une hausse. En cause ? Une avalanche d’importations pour anticiper les tarifs douaniers de Trump. Résultat : déficit commercial record, prévisions plantées, et marchés qui dépriment comme si c’était une surprise. Certains crient déjà « à la récession modérée », pendant que d’autres rappellent que c’est Trump lui-même qui a foutu le bordel. C’est la première fois en trois ans que le chiffre est en terrain négatif. Mais pour l’instant, on l’explique encore comme étant un facteur momentané… Momentané, mais Trump s’est quand même lâché sur les réseaux en déclarant que :
« C’est la Bourse de Biden, pas celle de Trump, je n’ai pris les rênes que le 20 janvier. »
Il a ajouté ensuite :
« Notre pays va exploser (dans le bon sens), mais il faut d’abord se débarrasser du “poids mort Biden”, ça prendra du temps, mais ÇA N’A RIEN À VOIR AVEC LES TARIFS DOUANIERS, c’est juste qu’il nous a laissés avec de mauvais chiffres. Mais quand le boom commencera, ce sera du jamais vu. SOYEZ PATIENTS !!! »
Voilà qui est rassurant, mais sur l’annonce, les marchés sont quand même partis au Sud et on a senti le souffle du boulet pendant quelques heures. En revanche, le PCE montrait une chose, c’est que l’inflation ne monte plus. Bon, elle ne baisse pas non plus. Mais dans cet environnement où tout semble partir en vrille à cause des droits de douane et où tout le monde pensait qu’ils (les droits de douane), allaient la faire exploser (elle, l’inflation). Il faut tout de même admettre que la surprise était de taille et que l’on peut se demander si le plan de Trump n’est pas en train de se dérouler sans accroc – pour autant que ça soit un plan délibéré et pas un coup de bol monumental.
Je vous ai perdu ? Ben oui, l’inflation ne monte plus, l’emploi part à la cave et l’économie est en croissance négative ou en « récession light » – c’est selon – alors vous je ne sais pas, mais basé là-dessus, si EN PLUS les chiffres de l’emploi de demain sont pourris, je vais commencer à me dire que la semaine prochaine, le Meeting de la FED pourrait être super intéressant. Il n’y aura peut-être pas de baisse des taux, mais le ton de Powell pour changer de façon drastique et ça, je crois qu’hier le marché a commencé à entrevoir un scénario idéal pour justifier une baisse des taux plus tôt que prévu ou plus importante qu’espérée.
Une fin de séance mythique pour ceux qui savaient
Vous en conviendrez, les chiffres américains n’étaient pas terribles. Mais ils peuvent – selon la façon dont on les observe, laisser espérer autre chose que de la rigidité et du « hawkishness » chez Powell. Les marchés ont tout de même pas trop bien pris la chose et dans les deux heures qui suivirent, le S&P a plongé de près de 2% avant de reconsidérer la chose et venir osciller autour des 5’500 durant le reste de la séance, légèrement en baisse, mais pas fondamentalement déprimé. Et puis, la magie mystérieuse des marchés financiers a encore joué… À 25 minutes de la clôture – sans aucune nouvelle, sans aucune annonce macro, sans aucun post sur X, Truth Social, Facebook ou LinkedIn, les indices américains ont explosé à la hausse, récupérant 1.5% en moins d’une demi-heure.
Incroyable. Pas une info, juste du feeling et l’envie d’acheter le marché parce que la fin du monde c’est pas pour tout de suite…. Et puis juste après la clôture, Meta et Microsoft ont publié des chiffres stratosphériques et les deux poids lourds du S&P se sont respectivement envolés de 6 et 7% à l’after close. Ce matin les futures américains sont déjà en hausse de 1%. Alors bon, on ne va pas dire qu’il y a des gens qui connaissaient les chiffres de Meta et de Microsfot AVANT les autres, mais disons que ce genre de hausse subite et injustifiée ces derniers mois, commence à devenir un peu (trop) courante. Donc de deux choses l’une : soit il y a un mec qui a craqué le code de ChatGPT et qui a transformé l’animal en bête de concours qui joue avec un coup d’avance et dans trois semaines il va pouvoir nous sortir la météo du mois d’octobre 2029 avec une probabilité d’avoir raison de plus de 150%, ou alors il y a des gens qui sont mieux informés que les autres et que la SEC est devenu un grand guignol qui ne sert plus à rien… Bref, hier les marchés ont terminé légèrement en hausse sans qu’on sache vraiment pourquoi et à 22h10, on a compris POURQUOI…
Le carton des MAGNIFICENT TWO
Microsoft – Le muscle discret de la tech
Microsoft vient de sortir un trimestre solide comme de l’adamantium, avec des résultats qui dépassent largement les attentes. Le chiffre d’affaires grimpe à 70 milliards de dollars, les bénéfices nets à 25,8 milliards – soit 3,46 $ par action contre 3,22 attendus, et Azure, le joyau cloud du groupe, bondit de 35 %, bien au-dessus des 31 % prévus. Tous les segments sont au vert : Office 365, Windows, cloud… même la division PC fait mieux qu’espéré malgré la menace des droits de douane, qui ont poussé à l’accumulation de stocks. Les prévisions pour le trimestre suivant sont également supérieures au consensus, avec 73,7 milliards de chiffre d’affaires projeté, ce qui rassure les investisseurs, surtout après trois trimestres décevants. Côté dépenses, Microsoft affiche un peu de retenue : 21,4 milliards de capex, soit 1 milliard de moins que prévu, tout en annonçant une hausse des investissements l’année prochaine, mais moins violente que le +57 % attendu cette année. Satya Nadella l’a résumé d’une phrase : “le logiciel est notre meilleure arme contre l’inflation”. Traduction : pendant que tout le monde flippe sur les tarifs, Microsoft continue de dérouler en petites foulées.
Meta – L’ogre publicitaire assume l’addition IA
Meta, de son côté, envoie aussi du lourd et balaie les doutes sur ses dépenses massives en intelligence artificielle. Résultat net en flèche avec 6,43 $ par action contre 5,23 attendus, 41,4 milliards de revenus pub (au-dessus des attentes), et un marché qui répond avec une hausse de 6% after close. Le message est clair : la pub résiste, et Meta a les reins pour s’offrir son plan d’investissement colossal. Ils passent leur budget capex de 60–65 à 64–72 milliards, loin des 39 milliards de l’an passé. Et alors que Google reste sage avec ses 75 milliards de dépenses stables, Meta appuie sur l’accélérateur. Le tout est justifié par une stratégie : développer une IA maison pour tout. De la pub à l’expérience utilisateur, en passant par Threads, WhatsApp, et des placements pubs plus fins. La firme avoue une baisse de la pub côté Asie (merci les tarifs), mais prévoit entre 42,5 et 45,5 milliards de revenus pub au second trimestre. En bref : Zuckerberg claque du pognon, mais à l’autre bout de la chaîne, ça imprime du cash. Et tant que ça, ça tient, les marchés ferment les yeux.
Capex, cloud et chaos tarifaire
Microsoft et Meta viennent de rappeler pourquoi ils font partie des MAGNIFICENT SEVEN. L’un fait du cloud une machine à cash silencieuse, l’autre dépense comme un ado avec la carte de ses parents… mais s’en sort grâce à une régie pub surpuissante et des résultats qui justifient (pour l’instant) toutes les folies en IA. Et pendant que l’économie tremble sous les effets de la guerre commerciale de Trump, les deux mastodontes avancent, surfent sur l’optimisation technologique, et s’en tirent mieux que tous leurs copains du club des méga-caps. Moralité ? Quand t’as du cash, du cloud, et une vision IA, tu peux dépenser sans compter. Jusqu’à ce que le marché décide que c’est fini et visiblement, c’est pas encore aujourd’hui – on se réjouit de voir ce soir la réponse d’Apple et d’Amazon…
Pour le reste…
Autrement, on retiendra encore que le pétrole se fait démonter parce que l’économie ralenti et que la guerre tarifaire fait se remplir les stocks – ce matin le WTI est à 58.26$. L’or est à 3’238$ et le Bitcoin est toujours à 95’000$. Et puis chez Tesla on parle de remplacer Musk, le board semble en avoir marre, c’est le Wall Street Journal qui en parle avec un article en double page. Ça sent le roussi pour Elon qui pourrait se faire virer de SA boîte. Le titre était en baisse de 4% hier soir after close, car même si la FED baisse les taux la semaine prochaine, Tesla sans Musk ne sera plus jamais Tesla.
Pour ce qui est des chiffres du jour, il y aura les Jobless Claims et l’ISM Manufacturing PMI qui pourrait nous montrer une nouvelle faiblesse de l’économie. L’Europe est fermée ou presque pour cause de muguet et pour les publications du trimestre, aujourd’hui on regardera Eli-Lilly, MasterCard, McDo et puis ce soir c’est Apple et Amazon… N’oubliez pas de surveiller la dernière heure de trading au cas où il y aurait une course d’école de gens bien informés. On notera encore que ce matin, la BoJ n’a pas touché les taux et que le Nikkei est en hausse de 1% pour fêter l’immobilisme, manquerait plus que Trump annonce un deal avec la Chine dans la journée et on repasse en mode BULL MARKET FOREVER, comme disait Claude François…
Passez un bon premier mai, n’oubliez pas de vous abonner à la newsletter investir.ch et on se retrouve demain !!!
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
« There is one word that describes people that don’t like me: Irrelevant. » — Anonymous