Alors que je commence à peine à rédiger cette chronique matinale et qu’il n’est pas encore 5 heures du matin, une question m’assaille : combien de fois utilise-t ’on le mot Trump dans une journée ? Je suis en train de me rendre compte que trouver un titre chaque matin où le « TRUMP » n’apparaît pas dedans, devient extrêmement compliqué. Les 4 prochaines années vont être longues. Ceci mis à part, hier les marchés ont continué de s’effriter gentiment alors que rien ne bouge en attendant la FED. C’est pas nouveau, mais ça bouge un peu quand même au chapitre des droits de douane et on a une nouvelle guerre sur les bras. L’Inde a attaqué le Pakistan, même si Wall Street s’en balance.

L’Audio du 7 mai 2025

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Une nouvelle guerre qui n’intéresse personne

Lorsque l’on regarde les futures américains ce matin, on se rend compte que le monde merveilleux de la finance est bien plus intéressé par les petites phrases du Président Américain que par le début d’une nouvelle guerre qui a de quoi foutre la trouille, puisque les deux pays concernés sont quand même membres du groupe hyper-tendance qui A la bombe atomique sous la main. Oui, tôt ce mercredi matin l’Inde a mené des frappes ciblées contre des infrastructures « terroristes » au Pakistan et au Cachemire. Ceci en réaction à une attaque terroriste meurtrière survenue le mois dernier en Inde. Attaque qui a fait 26 morts.
Selon le ministère de la Défense indien, neuf sites ont été visés, mais aucune installation militaire pakistanaise n’a été touchée. New Delhi insiste sur le fait que l’opération a été « mesurée, ciblée et non escalatoire », histoire de frapper fort sans trop faire déborder le baril de poudre. Non escalatoire, pourvu que les Pakistanais en comprennent le sens.

Bon, je place ça ici parce que c’est quand même important au niveau géopolitique et que je pense qu’il faut quand même garder un œil dessus, même si c’est Trump qui monopolise l’attention comme presque tous les jours. Hier le Président a ramené le sujet de la guerre tarifaire sur la table. Il a rencontré le Premier Ministre Canadien, Carney, et absolument rien n’en est ressorti. Ils n’en sont au moins pas venus aux mains et aucun combat de MMA n’est prévu ces prochains mois. En résumé, le niveau de tension du meeting Carney vs Trump n’a jamais atteint celui de la réunion avec Zelensky, mais Carney a tout de même expliqué que le Canada ne serait jamais à vendre et Trump lui, a expliqué que les USA n’avaient rien besoin de la part du Canada si ce n’est leur amitié. En gros, pas d’avancées, pas de deal, rien. C’est peut-être d’ailleurs pour ça que les marchés n’ont pas réussi à monter hier – en se basant sur le fait que les négociations n’avançaient pas vraiment et que le moratoire des 90 jours était bien entamé. Fin du moratoire dans 62 jours. Et il ne faut pas attendre de prolongation de la part des USA.

La reprise des tensions version light

Cette reprise des tensions commerciales, même si c’est la version « light » bourrée d’aspartame a tout de même poussé les bourses mondiales à finir la séance dans le rouge, que ce soit à Wall Street où le Dow Jones perdait 0,9%, le Nasdaq 0,8% et le S&P 0,7%, ou que ce soit en Allemagne où le Chancelier a du s’y reprendre à deux fois pour être élu. Personne n’a vraiment été épargné. En fin de séance on se demandait même si le « rallye » de ces derniers jours allait perdurer ou si nous étions tout simplement dans un rebond à l’intérieur d’un BEAR MARKET. Toute la confiance accumulée ces derniers jours semblait être soudainement éteinte et empreinte de dépression.

Il faut dire que l’attentisme ambiant – avant la FED de ce soir – n’aide pas les intervenants à se débrider puisque l’on s’interroge surtout sur ce qui va se passer APRÈS le discours de Powell, puisque l’on sait tous qu’il devrait surtout réaffirmer qu’il n’a pas la moindre idée de ce qui se passe, mais qu’il préfère attendre que les choses soient plus claires. Traduction : “On ne touche à rien, et on verra si Trump continue à foutre le bazar.” Ce qui est hautement probable. Sur le plan macro, le chiffre du jour c’était le déficit commercial : +14 % en mars, à plus de 140 milliards. Un nouveau record. Ne cherchez pas pourquoi, c’est tout simplement parce que les entreprises se sont ruées pour importer des biens avant que les nouveaux tarifs de Trump ne fassent exploser la facture. C’est pas de la macroéconomie, c’est du shopping de panique. Et pendant ce temps-là, l’Union européenne menace de répliquer avec 100 milliards d’euros de droits de douane sur les produits américains « si les négociations commerciales en cours n’aboutissent pas à un résultat satisfaisant pour l’Union ». L’ambiance est donc posée : c’est “Guerre commerciale – Saison 2”, avec de moins en moins de diplomatie, du popcorn et un maxi Coca pour tenir jusqu’au bout !

C’est pendant l’after que ça se passe !

En résumé, à la clôture américaine nous étions déprimés par l’absence d’avancées dans les négociations tarifaires, angoissés par l’ampleur du déficit budgétaire et dans l’attente et la spéculation au niveau de la FED. Et puis, APRÈS la clôture, ça a commencé à bouger. Tout d’abord les États-Unis et la Chine ont annoncé qu’ils reprennent officiellement les discussions commerciales ce week-end en Suisse, avec pour objectif une désescalade des tensions tarifaires. OUF ! On se souvient encore – si, si, on se souvient encore que Trump a imposé des taxes allant jusqu’à 145 % sur les produits chinois, provoquant une riposte de 125 % du côté Pékin. Le secrétaire au Trésor Scott Bessent a admis que ces niveaux de droits de douane sont « insoutenables », mais affirme qu’ils donnent un avantage stratégique aux négociations. Du côté de Pékin on exige des gestes concrets et sincères, refusant tout accord sous pression ou chantage. Pour le moment, les marchés ont réagi positivement à l’annonce – ne cherchez pas pourquoi les futures sont en hausse ce matin – cependant, l’incertitude reste totale tant que Trump souffle le chaud, le froid.

En plus du coup de boost à cause des négociations avec les Chinois, Trump nous en a encore fait une sous la forme d’une déclaration mystérieuse. Il a annoncé qu’il ferait une déclaration « très, très importante » et « bouleversante » avant son voyage prévu au Moyen-Orient du 13 au 16 mai. IL N’A « BIEN SÛR » pas précisé le sujet mais il a souligné que ce ne serait pas lié au commerce, mais à « quelque chose de très positif ». Coluche disait que quand on en sait aussi peu on a meilleur temps de fermer sa gueule et là tout de suite, ça n’a jamais fait autant de sens. En conclusion, le marché est collé les deux pieds dans le béton, il attend de voir que Powell ne peut rien faire et ensuite, il attendra de voir si le miracle peut venir de négociations tenues quelques part en Suisse dans un hôtel de luxe.

Pékin injecte, Trump surtaxe, et le monde retient son souffle

Ce matin – en plus des pourparlers helvétiques – la Chine annonce des mesures de soutien à son économie pour contrer l’impact des tarifs douaniers imposés par Trump. Pékin prévoit de baisser les taux d’intérêt, d’alléger les réserves bancaires et d’injecter des fonds dans l’industrie, l’innovation et les services. Dans la foulée, les indices chinois sont en hausse de 0.5%, Hong Kong reprend 1.5% et le Japon ne fait strictement rien. Du côté de l’or, on est à 3’393$ et le Bitcoin se traite autour des 96’600$.

Pour ce qui est du pétrole on a vécu un rebond technique avec un peu d’espoir lié aux avancées sur les négociations commerciales, et d’une demande d’essence solide aux États-Unis à l’approche de l’été. À cela s’ajoute une alerte du CEO de Diamondback Energy, acteur majeur du bassin Permian, qui prévient d’un ralentissement de l’activité et d’une baisse de production si les prix restent aussi bas. Même son de cloche du côté de l’EIA, qui abaisse sa prévision de production US 2025 à 13,4 millions de barils/jour, citant la chute des prix sur les trois derniers mois. Les marchés attendent maintenant les chiffres des inventaires de ce soir pour valider la tendance sur la demande de carburant. Tout ça pour vous dire que le baril est à 59.64$.

Les résultats de la journée

Hier nous avons encore vécu une grosse journée de publications trimestrielles. Je ne vais pas vous spolier quoi que ce soit si je vous dis que l’on parle de « manque de visibilité » et « d’impact lié aux tarifs douaniers », mais aujourd’hui j’ai choisi de vous parler de 4 noms qui faisaient la une de la presse : Ferrari, Rivian, Super Micro et AMD.

Rivian qui pédale

Commençons pas les SUV’s électriques de chez Rivian qui pédale un peu mais face au vent.
La société a revu ses ambitions pour l’année en cours à la baisse : 40’000 à 46’000 véhicules, contre 51’000 prévus. Et bien sûr, c’est tout la faute des tarifs douaniers. Pourtant Rivian produit aux USA et ne devraient pas être trop impactés, mais c’est le consommateur américain qui commence à se poser des questions existentielles avant d’acheter une voiture à 80’000 dollars. Malgré ça, le premier trimestre est plutôt bon : perte plus légère que prévu, chiffre d’affaires au-dessus des attentes, et Volkswagen qui sort le chéquier avec un milliard en poche pour leurs futurs investissements. Rivian maintient (pour le moment) ses objectifs annuels et espère une marge brute positive en 2025. Pas encore de miracle… mais au moins, ça roule toujours. Le titre baissait de 1.5% after close

Ferrari qui rigole (encore)

C’est pas la même histoire chez Ferrari le constructeur italien qui vend voitures qui coûtent plus chers qu’un 3 pièces à Manhattan, a publié des résultats plutôt solides pour le premier trimestre 2025. Comme d’habitude serais-je tenté de dire. Le chiffre d’affaires grimpe à 1,8 milliard d’euros, le bénéfice net bondit de 17% à 412 millions, et le tout avec seulement 30 voitures de plus vendues que l’an passé sur la même période. Oui, quand t’arrives à vendre un V12 au prix d’un yacht, t’as pas besoin d’en écouler des tonnes pour faire grimper la courbe.

Mais voilà, le problème c’est que Donald Trump s’est invité à Maranello. Avec sa salve de 25% de droits de douane sur les voitures et pièces détachées, le marché US — qui représente un tiers du chiffre d’affaires de Ferrari — commence à sentir le roussi. Ferrari, pas folle, a déjà prévenu : les prix vont grimper. Jusqu’à +10% selon les modèles. Et tant pis pour ceux qui avaient mis leur nom sur une liste d’attente. Du côté des analystes, on reste zen et on estime que la clientèle Ferrari est assez blindée pour encaisser ça sans broncher. Et franchement, si t’as 400’000 euros à claquer dans une caisse, tu ne vas pas chipoter sur un petit 10% de plus. Attention néanmoins à la pression sur les marges, puisqu’à terme, même chez Ferrari on pourrait commencer à le sentir ! Le titre était légèrement en hausse hier.

AMD au bazooka

AMD a sorti le bazooka au premier trimestre : chiffre d’affaires en hausse de 36 % à 7,4 milliards, bénéfice net de 709 millions (x6 en un an), et un segment data center qui flambe de 57 %, merci l’IA et les serveurs affamés de semiconducteurs. Même les PC et les consoles repartent avec +28 %. Seul petit bémol : le segment « intégré » fait -3 %, mais bon, personne n’achète des frigos connectés pour le moment. Pour le trimestre en cours, AMD vise encore 7,4 milliards de chiffre d’affaires, au-dessus des attentes, malgré 800 millions de charges liées aux nouvelles restrictions à l’export. Pas grave, Lisa Su – la CEO – reste zen et annonce que 2025 s’annonce solide. Résultat ? L’action prend +2% en after-hours. C’est pas l’euphorie, mais ça ira mieux quand les Chinois auront striké un deal.

Super Micro refroidit les attentes (et le marché avec)

Super Micro Computer – le meilleur ami de Nvidia a revu pour la troisième fois ses prévisions annuelles à la baisse. On passe maintenant à 21,8 – 22,6 milliards de chiffre d’affaires pour l’année, alors qu’ils visaient encore 30 milliards il y a quelques mois. À ce rythme-là, ils vont finir par annoncer des chiffres de PME. Les chiffres ont déçu on ne va pas se mentir ! 4,6 milliards de chiffre d’affaires contre 5.5 attendus et un bénéfice par action de 31 cents. En gros, divisé par deux par rapport à il y a 12 mois. La faute aux clients qui reportent leurs commandes (allô Nvidia ??), à la macro qui se crispe, et aux tarifs douaniers made in Trump qui commencent à peser dans la balance. Les guidances sont en-dessous des attentes également, mais le CEO Charles Liang reste optimiste, il voit une reprise sur les deux prochains trimestres, et insiste sur les perspectives long terme grâce à l’IA et à la demande en serveur. En attendant, le marché a retenu une chose : « la révision à la baisse ». L’action perd 4,8 % en after close.

Et maintenant ?

Voilà, la Chine et les USA négocient, Trump va faire une annonce qui va changer le monde, Ferrari surnage, Rivian rame, SMCI s’enfonce et AMD semble en forme, le déficit commercial explose, l’Inde bombarde, on se demande si c’est la fin du rebond ou le début d’une nouvelle ère et Powell va reprendre la main ce soir. Et ça sera d’ailleurs la seule et unique chose qui va nous tenir éveillé aujourd’hui !

Nous on se voit demain, comme d’habitude, d’ici-là n’oubliez pas de vous abonner à la newsletter Investir.ch en mettant votre adresse mail en haut à droite sur le site, ça ne coûte rien et vous ne raterez plus rien !

Que la force soit avec vous jeunes padawans et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

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