Vous vous souvenez de cette lointaine époque durant laquelle nous pensions que le meeting de la FED pourrait avoir une quelconque importance sur la trajectoire des marchés ? Cette époque où l’on croyait que les mots de Powell pouvaient avoir un impact sur les décisions des investisseurs ? Bon, ben c’était il y a un peu plus de 36 heures. Mais rassurez-vous nous sommes passés totalement à autre chose puisque depuis hier matin c’est les tarifs douaniers qui ont repris leurs droits. Ou plutôt les négociations qui tournent autour des tarifs douaniers. Les Anglais ont eu « leur deal » et Trump a expliqué qu’il fallait VITE ACHETER DES ACTIONS – que demander de plus ?

L’Audio du 9 mai 2025

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Oubliée la FED

La problématique des taux et le fait que la FED ne veuille pas baisser les taux pour les raisons que l’on connait et qui ont déjà été longuement abordées dans ces chroniques matinales, n’a eu absolument aucun impact sur les marchés boursiers hier. Pour la pure et simple raison que nous sommes déjà passés à autre chose. Et cette autre chose, c’est le PREMIER DEAL SIGNÉ au sujet des droits de douane. C’est les Anglais qui prennent donc la première place et qui ont donc déclenché un vent d’optimisme sur les marchés mondiaux. On reparle d’appétit au risque et on reparle de la possibilité d’un retour dans la tendance haussière qui était la nôtre avant le jour de la LIBÉRATION.

Alors bien sûr, on a quand même eu droit à la petite remarque de Donald Trump au sujet de Jerome Powell, puisque le Président s’est quand même fendu d’un commentaire qui se passe de commentaires – justement – je cite….

« La Banque d’Angleterre a baissé les taux. La Chine a baissé les taux. Tout le monde baisse taux sauf lui. Je ne sais pas, on verra bien ce qui se passe. C’est dommage. Moi, je l’appelle ‘Trop Tard’. Trop Tard Powell, c’est son petit surnom « too late Powell ». Et c’est vraiment dommage, c’est ridicule… il est toujours en retard. Mais dans ce cas, ça ne va pas trop compter, parce que notre pays est tellement fort et nous sommes tellement puissants économiquement que ça n’aura pas vraiment d’importance »

Voilà. « Too Late Powell » est un idiot selon Trump et JD Vance, le Vice-Président, en a remis une couche en disant que le patron de la FED était un « type sympa » mais qui est tout simplement faux sur à peu près tout ce qu’il fait. On sent que l’ambiance est vraiment au beau-fixe entre la Maison Blanche et la FED. L’avenir nous dira qui avait raison sur le rapport inflation et baisse des taux, mais une chose est plus que certaine : le marché n’en a strictement rien à foutre et il est déjà passé à autre chose ; taux bas ou taux trop élevés, le souci n’est pas là. Tout ce que veut le marché c’est oublier les tarifs douaniers et passer à autre chose et le premier pas annoncé hier est le signal que tout « pourrait se régler » bien plus vite que prévu.

God save the King

Certains diront que c’est peut-être un peu aller vite en besogne de trouver autant d’optimisme dans ce premier « deal », mais le marché s’en tamponne et ça lui a suffi pour repartir à l’assaut de la hausse. Donald Trump a donc dégainé le tout premier accord commercial. C’est le Royaume-Uni qui restera donc le premier de l’ère Trump à avoir « trouvé » un accord. Le marché, qui est toujours aussi allergique à l’incertitude et accro à la bonne nouvelle, a réagi comme un trader sous amphétamines : le S&P 500 s’est envolé de +1,2%. Tout ça parce que Trump a dit : “Que c’était un TELLEMENT bon accord pour leurs deux pays ». Mais derrière les feux d’artifice, il faut quand même regarder ce qu’il y a dans la boîte… et là, c’est un peu la boîte à surprises du McDo : sympa, mais pas renversant. D’ailleurs en fin de séance, l’euphorie est quand même vite retombée – plus on lisait les détails de l’accord, plus on se disait que ça sentait quand même un peu le truc bricolé à la va-vite. Mais au moins ça aura eu le don de motiver les gens à croire qu’il y a peut-être une éventualité de trouver un moyen de sortir de cette crise des tarifs.

Concrètement, le Royaume-Uni va importer plus de bœuf, d’éthanol et de machines américaines. En échange, les USA vont adoucir légèrement les tarifs sur l’acier et les voitures britanniques. Mais attention : le fameux tarif de base de 10% annoncé en avril reste en place. En gros : on fait un pas en avant et deux pas sur place. Le clou du spectacle c’était d’apprendre que les Anglais allaient acheter pour 10 milliards de Boeing. Trump a annoncé ce premier deal comme s’il venait de sauver l’Amérique d’une guerre nucléaire et selon, lui c’est un deal complet et global. Et ce n’est que le premier d’une longue série. Et puis alors ensuite il nous a sorti une « punchline » dont il a le secret. Le Président a déclaré :

« Vous feriez mieux d’aller acheter des actions maintenant parce que l’économie américaine va exploser »

Même Warren Buffet a dû être étonné d’entendre ça. Mais le pire, c’est que les marchés ont écouté. Quand le Président vous dit d’acheter, vous achetez. Point barre. Après, si l’on veut jouer les critiques géopolitiques, on pourra toujours dire qu’il n’y a pas grand-chose de fabuleusement sexy dans ce deal, mais cela montre tout de même que des solutions peuvent être trouvées et c’est tout ce que demande le marché. Pour l’instant.

Et la Chine dans tout ça ?

Trump en a profité pour teaser son prochain combat : les discussions “très substantielles” avec la Chine ce week-end. À la question : “Les tarifs pourraient-ils baisser ?”, Donald Trump a répondu qu’ils ne pouvaient pas être plus élevés. Résultat, on peut supposer que si ça se passe bien ce week-end en Suisse, le Président va « faire un geste ». C’est de la pure spéculation, mais le monde merveilleux de la finance n’en demande pas plus actuellement, après tout on a bien réussi à monter pendant près de 12 mois après le pivot de la FED et tout ça en se basant sur ce qui allait éventuellement se produire sur les taux un jour.

Actuellement, les tarifs américains sur les produits chinois culminent à 145%, pendant que la Chine applique un petit 125% sur les importations américaines. Autant dire que l’ambiance est plus proche de Rocky IV que d’un aimable brunch diplomatique.

Trump veut que la Chine ouvre plus ses marchés aux produits américains. Il a même glissé :

« Le commerce peut amener une plus grande amitié avec la Chine »

Ça, c’est Trump version peace & love… à prendre avec des pincettes quand même.

En conclusion, cet accord avec le Royaume-Uni est surtout un échauffement. Le vrai combat, c’est la Chine. Et attention : même si Trump veut enchaîner les deals bilatéraux, le Royaume-Uni n’est pas la Chine. Les enjeux sont faibles : les échanges UK-USA sont globalement équilibrés, donc ce n’est pas ça qui va faire fondre le déficit commercial américain. Mais ça aura permis à Trump de faire le show, de faire monter la Bourse, et surtout de continuer à jouer son rôle préféré : celui du « deal maker ».

L’Asie profite du vent arrière

Les chiffres chinois de ce vendredi matin ont montré que la balance commerciale a augmenté légèrement au mois d’avril. Les exportations ont chuté à 8,1 %, contre 12,4 % il y a un mois, mais ont été nettement supérieures aux prévisions, puisque les analystes attendaient une hausse de seulement 1,9 %. Dans le même temps, la baisse des importations s’est réduite à 0,2 %, contre 4,3 %, et a dépassé les estimations des analystes qui tablaient sur un recul de 5,9 %. Il était surtout intéressant que les données publiées ont montré une certaine résistance de la demande intérieure et de la demande étrangère malgré les vents contraires liés aux tarifs. Pourtant ça ne suffit pas pour faire monter la Chine qui reculait de 0.26%, pendant que Hong Kong tournait autour de l’équilibre. Le Japonais sont finalement les seuls qui appréciaient comme il se doit le vent d’optimisme soufflé par l’accord entre les USA et le UK.

Pour le reste, le pétrole repasse au-dessus des 60$ en se félicitant des avancées tarifaires – vu que depuis hier, le deal annoncé par Trump est devenu la solution à tous les maux. La demande en pétrole est trop faible à cause de l’économie qui ralenti ? Pas grave, il y a l’ACCORD ! Les licenciements sont en train d’exploser depuis quelques semaines ? Pas grave, il y a l’ACCORD ! La FED ne veut pas baisser les taux ? Pas grave, il y a l’ACCORD ! Votre femme vous a quitté ? Pas grave, il y a l’ACCORD ! Votre voiture est en panne ? Pas grave, il y a l’ACCORD ! L’ACCORD, c’est comme les marabouts dans les petites annonces, ils peuvent tout faire tant que vous y croyez et que vous êtes prêt à payer 300 balles la consultation. Bref, le pétrole remonte à cause de l’ACCORD. L’or est à 3’334$ à cause de l’ACCORD et assez logiquement, le Bitcoin repasse au-dessus des 100’000$ à cause de l’ACCORD, puisque là tout de suite, nous sommes à 102’745$.

Et pour le reste

Pour ce qui est des news du jour, ne cherchez pas plus loin, ça ne parle que de l’ACCORD et de ce qui pourrait éventuellement se passer du côté de chez nous entre la Chine et les USA. On notera aussi que le nouveau pape est américain et que visiblement le Vatican aussi, veut faire plaisir à Trump. Que Palantir fait partie des 10 plus grosses compagnies aux USA et que les multiples sont tout simplement stratosphériques et ne veulent plus rien dire, encore une bonne raison (si on en doutait) de dire que le marché n’apprend rien et qu’il oublie tout. Et que Donald Trump (encore lui) demande un cessez le feu de 30 jour entre la Russie et l’Ukraine. ET moi je me demande s’il n’y a pas plusieurs Donald Trump, c’est pas possible qu’un seul mec puisse faire et dire tout ça dans la même journée.

Côté chiffres du jour, il n’y aura strictement rien de bien intéressant. Il y aura plein de gens de la FED qui vont parler. Pas sûr que ça change grand-chose, mais ça nous occupera un peu. Les futures sont en légère hausse et on retiendra une chose, c’est que l’optimisme est de retour – l’indice « Greed and Fear » est à 62 alors qu’il était à 4 sur les bas du 7 avril – comme quoi, le coup de l’indice contrariant marche quand même très très bien !

En ce qui me concerne, je vous souhaite un excellent week-end et je vous retrouverai mercredi prochain – après une pause de 4 jours pour des raisons d’anniversaire – alors profitez bien et à la semaine prochaine !

Thomas Veillet
Investir.ch

“It takes character to sit with all that cash and to do nothing. I didn’t get to the top where I am by going after mediocre opportunities.” Charlie Munger