Je ne vais pas aller jusqu’à dire que l’on préférait quand Trump nous balançait des messages sur les réseaux sociaux toutes les cinq minutes, mais il y a quand même un juste milieu. Un juste milieu entre des journées de folie et des séances comme hier où l’on passe surtout notre temps à brasser de l’air en attendant la FED tout en se remémorant la carrière de Warren Buffet. La volatilité continue de baisser et la « confiance de l’investisseur », le fameux « Greed and Fear » repart en direction du « greed ». Autant nous avons été terrifiés le 2 avril, autant la confiance est revenue à toute vitesse. L’investisseur a cette capacité de changer son fusil d’épaule, c’est inouï
L’Audio du 6 mai 2025
Télécharger le podcast
L’axe de réflexion du jour
Tout d’abord, il faudra retenir qu’hier les marchés américains ont mis fin à leur série de hausses consécutives. On se sera donc arrêté à 9 séances de suite. Ce lundi 5 mai n’aura pas non plus été une journée de « sell-off », mais disons que l’on a quand même pris quelques profits à l’aube de la décision de la banque centrale américaine. La plupart des économistes et autres stratégistes qui peuplent le monde des banques d’affaires étaient tous plus ou moins de sortie et essayaient de mettre des mots sur ce que l’on attendait de la part de la FED et surtout, de Jerome Powell. On va donc essayer de s’y mettre aussi et de synthétiser un peu tout ça.
Il faut bien comprendre qu’à l’heure actuelle, il y a deux cas de figure qui se présentent. Le premier cas, c’est la vision du Président Trump. Le patron discutable et discuté de la Maison Blanche a sa propre vision de l’économie. On ne sait pas trop d’où il tire ses sources et ses informations, mais selon lui l’inflation n’existe pas et elle n’est que le fruit de notre imagination. Les chiffres du BLS sont bidons et les chiffres du PCE ; également. Et franchement, sur ce coup-là, je ne peux pas lui en vouloir étant donné que ça fait longtemps que je pense que les clowns du BLS sont… ah ben tiens, la réponse est contenue dans la description. Donc, Trump pense qu’il n’y a pas d’inflation et que, comme l’économie est en train de ralentir à cause de la guerre commerciale (un peu) et de ce qu’a laissé Biden en partant (beaucoup selon Trump toujours). La seule stratégie viable serait de baisser les taux massivement pour relancer l’économie et le tour serait joué.
Sauf que
Le second cas de figure est celui que l’on qualifiera de « plus proche du monde réel ». Et c’est celui de Jerome Powell. Le patron de la FED sait que l’inflation n’est pas morte. Elle a été placée momentanément dans une sorte coma artificiel, mais on n’est pas à l’abri d’un RE-démarrage de folie qui pourrait mettre à mal le consommateur. Historiquement parlant, Powell a toujours estimé qu’il était plus « facile » de relancer une économie en récession que de freiner une inflation hors de contrôle. Et, au vu des chiffres économiques – on constate inévitablement et objectivement une dégradation des conditions, mais nous ne sommes pas encore en mode panique – en revanche, l’impact des tarifs douaniers ne s’étant pas encore fait sentir sur les prix à la consommation, le patron de la FED préfère « attendre pour voir » que se précipiter.
• Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est que Le rapport sur l’emploi d’avril a été jugé « solide », et ne confirme pas les craintes liées au ralentissement du 1er trimestre – je ne suis pas monstre d’accord avec cette réflexion, mais ça suffit à Powell pour estimer qu’il n’y a pas d’urgence à agir.
• La Fed est en mode « attentiste » face à une situation complexe : inflation qui grimpe ou qui pourrait grimper, croissance qui ralentit et emploi qui vacille. En langage éco, ça s’appelle la stagflation. Et c’est un vrai casse-tête.
La FED ne devrait donc PAS BAISSER les taux tant que l’inflation (qui pourrait être causée par les tarifs douaniers) n’a pas atteint un pic. Idéalement, il faudra aussi voir des faiblesses sur le marché du travail pour que la Fed envisage de bouger, puisque l’on sait tous qu’une baisse de taux prématurée pourrait aggraver la stagflation au lieu de la soigner. Jerome Powell parlera mercredi, juste après la réunion de la Fed. Il devrait reprendre les grandes lignes de son discours du 16 avril, en résumé :
« Pas de précipitation. L’inflation reste notre priorité. »
Le problème dans tout ça, c’est que Trump n’est pas d’accord avec cette stratégie. Et il ne va pas se gêner de l’exprimer lors du discours de mercredi soir. D’où une certaine incertitude dans les marchés, ce qui a peut-être poussé les intervenants à liquider certaines positions à l’aube de l’intervention de la FED. Pourtant, il n’y pas tant d’incertitude que cela, puisque 98.7% des sondés pensent que Powell ne bougera pas et que dans le meilleur des cas, il commencera à bouger en juillet et encore, c’est même pas sûr. Bref, j’ai bien peur que nous restions figés dans cette ambiance hésitante en attendant le discours de Powell et les tweets incendiaires de Trump.
En Europe
Du côté du Vieux-Continent, nous avons eu à boire et à manger. D’un côté la Suisse et la France s’effritaient dans le sillage des « craintes de ce qui pourrait se passer sur les taux d’ici mercredi » et l’Allemagne terminait encore une fois en hausse, à la poursuite de ses records du mois de mars. Apparemment l’optimisme est de mise à Francfort et rien ne semble plus pouvoir arrêter le DAX depuis que l’on a retrouvé l’espoir de régler le problème les droits de douane à l’amiable. Pendant ce temps, il y avait également des rumeurs comme quoi Shell serait sur le point de racheter BP et l’UBS vient de striker un accord avec les Américains pour des histoires d’évasions fiscales qui dataient du Crédit Suisse. Le montant final à verser est de 511 millions de dollars.
Nous avons donc terminé cette journée sans grandes directions, puisque tout le monde attend de voir quel genre de « drama » va se dérouler entre la FED et Trump. Non, parce que soyons très clairs ; on se fout pas mal de ce que la FED pourrait faire ou dire, ce que l’on attend surtout de savoir c’est quel sera le niveau de colère de Donald Trump et que serait-il capable de dire ou de faire sur le moment. Pour le reste, on notera tout de même que sur la séance d’hier on n’a pas vraiment parlé des droits de douane et des discussions avec la Chine – probablement parce que c’était férié là-bas. Il est tout de même étrange de voir que les marchés ont complètement intégré les tarifs depuis l’annonce du moratoire de 90 jours et PERSONNE n’a l’air de penser une seule seconde que les négociations pourraient ne pas fonctionner avec certains pays et que l’on pourrait VRAIMENT avoir une guerre commerciale. La paix est donc revenue sur les marchés. Pourvu que ça dure.
Les marchés asiatiques en mode sourire figé
Ce mardi matin, les Bourses asiatiques étaient globalement à la hausse, emmenées par la Chine qui semble avoir retrouvé un peu le sourire — ou du moins un rictus d’optimisme — grâce aux espoirs de reprise du dialogue commercial avec les États-Unis. Oui, encore.
Rien de concret pour l’instant, mais on en est à ce stade où le simple fait de se parler, c’est déjà bullish. Les investisseurs digèrent aussi les derniers chiffres d’activité dans les services en Chine, un peu comme on digère un riz sauté après 3 jours de junk food monétaire : on ne sait pas si c’est bon, mais on fait semblant. La Chine est en hausse de près de 1% et Hong Kong suit le mouvement avec 0.65% de hausse. À noter quand même que le Japon et la Corée du Sud étaient fermés pour cause de jours fériés. Résultat : volumes de transactions ultra-faibles, ambiance feutrée, comme un lendemain d’hier sans avoir encore eu accès au café.
Du côté de l’or, ça repart à la hausse et le métal jaune s’échange à 3’368$, pendant que le Bitcoin est à 94’400$. Pour ce qui est du baril, après l’annonce de l’OPEP, ça remonte légèrement et le WTI repasse au-dessus des 58$. On notera aussi que la baisse du pétrole aura également fait plaisir aux compagnies aériennes qui voient leurs coûts baisser drastiquement depuis quelques temps.
Les sociétés, les news et le reste
Mis à part nos réflexions sur les taux, sur la FED et l’avenir de l’économie américaine sous droits de douane ou pas, il faudra tout de même retenir que l’on s’est pas mal concentrés sur les chiffres trimestriels de certaines sociétés qui nous ont donné de bonnes indications sur l’état de l’économie et des compagnies qui la compose. Une chose est désormais certaine (si on avait encore un doute), c’est que personne ne sait où l’on va et que l’incertitude est totale. Hier il y a eu deux sociétés qui ont mentionné la chose avec insistance. Deux sociétés qui font des jouets, une pour les enfants et l’autre pour les adultes. Oui, Mattel a publié ses chiffres trimestriels et Ford aussi. Et tous les deux se sont montrés très très prudents pour la suite, puisqu’ils ne savent pas du tout où est-ce que les tarifs douaniers vont nous mener.
Chez Ford, on a suspendu les prévisions financières pour 2025, évoquant de gros risques à court terme, notamment des tarifs douaniers estimés à 1,5 milliard de dollars cette année.
La marque évoque quatre menaces majeures :
1. Nouvelles perturbations des chaînes d’approvisionnement
2. Augmentation ou extension des tarifs douaniers
3. Risques de représailles commerciales (tarifs croisés, restrictions)
4. Flou politique sur les taxes et les normes d’émissions
Ford estime que l’incertitude est trop élevée pour donner une prévision fiable à ce stade. Une mise à jour est attendue mi-été, lors des résultats du 2e trimestre. Pour le reste, Ford a annoncé un chiffre d’affaires de 40,7 milliards contre 38.2 attendu et un profit de 14 cents alors que les analystes pariaient sur zéro… L’un dans l’autre les chiffres sont pas trop mauvais, mais l’absence de guidance et le manque de clarté pour l’avenir a fait baisser le titre de 2.4% after close.
Et Barbie et Ken ?
Chez Mattel on veut continuer à faire jouer les enfants… sans se faire plomber par les douanes. La maison de Barbie annonce des hausses de prix « si nécessaire », tout en déménageant la prod hors de Chine – objectif : moins de 10 % made in China d’ici 2027. Elle met également en pause ses prévisions 2025, l’impact de la guerre commerciale rendant toute visibilité impossible. On voit que la société fait des efforts pour plaire à Trump et elle a même lancé un appel estimant qu’il fallait mettre les droits douane à zéro pour les jouets pour que les enfants puissent se développer harmonieusement. Et comme ça, tu peux leur filer un iPhone à trois ans pour qu’il te foute la paix au restaurant… Le titre était en baisse de 0.6%.
Et puis, comme annoncé, hier soir il y a Palantir qui a publié son trimestre. Le CEO a déclaré que sa société était « EN FEU ». En effet, les chiffres étaient canons, mais le marché n’a pas imprimé et le titre baissait de 9% after close. Malgré les bons chiffres et malgré la guidance relevée pour le reste de l’année. Pourquoi ça baisse alors ? Eh ben le marché avait déjà anticipé : le titre était en hausse de +65% depuis janvier, proche de ses plus hauts. Trop d’optimisme intégré. Il y avait une valorisation délirante, Palantir se payait 189 fois ses bénéfices estimés, contre une moyenne historique de 98. Bref, tout était trop cher, trop de dépendance aux contrats gouvernementaux et ralentissement attendus pour les prochains trimestres. En résumé, Palantir va très bien, mais c’était trop cher et trop anticipé…
Mais encore
On notera encore que Skechers s’envole de +24 % après l’annonce d’un rachat par 3G Capital pour $9,42 milliards soit 63$ par action. On Semiconductor a dépassé les attentes mais chute de -8,4 % à cause d’une demande toujours en berne sur l’ensemble de ses segments. L’action Berkshire Hathaway plongeait de 5,1 % dans la foulée du départ de Buffet. Ce mardi sera probablement encore très proche de la même ambiance qu’hier, vu que l’on n’en saura pas plus au sujet de la FED et ça ne sont pas les chiffres du PMI en Europe ou du Trade Balance aux USA qui vont y changer quelque chose.
Côté trimestriels, nous aurons Ferrari, AXA, Geberit, Super Micro, AMD, Rivian et Lucid qui seront de sortie. Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.24% et on va continuer à attendre encore un peu en se disant – comme à chaque fois – que le Meeting de la FED, il peut vraiment tout changer…
Passez une excellente journée, n’oubliez pas de vous abonner à la Newsletter GRATUITE d’Investir.ch et on se retrouve demain pour que je vous dise ENCORE que l’on attend de voir ce que la FED va faire et que si elle fait rien, Trump y sera pas content !
Belle journée d’automne bien pourri à tous !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Twenty years in this business convinces me that any normal person using the customary three percent of the brain can pick stocks just as well, if not better, than the average Wall Street expert.” – Peter Lynch