Et c’est reparti pour un tour ! Non seulement ce matin on commence une nouvelle semaine, mais en plus on commence un nouveau mois ! On vient de sortir du mois de mai qui aura été le meilleur mois de mai depuis 1990 – autant dire que PERSONNELLEMENT je n’avais jamais vécu le moindre mois de mai aussi bon, puisque j’ai mis les pieds dans ce milieu en 1992 – mais ça veut aussi dire que la bonne vieille citation qui disait « sell in May and go away », on peut largement s’assoir dessus, puisqu’elle ne sert plus à rien. Bon, sauf si on se base sur le fait qu’elle est basée sur la performance de mai à novembre et quand on voit ce qu’on voit, on ne peut pas exclure que l’on fasse secouer encore !
L’Audio du 30 mai 2025
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Sell in May and go away JUSQU’EN Novembre
Oui, parce que sur le papier, la théorie du « sell in May and go away », laisse supposer que l’on vend tout en mai et que l’on RACHÈTE TOUT en novembre. Donc, je dirais qu’avant de juger et de faire les malins sur le fait que tout a changé parce qu’on a pris 6.32% sur le Nasdaq ou que l’on a explosé le secteur des semiconducteurs de 8.21%, il va falloir relativiser et ne pas oublier que le « chicken » qui est à la Maison Blanche est capable de nous faire tout et n’importe quoi et qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir, tué, dépecé, tanné et ensuite mis en vente sur Vinted. Oui, le Président Trump est quand même ce qui se fait de plus volatile dans le monde de la politique et, pas de bol, c’est le pays le puissant du monde économiquement parlant – ce qui a la capacité de foutre un bordel monstre sur les marchés à chaque publication sur Truth Social ou sur X.
Sans compter qu’à chaque fois que Trump donne des moratoires sur les droits de douane, il a l’immense capacité de changer d’avis AVANT la fin du moratoire si les négociations ne vont pas assez vite à son goût – et souvent c’est bien, bien avant la fin du moratoire, puisque techniquement nous n’avons encore vu la fin d’aucun moratoire depuis l’idée même de la création des moratoires. Et puis d’ailleurs, il n’y pas que les histoires des moratoires qui peuvent foutre le bordel sur les marchés. Il suffit simplement que Trump s’en prenne frontalement aux Chinois – par exemple – pour estimer que ce sont des lâches et des traîtres – enfin, surtout des traîtres – parce que « lâches » c’est moi qui ai rajouté pour augmenter un peu la tension dramatique de ma chronique matinale. Peu importe. Donc Trump estime que les Chinois ont trahi l’accord de Genève – c’est en tous les cas ce qu’il a déclaré vendredi soir – et la réponse a été délivrée cette nuit et je crois que l’on peut dire que l’accord de Genève est mort… Pour autant qu’il ait été réellement vivant pendant quelques heures. On pourra même dire : Mort-né.
La Chine : la réplique
Comme quoi Trump n’est pas qu’un facteur volatile uniquement au sujet des moratoires, il peut aussi allumer le feu sur bien d’autres sujets. Non parce que comme les annonces de droits de douanes stratosphériques n’impressionne plus du tout Wall Street, il va bien falloir trouver autre chose. La tout de suite, les tensions liées à la Chine risquent bien de prendre le dessus sur ce début de semaine. Il y aura plein de chiffres économiques cette semaine – mais là tout de suite, on va commencer par le début – puisque l’on est passé d’un accord commercial en négociation entre la Chine et Trump a une espèce de guerre des mots très agressive qui pourrait accentuer un peu le niveau de nervosité du marché.
Donc, ce matin les futures américains sont sous pression, tout comme les marchés asiatiques parce que – je cite – les tensions entre la Chine est les USA sont en train de repartir du côté obscur de la force. Ce lundi, la Chine a pété un câble diplomatique. Officiellement, elle rejette en bloc l’accusation américaine selon laquelle elle aurait violé l’accord. Pire : elle accuse les États-Unis d’avoir trahi les termes de Genève.
Pourquoi ce revirement ? Eh bien, Washington a sorti les armes lourdes :
• Restrictions sur les logiciels de design de semi-conducteurs,
• Blocage de certains produits chimiques à destination de la Chine,
• Et pour couronner le tout : retrait de visas pour des étudiants chinois.
Autant dire que du côté de Pékin, on parle désormais de « provocations unilatérales » et de « déstabilisation des relations économiques ». Et pour bien appuyer le message, la Chine serre encore en plus la vis sur ses exportations de terres rares— ce petit ingrédient indispensable à l’industrie tech mondiale.
L’intervention de Trump sur les réseaux sociaux vendredi soir, a donc provoqué l’ire du gouvernement chinois – pour ceux qui ont fait le pont, le Président avait déclaré que « sans surprise la Chine a TOTALEMENT VIOLÉ LES ACCORDS DE GENÈVE et qu’il fallait qu’ils arrêtent de leur cinéma ». Je le conçois la traduction et l’interprétation est assez « libre », mais c’est l’idée. Trump s’en est pris aux Chinois avec la délicatesse d’un rouleau compresseur, fini la diplomatie, on a repris la casquette MAGA et le lance-flamme économique.
C’est faux !
La Chine a répondu que c’est : « totalement faux », en rappelant qu’elle avait suspendu plusieurs taxes et barrières en avril, dans le cadre de ce qu’ils appellent “un respect scrupuleux de l’accord”. Et Bessent, dans tout ça ? Il admet à la télé que les discussions sont « un peu au point mort ». Et suggère qu’un appel Trump–Xi pourrait aider, mais on ne sait pas quand. Et ce n’est pas tout. Ce week-end à Singapour, au sommet de la défense Shangri-La, le nouveau patron du Pentagone Pete Hegseth a déclaré que la menace militaire chinoise dans l’Indo-Pacifique était “réelle” et “imminente”. Il a demandé à tous les alliés de sortir le chéquier pour muscler leur défense. La Chine elle, était absente. Pour la première fois depuis 2019. En gros : on boude. Et dans un communiqué vénère, Pékin accuse Washington d’attiser un climat de guerre froide, de piétiner la souveraineté chinoise, et — bouquet final — d’être le plus grand “fauteur de troubles” de la région.
En conclusion, les relations sino-américaines, c’est plus du tout “je t’aime moi non plus”. C’est carrément le divorce avec garde alternée des sanctions. Et pendant que les deux mastodontes s’envoient des tweets vénéneux, les marchés retiennent leur souffle, les matières premières se tendent, et les investisseurs se posent des questions, alors que nous sommes à « ça » des plus hauts de tous les temps sur les indices américains, ça serait quand même ballot de renoncer à 300 points du but (sur le S&P500)… Toujours est-il que l’on commence cette semaine et ce mois avec de nouvelles tensions géopolitiques au plus haut niveau et cela crée un peu de stress pour le retour du week-end.
Taco Trade
Après, il est clair que rien n’est gravé dans le marbre. Si l’on regarde ce qui s’est passé sur les marchés depuis le début du mois d’avril, on a de quoi se poser des questions sur l’effet réel de ces tensions géopolitiques. Non, parce que si l’on reprend les choses dans l’ordre ; on se souviendra que Trump a collé des tarifs douaniers au monde entier – que les marchés ont paniqué comme si le COVID était de retour et que l’on avait confiné la Chine et relancé le télétravail. Et puis la semaine d’après, on a commencé à mettre en place la technique du « backpedaling » de Donald Trump. En gros, à chaque sanction, on a offert un moratoire et ça a eu le don de faire rebondir le marché comme si le problème n’existait plus, alors qu’en fait il n’était que repoussé à plus tard.
Et plus les jours passaient – depuis le 2 avril – plus nous nous sommes emballés à la hausse à chaque annonce de moratoire – même des fois, on s’est emballé plus sur l’annonce d’une suspension de tarifs que l’on a eu peur lors de l’annonce même des sanctions ! Résultat : on se trouve à une encablure des plus hauts de tous les temps, alors que concrètement, il n’y pas eu le moindre deal concret qui a été signé – mis à part celui des cousins Anglais – et là, ce matin, on craint la crise chinoise, la crise diplomatique dans laquelle les mots « guerre froide » sont lancés et les futures sont indiqués en baisse de 0.6%. On presque l’impression que le marché NE CROIT PLUS AUX MAUVAISES nouvelles lorsqu’elles viennent de Trump, puisque l’on se dit déjà qu’il va tourner la veste dans trois jours et que ça montera plus sur le tournage de veste que sur la « MAUVAISE NOUVELLE ». C’est d’ailleurs pour ça que tout le monde ne parle plus que du TACO Trade. C’est la stratégie du moment, il faut acheter quand Trump s’énerve, pour jouer le rebond lors de l’annonce de la solution – même temporaire.
Nouveau mois
Comme vous le voyez, on attaque un nouveau mois, mais on garde nos anciennes habitudes. Aujourd’hui, rien n’est réglé et pourtant tout le monde continue de miser sur le fait que la stratégie de Trump c’est d’affaiblir l’adversaire pour l’amener à la table des négociations et une fois que ça sera fait, le marché semble plutôt convaincu que les parties vont trouver un accord. Restera à voir si c’est un « bon accord », mais pour l’instant, on dira que tout le monde s’en contrefout et que le problème c’est déjà de TROUVER UN ACCORD, histoire que l’on arrête de brasser de l’air avec la géopolitique et que l’on puisse retourner un peu se concentrer sur les fondamentaux macroéconomiques et commencer à calculer l’impact final de tout ce merdier de taxes douanières. Oui, parce que ne l’oublions pas, quoi que l’on veuille bien penser et dire sur le sujet, à chaque fois que ce genre de taxes douanières ont été mises en place dans l’histoire, le seul qui en a pris plein la gueule ; c’est le consommateur, les ménages, vous et moi. Pas les Présidents, pas les États et pas forcément les entreprises. Non, juste vous et moi en bas de la chaîne alimentaire.
Donc là, nous sommes en début de semaine, les futures sont dans le rouge, le Japon recule de 1.5%, Hong Kong plonge de 2.2% et la Chine est fermée pour cause de Dragon Boat Festival. La raison de la baisse – c’est bien évidemment les tensions entre la Chine et les USA, mais dans les milieux autorisés ont se demande quel sera le bon moment pour acheter à nouveau – juste avant que la Maison Blanche annonce que Trump et Xi sont partis faire un trekking ensemble au Népal pour sauver le monde ou juste avant que Trump nous fasse un nouveau TACO sur la Chine, le suspense est insoutenable. Et puis du côté des matières premières, ce week-end, l’OPEP a sorti la sulfateuse : troisième hausse consécutive de production, +411’000 barils/jour dès le mois de juillet. L’objectif ? Faire baisser les prix, punir les tricheurs comme l’Irak, et reprendre la main face aux foreurs de schiste américains. OUI MAIS SAUF QUE, SURPRISE, SURPRISE!!!! le pétrole grimpe quand même, porté par la géopolitique et les frappes ukrainiennes sur la Russie – oui parce que là-bas aussi ça négocie dur pour la paix – du coup les marchés réalisent soudainement que le baril ne répond plus aux règles de l’offre et de la demande, mais à celles du chaos stratégique. Conclusion : l’OPEP joue la carte du long terme, mais en face, c’est la géopolitique qui tient la manette. Ce matin le baril est à 62.51$. L’or est à 3’334$, le Bitcoin vaut 105’000$ et le rendement du 10 ans US est à 4.41%. Oui, parce que là tout de suite, on ne parle déjà presque plus du marché obligataire, mais faites-moi confiance, on va y revenir… Un de ces jours. Jamie Dimon, le patron de JP Morgan a déclaré que ça sentait mauvais et que le jour où ça commencerait à craquer, les autorités allaient paniquer comme jamais… Vous sentez la bonne ambiance du mois de juin ?
Des nouvelles ou pas
Côté nouvelles neuves, c’est assez maigre, mais on peut revenir deux secondes sur les chiffres du PCE de vendredi. C’était un petit rayon de soleil dans la grisaille. Le PCE, le baromètre préféré de Powell, commence à baisser. En avril, on est à +2,1% sur un an, et +2,5% pour le Core PCE. C’est mieux, c’est plus propre, on commence à flirter avec l’objectif de 2% fixé il y a quelques années. Mais pas encore de champagne : les effets des nouveaux tarifs douaniers ne sont pas encore dans l’équation (pour autant qu’il y ait des tarifs un jour, on ne sait jamais). Powell, lui – pour le moment, il continue de jouer la montre : pas question de toucher aux taux tant que l’inflation ne colle pas aux 2%. Et vu l’état des marchés, on aura un consensus le jour où Trump et Xi Jinping feront un karaoké ensemble. Les économistes sont divisés : optimistes prudents d’un côté, flippés du retour de l’inflation made in tarifs de l’autre. Résultat ? Tous ont les yeux rivés sur les chiffres de l’emploi de vendredi. À ce niveau, c’est plus un simple chiffre, c’est la finale de la Coupe du Monde des banquiers centraux.
Autrement l’Ukraine a mené une série de frappes à travers la Russie, en utilisant des drones dissimulés dans des camions pour viser des bases aériennes stratégiques, endommageant plus de 40 avions russes et causant des pertes d’au moins 2 milliards de dollars. Maintenant on attend de voir la réponse de Moscou, mais ça ressemble plus à une escalade que des négociations de paix. Et puis le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a affirmé que les États-Unis « ne feront jamais défaut », alors que l’échéance pour relever le plafond de la dette fédérale approche à grands pas. « Ça n’arrivera jamais », a déclaré Bessent dimanche dans l’émission Face the Nation de CBS. « Nous sommes en zone d’avertissement, mais nous ne percuterons jamais le mur. » Les leaders républicains du Congrès ont rattaché la hausse du plafond de la dette au projet de loi sur la fiscalité et les dépenses de Donald Trump, ce qui rend l’évitement d’un défaut dépendant de négociations complexes autour du texte. Le Sénat américain fait son retour cette semaine pour se pencher sur le dossier.
Les chiffres du jour
Côté chiffres du jour nous aurons le PIB en Suisse et puis une tripotée de Manufacturing PMI en Europe, mais aussi l’ISM Manufacturing PMI et le S&P Global Manufacturing PMI. Il y aura aussi Madame Lagarde qui va parler à quelques jours d’une nouvelle baisse des taux et Powell qui parlera à quelques mois d’une nouvelle baisse des taux, s’il ne se fait pas jeter dehors avant. Pour le moment – donc – les futures sont dans le pâté à cause du duel de karaoké entre Trump et la Chine, mais on dira que ça n’est pas la panique, parce qu’on sait tous que Trump va nous faire une Taco Trade…
Bonne journée à tous, bon début de semaine, de mois et bonne chance pour juin !
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch