Ce genre de chronique boursière en plein milieu d’une énième attaque militaire au Moyen Orient, est toujours assez intéressante à écrire. D’abord parce que comme tout s’est passé cette nuit (pour l’instant), ce qu’il y a raconter sur la séance d’hier n’a strictement aucune importance. Aucune importance, parce que ce matin, tout le monde est sur le net pour essayer de comprendre ce qui se passe et surtout, ce qu’il faut faire en cas de guerre ! Autant vous dire que la clôture du S&P500 à une centaine de points du plus haut de tous les temps n'intéresse personne, puisque là tout de suite, les futures sont en baisse de 1.63% et que soudainement les droits de douane n’intéressent plus personne.
L’Audio du 13 juin 2025
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Hier et ce matin
Donc, pour faire simple et rester très pro, la séance d’hier aura été super-chiante en Europe parce qu’il ne s’est pas passé grand-chose et qu’on a UNE FOIS DE PLUS spéculé comme des fous au sujet de ce que pourrait faire Trump, ou de ce qu’il pourrait ne pas faire. Le président américain a laissé entendre qu’il allait envoyer des lettres à « certains pays avec qui les négociations n’avancent pas assez » afin de leur proposer un deal du genre « à prendre ou à laisser ». Il n’a pas donné de nom, pas fait de liste et même pas montré un PowerPoint avec des petits drapeaux dessus, mais disons que certains se sont sentis visés et n’étaient super à l’aise dans leurs baskets. Je pense à l’Allemagne qui lâchait près de 0.8% et à l’Europe en général qui semble un peu gênée aux entournures. La France a perdu 0.14% et la Suisse était en hausse de 0.06%. Une volatilité de folie, un marché passionné et des indices qui n’allaient nulle part hier.
Aux États-Unis, c’était un peu différent. Après les chiffres d’Oracle et le carton qu’ils ont annoncé dans le Cloud, tout le secteur tech se sentait pousser des ailes comme s’ils avaient picolé du Red Bull toute la journée. En fin de journée, on n’en savait toujours pas plus sur les droits de douane, on n’avait aucun détail supplémentaire sur les droits de douane et sur ce qui avait été négocié avec la Chine. Oui, car même si Trump est en train de faire des « victory laps » à longueur de journée depuis que « l’ACCORD DE LONDRES » a été drafté, les Chinois n’ont pas dit un mot. Alors oui, on sait que, selon la citation : « qui ne dit mot, consent », mais je ne suis pas certain que la phrase précitée se traduise en Chinois. On aimerait donc bien que Xi-Jinping affiche également sa joie de faire tartiner 55% de tarifs douaniers pour soutenir l’Amérique et la rendre GREAT AGAIN. En pleine guerre civile, mais GREAT AGAIN.
Doute et incertitude quand tu nous tiens
Enfin, vous l’aurez compris, on est toujours un peu dans le doute et l’incertitude, mais au fond de nous, on sait qu’à la fin c’est les Américains qui gagnent et donc, on est plus ou moins restés bloqués sur le fait qu’hier soir la tech c’était vachement cool et que tant qu’il y aurait du CLOUD et de l’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, il n’y avait pas de raison ne pas croire à la hausse permanente des bourses mondiales. Finalement au-delà de la tech, le seul truc qui intéressait les gens, c’était Boeing, puisque depuis le crash du 787 d’Air India hier, tout le monde spécule sur le fait que c’est ENCORE UNE FOIS tout de la faute à Boeing. Et le titre se faisait déglinguer de 4.8% et ça continuait encore hier soir avec 1% de plus.
Avec l’avènement des smartphones et des caméras de surveillance dans tous les coins, tout le monde a pu voir les images de l’avion qui semble ne plus pouvoir voler quelques secondes après le décollage, ce qui, inévitablement, donne lieu à plein de commentaires sur les réseaux pour expliquer ce qui s’est passé. Des commentaires fait par des experts en aviation qui se sont formés sur flight simulator ou qui ont vu trois fois les deux « TOP GUN » et du coup, le titre était sous pression parce que c’est forcément de la faute des méchants avionneurs américains. Mais il faut préciser qu’à l’heure actuelle on ne sait absolument pas ce qui s’est passé et que c’est la toute première fois qu’un 787 Dreamliner se crashe depuis sa mise en service en 2011.
Gaza, c’est fait, on passe à autre chose
Mais bon, comme je vous le disais en intro de cette vidéo, il s’est passé un évènement cette nuit qui fait que tout ce qui nous intéressait au sujet des droits de douane, de la croissance économique, de l’inflation, du chômage, du fait que les chiffres sont bidouillés, ou encore du TACO Trade selon TRUMP, n’intéresse momentanément plus personne. Je dis bien « MOMENTANÉMENT »… Non, parce que depuis qu’Israël a attaqué les sites nucléaires iraniens il y a quelques heures, soudainement les droits de douane et l’inflation sont passés au second plan. Même l’éventuelle nomination du futur-chairman-de-la-FED-en-remplacement-de-Powell n’intéresse plus personne. Ce matin nous sommes officiellement en mode guerre, avec treillis et casque de camouflage obligatoire.
Oui, non, parce que pour ce que l’on sait là tout de suite dans les médias, c’est que les Israéliens ont attaqué les sites nucléaires iraniens ainsi que ceux qui étaient susceptibles d’envoyer des missiles balistiques. Alors on ne sait pas si c’est parce que Benyamin Netanyahou avait fini son job à Gaza et qu’il lui restait des munitions en rab, ou s’il y avait vraiment une raison de danger immédiat – je dois dire que j’ai très peu de contacts dans les services secrets israéliens, mais on va dire que l’un dans l’autre, la stratégie d’Israël et de frapper avant qu’on les frappe. Ce qui se défend largement. Bon, là je vais passer à la suite, parce que c’est mieux que j’évite un sujet qui finit toujours mal en termes d’interprétation.
Le constat
Revenons donc à l’impact de l’évènement militaire de la nuit. Pour l’instant, c’est Israël : 1 et Iran : 0 – en plus lors des frappes ils ont réussi à dézinguer le chef des Gardiens de la Révolution Hossein Salami – et vu son poste, on ne va pas le pleurer très longtemps et j’éviterais du même coup de faire des commentaires sur son nom de famille, mais il y aurait de quoi faire. Surtout en ce moment. Peu importe. Le score est donc en faveur de Tel-Aviv et maintenant on attend la réponse du berger à la bergère. Benyamin a déjà demandé à ses compatriotes de se tenir prêts à aller dans les abris et à y passer pas mal de temps. Du coup, les marchés sont dans le doute et les futures sont en plongée. C’est un nouvel évènement géopolitique qui redistribue un peu les cartes. Maintenant, il faudra tout de même se souvenir qu’il y a quelques mois, on avait flippé pour les mêmes histoires et ça s’était terminé avec une partie de ping-pong entre drones et basta.
Bon là, ça à l’air un poil plus sérieux. Nous allons donc remettre l’ouvrage sur le métier et plonger dans les livres d’histoire – comme à chaque fois – pour voir comment les marchés boursiers réagissent dans ce genre de situation. Alors tout d’abord, on sait tous que la première réaction du marché, c’est de plonger et de se mettre à couvert. Les indices se font déglinguer, l’or part à la hausse et le pétrole s’envole. Et en l’occurrence, au vu des parties belligérantes, le pétrole va être quelque chose des très intéressant à surveiller. Actuellement, le baril s’envole et se traite à 74$ sur le WTI. Une des grosses craintes, c’est donc l’escalade du conflit. Israël a déjà annoncé que les bombardements allaient continuer, le Premier Ministre a déclaré tout à l’heure :
« Il y a quelques instants, Israël a lancé l’opération Lion Levant, une opération militaire ciblée visant à repousser la menace iranienne qui pèse sur la survie même d’Israël.
Cette opération se poursuivra aussi longtemps qu’il le faudra pour éliminer cette menace. »
On peut donc en déduire que ce n’était pas juste un vol d’entrainement et que ça n’est pas terminé. On peut donc aussi en déduire que Téhéran ne va pas rester les mains dans les poches et que les Américains auront leur mot à dire. D’ailleurs Rubio a déjà parlé, il ne s’est pas mouillé, mais a prévenu que les USA n’étaient pas dans le coup et qu’il ne fallait pas toucher aux assets américains dans la région. Le message est clair et on peut juste souhaiter que ça ne va pas dégénérer.
Que dit l’histoire
Donc ce matin, il y a comme une petite odeur de panique sur les marchés. Mais petite seulement. On attend tous de voir la suite et la réponse mesurée tout en délicatesse de la part des Iraniens – première chose que l’on craint, c’est la fermeture du Détroit d’Ormuz – 20% du brut mondial passe par là. Mais au-delà de tout ça, il est important de se souvenir tout de même qu’en général, les marchés baissent lors des premiers coups de canon (ou de missiles, ou de drones de nos jours) et qu’une fois que l’on s’est habitué au conflit, même dans la durée, Wall Street a tendance à s’en foutre complètement. Lors de l’invasion de l’Ukraine, le marché avait perdu 2.5% dès les premiers échanges – le S&P tournait autour des 4’000 et un mois plus tard, les 4’600 étaient atteints et trois jours après les 2.5% étaient déjà effacés.
On connait tous la citation : acheter au son du canon et vendre au son du clairon, c’est ce qui se passe « en général ». La grande question restera de savoir quelle sera l’amplitude de l’effet d’annonce. À quel moment le marché va-t-il décider que « c’est dans les prix » et que l’on peut racheter, ces dernières années, les choses ont été super-vite. Mais en même temps, la grande question reste de savoir si CETTE GUERRE peut déclencher une escalade et provoquer un conflit plus large. Nous y verrons probablement un peu plus clair dans quelques jours. Mais souvenez-vous que ces temps nous savons faire preuve d’une résilience assez folle. Néanmoins, voici un résumé très rapide de ce que l’on peut retenir du comportement des marchés en cas de conflit…
À l’annonce d’un conflit armé, surtout si on ne s’y attendait pas, la réaction est quasi systématique :
Nous avons d’abord une baisse brutale des indices (souvent -2 à -5% dans les premières 24-72h) – Hausse de l’or, du pétrole, des valeurs refuges (franc suisse, dollar). Ce qui nous arrange vachement bien en ce moment, en Suisse. Puis les actifs risqués se font taper dessus (small caps, tech, marchés émergents). Les taux longs US ont tendance à baisser (flight to quality, on achète des bons du Trésor US – ce qui va arranger Donald Trump et mettre la pression sur Powell).
Seconde étape :
Le retour à la rationnalité (relative) Après le choc initial, les marchés adoptent une lecture économique du conflit : Si la guerre reste localisée, il y aura un faible impact structurel, donc : reprise rapide. En revanche, si elle dérègle les chaînes d’approvisionnement (par exemple l’Ukraine et le blé, pétrole au Moyen-Orient), il peut effectivement y avoir des effets prolongés sur certaines classes d’actifs et aussi sur le prix du plein d’essence de votre V8 de 600 chevaux. Mais la guerre peut aussi entraîner une relance budgétaire massive et là c’est bull market sur les valeurs de défense, d’énergie, et de matières premières
La temporalité
SI l’on regarde quelques repères temporels : en moyenne, les marchés mettent 30 à 60 jours à effacer la baisse initiale liée au début d’un conflit. À 12 mois, la performance boursière est souvent positive, même après des événements très graves. SI l’on regarde le tableau ci-dessous, on se rend compte que sur 30 jours c’est généralement oublié. Et si on va plus loin dans l’histoire, après les chocs initiaux du début de la guerre qui – parfois – ont duré plusieurs mois – comme par exemple la bourse qui avait étéfermée pendant 4 mois en 1914 – les marchés remontent systématiquement. Que soit en 14-18 avec 43% de performance, en 39-45 où on a tapé les 50% de performance, l’ensemble des grands conflits armés ont tous finis par être positif pour les marchés et provoquent souvent une croissance industrielle APRÈS.
Toujours est-il que nous n’en sommes pas encore là du tout, mais vu la situation il est important de se rappeler des conséquences économique et psychologique de ce genre d’évènement sur les marchés boursiers.
En résumé
Voilà. Dans ce genre de situation, il n’y pas ou peu d’autres informations qui ressortent sur les marchés, on notera quand même que le PPI américain est sorti hier et qu’il était – à l’image du CPI la veille, moins fort que prévu. L’inflation due aux droits de douane se fait toujours attendre ! Du côté de l’Asie, la plupart des indices sont en baisse de 1% et l’Iran vient de répondre en envoyant des drones sur Israël. L’or est à 3’443$, le pétrole rebaisse un peu à 73.66$, le Bitcoin est à 104’000$ et le rendement du 10 ans se vautre à 4.33%.
La journée sera donc destinée à observer ce qui se passe au Moyen Orient, mais entre 4 heures du matin, heure de mon réveil et maintenant, les futures semblent déjà vouloir remonter. Pourvu que ça dure. Pour le reste, momentanément on va mettre les droits de douane entre parenthèse, mais ça ne devrait pas durer très longtemps, surtout si Trump envoie des lettres à tout le monde !
Il me reste à vous souhaiter une très belle journée et un excellent week-end, pour ceux que ça intéresse, j’ai publié une nouvelle vidéo chez Zonebourse, elle est là-dessous et elle parle de l’inflation et de tout ce qu’on ne vous dit pas !
On se voit lundi pour la suite !
Thomas Veillet
Investir.ch
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