Vous savez tous que depuis pas mal de mois – si ce n’est d’années – la vision de l’investisseur s’est petit à petit réduite à du très court terme. La masse d’informations sous laquelle nous croulons tous les jours nous fait nous concentrer beaucoup plus sur du court terme, voir même de l’instantané plutôt que s’accrocher à une vision séculaire et « construire » sur de longues années. Non. Aujourd’hui on veut tout et si possible ; hier. Ce qui fait que notre comportement a changé et nous ne vivons plus de visions sur l’avenir, mais plutôt d’attentes sur ce qui va se passer dans la semaine ou mieux ; aujourd’hui. Nous vivons de chiffre en chiffre et ce mercredi matin, plus que jamais.

L’Audio du 11 juin 2025

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L’attente, toujours l’attente

Ce début de semaine est la représentation parfaite de ce que nous vivons depuis des mois dans le monde merveilleux de la finance : nous attendons un chiffre ou une annonce importante comme si cela allait définitivement déterminer la construction de nos portefeuilles. On vit chaque annonce macro-économique ou pire – en ce moment : géopolitique comme étant un « game changer » qui va déterminer l’axe de nos vies pour les 20 prochaines années. L’axe de nos vies d’investisseurs – on s’entend bien – parce que pour déterminer nos choix de vie en tant qu’être humain, heureusement, il nous reste les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle. D’ailleurs, hier nous avons pu nous rendre compte que sans l’intelligence artificielle nous ne sommes déjà plus rien, puisque ChatGPT est tombé en panne hier et que bon nombre d’entre-nous ont dû à nouveau utiliser leurs cerveaux se rendant immédiatement compte qu’ils étaient déjà devenus toxico-dépendant de leur « esclave digital » et que sans lui, la productivité chute immédiatement.

Mais là n’est pas le sujet, ce que je voulais vous dire ce matin, c’est que depuis deux jours nous attendons deux choses : le résultat des négociations entre la Chine et les USA, histoire de voir comment ils pensent régler leur différend commercial et histoire de savoir si ces 48 heures de discussions auront un quelconque impact sur l’inflation et si oui ; de combien. Et puis l’autre chose que l’on attend patiemment c’est les chiffres de l’inflation eux-mêmes. Alors bien évidemment, les négociations n’auront pas un effet immédiat sur les chiffres de tout à l’heure, mais disons qu’en fonction de ce qui fuitera de la réunion de Londres, on essayera d’interpoler au mieux les deux infos pour savoir quoi faire du côté de nos portefeuilles boursiers. Il faut dire que ces deux jours d’attente (un jour pour nous en Suisse, qui revenons d’un week-end de trois jours à bouffer de l’agneau), nous aurons appris une chose : en ce moment, quand on attend, la tête dans un sac sans avoir aucune idée de ce qui va se passer dans les prochaines 24 heures ; on a tendance à acheter.

Le doute, quand même

Reste à voir si la conjonction des annonces d’après la réunion de Londres et des chiffres de cette après-midi vont nous permettre de continuer notre marche en avant ou pas. Ce qu’il faut retenir ce matin, c’est que les indices américains se sont rapprochés encore un peu plus de leurs records historiques et qu’aujourd’hui, c’est la 78ème séance de trading qui va s’ouvrir, 78 séances depuis les plus hauts de tous les temps. L’objectif n’est plus qu’à 1.8% d’ici… Les chiffres de l’inflation et les annonces commerciales vont-elles suffire pour boucler la boucle ce soir, rien n’est moins sûr. Ce que l’on sait à l’heure actuelle, sur les négociations, ne se résume pas à grand-chose. Après des mois de tension et deux jours de discussions à Londres, les négociateurs américains et chinois semblent avoir trouvé un « cadre » pour mettre en œuvre l’accord de Genève, conclu le mois dernier. Et quand je dis « semblent » ça n’est pas peu dire, tellement on ne nous a pas donné des masses d’informations sur le contenu. La seule chose que l’on pourra dire, c’est que les négociateurs avaient l’air content sur la photo finish.

Howard Lutnick, Secrétaire au Commerce US, et Li Chenggang, Vice-ministre chinois, confirment que les deux parties ont trouvé « un accord de principe », notamment sur le volet des métaux rares. Mais sans donner aucun détail. L’accord doit d’abord être validé par Trump et Xi avant d’entrer en vigueur. Et jusque-là, mercredi 11 juin, à 5 heures du matin heure de Genève, aucun détail concret n’a fuité. Les futures sont en baisse de 0.25% et les marchés restent sceptiques. Il faut dire qu’ils sont montés deux jours de suite sur le fait que cet accord serait « une bonne nouvelle », une preuve de bonne volonté, mais maintenant on aimerait bien du concret. Pas juste une photo pour les médias avec 6 gars qui rigolent sans que l’on sache vraiment qui sont les Américains et qui sont les Chinois, même s’il y a une forte présomption. Une chose est sûre : il n’y a pas des masses de diversité parmi les négociateurs, parce qu’en voyant la photo, l’équilibre homme-femme n’est clairement pas respecté. Bref, en résumé : on n’en sait rien, on espère que ça sera suffisant pour justifier la hausse de ces derniers jours et que l’on pourra peut-être enfin faire des calculs et se projeter un peu plus loin que la fin de la journée en termes de perspectives d’investissement. En conclusion, il y a un accord qui va dans la bonne direction, il doit être validé par les grands-patrons et apparemment ça ne peut pas se faire en visio, puisque chacun veut rentrer à la maison pour en parler avec le boss avant de dire quoi que ce soit… Nous, on aimerait bien du concret quand même.

Justifier la spéculation

Non parce qu’il ne faut quand même pas oublier que sur les 77 derniers jours de trading, on s’est fait défoncer à LIBERATION DAY, avant de récupérer 25% depuis les plus bas. Oui, 25% – ou 1236 points de hausse depuis le 7 avril – c’est le troisième rebond le plus fort de l’histoire sur une période aussi courte. Maintenant va quand même falloir justifier les choses avec autre chose que « on a un accord de principe sur on ne sait pas quoi, ni comment ça sera mis en pratique et combien ça va coûter à l’inflation ». Bref, quoi qu’il en soit, on est déjà content qu’ils ne soient pas foutu sur la gueule pendant deux jours, c’est toujours ça de pris. Reste plus qu’à attendre. Encore un peu. Un chose est certaine – et là je me dois de vous le dire : quand on voit la teneur du communiqué de presse suite aux négociations commerciales, tant au niveau de la forme que du contenu, on se demande si on n’aurait pas eu meilleur temps de fermer sa gueule sur le sujet et d’attendre encore un peu, parce que là, sincèrement, on n’en sait pas plus qu’hier et encore moins que dimanche soir… Pourtant j’en parle depuis deux pages. Je vais donc me sacrifier et fermer la mienne. De gueule.

Par contre, il a une chose où on ne sait pas grand-chose, mais qu’on a quand même le droit de ramener sa fraise, c’est l’inflation américaine qui va sortir tout à l’heure. Mais avant toute chose, voyons ce que les experts du monde merveilleux de la finance attendent comme publication :

• CPI global (mai) :

  • +0,2 % en variation mensuelle
  • +2,5 % en glissement annuel (contre 2,3 % en avril)

• Core CPI (hors énergie/alimentation) :

  • +0,3 % sur le mois
  • +2,9 % en base annuelle

Mais au-delà des chiffres, il sera intéressant de voir CE QUE LE MARCHÉ va interpréter au sujet de l’impact des droits de douane. Oui, parce que n’oublions pas que même si actuellement nous vivons sous deux moratoires, il y a quand même des droits de douane qui sont perçus et que ça fait quand même du pognon qui rentre dans les caisses de Washington et des marges qui sont sous pression chez les détaillants. Alors oui, certains « vendeurs de savonnettes » ont été magnanimes et ont décidé de ne pas répercuter les coûts « tout de suite » sur les consommateurs, mais entre les belles promesses et les réalités comptables et commerciales, le « pas tout de suite », pourrait vite se transformer en : là tout de suite demain… En résumé et pour faire simple, cette après-midi il faudra surtout se concentrer sur « l’analyse qui sera faite de ces chiffres ». Une chose est d’ailleurs certaine : si le CPI se présente en ligne avec les attentes, on va nous dire que les droits « commencent à se faire sentir » et que ça n’est pas comme ça que la FED va pouvoir baisser les taux. On est déjà quasiment certain que ça sera pas la semaine prochaine et encore moins en juillet, mais je peux vous dire que si le Core CPI sort à 3% en base annuelle, on va nous parler de baisse des taux « peut-être en 2026 » et les plus agressifs vont parler de « hausse des taux potentielle ».

Mais trêve de spéculation et de théories fumeuses, cette journée devrait donc faire partie de ce genre de séance où l’on attend énormément. Ce genre de séance où nous sommes convaincus que demain ne sera plus pareil et que tout sera différent. Rien n’est moins sûr et bien au contraire… On a attendu hier, on a attendu avant-hier et aujourd’hui on va SAVOIR. Ensuite on va interpréter. Et ensuite, on se dira que : « le mieux à faire, c’est attendre le meeting de la FED la semaine prochaine ». Et on attendra mercredi soir prochain pour savoir. En prenant soins de monter en attendant, bien sûr.

De l’autre côté de la planète

Ce matin en Asie, on interprète les sourires sur le tapis rouge de Londres et on a l’air « plutôt confiant ». Les Bourses asiatiques sont majoritairement en hausse, la Chine en tête, suite à l’annonce de l’accord de principe avec les States, on connait la musique. Mais pas encore les détails, mais on a l’air de vouloir croire à quelque chose de positif, si l’on en croit les trois indices. La Chine progresse de 0.44%, pendant que Hong Kong avance de 0.76% et que le Japon réplique la performance de la Chine. Les Japonais, qui eux, n’ont pas encore d’accord à Donald. On notera tout de même que les futures sur le S&P 500 sont en baisse ce matin, parce qu’un tribunal d’appel a maintenu les droits de douane de Trump en attendant un nouvel examen. Oui, parce qu’avec tout ce qui s’est passé depuis deux semaines, on a presqu’oublié que des juges américains avait jugé que les droits de douane étaient illégaux. Eh ben, ils sont de nouveau légaux jusqu’à la prochaine fois. À moins que l’on commence à retrouver des juges suicidés avec 12 balles dans le dos et les pieds dans un bloc de béton, bien sûr… On retiendra surtout que la Chine mise beaucoup sur cet accord pour que le secteur des semiconducteurs reprenne vie et puisse se mettre à refonctionner.

À ce propos, TSMC (Taiwan Semi’s) a publié des ventes record pour mai, atteignant 10,7 milliards de dollars, en hausse de près de 40 % par rapport à l’an dernier. En seulement deux mois, l’entreprise a déjà réalisé 75 % de ses objectifs de ventes pour le second trimestre. TSM confirme la forte demande liée à l’IA (what a surprise) et notamment les circuits pour data centers, il y a également une montée en puissance des besoins en silicium. La nouvelle est globalement encourageante pour le secteur des semi’s et surtout de l’IA (what a surprise encore). Autrement, l’or est à 3’362$, le pétrole revient après des commentaires « négatifs » d’un rapport américain qui déclare que les USA consommeront moins de pétrole en 2026. T’as raison, on n’est déjà pas foutu de savoir ce qui va se passer avec l’inflation la semaine prochaine, mais on fait des prévisions sur la consommation pétrolière dans les 24 prochains mois. Taux de crédibilité du rapport : un peu en-dessous de la cote de popularité de François B, premier ministre français – ce qui doit nous amener proche du zéro absolu. Le WTI est à 64.93$, le Bitcoin est presque à 110’000$ et le rendement du 10 ans est à 4.468%. Jusque-là, ça va…

Les nouvelles neuves

Du côté des news qui ne sont pas de la géopolitique ou de la macro, on notera que le nombre d’article extrêmement prudent sur l’avenir du marché des actions est légion dans les médias ces dernières heures. Par exemple, l’énorme gérant obligataire, PIMCO estime que les marchés des actions n’avaient plus été aussi cher en comparaison avec le marché obligataire depuis 25 ans et qu’il faut se méfier. D’autres se disent qu’on est beaucoup monté et qu’il ne va pas être simple de trouver les catalystes pour aller plus haut. Surtout si l’inflation repart à la hausse et que la FED doit remonter les taux. Bref, on sent que le rebond a été spectaculaire et que la prudence est de mise. On notera aussi que l’on a pu constater des gros volumes vendeurs du côté des « clients privés » et que bon nombre « prennent les profits ». Moi je suis en train de me dire que si ça continue comme ça, avec autant de pessimisme, je vais commencer à devenir méga-bullish et me tatouer des taureaux sur le corps. Ah non, c’est déjà fait. Oups.

Autrement on reparle de Tesla, le titre a repris encore 5.7% hier soir après une séance qui avait mal commencé, mais c’était sans compter Trump. Oui parce que Donald Trump, malgré sa récente embrouille publique avec Elon Musk, a soudainement changé de ton, en disant qu’il souhaitait le meilleur à Musk et comme ça n’était pas encore assez, il a même déclaré qu’il ne vendrait pas sa Tesla rouge achetée en mars. Cerise sur le capot : Trump a aussi encensé Starlink, le service Internet spatial de SpaceX, et a précisé que la Maison-Blanche comptait bien continuer à l’utiliser. Vous rajoutez à cela le fait que l’on a vu rouler deux Robo-taxis dans les rues d’Austin au Texas, et vous avez une journée de feu de plus pour Tesla. Plus que 12% et tout sera oublié. Et puis, pour terminer, la Banque Mondiale s’est lancée dans le « ice bucket challenge » et balance un seau à glace sur les marchés. Elle a révisé sévèrement à la baisse ses prévisions de croissance mondiale pour 2025 – on passe à +2,3 % seulement, contre 2,7 % précédemment. Selon les génies qui publient ce genre de rapport de visionnaire, cette année devrait voir la plus faible croissance mondiale depuis 2008, « hors récessions pures et dures »… Les prévisions sur les States baissent de 0.9% à 1.4%, la Zone euro descend à 0.7% contre 1% auparavant. Ne cherchez pas le responsable plus loin, puisque c’est tout de la faute des droits de douane. Le chef économiste de l’établissement estime que si les droits de douane étaient divisés par deux, la croissance serait « boostée » de 0.2%. N’en jetez plus, c’est trop excitant !!! Bon, n’oubliez jamais que banque mondiale ou pas banque mondiale, en termes de prévisions, ils sont aussi balaises que n’importe quel autre économiste : taux de réussite estimé 50%. Pile ça monte, face ça baisse.

Côté chiffres du jour

Pour les chiffres du jour, oubliez tout ce qui pourrait sortir. Oubliez tout ce que vous savez sur les marchés financiers parce qu’après les chiffres du CPI de tout à l’heure, plus rien ne sera JAMAIS PAREIL. Ou pas. Ou peut-être qu’on va juste attendre la FED. Ou alors on aura une fuite sur les résultats des négociations sino-américaines. Bref, 50% de chance qu’il se passe un truc. Pile ça monte, face ça baisse.

En conclusion, le cadre d’accord commercial annoncé après des discussions à Londres semble positif, notamment en vue de réduire les restrictions chinoises sur les exportations de terres rares, mais l’absence de détails concrets sur l’accord limite l’enthousiasme des marchés. Le CPI fera effet de juge de paix à 14h30 – à moins que Trump s’excite sur X d’ici-là…

Excellente journée à tous et petit message au passage pour nous excuser du petit problème technique qui a planté le site hier. La chronique d’hier n’a pas été visible très longtemps, alors je vous la remets ce matin, parce que je trouve qu’elle était pas trop mal et qu’à la limite j’aurais pu changer la date et la réutiliser ce matin, mais ChatGPT était en panne. Comme le site Investir.ch – huummmm.. coïncidence ? Je ne crois pas !!!

Belle journée et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« L’attente est une stratégie quand on n’a rien compris, mais qu’on espère que ça s’arrange tout seul. »
– Un chroniqueur boursier désabusé