Bon. Je vous avoue, là tout de suite j’ai l’impression qu’on tourne en boucle. On parle de tarifs avec la Chine qui sont pliés, mais en fait tout le monde s’en fout alors qu’on attend ça depuis trois semaines. L’inflation remonte, mais pas autant que ce que l’on pensait qu’elle allait remonter, c’est donc une bonne nouvelle, mais il ne faut pas crier victoire trop vite, parce que le VRAI IMPACT INFLATIONNISTE va arriver, mais plus tard. Sauf qu’on sait pas trop quand c’est « plus tard ». Du coup, après avoir attendu toute la semaine pour EN SAVOIR un peu plus, on a l’impression qu’on est en train de nous dire que ça serait bien d’attendre encore un peu. C’est fatiguant.

L’Audio du 12 juin 2025

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Les choses dans l’ordre (ou pas)

Si l’on essaie de résumer un peu la chose tout en restant concentré, on retiendra que les marchés ont tout d’abord terminé en baisse un peu partout. Mais des baisses homéopathiques qui donnaient l’impression que tout le monde s’était déjà barré en vacances et qu’on se revoyait au mois de septembre. Pourtant, quand on voit la masse de news qu’on a dû digérer hier, il y avait de quoi se demander pourquoi tant de désintérêt, tant de « rien à foutre » et pourquoi le marché était aussi grisâtre que le ciel qui est pollué des cendres des incendies canadiens.

Nous avons commencé la journée avec la photo. La photo des 6 négociateurs qui ont sauvé le monde d’une guerre tarifaire. Une photo en bas des escaliers qui montre trois Américains et trois Chinois qui ont l’air plutôt contents d’eux-mêmes et qui ne nous ont rien dit parce que d’abord il fallait rendre des comptes aux patrons, puisqu’à la fin c’est eux qui décident, ayant le droit de vie ou de mort sur leurs vassaux. Mais ce que l’on savait c’est qu’ils avaient un accord de principe. Les marchés ont donc ouvert en mode « bon, c’est bien mais on va quand même attendre pour voir ». Et attendre, ça voulait dire « attendre les publications du CPI, histoire de voir si les tarifs imposés par tonton Donald avait déjà commencé à prélever leur dû sur la consommation américaine. Alors je vous le dis de suite, la réponse c’est : « oui, mais pas aussi pire que ça, mais ne nous emballons pas, parce que ça peut encore venir » – ce sont des paroles d’experts qui ont le droit et le pouvoir de changer d’avis et d’opinion toutes les cinq minutes en fonction du vent, des conditions météo et des déclarations du Président. Président Américain, bien sûr.

Le CPI moins pire

Commençons donc d’abord avec le CPI. Chiffre tant attendu qui est finalement sorti en hausse. Mais moins que prévu. Contrairement à ce qu’on craignait avec les tarifs douaniers de Trump qui s’empilent comme une tour dans un jeu de Jenga, l’inflation a ralenti. Nous sommes donc à +2,4% sur un an. Alors Oui, c’était un peu plus qu’en avril (+2,3%), mais moins que ce que les économistes attendaient (+2,5%) – on ne va rien dire sur le fait que les experts ont immédiatement réagi sur le fait que c’était en-dessous des attentes, mais que ça n’était que partie remise PARCE QUE LES TARIFS ARRIVENT – enfin, l’impact des tarifs arrivent. Sauf qu’on sait pas quand. Peut-être en ce moment même, peut-être à la fin du mois. Ou de l’été. Ou peut-être jamais. Bref, on ne sait pas trop, mais ils arrivent.

La nouvelle était donc EXCELLENTE !!! Encore une EXCELLENTE raison de plus pour que les marchés montent ! Oui. MAIS NON. Parce que l’impact des tarifs arrive. Vous avez donc compris que les BONS CHIFFRES du CPI ne nous servent à rien et qu’il vaut mieux attendre encore un poil pour voir quand ça va vraiment faire mal. Ou pas. Attendre quoi. Encore un peu. Alors après on peut encore dire que le CORE était pas mal, puis que lui est à 2.8%. Mais vous l’aurez compris : pour l’instant, l’inflation est sous contrôle mais on craint le pire pour plus tard. Néanmoins du côté de chez Trump, tout est sous contrôle – sauf à Los Angeles – d’ailleurs, Trump a été pas mal occupé hier, mais il a quand même trouvé le temps d’annoncer que (selon lui) les chiffres de l’inflation étaient « EXTRAORDINNAIRES ET QUE LA FED DEVRAIT BAISSER LES TAUX DE 100 BP !!! ».

Non, vous ne rêvez pas, vous n’êtes pas en train de lire la chronique de la semaine dernière : Trump à réellement REDEMANDÉ à Powell de baisser les taux de 100 bp. Ça tombe bien, la FED se réunit la semaine prochaine. Donc voilà. En conclusion et en résumé ET pour faire court : hier l’inflation était moins pire – mais les marchés ont préféré attendre. Attendre d’en savoir plus au sujet du QUAND C’EST QU’ON VA SENTIR les tarifs et attendre d’en savoir plus sur le DEAL MAGIQUE signé avec les nouveaux amis Chinois.

Le deal en détails – ou presque

Alors justement. À propos du DEAL MAGIQUE signé avec les nouveaux amis Chinois, Trump a parlé hier – ce qui, entre-nous soit dit n’est pas une surprise, ce qui serait une surprise en revanche c’est qu’il se taise pendant deux semaines et qu’il nous foute la paix un moment, juste le temps de trouver d’autres sujets d’intérêts et de rencontrer d’autres personne – Donc Trump et comme il a parlé c’est la vérité. Enfin… c’est sa vérité. Le Président américain a fièrement déclaré que la guerre commerciale avec la Chine était “terminée”. Champagne et caviar pour tout le monde. Sauf que dans les faits, c’est comme si tu déclarais la fin d’une tempête alors que t’as encore de l’eau jusqu’aux genoux et que ton toit s’est barré à 80 kilomètres d’ici.

Officiellement, le deal est “fait”. Officieusement, Pékin n’a rien confirmé, à part un vague rappel du “consensus de Genève”. Traduction : on est à peu près au même point qu’avant. C’est-à-dire nulle part. Bon, pas vraiment « nulle part », c’est sûrement mon côté désabusé qui me fait dire ça. Mais quand Trump annonce que le deal c’est 55% de taxe (en gros plus ou moins comme avant, puisque Biden avait déjà collé 25% et que Trump en avait remis une couche de 30%), on n’a pas l’impression non plus que l’on doit emprunter des mots à Steve Jobs et dire que CECI EST UNE RÉVOLUTION. Clairement pas.

Donc, Le tarif punitif sur les importations chinoises reste à 55%. On ne monte pas plus haut. Génial, non ? Ben, pas vraiment. Parce que 55% de droits de douane, c’est déjà la corde au cou pour des milliers d’entreprises. Et ce n’est pas moi qui le dis, c’est la logistique, le retail, les patrons qui se battent avec leurs marges. D’ailleurs, le PDG d’une grande chaîne de retail l’a résumé sans détour : “Ce n’est pas une victoire pour l’Amérique.” Les chaînes d’approvisionnement sont déjà cassées. Les pertes d’emplois sont déjà réelles et les hausses de prix sont inévitables (ce qui nous ramène au CPI de juin, mais on en recause en juillet). Globalement, ce n’est pas en décrétant que “c’est fini” que ça va tout réparer. Les patrons de boîtes de logistique sont clairs : les dégâts sont faits. Le mal est profond, et il va continuer à suinter dans les prochains mois, pile à l’heure pour la rentrée scolaire et la saison des fêtes.

Et c’est qui qui paie ?

En résumé, le deal est signé – enfin, le deal SERA signé quand les Chinois auront confirmé, ce qui n’est pas encore fait. Mais une chose est sûre : c’est le consommateur américain va raquer. Oui, parce que le consommateur paiera, comme toujours. Il paiera parce qu’à 55% de taxe, t’as deux options :

1. Tu montes tes prix.
2. Tu tailles dans les coûts. (Traduction : tu vires des gens.)

Dans les deux cas, l’économie trinque. Et quand t’apprends que les commandes de fret maritime pour les fêtes sont déjà en baisse de 14% par rapport à 2024, tu sens que ça pue un peu la récession masquée. Dans tout ça, le problème c’est pas juste les taxes. C’est l’incertitude totale. Les entreprises vivent avec la trouille au ventre qu’un nouveau tweet qui efface la veille. Résultat : elles ne prennent plus de risque. Elles attendent. Elles gèlent les commandes. Et le commerce, comme l’économie, déteste le vide. Ah, et le marché du transport ? En souffrance aussi. Moins de volume, moins de containers, des ports à moitié vides et des camions qui roulent à vide. Le rêve américain quoi…

Et donc ? On fait quoi ? Ben, là tout de suite le monde attend que Trump et Xi se serrent la main une bonne fois pour toutes. Mais entre-temps, la chaîne logistique mondiale est en burn-out, les distributeurs jonglent avec les stocks d’Halloween en juin, et les PME se demandent si elles pourront encore faire fabriquer des chaussettes sans hypothéquer leur entrepôt. “La guerre est finie”, dit Trump. Peut-être. Mais les cicatrices, elles, sont bien là. Et elles vont coûter cher. Mais les marchés s’en foutent, ils vivent dans le présent. Même si hier la journée était quand même grisâtre comme le ciel pollué par les cendres du Canada. À moins que ça soit parce qu’on s’est rendu compte que Trump va continuer à nous pourrir la vie encore plus de trois ans et que ça n’avance pas !!!

L’Asie

Les marchés asiatiques étaient à l’image de la séance Occidentale d’hier : gris et déprimés. Trump reparle des droits de douane avec le reste du monde, dit que ça avance mais menace à demi-mot quand même. Et tout ça pendant que le deal USA-Chine reste flou. En parallèle, le Moyen-Orient s’enflamme : pétrole en hausse, évacuations US d’Irak, et Israël prêt à frapper l’Iran (de nouveau). Ambiance festive garantie pendant que les Américains évacuent certaines bases de la région parce que Trump dit que ça pourrait être chaud et dangereux ces prochains jours. C’est toujours rassurant quand on essaie de protéger les militaires. La Chine recule légèrement, le Hang Seng perd 0,5%, plombé par le manque de détails sur l’accord, et les valeurs EV comme NIO et BYD dérapent. Le Japon trinque aussi, avec un Nikkei en baisse de 0,8%, victime d’un yen trop costaud et d’un secteur tech qui fait la gueule. En résumé : tensions géopolitiques + incertitude tarifaire = marchés nerveux et investisseurs prudents. L’or est à 3’393.25$, le pétrole explose à 67.89$, le Bitcoin est à 107’700$ et le rendement du 10 ans est à 4.40%.

Pour le reste, des news on retiendra qu’Oracle a publié des résultats au-dessus des attentes avec un bénéfice ajusté de $1.70 par action (vs $1.64 attendu) et un chiffre d’affaires de $15.9 milliards (+11% sur un an). Le cloud est en mode turbo avec une croissance cloud attendue à +70% en 2026, un objectif de $67 milliards de revenus sur l’année 2026, ce qui est bien plus fort que les prévisions et Oracle vise même de dépasser les $104 milliards en 2029. Le cloud porte tout sur ses épaules et tout est au-dessus du consensus. Bref, Oracle explose les compteurs et promet une croissance spectaculaire grâce au cloud. Le titre prenait 8% hier soir after close. Autrement Tesla a repoussé encore le lancement des Robo-Taxis. Je ne vais même plus commenter la nouvelle tellement on est habitué. Tellement habitués que même le titre ne réagit plus puisque le CEO de Tesla est trop occupé à s’excuser auprès de Trump, que ça en devient gênant.

Autrement

Du côté des autres nouvelles, on a vu Voyager décoller comme une fusée (littéralement). La start-up spécialisée dans les capsules spatiales a fait ses premiers pas en Bourse avec une performance stratosphérique : +82,3% en une séance. Prix d’introduction fixé à 31 dollars, pour finir à 56,48 dollars. Bilan : plus de 3 milliards de valorisation. Quand la NASA est ton client principal, on vise la lune, puis les étoiles. Pendant ce temps, Lockheed Martin s’est pris une claque : -4,3%. Le Pentagone coupe dans ses achats de F-35 : seulement 24 exemplaires prévus cette année contre 48 l’an dernier. Quand ton plus gros programme représente un tiers de ton chiffre d’affaires, ça fait pas plaisir. Nvidia, quant à elle, a reperdu sa couronne de première capitalisation boursière au monde. Microsoft reprend le trône avec 3’510 milliards de dollars, contre « seulement » 3’490 milliards pour le roi des GPU. Et pendant ce temps Jensen Huang chauffe tout le monde sur le quantum computing, lui qui était timoré devient chaud…. Dans l’acier, on fait la gueule. Nucor (-6%), Cleveland-Cliffs (-8,3%) et Steel Dynamics (-2,8%) plongent puisque Washington et Mexico seraient proches d’un deal pour réduire de 50% les droits de douane sur l’acier. Moins de protection = moins de marge = moins de fun. Et puis attention à Chime Financial, qui s’apprête à faire ses débuts en Bourse. La fintech, spécialisée dans les services bancaires en ligne, vise une valorisation de plus de 10 milliards de dollars. Prix proposé entre 24 et 26 dollars par action. Verdict tout soudain.

Côté obligataire, Le Trésor américain s’est endetté un peu plus hier. Il a refourgué pour 39 milliards de dollars d’obligations à 10 ans. Rendement affiché : 4,42%, ce qui reste plutôt costaud dans le contexte actuel. L’appétit des investisseurs était là, avec une demande 2,5 fois supérieure à l’offre. Un poil moins gourmand que lors des dernières émissions, mais rien d’alarmant. En gros : l’Amérique continue d’emprunter à tour de bras… et le marché continue de suivre. Pour l’instant. Mais vraiment pour l’instant. Je vous l’avoue je n’ai jamais regardé autant le marché obligataire ! Côté chiffres du jour aujourd’hui c’est PPI et Jobless Claims.

Franchement, si vous cherchez une définition visuelle du « mouvement perpétuel », pas besoin de creuser dans un bouquin de physique quantique : vous suivez les marchés et vous comprendrez. On tourne en boucle. Toujours les mêmes news. Les tarifs, ils sont « réglés », mais en fait non. L’inflation, elle monte, mais pas trop, enfin pas assez encore. Mais c’est plus tard qu’on va la sentir. Ou pas. Du coup, tout le monde attend. Encore. Comme depuis six mois. Et Powell ne baisse toujours pas les taux et Trump le hais chaque jour un peu plus. On a l’impression d’être un hamster qui galope dans sa roue, sauf que parfois même le hamster a besoin d’une pause.

Je vous souhaite une très belle journée à la piscine et on se voit demain à la même heure et au même endroit !

À demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

« Tout change, sauf le fait qu’on attend toujours. »