Voilà, c’est fait. Toute cette histoire de tarifs est en train de passer à l’as et nous sommes occupés à nous construire une conviction comme quoi tout va bien se passer. Que dis-je ? TOUT VA TRÈS BIEN SE PASSER. Pour l’instant les tensions entre la Chine et les USA sont tendues comme un string, mais la CONVICTION est intense et profonde, comme quoi Trump et Xi y vont parler. Et non seulement ils vont se parler mais EN PLUS, ça va bien se passer. Ensuite, l’emploi ça rigole après les JOLTS et ça va sûrement rigoler vendredi et puis en plus de tout ça, avec l’inflation qui baisse si ça se trouve Powell il va baisser les taux dans 10 jours. Avant j’étais prudent, maintenant je m’en fous.
L’Audio du 4 juin 2025
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Optimiste à la folie
Depuis quelques jours, je n’arrête pas de recevoir des remarques comme quoi je suis trop négatif, trop prudent et que je ne parle que de choses qui ne sont pas positives. Alors là c’est décidé : j’arrête de voir le verre à moitié vide et je passe en mode « moitié-plein ». Après tout, on a bien compris que les marchés se foutent totalement des mauvaises nouvelles et que la seule chose qui les intéresse, c’est ce qui va bien ou même des fois BEAUCOUP MIEUX : CE QUI VA ALLER BIENTÔT MIEUX. Oui parce qu’en ce moment, on est obligé d’être optimiste, sinon c’est mal vu. Alors on va arrêter d’aller du côté obscur de la force et se concentrer sur les courants passionnants et excitant du BULL MARKET forever.
Et ça tombe bien, parce qu’hier le Nasdaq est passé en terrain positif pour l’année, le S&P500 est en hausse de 1.5% depuis le 1er janvier et le reste du monde fait un carton depuis longtemps – je ne vous parle même pas du DAX – c’est l’euphorie totale ! TOUT VA BIEN, c’est le plein emploi, l’inflation est sous contrôle et après avoir frôlé les 2% sur le PCE de vendredi dernier, hier en Europe, elle est même passé sous les 2%. Et puis en Suisse, c’est encore mieux, l’Office fédéral de la statistique a observé une première baisse des prix à la consommation sur un an depuis le printemps 2021. Il semblerait que contrairement au mois d’avril, le renchérissement des loyers n’a pas suffi à compenser la baisse des prix de l’énergie. Ça devient tellement pas cher de faire le plein en Suisse, que je ne vois vraiment pas l’intérêt d’acheter une voiture électrique. D’ailleurs, je vais virer mon V6 pour un V8 qui consomme beaucoup, mais alors beaucoup plus ! Il faut soutenir l’industrie pétrolière.
Quel monde formidable
Non, je vous le dis, nous vivons une période mythique et faste. Rien ne peut nous arrêter. Nous avons même réussi à oublier les droits de douanes. Tout le monde s’en tape, c’est pratiquement de l’histoire ancienne et même si rien n’est encore signé, il faudrait être idiot pour croire que des accords ne seront pas trouvés. Prenez l’exemple de la Chine. Le dialogue est rompu, les deux pays pensant respectivement que l’autre est un traître et qu’ils ont mutuellement piétiné l’accord de Genève – comme quoi ça valait bien la peine de venir créer des bouchons dans la ville le jour du marathon pour en plus s’asseoir sur cet accord trois jours plus tard. Mais passons. Ce qu’il faut retenir, c’est que là, tout de suite, ils se détestent cordialement, mais qu’en même temps, TOUT LE MONDE EST CONVAINCU que les deux rois du monde vont se parler d’ici la fin de la semaine pour tout régler et ressortir copains comme cochon se léchant les pieds mutuellement à un tel point que ça en sera gênant.
La conviction est telle que nous avons pratiquement effacé toute la période des « tarifs douaniers » qui sont pratiquement déjà en train de passer au cap d’un intermède dans le monde de la finance. Le 4 avril 2025, il y a 61 jours comme aujourd’hui, les médias étaient tous en train de publier des articles quasiment alarmistes. Puisque la question était réellement posée et sérieusement affirmée : FALLAIT-IL LIQUIDER NOS FONDS DE PENSION ET SE METTRE CASH ! Parce que Trump était un fou déséquilibré. Et encore ; « fou déséquilibré », c’était la version polie. Sauf que voilà, ce matin tout le monde s’en tape, Trump n’est pas encore passé au rang de génie interplanétaire, mais je ne suis pas loin de penser que s’il trouve un deal avec Xi-Jinping avant la fin du mois de juin et s’il arrive à forcer Powell à baisser les taux (sans lui péter les deux genoux et sans prendre sa famille en otage, on s’entend bien), il est plus que probable que les gars du Vatican vont sûrement revoir leur feuille de route et remplacer les portraits dans les églises pour mettre Trump à la place.
Explosion de joie de bonheur permanente
Donc, comme l’aspect droit de douane est derrière nous puisque l’on sait tous que nos brillants politiciens vont trouver des solutions et que comme ils sont tous frères et qu’ils ne sont qu’amour et joie – on a encore vu que Macron a même réussi à redevenir BEST FRIEND FOREVER avec Meloni en l’espace d’une bouffe dans un salon de l’Élysée, alors qu’il y a encore une semaine, lorsque la Première Ministre Italienne voyait Macron à moins de trois mètres, elle devait prendre des anti-vomitifs. Comme quoi, si le monde de la finance est résilient comme un Terminator qui aurait été fabriqué avec l’adamantium de Wolverine, je crois que le monde merveilleux de la politique est encore un degré en-dessus et nous pouvons donc compter sur eux pour trouver une solution rapide est efficiente qui les fera passer pour des héros économiques et sociaux, pendant que le consommateur, vous et moi, on paiera tout simplement tout, un peu plus cher qu’avant. Mais c’est pas grave, l’Amérique sera Great Again et le Nasdaq sera au plus haut de tous les temps. Après tout, que demande le peuple, si ce n’est du pain et des jeux ?
Mais je m’écarte du sujet. Ce qu’il faut surtout retenir c’est qu’hier nous avons absorbé les droits de douane dans notre cortex pré-frontal ventromédian et le sujet est désormais stocké dans l’hippocampe avec le bocal qui gère la mémoire du poisson rouge. On a donc pu se concentrer sur les chiffres des JOLTS qui sont sortis à 7’391’000 offres d’emploi, contre 7’110’000 attendus. C’est quand même près de 300’000 jobs offerts DE PLUS. C’est du délire. En plus il y a eu 5,573 millions embauches sur le mois, soit une augmentation de 169’000 et pendant ce temps, 1,786 million se sont fait foutre dehors, en hausse de 196’000, soit la plus forte hausse depuis 9 mois. Mais je vais vous dire, le marché a retenu une CHOSE, UNE SEULE : IL Y A PLUS D’OFFRES D’EMPLOIS que le mois dernier et que le mois d’avant. Après, vous me direz : « oui, mais ça veut pas dire qu’ils vont engager les gens à la fin et que les gens en question vont se précipiter chez GM et Apple pour acheter un iPhone et un pick-up (à moins que ce soit un pick-up et un iPhone) »… Et vous aurez raison, mais vu la tendance actuelle je vous regarderais avec mépris et je vous dirais : « mais quel mauvaise tendance au pessimisme dans ce monde où tout est fait pour que nous soyons heureux et que nous consommions allégrement sans nous poser de question (enfin, tant qu’on nous fait crédit) »… D’ailleurs je suis tombé sur la déclaration d’un analyste que je ne citerai pas nommément afin qui ne se fasse pas agresser par les fans, tellement ses paroles sont belles ; il a dit :
« C’est un bon signal pour le marché. L’économie américaine se porte bien et ce rapport ne donne pas de raison de voir les indices boursiers glisser dans un sens ou dans un autre. Au fond, l’économie américaine va bien et ce malgré des déclarations anxiogènes de Donald Trump qui continue de souffler le chaud et le froid sur les marchés. On attend une clarification de la feuille de route des Etats-Unis » quant à leur politique commerciale »
L’ode à la joie
Vous voyez ? Vous sentez l’optimisme dans ces paroles. Non, tout va bien dans le monde merveilleux de la finance. Hier les USA ont terminé en hausse, l’Europe a terminé en hausse. Le pétrole est à 63.12 et montait encore, l’or est au plus haut – ou presque – le Bitcoin est à 106’000$ et attend patiemment le prochain train pour les 125’000$, et puis il y avait Nvidia. Oui, parce qu’hier Nvidia est repassé devant tout le monde, Microsoft compris, afin de redevenir la boîte la plus grosse capitalisation boursière du mooooonde. La valorisation à la clôture de mardi était 3’450 milliards de dollars. Juste devant Microsoft (3’440 milliards), pendant qu’Apple rame avec ses 3’000 milliards tous pourris, plombée par les craintes de guerre commerciale avec la Chine. Et surtout avec Trump. Ce qui est d’ailleurs assez ridicule, parce que si l’on suit la logique actuelle qui se base sur le principe que tout le monde va trouver un deal, il faudrait acheter Apple dans tous les sens et attendre simplement que Cook et Trump se parlent…
Bref, c’est pas le sujet. Tout le monde rachète Nvidia parce que l’appétit est toujours plus vorace pour les puces IA. Et dans ce domaine, Jensen Huang est devenu ce que ChatGPT est dans les écoles : INCONTOURNABLE.
• La plateforme Blackwell monte en puissance. Et elle va ramener les marges brutes à des niveaux sexy : du 61% actuel (après écrémage chinois), on vise 75% à la fin de l’année.
• La transition vers Rubin, la prochaine plateforme, devrait être fluide (même rack, même design, plus de sueur dans les yeux des concurrents).
• Dynamo, leur surcouche logicielle IA, renforce leur monopole sur… à peu près tout ce qui bouge dans un data center.
À ce stade-là, je fais une pause. Juste pour vous dire que « moi non plus je comprends pas tout, mais vous avouerez que c’est quand même vachement cool.
En résumé,
- Nvidia est redevenue la boîte n°1 aux US en valorisation
- L’IA tire toujours tout, même quand la macro tremble
- Les marges vont remonter, les plateformes s’enchaînent
- Le Moyen-Orient finance l’avenir avec des chips Nvidia, pas avec du pétrole, avec du cash
- Le message est clair : l’IA, c’est pas une bulle, c’est un bulle-DOZER
Moralité : Pendant qu’Apple éternue, que Microsoft tousse, Nvidia met les doigts dans la prise et se transforme en missile nucléaire de l’investissement. En tous cas, c’est l’impression que ça donne quand on voit ce qu’on voit et qu’on pense ce qu’on pense.
Pour le reste, l’optimisme encore…
Ce matin, on continue dans l’euphorie douce, puisque Les marchés asiatiques ont ouvert leur chakras ce mercredi, bercés par l’espoir qu’un petit coup de fil entre Donald Trump et Xi Jinping suffira à raviver des discussions commerciales aussi mortes que le compte Linkedin d’un économiste suisse. La Corée du Sud s’est réveillée avec la gueule de bois post-électorale… mais avec un KOSPI qui pète le feu (+2,4%), porté par l’élection surprise de Lee Jae-myung, alias “le mec qui veut la paix, pas les tanks”. La Chine voit la vie en rose pâle : Shanghai et Shenzhen grimpent doucement, pendant que les investisseurs croisent les doigts pour que Trump et Xi ne raccrochent pas au bout de 3 minutes. Oui, encore eux.
Mais attention quand même : Trump a doublé les tarifs sur l’acier et l’alu à 50%, comme ça, entre deux tweets – ce qui refroidi un peu les futures ce matin à New York. Hong Kong grimpe de 0,6%, sur fond de tech qui flambe, chipmakers en tête, alors que les usines chinoises, elles, tournent toujours au ralenti. Côté Japon, le Nikkei prend 1% porté par l’optimisme ambiant. Les marchés montent. Mais ils ne montent pas parce que ça va mieux, mais parce qu’ils ont décidé de croire que ça pourrait ne pas empirer et que parmi les espoirs les plus fous et les convictions les plus folles, on sait tous que ça va bien se passer entre Trump et Xi et qu’ensuite, les autres suivront le mouvement.
Les nouvelles du jour
CrowdStrike plongeait de 5% after close mardi soir et ce malgré des résultats solides (EPS ajusté de 73¢ vs 65¢ attendus, revenus conformes à 1.10 milliard). Il ne fallait pas chercher la raison trop loin, c’était à cause de prévisions jugées décevantes. La société anticipe $1,14–1,15 milliard pour le second trimestre, légèrement en dessous des attentes qui étaient à 1.16 milliard. Ils ont également prévu 1 milliard pour des rachats d’actions. Mais bon, ça n’a pas suffi cette fois ; le titre était en baisse. Et puis, on aurait tendance à dire « comme prévu », les relations entre Trump et Musk ne sont plus aussi bonnes. Elon Musk a dégainé une salve violente contre le plan fiscal de Trump, qualifiant le projet de loi de « monstruosité dégoûtante ». L’ex-“tsar de la réduction des dépenses” à la Maison-Blanche critique vivement les baisses d’impôts couplées à des coupes dans Medicaid et les aides alimentaires, accusant le texte de ne rien faire contre le déficit.
Sur X, il s’en prend directement aux élus républicains :
« Honte à ceux qui ont voté pour ça. Vous savez que vous avez fauté. »
Il parle d’une « loi remplie de magouilles », et prévient : « En novembre prochain, on vire tous les traîtres. » Pas sûr qu’il retourne à Mar-a-Lago pour les fêtes de Noël.
Et puis, du côté de Wells Fargo, on peut enfin souffler : la FED a levé la limite d’actifs à 2’000 milliards de dollars qui bridait la croissance de la banque depuis 2018, après le scandale des faux comptes. C’est la sanction la plus sévère jamais infligée à une banque américaine, en réponse à des abus massifs envers les clients. Pour la première fois en 7 ans, Wells peut reprendre sa croissance : plus de prêts, plus de dépôts, plus de deals.
Le patron Charlie Scharf, recruté en 2019 pour nettoyer la maison, parle d’un “tournant majeur”. En bonus, direct 2’000$ de prime offerte aux employés. Et puis, toujours dans le secteur bancaire, on notera l’upgrade massif de Jefferies sur l’UBS. Puisque la banque américaine passe le géant suisse de « conserver » à « acheter » et augmente son price target de 22 à 37 francs suisse. Ça c’est pas de l’upgrade de Mickey, l’analyste voit la lumière au bout du tunnel… Elle doit être super-brillante, la lumière.
Les chiffres
Du côté des chiffres du jour, nous aurons les PMI’s des services attendus un peu partout en Europe. Et puis aux USA nous aurons le S&P Global Composite PMI, le même pour les services et puis l’ISM Non Manufacturing PMI. Il y aura aussi les chiffres de l’emploi ADP qui sont attendus à 111’000 contre 62’000 le mois dernier – c’est un bon échauffement pour vendredi. Et puis on notera encore que Bostic parlera et que le Beige Book sortira, tout comme les inventaires pétroliers.
Pour le moment, les futures sont indiqués en baisse de 0.06% et on attend patiemment le call de Trump à Xi pour retourner au plus haut de tous les temps sur le S&P, ce qui va être facile, puisque non seulement nous ne sommes plus qu’à 3% des plus hauts et que ce qui nous attend ces prochains jours ne sont QUE DES BONNES NOUVELLES. Les chiffres de l’emploi seront excellents (probabilité 100%) et les Américains vont trouver un deal avec la Chine et si ça se trouve, Apple va trouver un deal avec Trump. L’avenir est rose. Même plus que rose, je dirais même fuchsia, quelque part entre le magenta et le violet chaud..
Passez une excellente journée, comme toutes celles qui arrivent et nous on se retrouve demain pour de nouvelles aventures !
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
« Il est remarquable de voir combien de personnes avec un QI de 160 agissent comme si elles en avaient 40 quand elles investissent. »
Charlie Munger
Moralité : la Bourse ne demande pas d’être brillant, juste de ne pas être complètement con.