Depuis le 2 avril, le marché n’avait plus qu’un seul objectif : retourner de là où il venait. Depuis la semaine dernière, c’est chose faite, puisque le S&P500 et le Nasdaq sont aux plus hauts de tous les temps. Ceux qui ont appliqué la bonne vieille théorie du Sell in May and Go Away, doivent être en train de se taper la tête contre les murs. Au final, on a mis 89 jours seulement pour récupérer une baisse de 19%, ce qui en fait le rallye le plus rapide depuis 1998. L’histoire montre que quand ça repart aussi vite, on peut encore gratter +6 à +10 % dans la foulée. Reste à voir si CETTE fois, on peut faire confiance à l’histoire. Mais pour l’instant, c’est l’euphorie qui mène la barque.

L’Audio du 30 juin 2025

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Nouvelle semaine, nouveau record

La semaine dernière, le S&P 500 a donc battu un nouveau record, son premier depuis février. Oui, ça y est, les BULLS sont de retour et plus forts que jamais. Wall Street a ressorti les cotillons, les confettis, le champagne et tout le monde s’est remis à acheter comme si les arbres allaient jusqu’au ciel tout en se roulant dans le caviar iranien. Vous l’avez certainement vu à moins que vous soyez déjà partis en vacances. Deux ingrédients magiques sont responsables de cette euphorie soudaine :

• Un cessez-le-feu entre Israël et l’Iran — décidé et imposé par Trump
• Et des signaux dovish de la Fed : Christopher Waller et Michelle Bowman, deux faucons transformés en colombes qui ont laissé entendre qu’ils seraient ouverts à une baisse de taux en juillet… à condition que l’inflation continue de baisser.

Comme quoi il en fallait peu au marché pour s’emballer. Waller et Bowman n’ont aucun pouvoir en tant que tel et Powell reste majoritaire dans son fief. Mais le fait que certains membres commencent ouvertement à parler d’avoir envie de baisser les taux, rassure les marchés qui se disent que « finalement, c’est peut-être possible quand même ». La grosse question qu’il faudra se poser dorénavant c’est de savoir si c’est possible de baisser les taux en juillet ou pas. À voir les chiffres du PCE de vendredi dernier, il n’est pas simple de s’en convaincre. Vous savez tous que nous sommes experts dans le concept d’attendre des chiffres qui vont tout changer…pour que rien ne change ENSUITE. Et qu’en ce qui concerne la semaine à venir, il va encore y avoir du monde au balcon à ce sujet. Cette fois on va attendre CE JEUDI…

Tout va se jouer jeudi

Oui parce que le dernier rapport de l’emploi AVANT la réunion de la Fed agendée les 29 et 30 juillet tombera ce jeudi. Oui, jeudi, pas vendredi comme d’habitude. Parce que vendredi ça sera le 4 juillet. Et comme le 4 juillet, les Américains ont autre chose à faire que de faire du trading et analyser des chiffres économiques, on a un jour d’avance pour pouvoir dédier le vendredi au barbecue, à la bière et aux feux d’artifice. Et alors, selon les EXPERTS, ce rapport-là, c’est la pièce manquante du puzzle pour savoir si la Fed va baisser les taux dès juillet… ou attendre septembre. Comme quoi il faut vraiment y croire. Surtout quand on voit que ces chiffres puent la magouille et la libre interprétation de chacun, on peut se demander si on peut vraiment leur accorder le moindre crédit. Personnellement, je suis à des années lumières de leur accorder la moindre confiance et je pense qu’au-delà du chiffre en lui-même, c’est l’interprétation qu’on en fera qui sera décisif. Et en ce moment, on a quand même bien tendance voir le côté positif de tout ce qui sort et de tirer un gros trait noir bien épais sur ce qui pourrait éventuellement déranger.

Pour le moment, même si la croissance de l’emploi ralentit depuis janvier, le marché du travail reste solide selon Powell. Mais un rapport très faible pourrait tout faire basculer, en faisant pencher la balance du côté de la responsabilité de la FED de soutenir l’emploi. Et quand on sait que le BLS qui publie les NFP’s sont à la solde du gouvernement… On peut s’attendre à tout. Mais en gros, on est déjà en train de nous dire que « SI LES CHIFFRES DE L’EMPLOI SONT IMMONDES, le marché pourrait quand même bien monter comme un Bombardier B2 qui part en mission, sous prétexte que « si l’emploi est faible, la FED n’aura pas d’autre choix que de baisser les taux ».

La mise en bouche par la macro…

Cette semaine, on a aussi droit à un menu complet :

• Lundi : l’indice ISM de l’activité à Chicago (attendu à 42,7, un poil plus fort qu’en mai, en tous les cas, on espère)
• Mardi : le PMI manufacturier (prévu autour de 48,8 – donc sous les 50, toujours en contraction).
• Mercredi : le rapport ADP sur l’emploi privé, avec une attente à +88000 jobs (après un famélique +37’000 pour le mois de mai… soit le pire chiffre depuis un an).
• Jeudi : le PMI services (attendu à 50,5).

Mais peu importe, le juge de paix sortira jeudi à 14h30 et on attend :

• +113’000 créations d’emplois pour le mois de juin contre 139’000 en mai
• Et un chômage en hausse à 4,3 % contre 4,2 % actuellement

Bref : si ça sort en dessous, la Fed peut (ou plutôt POURRAIT) appuyer sur le bouton « baisse de taux » dès juillet. Sinon, on temporisera et on gardera les cartouches pour la rentrée.

La question du jour

Mais la question que l’on peut se poser ce matin, c’est la suivante : « est-ce que l’emploi ralentit vraiment ? » Non, parce que depuis janvier, la moyenne mensuelle de créations d’emplois est de 123’800. C’est bien en dessous des 191’900 de 2022-2023. Ce n’est pas un effondrement, mais ça montre que le moteur tourne moins vite. Et avec les tensions commerciales qui arrivent à toute vitesse, il va falloir surveiller comment les entreprises digèrent les hausses de tarifs douaniers. Oui parce que la fin du moratoire sur les droits de douane, c’est dans 10 jours – et même si l’on sait tous qu’ils ont engagé Brad Pitt pour écrire un scénario miracle qui finit bien à la fin, il ne faut pas oublier que le problème n’est pas réglé et que l’impact réel de ces tarifs n’est toujours pas « mesuré » ou « mesurable ».

En résumé, nous sommes au plus haut de tous les temps, la Fed pourrait devenir (peut-être) plus sympa, et le marché VEUT croit au miracle. Mais tout repose sur un chiffre bidonné que le BLS va publier jeudi. Comme d’habitude : ce n’est pas le chiffre qui compte, c’est la réaction des marchés. Si les chiffres sont pourris, le scénario de baisse de taux en juillet redevient crédible. Sinon ? On remballe et on se retrouve en septembre. D’ici là, la semaine promet d’être passionnante. Entre Trump qui s’est fâché avec le Canada et qui va sûrement en profiter pour mettre la pression sur tout le monde à 10 jours de l’échéance. Le deal avec la Chine qui a l’air tellement artificiel qu’on n’ose même pas en parler – déjà que même les Chinois n’en parlent pas – sans compter qu’une fois que le moratoire sera derrière nous et les tarifs entérinés (d’une manière ou d’une autre), il faudra commencer à attaquer la saison des résultats trimestriels, mais bon, ne nous inquiétons pas. D’abord parce que tout le monde est en vacances et ensuite, parce que statistiquement, le mois de juillet est un bon mois pour les marchés. Alors il ne reste plus qu’à appliquer le nouveau mantra du marché – qui est d’ailleurs le même que celui de NIKE : JUST BUY IT !

Le retour en arrière du lundi matin

Bon, maintenant, je vais vous demander de faire un effort surhumain. Un effort pour que vous vous souveniez quel était LE CHIFFRE que l’on attendait la semaine dernière. LE CHIFFRE qui avait le pouvoir de changer notre vision des marchés. LE CHIFFRE qui avait le pouvoir de faire tourner la veste à Powell et de rendre Trump et l’Amérique Great Again.

Vous vous souvenez ? Oui, c’est ça !!! BRAVO, c’était bien le PCE… La mesure de l’inflation préférée de la FED !

Bon, on va pas tourner autour du pot : c’était pas catastrophique – et ça aurait pu l’être compte tenu des tarifs et du pétrole qui danse la gigue depuis un mois – mais pour être franc, c’était pas génial non plus, puisque ça n’a pas suffi et ça ne suffira pas à donner le feu vert à Powell pour baisser les taux. C’est d’ailleurs pour ça que ce matin, on s’est trouvé un nouveau chiffre à « attendre », un nouveau chiffre sur lequel on peut compter pour « savoir ». Maintenant c’est les NFP’s qui peuvent tout changer – on vient d’en parler.

Le PCE fait de la résistance

Le chiffre qui fait foi pour la Fed, c’est le PCE – l’indice des prix à la consommation personnelle. En mai, il s’est offert un petit rebond à +2,3 % sur un an, contre +2,2 % en avril. Rien de fou, mais ça grimpe. Et le CORE PCE, la version sans l’énergie ni la bouffe (parce que bon, qui a besoin de manger ou de se chauffer pour vivre ? – enfin, quoi que « se chauffer en ce moment, c’est très surfait, effectivement) – donc lui, le CORE PCE a fait un joli +2,7 % là où les analystes misaient sur 2,6 %. Bref, c’est pas dramatique, mais c’est pas non plus ce qui aurait pu éventuellement aider la FED à être sympa avec nous cet été. Et puis surtout, le problème dans ces chiffres c’est qu’on a appris que les ménages lèvent le pied. Les Américains ont freiné les dépenses : -0,1 % en mai alors qu’on s’attendait à +0,1 %. Et les revenus, c’était encore pire -0,4 %. Les économistes misaient sur une hausse. Mais non. La réalité, c’est que les salaires tiennent, mais les autres sources de revenus ont calé. Sans oublier le PIB qui a été revu à la baisse la semaine dernière…

Donc on résume :

• L’inflation est un peu trop collante.
• La consommation ralentit.
• Les revenus baissent.
• Et l’économie patine.

Mais rien n’est suffisamment explosif (POUR LE MOMENT) pour que la Fed se jette sur le bouton « baisse des taux en urgence ». Powell reste zen, en mode “Wait & see”. Pas question de bouger tant qu’on n’a pas trois mois de plus de chiffres sous les yeux – inflation, emploi, PIB… Du coup, sauf miracle ce vendredi, les taux baisseront en septembre, il va falloir s’y faire. D’ici septembre, on aura trois rapports sur l’emploi, trois CPI et probablement plusieurs crises de nerfs à Wall Street, ainsi que les chiffres de l’emploi. Tout l’enjeu sera aussi de savoir si les hausses de tarifs douaniers vont finir par se répercuter dans les prix, et qui va payer l’addition : les entreprises, les fournisseurs étrangers ou directement les consommateurs américains. Il est probable que tout le monde y passe, mais la question reste posée. Les marchés, EUX, ils croient encore au Père Powell. Ils espèrent toujours deux baisses de taux d’ici décembre. La magie de l’optimisme. Mais certains, comme Bank of America, n’en voient aucune. 2025 serait donc l’année du rien. Un monde où tout le monde attend… et où l’attente fait monter les marchés.

Parce qu’on ne va pas se mentir, les ATTENTES de baisses de taux, ou devrais-je plutôt dire les ESPOIRS de baisses de taux, sont bien plus motivantes pour les marchés que les baisses de taux effectives elles-mêmes… Si vous avez le moindre doute – regardez la performance des marchés depuis que la FED a pivoté… Fin octobre 2023 Powell laisse entendre que « ça va mieux ». Et depuis, on nous a parlé de 8 à 12 baisses de taux à venir… Résultat, depuis l’automne 2024, la Fed a commencé à desserrer le frein. Trois baisses successives (–50 bp en septembre, –25 bp en novembre et –25 bp en décembre) l’ont amenée à 4,25–4,50 %. Depuis, la banque centrale joue les statues : quatre réunions sans toucher au volant, avec une posture prudente et une promesse implicite : « on attend encore un peu ». Pourtant, depuis que Powell a desserré l’étau en 2023, les marchés sont en hausse de 50% avec toujours le même mantra : La FED va baisser les taux, encore et encore.

L’Asie

Les marchés asiatiques ont démarré la semaine en forme, portés par l’espoir de deals commerciaux avec Trump avant la date fatidique du 9 juillet. Le Nikkei japonais a bondi de 1,6 %, flirtant avec ses plus hauts d’un an grâce aux techs et au yen faiblard. La Bourse sud-coréenne explose les compteurs avec une hausse de 14% en juin, pendant que la Chine grimpe mollement et que Hong Kong reste volatile. Les records de Wall Street boostent le moral de tout le monde. Côté industriel, la Chine ralentit moins que prévu, le Japon piétine, et la Corée du Sud cale pour le deuxième mois d’affilée. En résumé : les marchés montent sur des espoirs politiques, géopolitiques, économiques, macroéconomiques… mais les usines, elles, tirent toujours un peu la langue. Et ça commence à se voir.

Ce matin le pétrole est 65.24$ – immobile comme une statue. L’or est à 3’290$, le rendement du 10 ans se calme et se trouve à 4.29% – plus de problèmes de financement du côté du gouvernement US, même si Apollo Research et Goldman Sachs estiment que la politique budgétaire US est « insoutenable » à long terme, mais les marchés s’en foutent comme de l’an quarante. Tant que les acheteurs domestiques veulent bien gober du Treasury (et que la Fed reste le pompier en dernier ressort), la fête continue. Un jour, pourtant, il faudra éteindre la sono. Reste à savoir qui appuiera sur stop : la courbe des taux, le Congrès, ou… personne, et alors on prolongera la nuit avec un nouveau tour de Quantitative Easing. Le Bitcoin est à 108’500$, en embuscade pour de nouveaux sommets et les futures US sont ENCORE en hausse de 0.35% pour bien commencer la semaine !

En résumé : on est aux plus hauts de tous les temps, les chiffres puent l’arrangement maison, et tout le monde fait semblant d’y croire. La Fed attend, Trump menace et s’énerve, comme d’habitude et les marchés dansent sur un baril de poudre en chantant “Just Buy It”. Un jour ça pétera, mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, ça monte encore… Alors autant en profiter pendant que la lumière est encore allumée et c’est un peu comme le gars complètement bourré qui met des pièces dans un distributeur de canettes de Coca. Quand on lui demande ce qu’il fait, il répond : « tant que je gagne, je joue »….

Excellente journée à tous et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, mais apparemment, les marchés essaient quand même. »
— Économiste Anonyme