Ce soir, Jerome Powell va monter sur le podium et nous annoncer les résultats de deux jours de discussions. Le résultat est déjà théoriquement connu, puis que la FED devrait faire exactement ce qu’on attend d’elle : RIEN. Pas de baisse de taux. Pas de hausse. Juste une pause. Une de plus. Mais cette fois, le silence pourrait être un peu plus bruyant que d’habitude. Et ce n’est pas parce que les marchés s’enflamment — non, eux, ils sont trop occupés à surfer sur des records qui ne veulent plus rien dire. C’est parce que, dans l’antichambre de la politique monétaire américaine, des fissures apparaissent. Le remplacement de Powell déclenche soudainement les convoitises…
L’Audio du 30 juillet 2025
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En attendant la FED (encore)
Vous l’avez tous compris, ce soir la FED devrait annoncer qu’elle ne fait rien. MAIS qu’elle continue d’observer et d’analyser à peu près tous les chiffres économiques qui sortent afin de pouvoir en tirer quelques menues conclusions au sujet de l’inflation. On ne va pas revenir sur le sujet – mais on se souviendra quand même que Trump veut voir les taux baisser mais que Powell a peur de le faire, parce que ça risque de booster l’inflation et de relancer le problème qu’il essaie de régler depuis 3 ans. On peut choisir un camp. On peut être d’accord avec la prudence de Powell qui ne veut pas aller trop vite en besogne ou on peut être un fervent soutien du Président qui a une fâcheuse tendance à obtenir tout ce qu’il veut et par tous les moyens. Mais on ne peut pas nier que l’inflation reste un sujet « touchy » qui n’est pas encore réglé et les tensions sur le baril de pétrole depuis deux-trois jours ne vont pas peser en faveur d’une baisse des taux SURPRISE dès ce soir.
Mais le sujet qui chamboule la FED depuis quelques jours se trouve peut-être ailleurs. En effet, la belle unanimité des membres de l’institution fédérale est en train de se fissurer et il se pourrait que ça ne soit pas pour les bons motifs. D’ailleurs, les experts qui scrutent les comportements des membres de la FED pensent carrément que deux membres du comité de décision pourraient voter contre le statu quo : Christopher Waller et Michelle Bowman. Deux noms que personne ne connaissait « vraiment » il y a encore trois semaines, mais qui risquent de faire parler d’eux… pour de mauvaises raisons. Sous des airs de dissidence monétaire et de désaccord sur la politique de taux élevés menée par Jerome Powell, c’est surtout de stratégie politique qu’il s’agit. Non parce que soyons francs, la seule chose que ces deux « éventuels dissidents » désirent, c’est devenir Calife à la place du Calife et s’installer dans le fauteuil de Powell dès qu’il aura acheté ses cannes à pêche pour partir en retraite en mai prochain.
La campagne de léchage de bottes
En votant pour une baisse des taux contre l’avis de la majorité, ils ne font pas avancer la politique monétaire, ils ne font pas de mal à l’inflation, ni du bien à l’économie américaine, non. Ils font simplement campagne. Une petite courbette à Donald Trump, qui pousse de tout son poids pour obtenir des taux plus bas, histoire de faire exploser la Bourse et d’améliorer encore un peu plus son bilan de président. Le message implicite : « Regarde, Donald, moi je t’écoute. Regarde Donald, je suis d’accord avec toi, moi… «
Heureusement, pour le moment les marchés ne sont pas dupes. Cette dissidence POLITIQUE, ils s’en tamponnent comme de leur première chemise. Ils s’en foutent parce que tout le monde a compris que ce n’est ni un signal dovish, ni le début d’un virage monétaire réfléchit et stratégiquement intelligent. Au contraire, c’est du grand théâtre guignol. Du pur politique. Donc les algos ne bougeront pas d’un poil. Enfin, ne devraient pas bouger d’un poil. En théorie. Les dissidents essayent de marquer des points auprès de la Maison Blanche et de pousser leurs CV’s sur le dessus de la pile et d’attirer l’attention de Donald Trump. Pour le reste, les taux ne devraient rien faire encore ce mois et ce que les « experts » vont surtout regarder, c’est le niveau d’espérance sur lequel on peut compter pour avoir une baisse de taux lors du prochain meeting de septembre. En gros, on va quand même attendre ce soir pour ce voir qui l’en est si j’ai brassé de l’air OU PAS en ce début de chronique matinale.
Du côté de Wall Street
En ce qui concerne les marchés, parce que nous sommes quand même là pour ça ce matin, il ne s’est rien passé de bien important. L’Europe a digéré son deal et semble avoir accepté le fait que l’un dans l’autre c’est encore une victoire de Donald Trump. Reste à voir si ce deal – comme tous les autres sera réellement signé ou s’il y aura une saison deux à ces histoires de tarifs douaniers. Pour être franc, au vu de comment la première saison a été chiante, j’ose espérer qu’on va en rester là. Toujours est-il qu’hier après avoir tenté d’afficher un nouveau record d’altitude, le S&P500 a cassé son jouet et a ENFIN terminé en baisse. Cependant, on ne s’emballe pas, puisque l’indice de référence reculait de 0.30%, pendant que le Nasdaq abandonnait 0.38% et que le Dow Jones se repliait le plus avec un 0.43%, merci aux chiffres UNE FOIS de plus totalement dégueulasses de United Healthcare qui, pour une fois ont été soutenus par des prises de profits sur Boeing.
En conclusion, à l’approche du discours de Powell et des publications trimestrielles de Meta et de Microsoft ce soir, ainsi que celles d’Amazon et d’Apple demain, personne n’avait envie d’avoir acheté au plus haut en fin de séance. L’ensemble des Magnificent Seven étaient sous pression, un peu comme si tout le monde vendait un petit peu avant les chiffres afin de ne pas se retrouver submergé en cas de mauvaise nouvelle et d’avoir l’impression d’avoir réduit son risque à la dernière minute. Pour le reste, le sentiment reste extrêmement bullish, pour ne pas dire euphorique et personne n’ose non plus aller franchement short sur le marché. D’ailleurs ce matin, si je me raccroche à la revue de presse que je viens de me farcir entre 3h30 et 4h30 du matin, on a quand même l’impression que de plus en plus de voix s’élèvent pour dire que ce marché est cher, que ce marché est haut et que le FOMO l’emporte un peu trop par rapport à une certaine rationalité des valorisations. Alors oui, les marchés à terme donnent plus de 60 % de probabilité à une baisse des taux en septembre, et 65 % pour au moins deux baisses d’ici fin décembre. Autant dire que tout le monde mise sur une Fed plus gentille à l’automne. Mais si le rapport sur l’emploi de vendredi est solide… tout pourrait être remis à nouveau en question.
L’emploi et l’Europe
D’ailleurs, si l’on doit parler d’emploi, on notera quand même qu’hier après-midi les chiffres des JOLTS ont été publié et si l’on croit le message qu’ils envoient, les NFP’s de vendredi ne devraient pas « être si forts que ça ». Le nombre des offres d’emploi a reculé de 100’000 et celui des recrutements a baissé de 275’000 en juin, un signe de ralentissement du marché du travail après les signes de décélération observés ces derniers mois. Après, on connaît la fiabilité des NFP’s et la capacité du Bureau of Labor Statistics à leur faire dire ce qu’ils ont envie. On va donc attendre patiemment vendredi après-midi pour en tirer des conclusions. Notons encore que la confiance du consommateur américain est légèrement remontée en juin, mais lorsque l’on regarde les sous-indices de ce chiffre, on se rend compte que les signaux « attention récession » sont toujours en train de clignoter.
Du côté de l’Europe, on était dans le vert après la séance de lundi, même si pour l’instant tout le monde a les yeux rivés sur la FED et les Magnificent Seven et que l’on se concentre principalement sur les chiffres des sociétés qui sont publiés. Du côté français, L’Oréal a vu ses ventes reculer de 1,3 % au deuxième trimestre, freinées par l’Europe et des effets de change, mais les marges sont en hausse à 21,1 %. Malgré un bénéfice net en baisse sur le semestre, le groupe reste confiant pour 2025 et vise une croissance supérieure au marché et le titre ne faisait rien. Et puis, chez Kering, on traîne toujours le spleen de Gucci. Kering a vu son bénéfice net chuter de 46 % et son chiffre d’affaires reculer de 16 % au premier semestre 2025, plombé par l’effondrement de Gucci (-26 %). Le groupe mise désormais sur l’arrivée de Luca de Meo en septembre pour redresser la marque phare. Le titre perdait 1.6% et ne semble plus pouvoir baisser franchement, même si la marque italienne semble sans espoir.
Du côté des trimestres
Et puisque l’on parle des chiffres trimestriels, on s’arrêtera également sur ceux qui ont été publiés hier aux USA parce que la liste est longue et le travail d’interprétation entre les attentes, la réalité et les conférences de presse ne sont pas forcément facile à surveiller. On retiendra que Boeing a réduit sa perte trimestrielle à 1,24$ par action, bien en dessous des attentes, grâce à une forte hausse des livraisons (+63 %) et une amélioration du cash-flow. Le chiffre d’affaires a bondi de 35 % à 22,75 milliards, mais la certification des 737 MAX 7 et 10 est reportée à 2026. Malgré un redressement en cours, la production reste limitée par la FAA et une grève possible plane sur la division défense. Le titre plongeait de 4.37%. Chez Procter & Gamble prévoit une croissance annuelle entre 1% et 5%, en-dessous les attentes, dans un contexte d’incertitude tarifaire liée aux politiques de Trump et à l’anxiété des consommateurs. L’entreprise augmentera les prix d’un quart de ses produits aux États-Unis pour compenser un surcoût douanier d’un milliard de dollars. Malgré un chiffre d’affaires trimestriel supérieur aux prévisions, P&G entame une restructuration avec 7’000 suppressions de postes et vise un recentrage stratégique sur ses marques clés.
Il est donc super-intéressant de noter qu’en cette période de lutte contre l’inflation, des marques de produis de première nécessité comme Procter sont en train JUSTEMENT d’augmenter leurs prix. Chose qui devrait donc se ressentir pour le consommateur. Et puis une nouvelle charrette de licenciement de 7’000 personnes qui vient s’ajouter à ce que Microsoft est en train de faire. Hhhmmm, pas sûr qu’à la fin du mois d’août la probabilité de voir une baisse des taux en septembre soit toujours de 60%. Mais bon, on en reparlera. Toujours au chapitre des chiffres qui déboulent sur le marché on notera la publication des chiffres d’UPS. Alors eux c’est toujours super-intéressant, parce qu’on part toujours du principe que quand des boîtes comme ça publient des chiffres de merde, ça veut souvent dire que le ralentissement économique est en train de se faire sentir de manière un peu plus franc. Oui, parce que moins de paquets = moins de conso… UPS a donc publié un bénéfice trimestriel légèrement inférieur aux attentes et refuse toujours de donner des prévisions annuelles, alimentant les inquiétudes sur l’impact de la politique commerciale américaine. Le groupe subit une forte baisse des volumes, notamment sur l’axe Chine–États-Unis, et accélère sa rupture avec Amazon. Son chiffre d’affaires trimestriel ressort en hausse à 21,2 milliards $, porté par l’international, mais la marge domestique déçoit. En pleine restructuration, UPS vise 3,5 milliards $ d’économies d’ici 2025, avec 20’000 suppressions de postes à la clé. Et BAM !!! 20’000 chômeurs de plus… Mais la bonne nouvelle c’est que si l’on croit les chiffres de VISA, le consommateur continue de consommer allégrement. Les profits de la plus grosse boîte de cartes de crédit du monde étaient en hausse de 8% pour le trimestre et les déclarations du CEO montrent qu’on claque toujours du pognon aux USA et on est vachement courageux et optimiste pour l’avenir, parce que dépenser de l’argent avec une carte de crédit qui vous charge des taux que même la mafia n’aurait pas osé pratiquer, il faut VRAIMENT avoir envie de dépenser !!!
Mais encore
Pour le reste, on notera que Union Pacific et Norfolk Southern annoncent leur fusion pour créer le premier chemin de fer transcontinental américain, reliant les côtes sans passer par Chicago. L’opération valorise Norfolk à 320 $ par action, mais suscite des doutes côté investisseurs et syndicats, notamment sur la sécurité et l’emploi. Le nouveau réseau couvrirait 43 États, avec des synergies estimées à 30 milliards et une forte concurrence visée face aux camions et aux chemins de fer canadiens. La fusion, soumise à l’approbation réglementaire, pourrait prendre jusqu’à 22 mois pour se concrétiser. 22 mois, c’est précis et au vu du prix de l’action Norfolk, le marché n’y croit pas des masses. Pendant ce temps, l’Asie en fait rien en attendant la FED et la Banque du Japon demain matin. Le Nikkei recule de 0.02%, Hong Kong de 0.23% et la Chine avance de 0.5%. La vedette du matin c’est le baril de pétrole qui a pris 4$ en deux séances. Depuis que Trump est fatigué de signer des deals sur les droits de douane, le Président a décidé de s’occuper de la paix dans le monde et a ordonné à Poutine de cesser la guerre en Ukraine sous 10-12 jours, sinon il va taxer indirectement de 100% les pays qui continueront à acheter du pétrole russe.
Autant vous dire que si le pétrole russe disparaît du marché, ça ne fera pas aussi mal que la fermeture du détroit d’Ormuz, mais ça va être compliqué quand même, d’où le baril à 69$ ce matin. L’or est à 3’339, le Bitcoin est à 118’000$ et le rendement du 10 ans se trouve à 4.32%. Autrement, du côté des négociations avec la Chine, on avance mais on ne s’est toujours pas mis d’accord pour une prolongation du moratoire qui expire le 12 août, mais tout espoir n’est pas perdu. En revanche, on retiendra que cette fois IL SEMBLERAIT que Trump ne va pas faire de TACO trade avec les pays qui n’ont pas trouvé de deal avec les USA et dès le 1er août, les tarifs prévus seront appliqués, y compris pour la Suisse qui n’a encore rien signé. Il y a également Starbucks qui a publié des chiffres bof, une guidance bof et globalement des chiffres qui ne donnent pas envie de se rouler dans le caviar… Mais le marché aura constaté des améliorations « tangibles » et c’est sûrement pour ça que le titre prenait 5% hier soir after close !
Pour terminer…
En conclusion de tout ça, tout le monde attend la FED tout à l’heure et ça nous donnera l’occasion de nous projeter en septembre et puis pour le reste, on va AUSSI ATTENDRE Meta et Microsoft ce soir. D’ici-là, il y aura aussi l’UBS qui va publier ce matin – toujours un évènement du côté du marché suisse – du côté l’Europe, on regardera aussi Hermès et Airbus. Et puis, en attendant la FED, nous aurons les PIB’s allemand, français, espagnols et, bien sûr : européens. Il y aura le KOF en Suisse et puis ça sera le tour du PIB américain et des chiffres de l’emploi ADP qui étaient bien merdiques le mois dernier et qui ne devraient pas s’améliorer compte tenu des vagues de licenciement ici et là…
Bref, aujourd’hui on attend. La FED, Meta, Microsoft, et la pluie de PIB qui va nous tomber sur la tête. On scrute les moindres indices pour essayer de savoir ce qui va se passer. Et pendant ce temps-là, les marchés sont suspendus à la moindre virgule dans la comm de Jerome Powell, comme si ça allait tout changer… alors qu’on sait tous qu’il ne fera rien. Mais en 2025, ne rien faire, c’est déjà beaucoup.
Passez-une excellente journée, c’était la dernière chronique de la semaine, vendredi c’est le 1er août et je serai de retour lundi prochain !
À lundi !
Thomas Veillet
Investir.ch
“History provides a crucial insight regarding market crises: they are inevitable, painful and ultimately surmountable.”
Shelby M.C. Davis