On entame la semaine avec un marché qui reste (bien sûr) totalement obnubilé par la baisse des taux à venir. Impossible d’ouvrir un résumé hebdomadaire sans entendre parler des taux qui vont baisser en septembre. Mais dans un premier temps, on doit passer par la case Jackson Hole et si vous ne savez pas ce que c’est, il est temps d’aller sur Google Maps pour voir où est-ce que Powell et ses amis banquiers centraux vont se réunir cette semaine pour faire du cheval et décider de l’avenir des taux sur la planète Terre. Pour le reste, on est en mode « Trump le Peacemaker » et Zelensky à Washington. Encore une semaine chargée en « attentes » et qui se conclura avec Powell qui parlera.

L’Audio du 18 août 2025

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Anchorage, acte 1

Vendredi, Trump et Poutine se sont donc retrouvés en Alaska, officiellement pour avancer sur la guerre en Ukraine. Dans les faits, ça ressemblait plus à une séance photo qu’à une négociation. Résultat : pas de cessez-le-feu, pas d’accord, juste assez de petites phrases pour entretenir le suspense. Trump a laissé entendre que Poutine pourrait accepter une sorte de garantie de sécurité pour l’Ukraine – mais derrière, il a vite recadré en mode : « La Crimée, c’est russe. L’Ukraine dans l’OTAN, c’est mort. »

Aujourd’hui, Zelensky débarque à Washington pour rappeler au monde qu’il est directement concerné par l’histoire, et il sera accompagné d’une escouade de dirigeants européens et de l’OTAN. Le but ? Mettre un peu la pression sur Trump, qui adore se poser en négociateur de génie mais qui n’a encore rien signé. Bref : c’est un feuilleton. On aura probablement droit à plusieurs saisons avant de voir le mot « paix » écrit quelque part. Mais une chose est sûre, Trump a tout de même bien montré aux Européens qu’ils seraient surtout là pour leur servir le café – à lui et Poutine, lors du prochain round de négociations.

En attendant, les marchés ont l’air de bien prendre la chose – rien que le fait que l’on se « parle » suffit à enthousiasmer les intervenants qui entament la semaine avec le sourire aux lèvres, puisque dans l’imaginaire financier, la question n’est plus de savoir si ça va se terminer, mais plutôt quand est-ce que ça va se terminer. Et puis vu l’optimisme exacerbé du moment, les marchés vont monter « à cause des pourparlers de paix », puis ils vont monter en attendant la signature d’un accord de paix et finalement, ils vont monter PARCE QUE LA PAIX a été signée. Et puis aussi parce que l’IA c’est chouette et que Powell il va baisser les taux en septembre. Tout en se foutant TOTALEMENT des chiffres du PPI de la semaine dernière et du fait que les droits de douane semblent clairement être inflationnistes. Tiens, d’ailleurs, les droits de douane, parlons-en, parce que là, depuis trois jours, on n’en parle plus…

Jackson Hole, acte 2

Pendant que les diplomates jouent au Risk et essaient de trouver une solution à la guerre en Ukraine, Wall Street n’a qu’un seul sujet en tête : le symposium de Jackson Hole. C’est LE moment où la Fed parle, où Powell peut orienter le marché d’un haussement de sourcil, et où tout le monde va écouter son speech de vendredi, comme s’il allait nous filer la recette du Coca-Cola. En plus le pire dans tout ça, c’est qu’on sait que Powell aime bien parler de politique monétaire quand il est à Jackson Hole et que Wall Street est tout ouïe et prêt à l’écouter jusqu’à la moindre respiration.

Le marché price déjà une baisse de 25 points de base en septembre avec une forte probabilité, même si les chiffres qui viendront ces prochaines semaines sont encore susceptibles de faire varier le résultat final. Mais du côté des marchés, il n’y a pas grand-chose à craindre tellement nous sommes imperméables à toute mauvaise nouvelle – je n’ai pas besoin de vous rappeler la réaction du marché jeudi dernier lorsqu’un PPI absolument immonde a été annoncé par le BLS made in Trump. Pour le moment le marché est immunisé contre toute mauvaise nouvelle ou contre toute mauvaise perception. La seule chose que nous ne connaissons pas actuellement, c’est la durée de l’effet du vaccin anti-mauvaise nouvelle. Il peut cesser de faire effet d’une minute à l’autre. Et là, ça pourrait se compliquer.

Néanmoins, certains, comme le secrétaire au Trésor Scott Bessent, rêvent carrément d’un demi-point tout de suite, voire même beaucoup plus. Mais Powell, lui, marche sur un fil : s’il promet trop, il passe pour le larbin de Trump ; s’il ne promet rien, il casse l’ambiance sur les marchés. Et comme les investisseurs ont déjà acheté des camions de homebuilders et de small caps en anticipant un cycle de cuts, Powell va devoir choisir ses mots avec la précision d’un horloger suisse. Même si l’horloger suisse paie 39% de droits de douane. À noter que vendredi, le Dow Jones a flirté avec un record historique, que le S&P et le Nasdaq tiennent encore bien malgré un petit repli, et que les investisseurs se comportent comme si la fête de la liquidité allait reprendre d’ici quelques semaines. On est d’ailleurs convaincu comme jamais qu’entre la liquidité qui nous ruisselle dessus dans tous les coins et l’IA, rien ne peut nous arriver. Et même Warren Buffett s’y met : Berkshire a rajouté des billes dans D.R. Horton et Lennar. Quand l’Oracle d’Omaha se positionne sur les homebuilders, ça rassure tout le monde – même si, rappelons-le, le marché immobilier américain reste coincé entre des prix record et des taux hypothécaires qui flirtent avec 7%. Actuellement, les indices montent parce qu’ils veulent y croire. Pas parce que la macro est incroyable. L’inflation est encore là, la consommation montre des signes de fatigue. Mais tant qu’on peut rêver à une Fed plus gentille, on oublie les problèmes. Ce sera d’ailleurs l’axe principal de la semaine ; savoir si l’on peut continuer à croire que la FED est notre amie… Je crois que vous l’avez compris.

Asie ce matin : risk-on, baby

En Asie, c’est plutôt vert ce matin, le Nikkei s’est encore offert un record historique – les Japonais surfent sur un yen faible et une économie qui tient la route malgré les tarifs douaniers de Trump. Le gouvernement nippon a même calmé les rumeurs comme quoi Washington pousserait la BoJ à remonter les taux : ça a suffi pour relancer la fête à Tokyo, le Nikkei est en hausse de 0.8% à l’heure où je vous parle. Du côté de la Chine et de
l’Inde, on s’envole aussi : +1,5% à Shanghai, +1,5% sur le Nifty à New Delhi. Oui, parce qu’un accord de paix en Ukraine, même hypothétique, ça voudrait dire moins de regards fâchés de Washington sur leurs emplettes de pétrole russe. Et tant que Trump fait mine d’avancer avec Poutine, Pékin et Delhi peuvent souffler. Bon, sauf qu’hier soir, Trump a rappelé que la Crimée resterait russe et que l’Ukraine ne verrait jamais l’intérieur des bureaux de l’OTAN… autrement dit, la “paix” version Trump, c’est surtout un narratif qui fait monter les marchés, plus qu’une certitude diplomatique.

Pendant ce temps, n’oublions pas que Trump menace toujours de coller 50% de taxes sur les exportations indiennes vers les États-Unis – mais bizarrement, les investisseurs indiens préfèrent se concentrer sur le côté “espoir de trêve” que sur le côté “claque douanière imminente”. En résumé : Japon au plus haut, Chine et Inde euphoriques grâce au pétrole russe qui circule toujours sous le manteau, et le reste de l’Asie qui rame un peu. Tout ça sur fond d’un marché global qui ne rêve que d’une chose : la baisse des taux de la Fed en septembre. En attendant le pétrole est à 62.10$, histoire de garder un peu la pression sur Moscou, l’or est à 3’400$, le Bitcoin s’enfonce vers les 115’000$ après son record de la semaine dernière et les mots de Bessent qui lui ont fait du mal. Et pendant ce temps, le rendement du 10 ans est à 4.31%.

Dans les nouvelles du jour

Breaking news du week-end : Advent International sort le chéquier et s’offre U-Blox pour 1,3 milliard de dollars. Une belle prime de 53% sur les cours moyens des six derniers mois, de quoi faire sourire les actionnaires. Le prix de rachat est de 135 CHF. U-Blox, c’est ce spécialiste des puces de navigation et de géolocalisation qu’on retrouve dans les voitures, les robots et même l’agriculture. Une boîte suisse, cotée depuis 2007, qui a souffert mais qui garde un vrai savoir-faire. Petite cerise sur le gâteau : CNBC, dans sa grande tradition de géographie approximative, a annoncé l’opération en parlant d’un « chipmaker suédois ». Oui, oui, suédois. Apparemment, pour certains, tout ce qui commence par un « S » et finit par un « e » – c’est la même chose. Suisse, Suède, sandwiche, sucette… on s’y perd. Bon, ok, ça marche en français, mais pas en anglais. Tout ça pour dire que CNBC, font toujours les même conneries – puisque Cramer est toujours chez eux et puis à la fin, U-Blox s’est fait bouffer… La nouvelle était déjà dans les tuyaux vendredi et ceux qui ont acheté le titre à 138.60 en clôture vont se demander pourquoi ils n’ont pas pris congé vendredi dernier.

Du côté des droits de douane contre la Suisse, selon UBS, si les droits de douane américains de 39% restent en place, la Suisse pourrait perdre 0,4 point de PIB en un an. Avec des exportations vers les États-Unis qui chuteraient de 25% et un dollar plus faible, nos produits deviennent 50% plus chers pour les acheteurs américains. Côté emploi, UBS estime 15’000 à 20’000 postes menacés, alors qu’Economiesuisse parlait de 100’000 la semaine dernière – on n’a pas tous les mêmes fichiers EXCEL…D’ailleurs je croyais qu’Excel était mort depuis l’intronisation de l’IA… Selon les analystes, les secteurs les plus fragiles sont les machines, la medtech, l’électronique, l’auto et bien sûr l’horlogerie. Pour l’instant, le chômage reste bas à 2,7% et le chômage partiel amortirait le choc. UBS reste optimiste et parie que les droits tomberont à 15%, maintenant ses prévisions de croissance à +1,3% cette année et +1,0% l’an prochain. Moralité : pas de panique immédiate en espérant que Trump ait trois minutes à nous accorder pour renégocier. Reste à voir qui on va envoyer cette fois, parce que pour le moment, le Conseil Fédéral a l’air un peu emprunté pour agir… Autrement, on retiendra encore que Le Wegovy de Novo Nordisk vient de recevoir le feu vert de la FDA pour traiter la stéato-hépatite métabolique chez les patients avec fibrose avancée. L’autorisation repose sur les résultats positifs de l’étude de phase 3. Les patients traités ont montré une nette amélioration du foie par rapport au placebo, sans aggravation de la maladie. Le Wegovy semble être définitivement le médicament à tout faire. Il combat le diabète, l’obésité, les maladies de foie et d’autres encore. Si ça se trouve il fait aussi la vidange et change les balais d’essuie-glace.

Et puis, dans les nouvelles des grands de ce monde, Le WEF a « blanchi » Klaus Schwab après enquête, concluant qu’il n’y avait aucune faute, à part quelques « irrégularités mineures ».
Problème : personne n’y croit vraiment, vu que la famille Schwab était accusée de mélanger allègrement affaires perso et ressources du Forum. Résultat, l’affaire laisse un parfum de Davos-washing, avec Larry Fink de chez BlackRock et André Hoffmann de chez Roche qui sont parachutés comme pompiers provisoires. Pas sûr que l’image du WEF s’arrange avec ça…

Les chiffres du jour

Du côté des chiffres du jour il n’y aura rien, si ce n’est le Trade Balance européen. Et puis cette semaine on va pas mal parler consommation, puisque la plupart des Retailers américains seront de sortie en mode publications. Ça nous donnera une bonne façon de comment Joe American consomme, puisque si lui nous lâche, ça va devenir compliqué de rester en croissance dans cet environnement et Powell va être obligé de baisser les taux… Étonnant, non ?

En conclusion, Anchorage a lancé le théâtre diplomatique, Jackson Hole s’annonce comme le clou du spectacle monétaire de la semaine, les marchés veulent absolument leur dose de baisses de taux, l’Asie surfe sur l’optimisme, et la Suisse se paie un joli coup de projecteur avec U-Blox. Bref, c’est une de ces semaines où il va falloir être attentif, parce que chaque mot de Powell et chaque phrase de Trump peuvent redessiner les règles du jeu qui ne sont pas toujours facile à comprendre.

Passez une excellente journée, un très bon début de semaine et bonne rentrée à ceux qui recommencent l’école ce matin !!! Les futures sont en hausse de 0.14% et Powell y va baisser les taux.

À mercredi !

Thomas Veillet
Investir.ch

There are no secrets to success. It is the result of preparation, hard work, and learning from failure. Colin Powell (et pas Jerome)