Il y a pas mal d’années en arrière, il y avait un film au cinéma qui s’appelait « le jour de la marmotte ». C’était l’histoire d’un type qui était condamné à revivre la même journée encore et encore et qui ne pourrait s’en échapper que le jour où il vivrait la journée parfaite. Bon. Nous on est n’est pas dans le même film parce qu’on ne peut pas se rejouer la même journée encore et encore, mais disons qu’on doit forcément être dans un scénario quelconque pour que l’on soit condamné à écouter, entendre et vivre autant de conneries qui proviennent des États-Unis. Il faut reconnaître qu’avec le retour de Trump on s’attendait à que ça soit « showtime », mais à ce point, c’était pas prévu.

L’Audio du 4 août 2025

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Sous le signe de Potus

Je vais être honnête avec vous, je ne suis pas certain que la semaine commence dans la joie et la bonne humeur sur le marché suisse. On ne va pas s’éterniser sur le sujet, surtout qu’il a abondamment été commenté sur les réseaux sociaux et dans les médias durant tout le week-end : Ferrari a eu des problèmes de châssis au Grand-Prix de Hongrie et Charles Leclerc n’est pas content. Sans compter que les Servettiens se sont fait étriller par Saint-Gall. Vous reconnaîtrez que ça n’est pas le meilleur moyen de vivre un week-end et surtout de commencer la semaine. Surtout après un week-end prolongé du premier août. Et puis, en plus de ces évènements déplorables, il semblerait que le Président Trump a décidé de s’en prendre personnellement à la Suisse. Pourtant après avoir défoncé le secret bancaire et récupéré tous les clients indésirables en Suisse dans les banques du Delaware, on aurait pu penser que les Américains allaient nous foutre la paix pendant au moins un siècle.

Mais que nenni. Trump a donc choisi la fête nationale helvétique pour nous planter le carreau de l’arbalète dans le dos. Juste entre les deux omoplates. 39% de droits de douanes, on ne vaut pas mieux que l’Irak sur l’échiquier commercial américain. Ou alors c’est que nos négociateurs bernois se sont complètement vautrés dans la négociation. Bon, il est vrai que si c’est Guy Parmelin qui a mené les discussions en anglais, on peut comprendre qu’il y ait eu certaines incompréhensions. Enfin, toujours est-il que la claque que la Suisse a subit juste avant ses trois jours congés ne va pas faire du bien au SMI à l’ouverture ce matin. En tous les cas, on s’attend à voir une séance qui risque d’être sanglante, même si au fond de nous, on se dit que ça ne va pas rester comme ça et que, d’ici le 7 août, il va y avoir un retournement de situation et que le Président Américain pourrait nous faire une volte-face dont il a le secret. On ne l’a quand même pas taxé de « Chicken » pour rien. Et puis, lorsque l’on voit la quantité de voix qui s’élèvent en Suisse pour boycotter les produits américains en Suisse, à commencer par les F-35 et les fonds de l’AVS qui sont gérés de là-bas, sans compter d’envisager la liquidation des portefeuilles en actions de la BNS, on peut espérer que la Maison Blanche va finir par trembler de peur. Et puis surtout, nous on s’en fout, parce qu’on peut être agressif verbalement vis-à-vis des États-Unis, Trump peut toujours essayer de nous envoyer des sous-marins nucléaires comme dissuasion. Bonne chance pour remonter le Rhône et passer le barrage de Verbois…

Ironie

Alors oui, vous l’aurez compris, j’essaie un peu d’ironiser pour ne pas prendre la claque en pleine figure de manière un peu trop directe. Mais l’annonce fait mal et les semaines qui vont venir resteront critique. En attendant, du côté SMI et actions suisses, il va falloir digérer, calculer et estimer l’impact réel de ces droits de douanes complètement délirants et surtout, basés sur un calcul complètement débile que Trump a trouvé dans un coin de son cerveau torturé par l’affaire Epstein. Ce lundi risque donc d’être noir du côté boursier et noir sur le SMI. Même si parfois je me dis que c’est presque trop évident pour que ça baisse « tant que ça ». Réponse dans deux heures à l’ouverture. Il faut quand même noter que, lorsque l’on prend le temps de lire et d’écouter les médias helvétiques et les experts locaux, on n’hésite pas à parler de risques de récession et de milliers de jobs qui sont remis en question pour les mois et les années à venir, si Trump et KKS, notre présidente bien-aimée, ne trouvent pas rapidement un terrain d’entente…

Mais au-delà de ce que Trump nous a fait sur la Suisse – d’ailleurs je crois que certains d’entre-nous peinent encore à croire que ces 39% soit vraiment réels et pensent que c’est encore un coup de bluff qui va donner lieu à un virage à 180 degrés dont le Président Américain a le secret. Et d’ailleurs, quand on prend le temps de dézoomer un peu et de regarder ce qui se passe ailleurs dans le monde, ailleurs que sur nos monts quand le soleil il annonce un brillant réveil – un réveil qui sera un peu terne en ce lundi matin ; il faut quand même admettre que le Président Américain est quand même un sacré taré. Et je ne dis pas ça à cause de ce qu’il a fait À LA SUISSE il y a trois jours, non, je dis ça parce quand on fait le bilan de tout ce qu’il a fait depuis son investiture de janvier, il faut tout de même reconnaître que s’il était suivi par un psychiatre, ça fait longtemps qu’il l’aurait interné.

De la rancœur

Alors oui, il y a un poil de rancœur dans ma chronique de ce matin. Une rancœur qui est partiellement générée par un brin de chauvinisme. Mais pas que. Pas que, parce que si l’on se rappelle un peu le cirque qu’il nous a fait sur les droits de douane – en dehors du fait que les marchés ont tout de même réussi à battre des records d’altitude pour des justifications que (parfois) on a de la peine à comprendre. Il faut également reconnaître et se souvenir que certains de ces actes semblent un peu improvisés et à la limite du « rien à foutre ». En tous les cas pour un politicien de ce niveau. Alors bon, ça n’est pas que j’ai un respect immense pour la classe politique – bien au contraire – on sait qu’en général ils se foutent pas mal de ce que pensent les électeurs, une fois qu’ils sont élus. Mais en général, ils font semblant d’en avoir quelque chose à foutre et réfléchissent (un peu) à ce qu’ils disent. Histoire que ça ne se voit pas « tout de suite » qu’ils nous prennent pour des cons. Sauf que dans le cas de Donald Trump, on a parfois l’impression qu’il ne réfléchit même pas un peu avant de parler. Comme si le filtre entre son cerveau et sa bouche avait été médicalement court-circuité, ce qui lui permet de pouvoir dire de la merde en donnant l’impression que c’est vraiment ce qu’il pense. D’ailleurs, il le pense.

Et c’est là que ça devient quand même un peu gênant. Alors oui, ces derniers jours, en tant que « bon suisse qui ne veut pas déranger et qui veut être bien avec tout le monde », ça devient un peu plus évident que les autres jours. Surtout parce qu’on est concerné et qu’on n’a l’impression que Trump est en croisade contre la Suisse (alors qu’il a probablement déjà oublié qu’on existait depuis vendredi dernier) – c’est même pratiquement une certitude, puisque ces cons du département d’état américain, n’ont rien trouvé de mieux que de souhaiter un « bon anniversaire » à la Suisse, 12 heures après lui avoir marché dessus. À ce stade-là, c’est juste de la connerie, puisque la diplomatie, on a bien compris que ça n’était plus une option réaliste à Washington. Bon, là on va laisser l’aspect suisse et notre descendance de Guillaume Tell faire le boulot et on va passer au sujet de Trump qui – en plus des droits de douanes – est toujours en train de se battre contre la FED et, depuis vendredi : contre les chiffres de l’emploi américain qui ne vont pas dans son sens.

L’emploi qui part en vrille et la statisticienne en cheffe qui part à la casse

Donc. Vendredi, alors que nous en étions au stade de la gestion des lampions et de l’allumage des feux de joie, les Américains et le monde merveilleux de la macro-économie, étaient en mode « on attend les chiffres de l’emploi américain », juste pour voir comment l’Amérique est Great Again depuis des mois. Jeudi on avait appris que l’inflation selon le PCE ne voulait plus baisser et que, pire, les deux chiffres en question étaient même plus hauts que les attentes. On pouvait donc en déduire que :

1) L’inflation ne baisse plus aux USA et qu’elle a même tendance à remonter (ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les taux, pour la FED et pour Jerome Powell
2) Et deux, que la mise en place des tarifs douaniers à compter du 7 août – va empirer la chose, puisque c’est économiquement prouvé : les tarifs douaniers créent de l’inflation. Chose à laquelle on pense souvent et puis comme toutes les choses auxquelles on pense, après, on les oublie.

Mais cette nouvelle qui date de jeudi dernier, on s’en foutait comme de l’an 40, parce que le plus important, c’était de voir que le marché de l’emploi était au top de sa forme et que la méthode Trump cartonnait comme jamais. Et que si elle cartonnait comme jamais, on s’en foutait de l’inflation puisqu’il suffit de créer plein de jobs et que les gens gagnent plein de gros salaires avec des gros bonus pour qu’il se foutent pas mal de payer 12% plus cher leur filet de bœuf… Bon. Vous avez vu les chiffres de l’emploi ?

NFP’s la cata en petits caractères

Alors officiellement, en juillet, les États-Unis ont créé 73’000 emplois. Bon. C’est pas glorieux et c’est nettement moins que les attentes qui flottaient autour des 110’000. Mais c’est quand même nettement mieux que les 14’000 du mois de juin. Et si vous pensez que c’était juste un petit mois faiblard, attendez de voir ce qu’ils ont fait à mai, puisque les stars du BLS ont révisé le mois de mai à 19’000. Ce qui fait qu’au total – entre ce qu’on nous a vendu en mai et en juin et la vérité annoncée vendredi, c’est 258’000 jobs qui ont disparu. Des jobs qui n’ont jamais existé et qui viennent de traverser le triangle de Bermudes. Pouf, vaporisés, control alt delete…

– Juin passe de 147’000 à 14’000
– Mai passe de 144’000 à 19’000

Le chômage grimpe à 4,2%, en ligne avec les attentes, mais ce qui commence à vraiment sentir le roussi, c’est la tendance. Parce que ça ralentit. Partout. ET Fort. Donc du coup, on a TOATALEMENT effacé les chiffres du PCE de nos cerveaux et TOUT LE MONDE est convaincu que «dans cet environnement», Powell n’aura pas d’autre choix que de baisser les taux en septembre. Nous sommes donc à 77% de chances de voir une baisse pour la rentrée scolaire.

« Inutile de vous dire que Trump n’a pas trop aimé »

Autant il aime quand les chiffres vont dans son sens même si le monde entier sait qu’ils sont bidonnés. Autant il n’aime pas quand ça ne va pas dans son sens. Et là, vendredi ça n’allait pas dans son sens du tout. DONC : il a viré la responsable des statistiques du BLS pour continuer dans le sens de rebooster sa crédibilité. Alors bon, on ne peut pas NON PLUS lui en vouloir, parce que ça fait quand même des mois qu’on sent que ces chiffres sont quand même bien suspects. Mais on peut quand même se demander s’il n’aurait pas mieux valu faire les choses dans l’ordre et pas virer une haute fonctionnaire via Truth Social, 12 minutes après la publication d’une avalanche de chiffres merdiques à souhait. Visiblement non. En tous les cas, les pétages de plombs de Trump de la semaine dernières auront eu des conséquences sur les marchés. Que ça soit en termes de tarifs douaniers, de craintes d’inflation, d’instabilité au plus haut niveau de la FED – instabilité créée délibérément par Trump – tous les agissements du Président ont eu des conséquences sur les marchés et vont encore en avoir sur la Suisse ce matin.

En fin de semaine, les marchés européens se sont effondrés, fatigués par les tarifs, la macro et les délires permanents du Président Américain et aussi de par le fait qu’il reste encore 1050 jours avant l’investiture du remplaçant de Trump et que c’est super-long. Bref, tout ça pour vous dire que la situation devient inquiétante, tant au niveau macro qu’au niveau politique. L’instabilité générée par la Maison Blanche commence à secouer un peu les marchés et même si les futures sont en hausse ce matin, le Nikkei plonge de 1.63% dans la foulée de tout ce que je viens de vous dire. La semaine qui nous attend va continuer à distiller sa dose de chiffres trimestriels, mais il y aura moins de macro, mis à part des ISM et des PMI’s du côté des States. Mais on aura l’occasion d’en reparler. Pour le moment, ce qu’il faut surtout retenir c’est que le Président américain est un con et que le problème ne se situe même pas à ce niveau, si ça n’était qu’un con, ça irait encore, il serait au niveau du reste. Mais comme c’est un con instable, ça pose quand même pas mal de soucis d’incertitudes économiques et les incertitudes, à Wall Street, on n’aime pas trop ça. Et autant vous dire que manipuler la FED et manipuler les départements qui gèrent les statistiques économiques, même s’ils sont complètement nuls depuis des années, je ne suis pas certain tout cela finisse forcément très très bien.

Excellent début de semaine dans cette ambiance dépressivo-révolutionnaire anti-Trump, très bon retour de vacances pour ceux qui reviennent et nous on se retrouve mercredi matin pour de nouvelles aventures. D’ici-là, soyez forts, ne buvez pas de Coca, mais du Sinalco Cola, ne mangez pas au McDo, mais dans une pizzeria ou à la limite une fondue. On oublie les Nike et on met des Birkenstock, tant pis pour le look. Et arrêtez de lire cette chronique sur votre iPhone, c’est anti-patriotique !

À mercredi !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

“Ultimately, nothing should be more important to investors than the ability to sleep soundly at night.” Seth Klarman