Wall Street a encore battu des records hier. Oui, encore. On en est au point où on a l’impression que les traders ont des augmentations de bonus si les indices battent des records. Le S&P 500 a signé son 25ème record de l’année, le Nasdaq son 26ème, et ça monte toujours pour les mêmes raisons : l’intelligence artificielle, la baisse des taux qui arrive, et parce que les investisseurs ont décidé que rien de grave ne pouvait nous arriver en 2025. Bref, on est officiellement dans le monde merveilleux des bisounours financiers. Aujourd’hui, ça va monter encore, demain ça montera sur l’annonce et ensuite ça va monter parce qu’on va baisser les taux en octobre. C’est sidérant.

L’Audio du 16 septembre 2025

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On prend les mêmes

Les Magnificent Seven – pardon, les “8 Fantastiques”, vu qu’on rajoute Broadcom au casting – ont encore porté le marché. Alphabet a franchi la barre des 3’000 milliards de capitalisation. Apple, Microsoft, Amazon, Meta, Broadcom, Tesla et compagnie ont tous participé au banquet. La seule exception ? Nvidia, qui a fini à l’équilibre parce que Pékin a décidé de lancer une enquête antitrust contre eux. On aurait pu penser que c’était une mauvaise nouvelle, mais visiblement, il faut taper plus fort que ça pour faire du mal à Nvidia.
Mais la vraie star de la journée, c’est encore une fois Elon Musk. Le patron de Tesla s’est payé pour 1 milliard de dollars d’actions Tesla vendredi dernier. C’est la première fois qu’il rachète en bourse depuis 2020. Résultat : le titre a flambé de +3,6% et effacé ses pertes annuelles en une séance. Comme toujours avec Musk, les règles du jeu sont différentes : tu rachètes 2,6 millions d’actions, et Wall Street te déroule le tapis rouge. La boîte perd des parts de marché, ses ventes d’EV sont en recul de 13% sur six mois, mais on s’en fiche, parce que Musk a promis des taxis autonomes et des robots humanoïdes. Et qu’en plus il achète pour 1 milliard d’actions. C’est qu’il doit savoir quelque chose. Forcément. Enfin, c’est ce que le marché pense.

Attention quand même : Tesla vaut aujourd’hui 168 fois les bénéfices attendus en 2026. À ce stade, ce n’est plus une valorisation, c’est une formule mathématique. Les bulls te diront que les profits sont temporairement déprimés, les bears que c’est totalement déconnecté de la réalité. Mais peu importe, puisque Musk a pris son billet de loterie : dans la logique actuelle des marchés, c’est forcément bon signe. D’ailleurs je ne vois pas trop ce qui pourrait être mauvais signe pour les marchés actuellement, puisque tout va bien et que demain soir, ça ira encore mieux !

La FED comme produit dopant

Pendant ce temps-là, tout le monde n’attend qu’une chose : LA FED. Le FOMC commence sa réunion aujourd’hui, verdict demain soir. Le consensus : une baisse de 25 points de base qui est attendue par 150% des joueurs qui ont tenté leur chance. Powell devrait probablement sortir son discours habituel : “Oui, on baisse, mais pas trop, et on reste vigilants parce que l’inflation, blablabla.” Et bien sûr ; « on reste dépendant des chiffres économiques et des datas qui vont sortir ces prochains mois ». Ce qui est assez paradoxal, puisque la plupart des chiffres sont faux, corrigés trois-quatre fois de suite, et à la fin on ne sait même plus ce qu’on doit en faire. Mais c’est pas grave, apparemment, la FED y croit et va continuer à se baser sur des données bidonnées et ça ne dérange personne.

Le marché sera également très attentif au DOT-PLOT qui devrait donner une idée de la vision à six moins des membres de la FED. Il faut dire que l’on ne s’emballe pas uniquement sur les 25 basis points de demain, mais aussi sur le fait qu’on espère un cycle complet et durable de baisse des taux. Alors je ne sais pas trop ce que l’on entend par « cycle durable », mais d’après, les projections, on ne va pas se contenter de 0.25%. Au vu des derniers chiffres économiques, les experts ont déjà fait leurs calculs et d’après ce qui en ressort, la FED devrait baisser encore une fois en octobre, une autre en décembre – parce que quand même : c’est Noël et puis l’année prochaine, en-dessous de 4 baisses, on ne sera pas contents. Et comme toujours, on se prépare au classique “Buy the rumor, sell the news” : on achète à fond avant, et on espère que Powell nous laisse une porte ouverte pour confirmer son envie de baisser les taux en octobre, sinon on va être obligés de tout vendre. En même temps, quand on voit ce qu’on voit, quand tout le monde se prépare à vendre la nouvelle, c’est que si ça se trouve, ça va monter encore. Je me demande même si on sait encore VENDRE en ce moment…

Downgrade et pas de gouvernement, mais ça monte

En Europe, c’était aussi la fête. Le CAC 40 a gagné près de 1%, aidé par le luxe qui s’est réveillé comme si Kering avait enfin trouvé la formule magique pour vendre du Gucci. Dans la foulée de la forte hausse de la boîte de l’ancien patron de Renault, Hermès, LVMH, L’Oréal… tout ce petit monde est reparti à la hausse, parce qu’après un an et demi de broyer du noir sur la Chine, les investisseurs ont décidé que, finalement, le luxe, c’était peut-être pas si mort que ça. Et puis côté géopolitique, la défense cartonne : entre les drones russes en Pologne et les manoeuvres militaires à la frontière biélorusse, Airbus, Thales et Alstom ont retrouvé des acheteurs. Et c’était le même modèle, la même réflexion en Allemagne avec Rheinmetall.

Bref, nous vivons dans des marchés qui ne doutent de rien :

• Les indices battent record sur record.
• La Fed est censée sauver tout le monde.
• Musk achète et ça suffit pour que Tesla se transforme en pépite AI/robotique dans la minute qui suit
• Le luxe et la défense brillent en Europe.

On est à deux doigts du scénario parfait : la Goldilocks economy — ni trop chaud, ni trop froid. Ça veut dire : une croissance pas trop forte (pour éviter l’inflation) et pas trop faible (pour éviter la récession). Scénario optimiste s’il en est parce que pour l’instant, l’inflation à l’air de vouloir repartir et même si la croissance est molle actuellement, les techniques de bulldozer de Donald Trump risquent de remettre en question la notion d’atterrissage en douceur de l’économie. Surtout la notion de DOUCEUR… Les cycles de baisses de taux massives arrivent en général quand l’économie a besoin d’aide et pas forcément quand tout va bien. Donc pour l’instant, on profite de la fête… Mais il ne faudra quand même pas oublier que l’avenir n’est pas forcément tout rose. Tout comme le présent, d’ailleurs.

En Asie

L’Asie a surfé sur la vague haussière de New York, emboîtant le pas aux records du S&P 500 et du Nasdaq. Le Nikkei a encore battu un record historique à près de 45’000 points, emmené par la tech et l’industriel, pendant que le Kospi sud-coréen s’est envolé grâce à Samsung et Hynix. Bref, Tokyo et Séoul fêtent déjà la baisse des taux que la Fed devrait annoncer demain soir. La seule ombre au tableau, c’est la Chine. Après avoir flirté avec des sommets de dix ans, les indices de Shanghai et Shenzhen ont levé le pied. Pékin reste sous pression : entre les négociations commerciales avec Washington (TikTok en ligne de mire, plus les puces Nvidia accusées de monopole) et les restrictions américaines sur les semi-conducteurs, l’ambiance est plus tendue. Pékin parle de “harcèlement unilatéral”, ça pose le décor.

Du côté du baril, le pétrole remonte à cause des tensions militaires. Un jour ça baisse à cause de l’OPEP et l’autre ça monte à cause de la guerre. Ce matin, le WTI est à 63.48$. L’or est à 3’719$, le Bitcoin est à 115’000$ et le rendement du 10 ans est à 4.03%.

Les nouvelles neuves

Du côté des nouvelles du jour, si l’on fait abstraction de la FED, il n’y a pas grand-chose à dire. Sauf peut-être que le Sénat a confirmé Stephen Miran en tant que Gouverneur de la FED. Jamais dans l’histoire un membre de la FED a été confirmé aussi vite. Il a été confirmé par 48 voix contre 47. Et il pourra siéger au FOMC Meeting d’aujourd’hui. On dira que ça tombe bien, juste au bon moment. Bon. En même temps, ça ne change pas grand-chose, puisque de toute façon, la baisse des taux est déjà actée, mais Powell n’aura pas que des copains autour de la table. Même si Lisa Cook pourra également siéger, malgré que Trump l’ait virée. Autrement Trump a eu une idée de génie, il voudrait que les sociétés ne publient plus leurs chiffres de façons trimestriels, mais qu’ils passent au mode bisannuel. Les autorités boursières seraient en train d’analyser la chose. Ceux qui ne sont pas pour estiment que ça diminuerait la transparence. On en reparlera, mais disons que si on nous supprime ça, ça va mettre quand même moins d’ambiance sur les marchés !

Les chiffres

Côté chiffres du jour, il y aura le ZEW en Allemagne et en Europe, le niveau des salaires en Europe, ainsi que la Production Industrielle. Aux USA – en plus du FOMC Meeting il y aura les Retail Sales, les prix à l’exportation et à l’importation, la Production Industrielle et les Business Inventories. La FED ne nous dira rien aujourd’hui et c’est uniquement demain soir que le monde ne sera plus pareil…

En conclusion : tout monte, Musk achète, Powell baisse les taux, et le Japon n’a plus de gouvernement mais ils battent des records, la France n’a plus de gouvernement non plus et se fait downgrader mais ça monte quand même. La seule question qui reste, c’est de savoir combien de temps ça peut durer avant que quelqu’un ne vienne éteindre la lumière. Mais en attendant, servez-vous, c’est open bar : bull market à volonté et c’est les bisounours qui servent les cocktails.

Excellente journée à tous et on se voit demain ! Comme d’habitude !

Thomas Veillet
Investir.ch

“There are only two ways to live your life. One is as though nothing is a miracle. The other is as though everything is a miracle.”

― Albert Einstein