Ça fait neuf mois. Neuf longs mois que la Fed nous fait patienter. C’est comme une série télé où on attend la saison 2 qui ne vient jamais. Et voilà qu’enfin, cette semaine, Jerome Powell et sa bande vont appuyer sur le bouton magique : une petite baisse de taux de 0,25%. Alors oui, ça à l’air presque déjà officiel, mais c’est pas moi qui le dit ; c’est 99% des experts qui pensent que le patron de la FED n’a pas le choix. Alors en ce lundi nous commençons cette semaine en ne faisant rien parce qu’on attend tous mercredi soir pour voir si Powell va VRAIMENT baisser les taux. Oui, parce qu’il y a ce petit pourcent de doute qui nous permet d’hésiter encore.
L’Audio du 15 septembre 2025
La bonne nouvelle qui arrive
Ce matin il y a donc de quoi être de bonne humeur, puisque nous entamons une semaine qui sera placée seulement et uniquement sous le signe de la baisse des taux. Cette fameuse baisse des taux qui nous a servi d’alibi pour monter depuis des mois alors que l’inflation ne baissait pas et que l’économie montrait des signes de faiblesse. Est-elle vraiment justifiée ? Faut-il vraiment privilégier la relance économique contre la lutte contre l’inflation ? Pour être franc, cette question ne se pose même plus. La pression politique sur la FED et sur son patron est tellement forte que, le choix ne semble même plus être une option. La FED va et la FED doit baisser les taux et puis c’est tout. Et nous, de notre côté, nous n’avons pas d’autre choix que de commencer cette semaine dans la joie et la bonne humeur avec le champagne au frais.
Mais… Oui, parce qu’il y a toujours un « mais ». Est-ce que c’est vraiment le moment de faire péter le champagne ? Parce que si – en théorie, les baisses de taux c’est comme une injection d’adrénaline pour la Bourse, dans la pratique ça peut aussi se transformer en shoot de morphine pour soulager les douleurs sans régler le fond du problème. Oui, parce que vu qu’il n’y a rien d’autre à dire ce matin si ce n’est : « Powell il va baisser les taux », on va quand même se plonger dans les statistiques historiques histoire de dire qu’on ne s’est pas levé si tôt pour se contenter de célébrer la baisse des taux avec trois jours d’avance.
Les livres d’histoire
Il faut donc savoir qu’historiquement, les baisses de taux ont plutôt bien fonctionné. Depuis 1982, le S&P 500 a gagné en moyenne 11% dans les 12 mois qui ont suivi. Après on parle de « première baisse de taux » – dans le cas présent on a déjà baissé les taux l’an dernier, mais en « temps boursier », ça fait une éternité, donc on va considérer que la baisse des taux de mercredi, sera la première d’un cycle. Quel cycle, on ne sait pas, mais d’un cycle. DONC. On sait tous qu’une baisse des taux est positive pour le marché. En moyenne. Attention : on parle de moyenne. En 1982 c’était +36%. En 2007, c’était -24%. La différence, c’est le cycle (encore lui), le cycle économique. Quand les baisses de taux rallongent le cycle qui va bien, tout le monde est content. Quand elles arrivent trop tard dans une économie qui fait de l’emphysème et de la tachycardie, c’est juste la Fed qui distribue des aspirines à un patient qui a besoin d’une greffe de cœur dans les trois semaines.
L’équilibriste
Là où ça devient croustillant, c’est qu’à l’heure actuelle, l’économie américaine envoie des signaux contradictoires. Oui, aujourd’hui, l’économie US, c’est un mélange assez étrange, puisque d’un côté on a :
• Une croissance encore au-dessus de la moyenne (en supposant que les chiffres sont calculés correctement – salutations amicales aux données du BLS)
• Le chômage “officiel” est à 4,3% – et là aussi au vu des erreurs de calcul du même BLS, on peut se poser des questions
• Et puis il y a les géants du S&P 500 qui continuent de publier des bénéfices solides – on ne remet pas en cause les magnificent seven – qui d’ailleurs sont devenus les « great eight » à cause de Broadcom qui galope derrière – mais en plus des excellents chiffres des stars, il y a maintenant des boîtes comme Oracle qui poussent derrière.
Si l’on prend le temps de regarder le marché de ce côté-là, de ce point de vue-là. Et qu’en plus on fait confiance aux chiffres économiques, on se dira que tout va bien et que l’économie est en forme… Et que si on baisse les taux, ça va aller ENCORE MIEUX !
Mais par contre, en face il y a :
• Les demandes de chômage au plus haut depuis 2021. (là aussi, au conditionnel, parce que c’est les mêmes qui calculent avec un boulier complètement rouillé)
• Les créations d’emplois révisées à la baisse – et pas qu’un peu. Je pense tout particulièrement aux 910’000 qui n’avaient pas de job l’an dernier alors que le Bureau of Labor Statistics jurait que si, si, ils avaient bien un job.
• Et une inflation qui s’accroche et qui refuse de rentrer dans le rang en-dessus des 2% que la FED et Powell se sont fixés il y a bien longtemps.
Alors pourquoi ils vont baisser les taux mercredi ? Non parce que vu comme ça, en essayant d’y mettre toute l’objectivité possible, on n’a pas l’impression que tout est réglé et que tout est sous contrôle ce qui nous permettrait de nous concentrer uniquement sur la baisse des taux pour relancer l’économie. Powell l’a dit il y a près de 2 ans :
« Je préfère devoir ressortir une économie de la récession avec des baisses agressives au niveau des taux, plutôt que de devoir lutter contre une inflation qui refuse de baisser ».
Et aujourd’hui, l’inflation refuse de baisser, l’économie n’est PAS en récession – enfin, selon les experts et le BLS, ce qui ne veut strictement rien dire – mais on baisse les taux quand même. Ben pourquoi alors ?
Tout simplement parce qu’ils sont coincés. S’ils ne baissent pas les taux rapidement, l’emploi va s’effondrer et l’économie pourrait bien rentrer en récession et on ne le lui pardonnera pas. Et s’il baisse les taux, il risque bien de rallumer le feu sous le cul de l’inflation. Et on ne le lui pardonnera pas non plus. Sympa comme situation, non ? Sans compter que quoi qu’il fasse, la Maison Blanche va lui tomber dessus. En résumé, Powell va baisser les taux, mais il va se faire insulter de toutes manières et personne ne sait quelles seront les conséquences économiques ces six prochains mois. Et c’est ce qui va nous occuper jusqu’à Noël : passer notre temps à disséquer les chiffres économiques, à les interpréter, pour essayer de comprendre ce qui va nous tomber dessus en 2026.
Le fameux “dot plot”
D’ailleurs, au-delà de la décision de Powell et de son discours, le marché attend surtout le dot plot — les prévisions de taux des membres de la Fed. Si les attentes montent côté chômage, Wall Street se dira “génial, plus de baisses à venir !” Si au contraire ça reste sage, ça pourrait être la douche froide. Et attention : aujourd’hui, les traders de futures anticipent déjà 2-3 baisses en 2025 et encore 3-4 en 2026. Si la Fed ne suit pas le tempo, il faudra se préparer à des turbulences. Mais on connait la valeur des prévisions et des attentes du marché. Début 2024, certains prévoyaient entre 8 et 12 baisses de taux. On en a eu 4… Mais bon, la bonne nouvelle c’est que les marchés n’ont pas de peine à monter en ESPÉRANT une baisse des taux, même microscopique. Reste à voir si la baisse des taux de mercredi n’est pas COMPLÈTEMENT dans les prix, ce qui pourrait déclencher des prises de bénéfices assez logiques et rationnelles.
Aujourd’hui, les indices sont au plus haut de tous les temps en ANTICIPATION de la baisse de taux. Est-ce que les anticipations de baisses de taux à venir ces prochains mois vont suffire pour maintenir le rythme de la hausse ? Telle est la question. Powell n’a rien promis. Si mercredi il sort un discours trop timide, les indices risquent de mal le prendre et on utilisera la fameuse explication : « oui, mais tu comprends, on savait, c’était dans les prix ».
La semaine tronquée
Voilà. Tout ça pour vous dire que cette semaine commencera vraiment mercredi soir, d’ici-là, on va attendre et se préparer à interpréter la moindre virgule du discours de Jerome Powell. En attendant, il est étrange de voir qu’il n’y a pas une seule nouvelle intéressante du côté financier. Comme si tout le monde s’était mis d’accord en se disant : « Bon les gars, on ne bouge pas une oreille, on ne fait rien et on attend de voir ». Ce matin, il n’y a rien. Même pas un tweet de Trump – on dirait qu’il a disparu de la circulation – pas une news économique qui vaut la peine se réveiller… Même l’Asie ne fait rien « en attendant mercredi ». Tout comme le pétrole, les taux et l’or.
Finalement la seule nouvelle que l’on va devoir digérer, c’est le downgrade de la France par Fitch. Vendredi dernier, Fitch a donc frappé : la France perd son “double A” et passe de AA- à A+. Un record historique… dans le mauvais sens : jamais Fitch n’avait noté la France aussi bas. Avec une dette qui enfle (déjà 113 % du PIB, bientôt 120), un déficit qui dérape (5,8 % du PIB en 2024, loin des 3 % rêvés par Bruxelles), et surtout un climat politique explosif : nouveau Premier ministre en forme de clone de Macron, un Parlement fragmenté et un budget 2026 déjà sous tension. Conséquence immédiate : emprunter va coûter plus cher, ce qui va encore creuser le problème. Les taux montent, la France doit payer une prime de risque pour convaincre les investisseurs. Et si Moody’s ou S&P emboîtent le pas, ça pourrait faire boule de neige : certains fonds seraient forcés de vendre de la dette française, augmentant encore la pression. En résumé : Fitch ne croit pas que Paris puisse redresser les comptes sans coupes budgétaires douloureuses ou hausses d’impôts. Et sur les marchés, cette dégradation rappelle surtout une chose : la confiance, ça se gagne lentement… et ça se perd à la vitesse de la lumière. Et puis, on notera aussi une chose, c’est que sur les 8 dernières années, le « Mozart de la finance » a creusé la dette comme jamais. Comme quoi, même les virtuoses peuvent perdre leur talent du jour au lendemain…
Conclusion
Même si demain, je risque de vous raconter la même chose et mercredi aussi. Je serai quand même là, fidèle au poste. Vu que la journée risque d’être plutôt pas très passionnante et si vous avez envie, je vous signale que la chaîne YouTube Basis Point a publié une interview de moi-même personnellement tout seul – oui ça fait un peu égocentrique, mais bon. On est revenu sur la genèse de cette chronique et sur l’aventure Swissquote. Il y a plein de bons moments et ça passe le temps ! Merci donc à Basis Point pour l’invitation !
Allez, passez une très belle journée dans la salle d’attente de la FED, la musique est parfois lancinante et insupportable, mais il faut passer par là !
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Be who you are and say what you feel, because those who mind don’t matter and those who matter don’t mind.”
– Bernard M. Baruch