Il y a des années, à l’époque de la conquête de l’Ouest aux États-Unis, il y avait des soi-disant médecins qui vendaient des élixirs qui avaient le pouvoir de tout guérir. Évidemment c’était du placebo. Mais ils faisaient du business avec ça et même si parfois ça finissait dans le goudron et les plumes, ça fonctionnait plus ou moins bien. De nos jours, nous avons le même type de fonctionnement mais ça ne sont plus des « élixirs » à boire, c’est juste une banque centrale qui doit baisser les taux. Et j’irai même plus loin ; c’est juste une banque centrale qui doit laisser supposer qu’elle va baisser les taux un jour et plus rien ne peut nous arriver. C’est l’Élixir du Docteur Powell.

L’Audio du 9 septembre 2025

Télécharger le podcast

La solution ultime

Si ce matin je suis parti en délire sur l’histoire de la conquête de l’Ouest, que j’ai étudié pendant de longues années en lisant les albums de Lucky Luke, c’est parce qu’il ne se passe rien sur les marchés et que la seule chose qui nous fait « fonctionner » et qui nous fait croire à un avenir financier radieux ; c’est la baisse des taux à venir. Nous sortons d’une semaine qui nous a laissé entendre que les droits de douane étaient illégaux, que l’emploi américain était aussi dynamique qu’une truite abandonnée au milieu du désert et que, potentiellement, Trump pourrait remettre en question les droits de douane européens à cause de l’amende de Google. Et encore, je ne vous parle même pas de la France qui n’a plus de gouvernement (de nouveau) et qui pourrait déclencher un krach obligataire dans les semaines qui viennent (je ne vous en parle pas parce qu’apparemment tout le monde s’en fout et tout est dans les prix)…

Donc, vous reconnaitrez que vu sous cet angle, on peut quand même se demander pourquoi le Nasdaq trouve encore le moyen d’aller chercher un record historique intraday. Très honnêtement, il n’y a rien. Mais alors absolument rien qui donne envie et qui laisse supposer que l’économie va cartonner dans les 3 prochains mois. Ou alors il y a la baisse des taux. Mais bon sang mais c’est bien sûr !!! C’est la baisse des taux qui va sauver le monde et qui le sauve déjà entre-nous soit dit. OUI, encore une fois, hier, les marchés sont montés parce que – je cite : « les intervenants sont enthousiastes à l’idée de voir les taux baisser le 17 septembre ». C’est absolument magique. C’est magique tout d’abord parce que cet argument C’EST L’ARGUMENT principal pour justifier la hausse du marché depuis au moins trois mois et que si l’on cumule le nombre de fois où je vous ai dit : « le marché est monté parce que les taux ils vont baisser », les multiples hausses justifiées par cet argument, doit représenter au moins 10 ou 15% de hausse sur le S&P500 alors que les taux n’ont pas bougé depuis l’an dernier…

On vit une époque formidable

Alors oui, je veux bien admettre que des taux directeurs qui sont 25 points de base plus bas, ça va permettre aux entreprises de se refinancer moins cher, aux gens de prendre ENCORE UN PEU plus de crédits pour acheter des trucs vraiment indispensables. Et puis comme l’Américain moyen n’est pas trop endetté – c’est pas grave – du coup la consommation va repartir et l’économie va exploser… Mais bon. On parle de 0.25%… On parle de 0.25% qui vont relancer l’économie depuis des mois et qui justifie absolument toutes les séances de hausse depuis l’investiture de Trump. Et encore je suis gentil sur les dates…

Bien sûr, comme parfois ça peut paraître insuffisant comme motivation, on peut en rajouter une couche pour pousser les acheteurs à acheter. Et hier, l’argument était tout trouvé. Puisqu’apparemment, selon les sondages, les experts estiment qu’il y a entre 88% et 110% d chances de voir les taux baisser la semaine prochaine. Surtout après les chiffres IMMONDES de l’emploi de vendredi derniers. Mais du coup, on a trouvé un argument supplémentaire puisque selon un AUTRE SONDAGE, il y a 66% des experts interrogés qui pensent que la FED va AUSSI baisser les taux en octobre et en décembre. Chose que l’on n’osait pas dire il y a encore trois jours, parce que nous étions incapables de voir plus loin que la semaine prochaine. Mais là subitement : ON SAIT…

Être dans les prix

Donc si l’on résume la séance d’hier ; le marché a pris conscience que l’emploi était merdique et donc que les taux allaient forcément baisser. Mais c’est pas dans les prix. C’est pour ça que ça monte. On en a profité pour en rajouter une couche et se dire que ça allait aussi baisser lors de deux autres FOMC Meeting de l’année. Par contre, visiblement, personne n’est inquiet de l’inflation qui pourrait repartir à la hausse. Il est vrai que ça fait pas mal de choses à penser en même temps et que, dans cet environnement, on ne peut pas tout faire en même temps. L’inflation (le CPI américain), sortira ce jeudi et on aura largement le temps d’en reparler sans mettre la charrue avant les bœufs.

Par contre, loin de moi l’envie de faire le mec qui n’est jamais content quand ça monte et qui remet en questions toutes les justifications pour la hausse, mais disons qu’il y a quand même un truc qui me travaille c’est que le marché monte depuis des mois « parce que le Docteur Powell il va baisser les taux avec son Élixir magique pour l’économie » et quand il va EFFECTIVEMENT les baisser le 17 septembre, est-ce que les gens ne vont pas TOUT VENDRE parce que : « tu comprends, c’est dans les prix » ??? Je sais que la réflexion est un peu tirée par les cheveux, mais apparemment JP Morgan pense la même chose. Et puis il faut tout de même admettre que c’est rigolo de voir quand Bayrou se fait lourder par l’Assemblée Nationale, le marché n’en a strictement rien à foutre parce que c’est dans les prix, donc pourquoi ça ne serait pas la même chose pour les taux ???

Ne nous énervons pas

Bon, on ne va pas se fâcher pour ça. Hier la journée était verte et nous étions sereins en attendant les chiffres de l’inflation. Il semblerait que les experts sont en train de réviser les attentes à la hausse, mais ça ne stress personne. Et ils ont raison, parce que si on pousse les attentes d’inflation à la hausse trois jours avant les chiffres, ça sera plus facile de dire que le CPI était en-dessous des attentes. Ça sera plus facile à digérer. Et on aura un argument de plus pour attendre une baisse des taux tous les mois jusqu’à Noël. Non, sincèrement je trouve que l’avenir est radieux et que rien ne peut nous arriver puisque le monde merveilleux de la finance a une capacité d’anticipation hors du commun. D’ailleurs je crois que si le monde de l’investissement était un joueur d’échec, il jouerait avec une partie d’avance.

En résumé, les taux vont baisser mais ça n’est pas encore dans les prix parce qu’on n’est pas encore certain à cause de l’inflation de jeudi. Et le marché français ne baisse plus parce que TOUT LE MONDE savait qu’Oncle François allait se faire virer et que « ça », c’était dans les prix. Les conséquences sur les marchés obligataires, les risques de contagion et les éventuels downgrade de rating à venir ne sont absolument pas un souci, parce que tout est dans les prix. Et puis alors là où on va rigoler, c’est qu’on n’a aucune idée de ce que Macron va nous sortir du chapeau comme Premier Ministre. Hier j’ai pris le temps d’écouter les discours de tous les partis à la tribune de l’Assemblée Nationale et j’en arrive à la conclusion qu’ils sont tous complètement tarés et avides de pouvoir et il y en a même quelques-uns, il faudrait sérieusement envisager de les interner… En conclusion, je pense que Macron aurait meilleur temps d’aller au Montreux Comedy Festival et de tirer un des artistes au sort, ça serait probablement le meilleur choix pour la France.

En Asie

L’Asie a fait du surplace ce matin, mais pas trop : tout le monde est suspendu à la FED. Et pendant que les investisseurs jouent au poker menteur avec Powell, le Japon, lui, a décidé d’écrire l’histoire. Le Nikkei a explosé un nouveau record, flirtant avec les 44’000 points, avant de redescendre un peu. Tout ça, parce que le Premier ministre Ishiba a claqué la porte dimanche, lessivé par sa défaite électorale et ses potes de parti qui voulaient sa peau. Son départ relance les paris sur un Japon plus généreux côté dépenses et moins pressé de resserrer la vis monétaire. Pour l’instant le Nikkei avance de 0.32%, le Hang Seng bondit de près de 1% porté par l’engouement sur la tech à New York et la Chine ne fait rien.

L’or continue de monter et ce matin nous sommes à 3’686$, le pétrole vaut 62.58$, le Bitcoin s’échange à 111’684$ et le rendement du 10 ans américain est à 4.04%.

Du côté des news du jour

Ce soir Apple va encore sortir le tapis rouge. Il y a la fameuse Keynote qui est agendée en fin de journée. Sur le papier, rien de neuf : des iPhones, une Apple Watch, des AirPods… bref, le rituel annuel. Mais cette fois, la vraie question, ce n’est pas “qu’est-ce qu’ils vont lancer ?”, mais plutôt : est-ce que ça va enfin relancer la machine à cash ?

Parce qu’il faut être clair : l’iPhone, c’est la moitié du business d’Apple, et pour l’instant, Wall Street n’imagine pas un feu d’artifice. Les analystes tablent sur 232 millions d’unités vendues en 2026, soit… +2% par rapport à 2025. Pas de quoi sauter au plafond. Alors il faudra chercher la magie dans les prix. Chez Apple, on ne fait pas que vendre des téléphones, on vend du positionnement psychologique. Selon Morgan Stanley, la firme pourrait ruser en supprimant le modèle Pro 128 Go pour vous forcer à démarrer au 256 Go, à 1’099 dollars. Résultat : sans rien dire, Apple augmente son ticket moyen d’entrée. L’inflation, toujours l’inflation, mais déguisée. Côté annonces, on devrait voir défiler l’iPhone 17 classique, les versions Pro et Pro Max et un nouveau modèle ultrafin baptisé “Air”, une nouvelle Apple Watch et les AirPods Pro 3. De quoi occuper un peu la soirée, même si l’effet “wow” des premières années s’est un peu évaporé.

En Bourse, Apple fait pâle figure : -4,3% depuis le début de l’année, pendant que le Nasdaq s’envole de 12%. Mais les fans y croient encore, et certains analystes visent un retour à 240 dollars l’action. Mardi, 19h heure suisse, Apple va donc nous refaire le show. La question, c’est simple : est-ce qu’on va vraiment assister à une révolution… ou juste à la plus vieille stratégie commerciale du monde : payer plus pour la même chose ?

Graphique du LUMBER – Source : Tradingview.com

Et puis, puisque nous sommes dans la thématique du ralentissement économique qui fait baisser les taux, on peut faire un rapide détour par le business du bois qui donne des signes d’angoisse. Les prix ont chuté de 24% depuis août, ce qui est le reflet d’un marché immobilier en rade, de stocks qui débordent et des tarifs douaniers qui pèsent. Historiquement, le LUMBER (comme on l’appelle là-bas) est un indicateur avancé : il avait annoncé l’inflation du Covid et le ralentissement post-Fed en 2022. Aujourd’hui, il envoie un nouveau signal de faiblesse. Les producteurs sont en train de réduire la production pour limiter la casse, mais la réalité est simple : trop de bois, pas assez de maisons. Les permis de construire sont au plus bas depuis 2020. Lueur d’espoir : des taux hypothécaires en baisse et une Fed qui devrait baisser les taux le 17 septembre (au cas où vous auriez oublié). Si ça relance la construction, le bois pourra respirer. Sinon, ça sent la sciure…

Les chiffres aux abonnés absents

Côté chiffres économiques, il n’y a rien aujourd’hui. Ce qui laisse à penser que la journée de ce mardi devrait continuer à surfer sur la même vague d’optimisme liée aux taux d’intérêts qui vont baisser en attendant d’en savoir plus sur l’inflation. Pour le moment, Trump ne s’est pas trop énervé en début de semaine, pas de news sur Google, pas de news sur la FED… On dirait que tout le monde est en « Black Period » et se tait en attendant la FAMEUSE baisse des taux qui va sauver le monde.

Passez une excellente journée et n’oubliez pas de revenir demain pour un nouvel épisode de la saga…

Thomas Veillet
Investir.ch

“The best way to predict the future is to create it.”
– Peter Drucker