Hier Trump était à l’ONU pour leur expliquer Ô combien il les déteste et plein d’autres choses vis-à-vis des Européens ou du réchauffement climatique. Mais finalement, ce que le monde retiendra du speech du Président Américain, c’est surtout que l’escalier roulant est tombé en panne et que le prompteur a refusé tout service. En revanche, s’il y a un speech qui aura été un peu plus écouté par les marchés, c’est celui de Jerome Powell qui est venu nous répéter pour la 214ème fois ce qu’il nous répète depuis deux ans. L’avantage avec lui, c’est comme il redit tout le temps les mêmes choses sans discontinuer, il connaît son texte par cœur. Comme un acteur qui joue la même pièce encore et encore.

L’Audio du 24 septembre 2025

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Le temps de la réflexion

Je dois avouer que ce marché me fascine tous les jours un peu plus. C’est d’ailleurs le marché le plus fascinant que j’ai eu l’occasion d’observer depuis l’effondrement des subprimes il y a plus de 15 ans. Aujourd’hui, l’Intelligence Artificielle est devenue le cœur des investissements et on ne peut plus se lever le matin sans être inondé de news à ce sujet. C’est d’ailleurs pour ça que lundi nous avions encore battu des records d’altitude sans coup férir et sans jamais douter. Et puis parfois on doute. Et c’est ces journées de doutes qui font que l’on termine dans le rouge et que l’on prend le temps de se demander si tout ça est bien raisonnable. Mais bon, je vous rassure, ces introspections sur l’exagération de certaines performances boursières ne dure jamais longtemps. En général ça dure juste assez longtemps pour que l’on se souvienne du concept empirique du « BUY THE DIP ». Il n’y a pourtant jamais eu de règle quantitative très claires dans l’amplitude de la baisse que l’on doit surveiller avant de racheter.

Mais on pourrait dire que dans l’ancien temps, on parlait de « racheter sur faiblesse » quand on se plantait de 3 à 5% dans une tendance haussière. Mais là, en 2025, après 1% de baisse, les acheteurs sont déjà en panique de peur de rater le rebond. Avec la baisse d’hier, on doit d’ailleurs déjà être en train de s’exciter pour racheter durant la séance de tout à l’heure. En tous les cas, hier, tout tournait autour de Jerome Powell. C’était ENCORE UNE FOIS sa journée, son one-man show et une de ces fameuses interventions qui peuvent changer la face du monde. Le président de la Fed est donc monté sur scène avec l’air de celui qui ne voulait ni gâcher la fête, ni promettre un miracle. Et son discours était exactement ça : discours le plus diplomatique possible où l’on ressort l’esprit embrumé avec un sentiment d’incompréhension totale. Un de ces moments où l’on se dit : « Mais qu’est-ce qu’il a bien pu vouloir dire ? Il est dovish ou il est hawkish ? Ou alors il n’en sait rien ??? »…

Bla-Bla-Bla

Powell a tout d’abord rappelé que l’économie américaine n’était pas en grande forme. Que l’emploi avait connu des jours meilleurs et que le chômage, même s’il reste bas, commence à faire du mal un peu partout. Il a cité en exemple la consommation qui s’essouffle. Il a également annoncé que c’était pas simple du côté du logement et que ça restait relativement faible. Bref, le patient respire, mais au scanner et à l’IRM, il y a quand même deux-trois trucs qui inquiètent l’équipe médicale. Et puis alors il en a remis une couche sur cette bonne vieille inflation qui, n’a pas complètement disparu. Elle plane encore au-dessus de la cible des 2 %, un peu comme un nuage noir qu’on n’arrive pas à chasser malgré toutes les incantations monétaires à coup de méthode Coué et de sacrifices en haut d’un volcan au coucher du soleil. En gros, mis à part la façon de le dire c’est EXACTEMENT la même chose qu’il a dit la semaine dernière au FOMC Meeting et exactement la même purée que lors de la réunion de Jackson Hole. Et puis alors il a sorti sa phrase mythique du moment, celle que j’hésite à me faire tatouer dans le dos : “Les risques à court terme pour l’inflation sont orientés à la hausse, et les risques pour l’emploi à la baisse.” Pour faire simple ; une vraie situation kafkaïenne, une équation qui n’a pas de solution idéale.

Tu veux sauver l’emploi ? Tu coupes les taux. Tu veux calmer l’inflation ? Tu resserres la vis. Et Powell, lui est au milieu de cette réflexion sachant que quoi qu’il fasse, ça sera compliqué ensuite. Je serais lui, je tiendrais le plus longtemps possible en en faisant le minimum et dès que je partirais à la retraite en mai, je laisserais les clowns de Trump foutre définitivement le bordel dans les comptes de la FED, puisque de toutes façons, c’est exactement ce qui va se produire… Quoi qu’il en soit, son discours ressemblait quand même à du déjà vu et il n’y avait vraiment aucune raison de se rouler par terre de terreur ou de se saouler au champagne. Sauf que dans sa grande bonté, Powell nous a quand même donné un os à ronger en glissant subrepticement cette phrase :

“les actions sont relativement chères”

C’est quoi le texte ? AAAAAHHHHHH

Il n’en fallait plus. Une seule phrase, et c’est toute la tech qui s’est effondrée comme un château de cartes. Nvidia a perdu 2,8 %, Amazon plus de 3 %, Microsoft et Apple ont suivi. Oracle, qui avait flambé sur ses promesses IA, a décroché de 4,4 %. On est passé du champagne au café noir en moins d’une heure. Alors il faut relativiser et saluer le fait que ce marché est d’une force et d’une résilience inouïe, parce qu’il y a quelques années, une telle phrase aurait déclenché un tsunami et ce matin on serait en train d’éponger le sang sur les murs. Mais là, on est plus en train de faire les calculs pour savoir où se trouve le fond du « DIP » actuel pour pouvoir racheter que de s’inquiéter du ton relativement méfiant de Powell.

Ce qui est fascinant, c’est que Powell n’a rien dit de radicalement nouveau. Il a juste répété ce qu’il avait déjà laissé entendre la semaine précédente. Mais cette fois, il y avait dans sa voix cette prudence, cette hésitation, presque ce doute qui pourrait faire paniquer les marchés. C’est un peu comme quand le pilote de l’avion annonce qu’on va traverser une zone de turbulence : tu sais qu’il maîtrise, mais tu vérifies quand même si ta ceinture est bien serrée et où sont les sorties de secours, parce qu’on ne sait jamais. Et derrière cette prudence, il y a un vrai malaise. Powell sait que sa première baisse de taux a été perçue comme un “feu vert” pour tout le monde : investisseurs, spéculateurs, politiciens. Mais il voulait que ce soit une baisse “préventive”, une sorte de coup de volant léger pour remettre la voiture dans sa voie. Pas une ouverture de boîte de Pandore. Et pourtant, le marché, lui, a déjà commencé à célébrer la fête des baisses de taux infinies depuis une semaine. Hier soir, j’ai eu le sentiment que Powell a tenté de refermer le couvercle de la boîte en espérant que ça ne soit pas trop tard.

De l’euphorie au petit coup de blues

Résultat des courses : le Dow Jones a perdu 88 points (-0,19 %), le S&P 500 a lâché 0,55 %, et le Nasdaq a cédé 0,95 %. Pas un krach, mais un signal clair : on a un comme un doute. Les volumes étaient massifs, près de 19 milliards de titres échangés, preuve que les traders ne se sont pas contentés d’ajuster les positions pour être politiquement correct, même si les variations des indices sont plutôt homéopathiques, il s’est quand même passé des trucs hier soir. Le plus ironique dans tout ça, c’est que le Russell 2000, l’indice des petites capitalisations, a brièvement touché un record historique dans la journée. Comme quoi, dans ce marché, on peut avoir en même temps des signaux de panique ou de doute et d’euphorie en même temps, ça dépend de l’endroit où l’on regarde.

En Europe, la séance a été plus calme. Le DAX a pris +0,36 %, le CAC 40 +0,54 %, aidé par le luxe (LVMH, L’Oréal, Hermès, Kering, tous en vert). Les PMI de la zone euro ont rassuré : les services se portent bien, mieux que prévu. Bref, un optimisme prudent. Francfort reste coincé sous ses résistances, comme Emmanuel Macron dans les rues de New York parce que le cortège de Trump était en train de passer.. Paris, lui, profite de son exposition aux services et continue de grignoter, mais on voit bien que chaque fois que le CAC passe les 7’900, les vendeurs sortent la mitrailleuse lourde et renvoient tout le monde au panier. Pendant ce temps, l’or s’est offert un nouveau record au-dessus des 3’800$ l’once. Trois séances consécutives de hausse. Tout ça parce que Powell a laissé entendre que d’autres baisses de taux pourraient venir. Le pétrole, lui, a rebondi. Le coupable c’est encore Trump. Encore lui. À l’ONU, il a menacé la Russie de tarifs si elle ne bougeait pas sur l’Ukraine, en appelant les Européens à cesser totalement d’acheter du brut russe. Résultat : les traders ont vu une possible restriction de l’offre, et hop, ils ont acheté. La géopolitique a une fois de plus allumé la mèche, même si le baril reste définitivement coincé entre 61.50$ et 66$, c’est presque aussi chiant que le SMI. Le WTI est à 63.60$ à l’heure où je vous parle.

En Asie

En Asie ce matin on s’inspirait de la séance de Wall Street la veille. La fête des techs, qui s’étaient envolées ces dernières semaines, commence à ressembler à un lendemain de beuverie pendant une Christmas Party : ça redescend doucement mais sûrement. Le Japon a rouvert ses portes après un jour férié, et franchement, fallait pas : PMI pourri, industrie en berne, services qui ralentissent… bref, activité économique au plus bas depuis quatre mois. Entre l’auto et l’acier qui en prennent plein la gueule à cause de tarifs, l’ambiance n’était pas top. Résultat : le Nikkei perd 0,4%, le Topix 0,2%. Mais attention, on parle de reculs marginaux : les indices sont encore collés à leurs records de la semaine passée.

Comme quoi, même en soufflant du mauvais PMI, le marché se dit que la Banque du Japon ne bougera pas d’un iota. La Bourse chinoise grappille quelques points, dopée par l’espoir (éternel) de nouvelles injections de morphine made in Xi Jinping. Les techs chinoises relèvent timidement la tête après leur gadin du début de semaine et Hong Kong est en hausse, mais baisse la tête à cause du typhon qui est en train de leur passer dessus.

Les grandes histoires du moment

Dans les grandes histoires qui font causer les médias, on notera que pas mal de monde revient sur le deal Nvidia – OpenAI. Au départ, tout le monde s’est emballé. Mais très vite, les doutes : est-ce que Nvidia ne devient pas simplement la bouée de sauvetage d’OpenAI, qui serait incapable de financer seule ses rêves ? Certains y voient déjà le reflet des années 2000, quand les boîtes internet brûlaient du cash pour “construire le futur” avant de s’écraser. Et puis d’autres se demande si Nvidia n’a pas juste acheté une danseuse à qui elle pourra vendre ses chips sans se poser de question, parce qu’OpenAI n’aura pas le choix. Ou pas le droit d’avoir le choix. C’est trop tôt pour en tirer des conclusions, mais on en parle.

Et puis autrement on repart dans la thématique des datacenters – thématique qui devient populaire comme jamais. Aujourd’hui si t’es une boîte tech et t’as pas ton datacenter, c’est comme si t’es une fille et que t’as pas de shampoing. OpenAI, Oracle et Softbank viennent d’annoncer 5 nouveaux sites aux USA. 400 milliards $ d’investissement, 7 gigawatts de capacité, 25’000 emplois. C’est pharaonique. Mais une question taraude tout le monde : est-ce que le réseau électrique pourra encaisser une telle demande ? Parce que l’IA, ce n’est pas que du code et des cerveaux brillants, c’est surtout des mégawatts par millions. Et comment on va charger nos Tesla si les datacenters bouffent toute l’électricité ? Autre sujet explosif du jour et de la nuit : Lithium Americas. Comme pour Intel, Le gouvernement US discute pour prendre une part du projet Thacker Pass au Nevada. Résultat : l’action a doublé en after-hours. La ruée vers les minerais critiques continue, avec Washington qui veut sécuriser ses approvisionnements comme il sécuriserait une réserve stratégique de pétrole.

Micron, Macron et l’ONU

Et puis hier soir Micron a publié ses chiffres du trimestre. Résultats records : +46 % de chiffre d’affaires, bénéfice par action au-dessus des attentes, et surtout, les mémoires pour data centers IA qui explose (40 % des ventes contre 19 % il y a un an). Le titre continue son ascension, et les analystes relèvent leurs objectifs à tour de bras. Cette nuit, Micron prenait 0.49% after close. Ça frise l’emballement. Mais bon, on ne va pas lui en vouloir, elle est en hausse de 46% depuis le début du mois et on est que le 24. Ensuite, on est obligé de toucher deux mots de Trump à l’ONU, puisque le discours d’hier se rapprochait plus d’un spectacle de stand-up qu’autre chose. Entre l’escalator bloqué, le téléprompteur qui ne marche et les phrases chocs (“vos pays vont en enfer sans frontières solides”), Trump a livré une performance plus proche d’un meeting de campagne que d’un discours diplomatique. Les Européens ont soupiré, Macron a fait son numéro viral dans les rues de New York, mais le message reste le même : Trump n’aime pas l’ONU, il n’est d’accord avec personne et il estime que les pays de l’OTAN devraient descendre les chasseurs et les drones russes qui survolent leur espace aérien. Mais comme disait l’autre :

– Je ne sais pas ce qui me retient de casser la gueule…
– La trouille, non ?
– Ouais, ça doit être ça…

Bref, en résumé, Trump a fait du Trump, Macron a fait le malin dans les rues de New York et tout le monde sait dorénavant qu’il est aussi bon en anglais que Guy Parmelin et les marchés on finit dans le rouge…

Conclusion : un marché qui marche sur un fil

On est dans un moment où tout est paradoxal. L’IA attire des milliards, les résultats de Micron rassurent, la croissance mondiale tient mieux que prévu selon l’OCDE. Mais en face, Powell nous dit que les marchés sont chers, que l’économie ralentit et que l’inflation n’est pas encore sous contrôle. Et Trump, de son côté, tente de se fâcher avec tout le monde y compris les escaliers roulants et les prompteurs.

Alors, on fait quoi ? On profite du rallye tant qu’il dure, ou on commence à préparer les parachutes ? Pour l’instant, on ne va pas aller contre le vent et faire comme la FED, avancer à petit pas, jour après jour.

Les chiffres

Côté chiffres du jour, on aura l’IFO en Allemagne, les permis de construire aux USA ainsi que les ventes de nouvelles maisons et puis il y aura également les inventaires pétroliers ce soir, histoire de laisser le baril traiter dans son range. Pour le moment les futures sont en hausse de 0.09% et on se demande tous si c’est déjà le moment racheter après la VIOLENTE correction d’hier…

Passez une excellente journée, soyez forts et nous on se retrouve demain parce que demain est un autre jour qui nous rapproche du PCE de vendredi et des chiffres de l’emploie de la semaine prochaine… Parce qu’avec ça, on saura vraiment ce qu’il va se passer sur les marchés et l’attente sera finie. Nan, je déconne… mais on peut rêver…

Allez : à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Great things are done by a series of small things brought together.”

– Vincent Van Gogh, spécialiste de la chirurgie de l’oreille