Donc, les États-Unis étaient fermés hier. Il n’y a qu’à regarder les performances des indices européens pour se rendre compte de l’activité passionnante qui a été la nôtre hier. On notera tout de même que les chiffres des PMI’s en Allemagne démontraient une « amélioration » des conditions manufacturières, alors que le moral des entreprises et des consommateurs est toujours au fond du bac. Mais à la fin, les performances de la journée ne démontraient pas une excitation délirante en attendant le retour des Américains qui vont reprendre les commandes dans les heures qui suivent. Nous allons tranquillement nous reconcentrer sur la route pavée d’embûches qui nous mènera au 17 septembre.

L’Audio du 2 septembre 2025

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L’Europe immobile en attendant plus

Si l’on se penche dans les médias de ce début de semaine, il faut reconnaître que l’on ne se sent pas noyé sous des tonnes d’informations absolument nécessaires à intégrer. Les PMI’s ne sont pas trop mauvais, on n’en sait pas plus sur l’effondrement politique de la France, mais pour l’instant, tout semble dans les prix – sauf si l’on s’arrête sur certains médias anglais qui laissent à penser que si le gouvernement Bayrou part à la casse le 8 septembre, il y a de grosses inquiétudes qui se pointeraient à l’horizon qui pourraient potentiellement déclencher une nouvelle crise bancaire type 2011. Honnêtement, je ne sais pas s’il faut donner le moindre crédit à ce genre d’articles qui prédisent la fin du monde économique tel que nous le connaissons. Mais il faut tout de même avouer que ça serait quand même SUPER-DRÔLE de voir la France qui est quand même dirigée par celui que l’on surnomme « LE MOZART DE LA FINANCE », être le déclencheur d’une crise bancaire mondiale… Et si ce n’est pas mondiale, européenne serait déjà pas mal.

Néanmoins, on va dire que « pour le moment », la crise politique française semble être intégrée dans les prix, mais les jours qui viennent vaudront sûrement leur pesant de camembert. En tous les cas, une chose semble certaine, les consultations que le Premier Ministre est en train de mener, ne vont rien y changer : ses adversaires politiques veulent juste prendre sa place, tout en étant conscients que de toutes manières, c’est un suicide de prendre le job de Premier Ministre sous Macron… Bref, on a eu le temps d’en parler, mais les membres du CAC n’ont pas angoissé plus qu’ils ne l’étaient déjà la semaine dernière. Le CAC a donc terminé la journée en hausse de 0.05%, l’Allemagne progressait de 0.57% aidé par Rheinmetall qui ont annoncé qu’ils avaient assez de matières premières pour produire pendant 5 ans et qui ont signé une « lettre d’intention » avec le norvégien Andøya Space pour se développer dans le domaine de l’espace. En Suisse, le SMI terminait en recul de 0.09% sans grande motivation, ni grande excitation. Mais c’est Nestlé qui a mis l’ambiance after close et qui risque de continuer à faire parler d’elle ce matin…

Chocolate Tinder

Laurent Freixe, le CEO de Nestlé, vient de se faire virer avec pertes et fracas parce qu’il a confondu le code de conduite et la gouvernance de Nestlé avec celle de Tinder. Une enquête a dévoilé qu’il avait une relation cachée avec une subordonnée directe – chose qu’il avait déjà démenti devant le board de la société il y a quelques mois. La sanction a été immédiate : Carton rouge, sans prolongation, direction la sortie avec les remerciements polis d’usage et pas un centime de compensation.

Un an à la tête du groupe, après presque 40 ans dans la maison. Autant dire que le gars avait les clés du frigo, mais il a préféré se servir dans le minibar. Résultat : viré plus vite qu’un stagiaire qui est arrivé avec un café Starbucks au bureau le lundi matin. À la place, on récupère le mec qui vous fournit en capsules de café le matin. Non, c’est pas George Clooney, c’est celui qui paie George Clooney, Monsieur Nespresso, Philipp Navratil. Navratil reprend les commandes. Lui est dans la boîte depuis 24 ans, il connaît la maison comme sa poche, et promet de continuer la “stratégie inchangée”. Traduction : on garde le cap, et on essaiera quand même de faire monter le cours de Bourse qui a pour l’instant se trouve dans les sous-sols du siège de Vevey. Les investisseurs n’étaient déjà pas franchement emballés par Freixe. Son grand plan de “turnaround” ressemblait surtout à un virage en rond-point. Résultat : après un petit rebond au début de l’année, Nestlé est redevenu le boulet du SMI.

Il est difficile de voir ce que cela va donner à court terme. Une chose est sûre, la stratégie de Freixe pour relancer Nestlé va être remise en question par le monde merveilleux de la finance et des analystes en tous genres. Et au-delà d’une histoire de relations intimes que l’on qualifiera de proprement stupide à ce niveau de fonction, il faudra voir comment le marché perçoit la chose. Réponse dans quelques minutes. En attendant, chez Nestlé, on vire le CEO, on recycle un homme du cru, et on fait semblant que tout est sous contrôle. En réalité ? C’est toujours le même plat du jour : croissance molle, investisseurs dubitatifs, et une entreprise qui préfère sauver son image de vertu corporate que d’affronter ses vrais problèmes stratégiques.

Back to school

En dehors de la télénovela de chez Nestlé, du feuilleton de Matignon et des conditions manufacturières en Allemagne, le marché a continué de se concentrer sur les échéances de ces prochaines semaines et des ces prochains jours. La première chose que les intervenants vont étudier, c’est l’impact de la décision de la cour d’appel américaine qui a décrété que les tarifs douaniers étaient illégaux. Pour le moment, on en parle comme si c’était banal et sans intérêt, puisque tant que ça n’a pas été validé par la Cour Suprême, ça ne vaut pas trop la peine de se prendre la tête. On peut d’ailleurs faire confiance à Trump pour faire ce qu’il y a à faire pour rendre les juges qui ont rendus cette décision contre lui, totalement ridicules et inutiles. Pour l’instant, à 5 heures du matin, les futures sont en baisse de 0.06% et franchement, il n’y a pas (encore) de quoi se frapper la tête contre les murs.

L’autre sujet du moment c’est les chiffres des NFP’s qui vont commencer à faire débat et à obséder les intervenants pendant ces prochains jours… La publication des chiffres de l’emploi ou des Non Farm Payrolls, peu importe comment on veut les appeler, c’est le seul jour du mois où les traders deviennent tous météorologues : ils fixent un chiffre, s’excitent à l’idée qu’il va pleuvoir des jobs ou s’effondrer comme un château de sable, et misent des milliards dessus. Les fameux Nonfarm Payrolls – c’est un peu le Super Bowl de Wall Street, sauf que là, au lieu de touchdowns, on parle de 73’000, 78’000 ou 110’000 jobs créés. Et tout ça pour savoir si Jerome Powell va enfin appuyer sur le bouton « baisse des taux ». Chose qui est – pour l’instant – considéré comme acquise.

Petit rappel des épisodes précédents :

En juillet, on attendait 110’000 emplois. Résultat ? 73’000. À priori, pas de quoi se rouler par terre et de menacer d’arrêter de respirer jusqu’à qu’il nous arrive quelque chose. Mais la vérité (et le problème) étaient ailleurs. Oui, le problème, c’était les révisions des mois précédents qui nous ont enlevé 258’000 jobs du tableau. Magique, POUF ! Disparus, volatilisés. À la limite, au début on s’est dit que c’était une arnaque comptable, un mec qui n’avait plus de piles dans son boulier ou qui était arrivé bourré au travail. Mais non, c’était officiel, les calculs du BLS étaient faux et apparemment les mecs étaient sobres. C’était donc officiel : le marché du travail n’est pas aussi costaud qu’on nous le vendait.

Du coup, tout le monde regarde août avec la peur au ventre. Les attentes sont autour de 78’000 créations de postes. Ça ne devrait pas être trop difficile à atteindre, mais les conséquences de la marge d’erreur auront toute leur importance afin de déterminer la clôture de cette première semaine de septembre.

Alors déjà, on va se demander pourquoi on ne s’en fout pas ?

Eh bien tout simplement parce que les marchés ont déjà fait leurs paris et que la situation est plutôt simple :

Hypothèse A : le chiffre est faible : c’est bingo ! Les investisseurs diront que la Fed DOIT baisser les taux en septembre, QU’ELLE EST OBLIGÉE de le faire pour soutenir l’économie avant qu’elle soit moribonde et qu’elle plonge en récession. Les indices vont donc repartir à la hausse comme si des ailes venaient de leur pousser après avoir ingurgité un tonneau de Red Bull… Oui, parce qu’on le sait, à l’heure actuelle, le TRUC QUI FAIT VIBRER les marchés, c’est la baisse des taux et pas les histoires de cul du patron de Nestlé.

Hypothèse B : le chiffre est correct ou un peu trop solide : alors là, petite douche froide, parce que ça pourrait donner à Powell le temps et le droit de temporiser encore un peu, et les marchés, qui rêvent déjà de liquidités gratuites, pourraient faire la gueule.

Les conséquences directes :

• Le dollar, lui, joue les drama queens : il monte si c’est fort, il plonge si c’est faible.
• L’or, lui il s’envole dès qu’il sent la Fed mollir – d’ailleurs l’or a commencé à anticiper des chiffres de merde et il bat déjà des records ce matin en anticipant la baisse des taux du 17 septembre. Nous sommes des visionnaires.
• Et les actions, elles n’attendent qu’un mauvais chiffre pour fêter ça comme si la récession ou le ralentissement économique était une bonne nouvelle.

Bref, ce vendredi, ce ne sera pas juste un chiffre. Ce sera un test de crédibilité : est-ce que l’économie américaine ralentit vraiment, ou est-ce qu’on est juste en train de vivre une série d’erreurs de calcul ? Et d’ailleurs, il y a également une chose qui sera passionnante à observer, c’est le fait que le nouveau responsable du BLS qui publie ces chiffres, va se trouve OBLIGÉ de publier des chiffres qui vont faire plaisir à Trump et c’est là que ça va devenir intéressant, parce que pour être franc avec vous, si c’est très faible, ça va bien sûr faciliter la baisse des taux. Ce qui va faire plaisir à Trump. Mais ça veut dire également que l’économie de va pas bien… Et ça c’est pas sûr que ça fasse plaisir à Trump. Je ne sais pas si vous imaginez le job de merde du gars qui doit trouver le chiffre qui veut tout dire et rien dire à la fois, ou sinon il est à pied.

La vérité, c’est que personne n’en sait rien. Mais ce qui est sûr, c’est que les NFP, vendredi, décideront si Wall Street continue son rallye en mode euphorie, ou si on repart pour un mois d’angoisse existentielle.

En Asie

En Asie ce matin, ça bouge à peine. Les investisseurs attendent AUSSI les NFP de vendredi comme des parieurs au PMU attendent la dernière course du week-end. Résultat : le Japon et Singapour grappillent un peu, la Corée brille grâce à une inflation molle, l’Inde reste tétanisée par les taxes US, et l’Australie tousse sur de mauvais chiffres. Pendant ce temps, la Chine, elle, fait du surplace après son rallye d’août : les PMI sont contradictoires, l’activité s’essouffle, et les stars de l’IA sont sous pression vendeuse. Bref, tout le monde patiente, le doigt sur la gâchette, en attendant le verdict de vendredi. Finalement, on en est à se dire qu’ils auraient aussi bien pu faire durer le Labor Day jusqu’à vendredi, sinon on va parler de quoi en attendant les chiffres ???

L’or fait donc la une : nouveau record à 3’552 $ l’once, +34 % depuis janvier. Pendant que les actions piétinent – si l’on fait exception de l’IA – et que Trump joue à démanteler la Fed à coups de tweets, les investisseurs se réfugient dans le seul actif qui ne parle pas et ne ment pas : le métal jaune. Avec une probable baisse des taux en septembre et un dollar qui vacille, l’or reste la star du marché. Pendant que Wall Street se pose des questions existentielles et économiques, lui brille comme jamais. Le pétrole repart à la hausse et frise les 65$, toujours à cause des perturbations de l’offre russe. Le Bitcoin est à 110’260$ et le rendement du 10 ans américain est à 4.24%.

L’attente, toujours l’attente…

Du côté des chiffres économiques, nous aurons le CPI en Europe, puis le S&P Global Manufacturing PMI aux USA, ainsi que le construction spending et l’ISM Manufacturing PMI… histoire de se chauffer sur l’état de l’économie.

Bref, entre la France qui menace de transformer l’Europe en remake de 2011, Nestlé qui mélange sexe et chocolat, et les marchés qui attendent les NFP comme un premier rendez-vous Tinder, on n’a qu’une certitude : tout le monde s’ennuie ferme en attendant vendredi. Alors on meuble avec des PMI, des tweets de Trump, des records sur l’or et du pétrole qui se réchauffe… mais la vérité, c’est que le marché vit dans une salle d’attente. Et comme chacun sait : dans les salles d’attente, on finit toujours par tourner en rond !

Belle journée à tous et on se revoit demain pour relire un vieux magazine et répéter encore une fois les mêmes choses, à moins que Trump se fâche avec l’Inde d’ici-là, ce qui a l’air d’être en train de se produire.

Allez, à demain, si vous le voulez bien !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Life is either a daring adventure or nothing.” – Helen Keller