Hier soir Jerome Powell a parlé et tout le monde était pendu à ses lèvres, espérant qu’il allait nous confirmer ses plans pour les taux jusqu’au mois de mai de l’année prochaine. Et puis il n’a strictement rien dit. Rien du tout. Du coup, les marchés sont victime de narcolepsie et il ne se passe plus rien. C’est le calme plat. Depuis la première semaine du mois d’avril, le S&P500 a repris 40%. L’or a explosé, le Bitcoin est remonté au plus haut de tous les temps et les semi-conducteurs défient la gravité. Mais là tout de suite, on dirait qu’on n’a plus envie de rien. Le SHUTDOWN est toujours là, la saison des résultats commence la semaine prochaine, autant dormir en attendant.
L’Audio du 10 octobre 2025
Le calme absolu
Alors je ne sais pas si c’est le calme avant la tempête et s’il faut s’en inquiéter, mais j’ai rarement trouvé aussi peu de choses à raconter. Hier les marchés n’ont pratiquement rien fait et ça n’est pas les micro-variations sur les indices au travers de la planète qui vont dire le contraire. C’était la journée de l’emmerdement maximum. La volatilité est dans le coma, les marchés n’ont peur de rien, le FOMO est toujours présent, les gens n’ont jamais été autant bullish pour l’avenir et le thème de l’IA est toujours aussi porteur, mais globalement le marché se comportait comme s’il était épuisé de ressasser encore et toujours les mêmes choses encore et encore et l’absence de contenu dans le discours de Powell aura été le coup de grâce.
Je vous le répète tous les jours ; les USA sont toujours sous SHUTDOWN, c’est le neuvième ou le dixième jour. Aujourd’hui, il n’y aura pas de chiffres de l’emploi. Toujours pas. Et hier le discours de Powell était censé être le seul truc à peu près intéressant au niveau de l’économie. Qui sait, peut-être que lui avait des informations que nous n’avons pas. Que nenni. Si je devais imager la chose, Powell c’était un boxeur debout sur le ring avec un jeu de jambes de fou et qui passe son temps à danser autour de l’adversaire sans jamais balancer un coup ! Beaucoup de mouvement, mais peu de décisionnel. Il a surtout insisté sur les banques locales – dont tout le monde se fout tant qu’elles ne sont pas en faillite – mais à aucun moment il n’a voulu toucher à la “mystique” des taux d’intérêt. Alors que nous on était venu que pour ça. Selon les experts, son silence est stratégique : ça lui permet de ne pas surprendre les marchés, ça laisse de la flexibilité et ça évite de s’engager dans des promesses prématurées. Bon, en même temps, le gars est à la tête de la FED la plus déchirée de l’histoire où personne n’est d’accord avec personne et j’ai l’impression, qu’à l’image du marché, il est un peu fatigué et qu’il ferait bien autre chose de sa vie… Actuellement, les marchés seront livrés à leurs propres interprétations (et on mise très très fort sur la double baisse des taux d’ici Noël). Au dernière nouvelles, Powell était DATA DEPENDANT, le problème c’est que comme y a plus de data, il est dépendant de quoi ?
Les prémices de la saison des trimestriels
La séance aura donc été loin d’être passionnante, mais les intervenants se sont quand même offert un galop d’échauffement avant le coup d’envoi de la saison des trimestriels qui est agendé pour la semaine prochaine. En guise de test pour essuyer les plâtres, nous avons eu les publications de Delta et de Pepsi. Delta plane à haute altitude : la compagnie a explosé les attentes au troisième trimestre avec un BPA de 1,71 $ contre 1,53 $ prévu et un chiffre d’affaires en hausse de 4,1% à 15,2 milliards. Pour les trois derniers mois de l’année, Delta vise encore plus haut : 1,60 à 1,90 $ par action, au-dessus du consensus, avec des ventes en progression de 2 à 4%. Les réservations s’accélèrent partout, le trafic premium cartonne et même le fret explose de près de 20%. Le titre terminait en hausse de plus de 4%. Delta finit 2025 pied au plancher et vise 2026 en mode “croissance + marges + profits”.
Chez Pepsi, c’était pas mal aussi. Les résultats étaient meilleurs que prévu et ils en ont profité pour relever leurs prévisions de bénéfices pour l’année — les vents contraires des devises soufflent moins fort. Le chiffre d’affaires grimpe à 23,94 milliards (+1,3% organique) et le BPA atteint 2,29 $, au-dessus des attentes. Les volumes baissent un peu, mais les hausses de prix compensent largement, preuve que Pepsi sait encore vendre du sucre à prix d’or. En bref, résilience, pricing power et CFO tout neuf — tout va mieux que prévu chez Pepsi. En tous les cas, une chose est certaine, c’est que si ces deux publications sont l’image de ce qui nous attend ces 6 prochaines semaines, ça va être facile !
En Europe
La Bourse de Paris a légèrement reculé de 0,23%, dans une séance calme marquée par un retour au calme politique. Alors oui, ils n’ont toujours pas de Premier Ministre, mais ça devrait être plié ce soir – on se réjouit déjà de voir quel type de débile Macron va nous sortir cette fois. La dissolution ne semble plus être une option, quant à la démission, ça ne l’a jamais été. Mais peu importe, on attend de voir qui est l’animal miracle qui va réussir à poser un budget qui tient la route sans se faire censurer pendant le week-end. Pour le moment, les marchés semblent vouloir y croire (comme quoi faut vraiment être optimiste, parce que quand on voit ce qu’on voit, qu’on entend ce qu’on entend, on a bien raison de penser c’quon pense)…
Le spread franco-allemand s’est détendu (0,82% contre 0,87%), et les taux français à 10 ans restent sages à 3,52%. C’est impressionnant de résilience et je suis stupéfait de voir que l’on ose croire encore à une once de stabilité quand on voit la liste des tocards qui sont proposés comme Premier Ministre. Y a même des noms qui sont apparus dans les « papables », je pensais qu’ils étaient morts ! Je serais Macron je nommerais Sarkozy, comme ça il aura peut-être le temps de gouverner trois jours avant de finir en taule. Et puis ça aurait le mérite d’officialiser le fait qu’il prend les Français pour des cons. En conclusion, on retiendra que la séance en Europe n’était pas plus excitante que la version américaine et maintenant on attend plus que « QUELQUE CHOSE SE PASSE, MAIS QUOI ??? »…
En Asie
Les Bourses asiatiques étaient en baisse ce vendredi, plombées par des prises de bénéfices sur la tech. Le Nikkei japonais chute de 1%, rattrapé par une inflation plus forte que prévu et la perspective de nouvelles hausses de taux de la BoJ — ce qui refroidit l’ambiance à Tokyo. On notera que c’est quand même fabuleux, parce que ça fait une semaine qu’on est bullish à Tokyo en partant du principe que la BOJ NE MONTERA PAS LES TAUX…et il suffit d’un chiffre pour tenir le narratif inverse. En Chine et à Hong Kong, les valeurs techno et biotech ont décroché suite à de nouvelles restrictions américaines, Shanghai recule de 0.5% et Hong Kong de 1%. Pendant ce temps, la Corée du Sud a explosé les compteurs : le KOSPI a bondi de 1,5% à un record historique, porté par la folie des puces après les contrats géants de Samsung et SK Hynix avec OpenAI.
Et puis il y a une nouvelle qui a été annoncée : la Chine impose désormais une licence obligatoire pour exporter tout produit contenant plus de 0,1 % de terres rares extraites ou traitées sur son sol. Officiellement, c’est une mesure “technique”. En réalité, c’est une arme géopolitique : Pékin rappelle qu’il contrôle la matière première indispensable à toute la tech mondiale — batteries, semi-conducteurs, véhicules électriques et armement. Le timing est parfait : en pleine guerre commerciale, Xi Jinping remet la pression sur Washington et l’Europe. En clair : le monde veut se découpler, mais c’est toujours Pékin qui a la main. Attention quand même au retour de manivelle made in Trump. Le pétrole est à 61.48$, l’or repasse sous les 4’000$, le Bitcoin est à 121’500$ et le rendement du 10 ans est à 4.13%.
Les choses du jour à retenir et se souvenir…
Comme je vous l’ai dit, c’est très calme. C’est un peu trop calme et je préfère quand c’est un peu trop plus moins calme, comme disait Numérobis. Mais néanmoins il se passe des trucs, comme par exemple Ferrari qui passe à l’électrique et qui se prend les pieds dans le câble de chargement. Pourtant hier c’était censé être LE moment de gloire : Ferrari, le temple de la combustion et du V12, dévoilait sa première voiture 100% électrique, la Elettrica. Super-original comme nom d’ailleurs. Mais dans la foulée, le titre a plongé de 16%. Pire journée de leur histoire, mis à part quelques week-end de grand-prix où le tracteur qui leur sert de voiture de course n’a pas fonctionné comme prévu. Mais bon, le problème ça n’était pas la voiture, c’était les prévisions : Ferrari a refroidi tout le monde avec un plan 2030 qui manque cruellement de chevaux sous le capot : 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires, un EBITDA de 3,6 milliards, et seulement 20% de modèles électriques (au lieu de 40% promis). Autrement dit : Maranello lève le pied sur l’électrique. Officiellement pour “s’adapter aux clients”, officieusement parce que les fans veulent sentir l’essence et voir un V12 et pas rouler avec l’impression de chevaucher un sèche-cheveux.
Après on peut parler de la voiture, 1’000 chevaux et des poussières, 530 km d’autonomie, 300 km/h en pointe et un système audio qui imite bruit du V12… Un collectionneur disait hier : “Les faux sons, c’est kitsch. On dirait un gadget.” En gros, il a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Et on l’a vu, dans le camp adverse, c’est la même galère : Porsche enchaîne les profits-warning et botte en touche sur l’électrique, Lamborghini et McLaren repoussent leurs modèles électriques faute de clients. Comme quoi les gens qui sont prêts à mettre un demi-million pour une caisse, ils veulent du cambouis, de l’essence et de moteur qui font « vroum », pas « bzzzzzz »… Peu importe ce que pense Bruxelles ! Même le Chancellier allemand ne veut plus de voitures électriques… Bref, hier le titre s’est fait défoncer, mais lorsqu’ils sortiront leur prochain modèle avec un vrai moteur, on peut parier que la liste d’attente sera toujours la même et que ça sera toujours aussi compliqué d’en avoir une… Enzo Ferrari disait : “Toujours livrer une voiture de moins que la demande.” – ça devrait continuer à fonctionner. Surtout si on laisse tomber l’électrique…
Code quantum
L’autre sujet du matin qui est apparu dans le Barron’s, c’est l’interrogation au sujet du quantum computing. En effet, les boîtes du secteur ont quadruplé en un an pour un chiffre d’affaires cumulé de… 26 millions de dollars. En face, une valorisation de 55 milliards, soit plus que General Motors. Sauf que GM, ils vendent pour des milliards et de milliards de bagnoles. Bref, les mecs vendent du rêve — mais pas encore de produits concrets. Alors oui, quand ça fonctionnera on pourra voyager dans le temps et connaître les chiffres de l’Euromillion de la semaine prochaine, mais quand même. Pour le moment, les stars du moment s’appellent Rigetti, IonQ, D-Wave et Quantum Computing Inc. : elles promettent la révolution pour 2030… quand leurs machines arrêteront de planter parce qu’un moucheron s’est approché d’un peu trop près.
Alors les analystes sont tous déjà sur le coup et visiblement, ils ne sont pas tous d’accord. Sur les derniers rapports, Bank of America voit un marché à 2’000 milliards dans 10 ans, mais McKinsey envisage plutôt 70 milliards. Autrement dit, la marge entre la conquête de l’univers et la start-up qui galère à payer l’électricité. Mais à titre d’exemple et sans se projeter dans 10 ans, aujourd’hui Rigetti vaut 14 milliards pour 8 millions de revenus. Même les NFT avaient plus de logique. Mais tant que la mode dure, les investisseurs continuent d’empiler des billets, persuadés d’avoir trouvé le prochain Nvidia. Le problème, c’est que quand tout le monde y croit — même ton chauffeur Uber — c’est souvent la fin du rêve et le début de la bulle. Et cette fois, la bulle quantique pourrait exploser plus vite qu’un qubit mal refroidi…
Les chiffres du jour
Pour le reste et comme nous sommes toujours sous SHUTDOWN, il va falloir se contenter de ce qu’il y a comme chiffres indépendants de l’état. Et aujourd’hui nous aurons droit aux chiffres de la confiance du consommateur selon l’Université du Michigan, tout le monde place ses espoirs là-dedans et pourtant quand on connait peu la structure de ce sondage à deux balles, on comprend assez vite que ça ne sert à rien et que ça ne veut absolument rien dire. Mais comme c’est tout ce qu’on a à se mettre sous la dent, on va faire avec. En Suisse il y a bien le SECO qui va sortir, mais pas sûr que ça soit plus excitant…
En attendant la saison des résultats trimestriels, reposez-vous bien ce week-end et nous on se revoit lundi pour décrypter le nouveau gouvernement français, ça nous donnera au moins de quoi commencer la semaine de bonne humeur !
Excellent week-end et à lundi !
Thomas Veillet
Investir.ch
“People who succeed in the stock market also accept periodic losses, setbacks, and unexpected occurrences. Calamitous drops do not scare them out of the game.”
― Peter Lynch