Je dois vous avouer que ça devient très compliqué. Les marchés ne sont pas ouverts 24 heures sur 24 – pour l’instant – mais si on ne veut rien rater de ce qui se passe, il faut rester vigilant 24 heures sur 24. Ou alors avoir le numéro direct de quelqu’un à la Maison Blanche qui est bien informé. Déjà lors de son premier mandat, il n’était pas facile de suivre les déclarations de Trump et encore moins facile de réussir à les comprendre. Pas simple d’anticiper les visions d’un homme qui change d’avis comme de chemise et à la vitesse de la lumière. Ces 10 derniers jours auront été le parfait exemple de ce comportement lunatique. À tel point qu’on a l’impression qu’il est plusieurs dans sa tête
L’Audio du 23 octobre 2025
Pro qui – contre qui…
Avant de plonger un peu plus dans la séance d’hier, il faudrait déjà comprendre ce qui fait vibrer le marché. Et visiblement ce qui déclenche des réactions psychotiques est presque toujours lié de près ou de loin aux décisions de l’homme aux cheveux orange. Il n’y a pratiquement plus un mouvement de marché qui est déclenché par autre chose qu’une publication sur X ou sur Thruth Social. Vous pouvez rendre vos Bloomberg, résilier vos abonnements à Tradingview et arrêter de lire la presse financière. Vous devriez même vous arrêter de me lire ou de m’écouter, puisque finalement, si vous avez un compte Twitter, un compte sur Truth Social – qui sont gratuits tous les deux – ça devrait vous suffire. Bon, si EN PLUS vous avez un copain à la Maison Blanche qui peut vous donner des infos sur les sujets que Trump va aborder dans les 4 prochaines minutes et que vous pouvez traiter du Bitcoin sur un compte « qui n’est pas trop surveillé », ça devrait bien se passer et vous devriez être à la retraite d’ici la fin du mandat du Président.
Le problème c’est que nous n’avons pas tous un « copain bien informé » à la Maison Blanche. Alors en attendant on se fait balader par les marchés en fonctions des déclarations du Président Américain. Je dois dire que je suis bien incapable de me souvenir quelle était sa position sur la Chine ou sur la Russie il y a quatre jours ou encore hier matin. Et d’ailleurs ça ne servirait à rien, puisqu’elle probablement changé 8 fois entre le petit-déjeuner et le dîner. Personnellement j’ai vécu avec des enfants en bas âge qui n’étaient pas encore capables de contrôler leur vessie qui étaient capables de conserver le même avis et la même envie pendant bien plus longtemps que Donald Trump. Tenez, si je ne me trompe pas, ce matin nous sommes jeudi et si l’on se concentre sur ce qu’il a dit, fait ou laissé entendre rien que sur la Chine, ça n’est vraiment pas simple de suivre le mouvement. Depuis l’histoire des terres rares il y a dix jours, on est passé de « je vais lui péter la gueule et lui défoncer ses droits de douane à ce Xi-Jin-Ping-Pong » à « ça va bien se passer » à « je l’apprécie », à « je vais leur proposer un deal qui est un super bon deal quand on se verra à Séoul » à « je ne suis pas certain de le voir à Séoul » à « je vais le voir à Séoul » puis à « je ne vais pas le voir, enfin, c’est pas sûr » – puis nous avons dû avoir : « même si je ne le vois pas c’est pas grave, on va quand même leur faire une offre qu’ils ne pourront pas refuser », ensuite : « on sait où ses enfants vont à l’école » et puis, le dernier en date c’est : « on envisage de nouvelles restrictions d’exportation à destination de la Chine »…
Personnalités multiples
Et tout ça c’est sur les 10 derniers jours ! Je pense que si l’on ne se concentre QUE sur les relations sino-américaines, et que l’on essaie de faire un résumé d’une page à chaque fois que Trump en a parlé, ça donnerait un bouquin tellement épais que la série des Harry Potter aurait l’air d’un livre de poche. Tout ça pour dire que plus personne n’arrive à comprendre où il veut en venir avec la Chine. Et ça c’est que pour la Chine, c’est la même chose pour la Russie, pour l’Intelligence Artificielle, pour les semi-conducteurs, pour la gestion de la politique interne aux États-Unis, du SHUTDOWN (qui est d’ailleurs toujours en cours), pour les réglementation sur la taille des pizzas sur l’île de Manhattan et probablement pour tout ce qui a trait au pétrole, à l’or ou encore aux cryptomonnaies. En fait pour réussir à tout suivre, il faut être plusieurs et pour réussir foutre un tel bordel dans tous les sens, ça n’est pas possible, il ne peut pas être tout seul dans ce corps. Je ne suis pas psychologue, pas psychiatre, je ne m’y connais pas du tout en maladie mentale, mais c’est pas possible, il faut lui donner des médicaments. Et des trucs forts.
Si je vous dis tout ça, c’est parce qu’en dehors des chiffres trimestriels des sociétés qui sont publiés en ce moment et qui ont des effets diverses et variés sur les sociétés concernées, TOUT le reste ne TOURNE qu’autour de Trump et de la Maison Blanche. Alors oui, pendant quelques jours, le gouvernement français a tenté de faire oublier Trump en montrant qu’ils pouvaient être largement aussi cinglé que lui (surtout du côté de l’Élysée, ou la question psychiatrique se pose de plus en plus), mais depuis qu’ils ont braqué le supermarché à ciel ouvert du Musée du Louvre, la politique française est passée au second plan et Trump se déchaîne. D’ailleurs si hier le marché a fini en baisse de 1% sur le Nasdaq et c’était principalement à cause des bruits qui circulent comme quoi Trump aurait dans ses cartons un nouveau plan pour restreindre les exportations américaines vers la Chine. Pas seulement les semi-conducteurs cette fois : on parle de tout ce qui bouge, de l’ordinateur portable à l’avion de chasse, en passant par les casquettes MAGA qui sont fabriquées en Chine. En clair c’est : “si tu veux mes produits ? ça sera à mes conditions, sinon je te découpe la paix commerciale entre nous”. Réponse de Pékin ? Les terres rares, évidemment. Résultat : une nouvelle escalade commerciale potentielle (la 214ème depuis le premier janvier) et pile au moment où les marchés commençaient à se détendre sur le sujet. C’est le timing parfait. Mais en même temps, tout le monde s’en fout, parce qu’on sait tous qu’il va tourner la veste dans les 48 heures et nous en refaire une autre sur la Chine quand il aura fini de s’occuper du Quantum Computing, de la Russie, ou des réglementations sur la reproduction des gastéropodes en Nouvelle-Guinée Orientale (oui, je sais Nouvelle-Guinée Orientale ça n’existe pas, mais il est pas exclu que le Président Américain l’invente d’ici la fin de la journée).
Et les marchés
Bref, hier c’était une séance toute pourrie aux USA, dans le rouge, mais dans le rouge clair. On n’a pas aimé les rumeurs sur la Chine, on a pris les bénéfices sur la tech (un peu), après les chiffres et les déclarations pas top de Netflix et de Texas Instrument et les intervenants profitaient de l’ambiance un peu morose sur les marchés pour faire le ménage sur les secteurs qui avaient bien performés, le secteur du Quantum Computing entre autres. Gardez d’ailleurs bien ça en tête, j’y reviens dans quelques secondes. Netflix a donc perdu 10%, Texas, pas loin de 6% et ce qui est le plus fou, c’est que l’indice GREED & FEAR est brièvement passé en zone « extreme fear », en gros on avait SUPER PEUR parce que le Nasdaq perdait 1% !!! On est dans un monde où on est TELLEMENT HABITUÉS à que ça monte, que dès que ça baissote de 1%, on frise l’apoplexie et toutes les banques de New-York et tous les Hedge Funds du Connecticut, vont vérifier si toutes les fenêtres au-dessus du rez-de-chaussée sont bien verrouillées pour éviter les accidents. On est terrorisé selon l’indice GREED & FEAR, mais quand on écoute les pros de la finance mondiale, on continue de nous dire que TOUT VA BIEN et que la seule chose qu’il faut se souvenir c’est de mettre en application la stratégie du BUY THE DIP… Un « dip » correspondant à une baisse de 0.5% sur Nvidia.
Du côté de l’Europe, Paris a terminé la séance en baisse de 0,63 %, dans un contexte européen un peu grippé : –0,7 % pour le DAX, –0,8 % pour l’Euro Stoxx 50. Bref, tout le monde a la gueule de bois après les records de la veille pour le marché français. La grosse claque du jour vient de L’Oréal qui a plongé de près de 7%. Le géant du glamour a publié un chiffre d’affaires de 32,8 milliards sur neuf mois, soit une hausse timide de +1,2 %. Pas catastrophique, mais un peu en dessous des attentes, surtout à cause de l’Amérique du Nord qui a perdu de son éclat. Pour faire simple : le « gloss » brille toujours, mais le vernis commence à s’écailler dans les bords. Même ambiance chez Hermès, qui perdait 2,3 %, alors qu’en théorie tout va bien : le sellier de luxe a encore rempli ses coffres — 3,88 milliards d’euros de ventes au Q3, en hausse de 9,6 %. Mais le marché, lui, s’attendait à plus. Encore une fois.

En Asie
Les Bourses asiatiques étaient dans le rouge ce matin, histoire de faire comme les Américains. C’est le Japon qui fait la course en tête avec une baisse de 1,5 %) et ensuite viennent la Chine et Hong-Kong avec plus ou moins 0.7% de baisse. Ne cherchez pas la justification de ces ventes matinales, encore une fois c’est tout de la faute de Trump et le retour des tensions commerciales entre Washington et Pékin pousse à la dépression, jusqu’au prochain coup de vent. En Corée, le KOSPI a chuté de 1 %, la banque centrale ayant maintenu ses taux inchangés. L’ensemble de la région a donc suivi naturellement la baisse de Wall Street, plombée par les résultats mitigés et la chute du bénéfice de Tesla – on va y revenir.
Du côté de l’or, ça continue à presser du côté des vendeurs et ça tourne autour des 4’100$, tout le monde semble convaincu que ça peut remonter, mais en même temps on a quand même un peu peur que ça aille plus bas avant d’aller plus haut. C’est fou comme ça se complique quand ça ne fait pas QUE MONTER. Et puis y a le pétrole qui s’emballe à nouveau et ENCORE UNE FOIS, c’est la faute de Trump. Cette fois c’est avec Poutine qu’il se fâche et visiblement, il n’y aura plus de meeting avec le Président Russe parce qu’il refuse de plier l’échine face aux doléances de son homologue américain. Donc là aussi, il nous fait souffler le chaud et le froid. Pour le moment le meeting au sommet qui était prévu à Budapest tombe à l’eau. Et en plus, le Trésor américain vient d’imposer de nouvelles sanctions contre Rosneft et Lukoil, accusant Moscou de ne pas vouloir mettre fin à la guerre en Ukraine. Résultat immédiat : le pétrole s’envole de près de 3 %, avec un WTI à 60,24$. Le secrétaire au Trésor Scott Bessent appelle à un cessez-le-feu immédiat, tout en promettant “d’autres mesures si nécessaire”. Le package sanctions et annulation du meeting s’accompagne de pressions sur l’Inde pour qu’elle cesse d’acheter du brut russe. Et pendant ce temps-là, Poutine lance de grands-exercices nucléaires. Quand on voit la tripotée de débiles qui nous gouvernent, on se demande où se trouvent les gens censés, normaux, agréables et intelligents. Quant au Bitcoin, il est à 108’800$ et le rendement du 10 ans est à 3,96%.
Tesla, IBM, code quantum et la fausse viande
Dans les publications que l’on retiendra d’hier, il faut que l’on revienne sur Tesla bien sûr, mais également sur IBM. Chez Tesla, le moteur est un peu poussif : les profits plongent de 37 % à 1,4 milliard, la marge fond comme de la neige en plein milieu du mois d’août – 5,8 % – et les crédits carbone s’évaporent : –44 %. Mais le chiffre d’affaires, lui, bat un record à 28,1 milliards, parce que les Américains se sont rués sur les voitures avant la fin du crédit d’impôt — du style : “vite, achetons une voiture électrique avant que Trump change d’avis”. Le problème réside dans les coûts qui explosent, les usines qui ne tournent pas à plein régime et Musk qui dépense comme si l’IA allait sauver le monde et son ego. Le titre reculait de 1,6 % after close, et les actionnaires commencent à angoisser avant l’Assemblée Générale du 6 novembre, parce que le patron demande un petit bonus de rien du tout : 1 000 milliards de dollars sur 10 ans, soit une rallonge de 12 % du capital. Et si on lui dit non, il claque la porte et il ira jouer avec ses robots ailleurs. Pendant ce temps, IBM, le papy de la tech, sort 2,65 $ de bénéfice par action, au-dessus des attentes. Chiffre d’affaires de 16,3 milliards, en hausse de 9 %, dividende inchangé. Mais ça n’a pas suffi, on attendait mieux et le titre plongeait de 6.5%.
Et puis autrement on a un nouveau titre qui vient de faire son entrée dans les « meme stocks », il s’agit de Beyond Meat, le fabricant de fausse viande. Le 17 octobre, le titre valait 0.61$ et hier soir il est monté jusqu’à 7.69$. Avant de replonger et de finir à 3.58$. Beyond Meat a ressuscité à la manière d’un miracle boursier : le titre s’est envolé de +600 % depuis les plus bas de ces derniers jours. La cause est à chercher du côté d’un bon vieux short squeeze : les vendeurs à découvert se sont fait griller comme des steaks de tofu trop cuits. Tout est parti de Reddit, où des petits porteurs ont lancé l’opération “Make $BYND great again” — en gros, le retour du burger vengeur. Sauf que derrière le buzz, la réalité reste indigeste : ventes en baisse, marges en miettes et une dilution massive après un échange de dettes. Mais tant que le narratif fonctionne sur Reddit, tout peut arriver. Pour terminer on revient sur le Quantum Computing. D’après plusieurs sources, la Maison-Blanche plancherait sur un plan pour prendre des participations directes dans les entreprises de Quantum Computing. Les noms qui circulent sont bien sûr IonQ, Rigetti, Quantum Computing et D-Wave… bref, des boîtes qui valent plus en promesses qu’en profits. Comme pour Intel, l’idée, n’est plus de simplement distribuer des subventions, mais d’entrer au capital. Washington veut ainsi s’assurer que les futures découvertes quantiques restent made in USA, et pas en Chine. Une stratégie patriotique… typiquement Trump. Le secteur s’était fait massacrer hier à cause de l’annonce de la sortie de la nouvelle puce Willow, un processeur quantique de nouvelle génération. Un processeur qui peut réduire les erreurs exponentiellement à mesure qu’il monte en taille — un des gros verrous de l’informatique quantique depuis des lustres. Willow aaussi exécuté un calcul de référence en moins de cinq minutes, ce qui, selon Google prendrait 10 septillions d’années à un super-ordinateur classique… Moi j’avais déjà de la peine avec les Billions, mais alors les septillions… tout ça pour dire qu’après une baisse généralisée sur le secteur à cause de Google, hier soir TOUT LE SECTEUR reprenait 20% à CAUSE de Trump-le-hedge-fund-manager qui va finir par foutre des complexes à la BNS… Autrement, Roche vient de publier son trimestre et ils limitent la casse face aux biosimilaires, estimant désormais leur impact à 800 millions de francs, contre 1,2 milliard au printemps. Mais la vraie claque vient du franc fort, qui a amputé le chiffre d’affaires de 2,14 milliards et grignoté 5 points de croissance. Malgré tout, le groupe bâlois reste optimiste : il vise toujours +5 % de ventes et relève légèrement son objectif de rentabilité à +10 %. Réponse sur les marchés dans un moment.
Et maintenant ?
Pour ce qui est des chiffres du jour, on aura Intel, Unilever, Newmont, Ford, T-Mobile ou encore Honeywell qui publieront aujourd’hui. Du côté de la macro, tout le monde attend le CPI demain et pour faire patienter, la BNS donnera son avis sur la situation actuelle de l’économie et il y aura les ventes de maisons existantes aux USA, ainsi que le Jobless Claims (si tout va bien).
Actuellement les futures sont en hausse de 0.15% et on attend le prochain communiqué de X selon Trump, parce que sinon… à quoi bon se lever. Excellente journée à tous – désolé du retard mais quand t’as 12 coupures d’électricité par heure, c’est pas simple de tenir un délai !
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
« In the stock market, the most important organ is the stomach. It’s not the brain. »
Peter Lynch