Vendredi matin, quand j’ai écrit cette chronique, j’étais extrêmement concentré sur ce qui s’était passé chez Ferrari. Pourtant, en général, le cours de l’action Ferrari, on s’en fout. D’abord parce que c’est beaucoup monté depuis 10 ans et qu’en plus pas tout le monde a les moyens d’en acheter. Ni des actions, ni des voitures. Et puis, au milieu de la chronique, j’ai mentionné une bête actualité qui disait que les Chinois allaient réglementer les terres rares. Je me suis dit : « tiens ça va pas faire plaisir à Oncle Donald ». Et puis je suis passé à autre chose. Pourtant, si j’avais réfléchi deux minutes, j’aurais shorté du Bitcoin… Comme quoi, on est toujours plus intelligent après.
L’Audio du 13 octobre 2025
Girouette
Donc oui, vendredi matin on pensait que la semaine aller se terminer sur du velours au plus haut de tous les temps et que la semaine qui arrive serait hyper-facile, parce que les chiffres trimestriels allaient arriver et que FORCÉMENT, ils seront meilleurs que les attentes et puis, si jamais ils ne sont pas meilleurs que les attentes… Ben, c’est pas grave, on baissera les taux tant que ça n’ira pas mieux. En gros, une journée comme d’habitude. Pas de raison de se prendre la tête tellement la bourse c’est facile depuis quelques mois et tellement ça sera encore facile les mois prochains parce que… hey… y a l’intelligence artificielle quand même ! Et l’intelligence artificielle c’est quand même l’avenir…
Et puis en fait non… En fait, juste un petit évènement sur l’exportation des terres rares, simplement un petit bluff des Chinois qui ont voulu rouler des mécaniques (électriques) pour montrer aux Américains qu’eux aussi ils avaient les moyens de leur mettre la pression, eh ben ce petit gonflement de biceps hyper discret nous a coûté deux milliards de market caps. Il aura suffi d’un post sur « Truth Social », le réseau préféré de Donald Trump, pour envoyer le marché au tapis. Non seulement le marché, mais aussi les cryptos, les semi-conducteurs et aussi la belle confiance que l’on avait accordé au marché depuis des mois. Soudainement, entre 16h00 et 16h30 vendredi, le marché s’est fait décalquer. Il n’y a pas d’autre mot. Ce qui est assez fascinant dans tout ça, c’est qu’il n’y a pas besoin de grand-chose pour passer du rire aux larmes en ce moment. Pourtant, on était tellement convaincus de la hausse, que ça paraît fou que ça puisse se péter la gueule vendredi… Pourtant, une histoire de terres rares que personne ne comprend et un message passif-agressif de Donald Trump et c’est le sauve-qui-peut général…
Le message qui tue…
“La Chine devient hostile. Elle contrôle le monde via les terres rares. Nous envisageons une augmentation massive des tarifs douaniers sur les produits chinois.”
Un post de 5 lignes, un post de 161 caractères (espaces compris).
Résultat : 2 000 milliards de dollars sont partis en fumée en quelques heures. Le S&P perdait 2,7 %, le Nasdaq 3,5 %, le Dow 1,9 %. Le tout sans une seule statistique macro, ce qui semble plutôt normal, puisqu’au cas où vous l’auriez oublié, le SHUTDOWN est toujours parmi nous. Vendredi c’était juste un coup de sang digital et si l’on en croit les « tweets » de Trump avant de décoller pour Israël, il n’en veut pas à Xi et il comprend que le gars se soit énervé et que soudainement il n’est plus fâché. On en est à se demander si Trump et ses potes n’ont pas tout simplement couvert les shorts, qu’ils se sont mis « long » et qu’ils attendent juste l’ouverture de lundi matin. Oui, non, en fait je suis idiot. Ça fait longtemps qu’on se demande plus, ça devient indécent. C’est un peu comme le mec qui a shorté une montagne de Bitcoin à 122’000$… 30 minutes avant que Trump publie son post incendiaire vendredi dernier. Un pur hasard. Ceux qui ne connaissent pas l’histoire – la vidéo ci-dessous vous la raconte…
Ceci dit, hier soir avant de partir fêter « SON PLAN PAIX à Gaza », le Président Américain a redonné de l’espoir aux marchés. On a vraiment l’impression qu’il s’amuse à faire ce qu’il veut et nous ont suit comme si on n’avait pas le choix. Ce matin, après une nouvelle TACO à la Trump, la guerre commerciale avec la Chine est déjà oubliée. Il y a même des banques d’affaires américaines qui sont déjà intervenues ce week-end pour dire que dans le cas de cette histoire de « trade war » qui se serait éventuellement déclenchée vendredi dernier, je cite : « Dans le cas présent, les aboiements du Président sont sûrement bien pire que la morsure ». Comprenez que Trump a piqué sa crise vendredi soir, le marché aura réfléchit 3 secondes avant d’effacer 2’000 milliards de capitalisation boursière et une quantité astronomique du côté des cryptos et dimanche soir, tout est oublié et nous sommes tous frères. On peut se demander si le Président Américain n’est pas complètement con ou si c’est simplement, le marché qui n’est même plus capable de réfléchir avant d’agir. Ou alors que les algos sont tous programmés pour réagir – ou plutôt SURRÉAGIR – ce qui justifierait ces mouvements complètement débiles. Je vous avoue que je ne sais pas où se cache la vérité dans tout ça, mais on n’est pas dedans et ça ne laisse rien présager de bon pour l’avenir des marchés qui deviennent victimes de leur propre technologie ou de leur propre psychologie.
In the middle of the night
À l’heure où je vous écris, il n’est pas simple de savoir si l’affaire de la nouvelle « Trade War » est déjà terminée et que dans 3 jours nous seront en train de battre de nouveaux records d’altitude, mais une chose est certaine, à 1h31 du matin, les futures sont en hausse de 1% et l’affaire semble pliée. Même si – depuis vendredi dernier – le seul qui brasse de l’air dans tous les sens à raconter tout et n’importe quoi ; c’est Trump. On n’a pas entendu Xi sur le sujet et mis à part quelques contre-menaces officielles de la part du gouvernement chinois qui encourageaient les Américains à ne pas être complètement cons dans ce jeu de bataille des égos, on n’en sait pas plus ce matin et peu importe les « tweets » de Trump, à ce jour, la Chine n’a pas changé d’avis et a toujours décidé de resserrer le contrôle sur les terres rares. Vous savez ces métaux indispensables pour fabriquer les puces, les batteries, les avions, les missiles, les voitures électriques, les voitures pas électriques et vos smartphones….
Sans la Chine et ses terres rares, le monde moderne se résumerait à se déplacer en vélo (pas en vélo électrique, en vélo tout court), en planche à roulettes et pour le reste ça serait éclairage à la bougie et FIFA 2026 se jouerait avec un vrai ballon, dehors dans le jardin.
Trump a donc été hyper-vexé de se faire “prendre en otage par les métaux”, a répliqué à la manière d’un adolescent frustré de ne pas pouvoir rentrer après minuit. Et puis là, cette nuit, soit les marchés ont fait effet de contre-pouvoir (merci à qui de droit pour le terme), soit quelqu’un à la Maison Blanche lui a glissé à l’oreille qu’il fallait quand même y aller mollo avec les Chinois, parce que si – effectivement la Chine a besoin du consommateur américain – les Américains ont besoin de la Chine pour leurs technologies de pointe… Visiblement Trump a compris la chose et il va essayer de revenir au dialogue stratégique et diplomatique, plutôt que d’appliquer la technique du bulldozer dont il a le secret.
Prise de conscience
Maintenant nous sommes lundi matin, une nouvelle semaine commence et la saison des résultats va commencer également. Mais ce lundi c’est aussi le lundi de Colombus Day – le jour de l’arrivée de Christophe Colomb aux USA. Les marchés des actions seront ouverts, mais pas le marché obligataire et une bonne partie des banques seront fermées aux States et les volumes devraient être très faibles. Attention donc aux mouvements de volatilité qui pourraient se produire. Mais au-delà de tout ça, il sera intéressant de voir comment cette histoire de « trade war » va être digérée. Si l’on se base sur le dernier message de Trump, la Chine et les USA sont copains comme cochon et ça va bien se passer. Reste à voir comment ça va se passer. Pour l’instant, comme à notre habitude, on va regarder le verre à moitié plein, jusqu’à preuve du contraire. Mais à force de provoquer les Chinois, on ne sait jamais comment ça va se finir.
Et je dois vous dire que pendant que je décortiquais la presse du week-end, AVANT que Trump nous fasse une démonstration de « backpedaling » en exprimant son immense amitié pour Xi Jinping. J’ai été frappé par le fait qu’en plus de la pression mise au sujet de la « trade war éventuelle », les médias financiers ont tout de suite pointé le doigt sur le fait que les valorisations sont lunaires, les PE moyens du S&P ont rarement été si élevés, ça rappelle l’an 2000. Le Cape Shiller est plus ou moins au même niveau qu’en l’an 2000 – le Cape Shiller c’est ce fameux indice qui dit qu’on est dans une bulle au-dessus de 30 et qu’aujourd’hui il frise les 40. On pointait aussi sur le fait que la dette publique est interstellaire et en route pour les 50’000 milliards dans 10 ans, Trump est imprévisible – ça c’est rien de le dire et que puis également qu’il y a une HYPER-CONCENTRATION des marchés. Près de la moitié de la capitalisation du S&P est allouée à 10 actions, laissant des miettes pour le reste et l’ensemble des 2’000 titres contenus dans le Russell 2000, l’indice des mid-small caps américaines, ne vaut même pas les deux-tiers de la valorisation de Nvidia.
Le doute
Lorsque l’on prenait le temps de lire les opinions des journalistes et autres experts en bull market, on avait l’impression… enfin, j’avais l’impression que le marché est extrêmement tendu et que même si ces derniers mois il a fait preuve d’une résilience et d’une puissance ahurissante, le moindre grain de sable dans la machine va nous faire rapidement revenir à la réalité. Réalité qui n’est pas aussi jolie que l’on veut bien l’imaginer en observant la tendance haussière du S&P ces 8 derniers mois. L’emploi va mal, l’inflation ne baisse pas – au contraire – elle donne des signes de reprise – le gouvernement américains est tellement partagé qu’ils n’arrivent même pas à se mettre d’accord sur un budget et pendant ce temps, Trump gère la paix dans le monde.
Ce que je veux dire c’est que ces derniers mois, les marchés financiers ont fait preuve d’une force relative impressionnante et d’un dédain spectaculaire des alertes économiques que l’on nous fournissait tout au long du chemin. Cependant, lorsque Trump a pété un plomb – ce qui lui arrive quand même assez régulièrement – on n’a pas hésité une seconde et on a tout jeté par-dessus bord comme si c’était le signal qu’on attendait. Alors je ne sais pas, peut-être que Trump a éteint l’incendie en un seul « tweet » hier soir, mais disons qu’à force de jouer au pyromane, il y a un jour où un « tweet » ne suffira plus pour stopper l’hémorragie. D’accord, ça n’était peut-être pas pour cette fois, mais il y aura d’autres occasion de paniquer… et à ce moment-là, n’oubliez jamais que les plus solides arguments qui justifiaient le fait de vendre les bijoux de la grand-mère et la PS5 du petit pour acheter du Nvidia ou du Bitcoin, vont se vaporiser dans l’atmosphère à la vitesse de la lumière.
Les autres nouvelles du début de semaine
Maintenant que le sujet « terres rares et trade war » est derrière nous, maintenant que Trump est parti tel le Messie pour aller fouler le sol de la terre sainte, on peut se concentrer sur l’avalanche de sujets qui nous occupent en ce moment. Notons déjà qu’il y a quand même de plus en plus d’articles qui reviennent sur le sujet du « Private Credit » dans le sillage de l’affaire First Brands qui a coûté 500 millions à l’UBS et on entend de plus en plus revenir le terme de « Subprime 2.0 ». Alors je ne suis pas expert en Subprime et je crois que nous n’en sommes pas encore aux mêmes montants, puisqu’il se dit que ces structures de l’ombre gèrent maintenant 1’700 milliards de dollars de prêts commerciaux, soit un tiers du crédit américain. À l’époque du Subprime, on parlait de 1’400 milliards. De ce point de vue-là, on peut avoir peur. Mais si l’on creuse un peu, on se rendra compte que lors de la crise de 2008, ces 1’400 milliards étaient leveragés pour atteindre 8 à 9’000 milliards via une montagne de produits structurés de merde… À l’heure actuelle, le « Private Credit » n’est pas en levier, ou alors beaucoup moins, mais le problème c’est que c’est très opaque et on ne sait pas qui doit quoi à qui… À l’heure actuelle la FED est en train d’enquêter, les régulateurs ont des sueurs froides et les investisseurs font semblant de ne pas comprendre. Jusque-là, ça va. Mais le jour où l’on commencera à comprendre que l’on a simplement déplacé le « Greed is good » ailleurs et qu’encore une fois ça va coûter très cher, on en reparlera. J’espère que ça va bien se passer. Sincèrement. Mais notez quand même qu’on en parle de plus en plus…
Pendant ce temps, à Washington, le gouvernement est fermé. Pas de statistiques, pas de CPI, pas de PPI, pas de chiffres de l’emploi. Les investisseurs avancent dans le noir complet et la FED aussi. Le CPI et le PPI devaient sortir cette semaine, mais au vu de la situation au Capitole, ça paraît extrêmement mal embarqué. Cette semaine, les grandes banques américaines publient leurs résultats : JPMorgan, Citigroup, Goldman, Wells Fargo, Bank of America, Morgan Stanley. Faute de données macro, leurs bilans deviennent le seul thermomètre de l’économie réelle. Les analystes du secteur ont même relevé leurs prévisions de profits pour la première fois depuis 2021. C’est courageux. La marge d’erreur est microscopique. Un chiffre mal interprété, un mot de travers, et le marché pourrait se reprendre une claque. Et pour mémoire, le mois d’octobre reste le mois le plus volatil de l’année, les claques partent toujours plus vite et tapent toujours plus fort.
Ces génies qui nous gouvernent
Pour le reste, on a le cirque France qui continue de sombrer dans le ridicule. Le clown qui leur sert de Président a donc précipité les choses. Il a renommé Lecornu et il l’a forcé à précipiter la formation de son gouvernement avant de vite partir ventre à terre en Égypte pour « soutenir l’effort de paix à Gaza ». Il vient essayer de récupérer des pétales de rose pour que l’histoire se souvienne qu’il était là pour cirer les pompes de toute le monde. Pendant ce temps, Lecornu a tiré au sort ses Ministres dans le bottin de téléphone, ce qui fait que personne ne les connait. Sauf Darmanin qui visiblement est indéboulonnable du ministère de la Justice. À croire qu’il a tellement de casseroles, que le jour où il s’en va, il va directement en cellule avec Sarkozy.
Bref, pour faire simple, ce gouvernement est censé présenter un budget pour sauver la France, mais il suffit que les socialistes ne soient pas d’accords et hop, au suivant, on recommence le jeu des chaises musicales. Tout se jouera donc sur la réforme des retraites. Si Lecornu supprime le tout, il reste, sinon c’est le siège éjectable. Heureusement que le ridicule ne tue pas, sinon le Palais Bourbon, Matignon, Bercy et l’Élysée ne seraient qu’un gigantesque cimetière. Et puis du côté pharma, on reparle de Trump qui a striké un deal avec AstraZeneca, un peu à la mode Pfizer il y a deux semaines. Cela devrait remettre une couche d’optimisme dans le secteur, les autres vont faire la queue devant la Maison Blanche pour avoir leur deal, en espérant que Trump ne leur fera pas une « TACO » dans les semaines qui vont suivre. Et à ce sujet, rien n’est moins sûr.
Côté chiffres
Le Japon est fermé ce matin et il n’y aura pas de chiffres économiques relevant en ce lundi 13 octobre. Le pétrole tente de revenir au-dessus des 60$, mais c’est pas simple, il ne sait visiblement plus à quel Saint se vouer. Actuellement, le WTI est à 59.70$. Du côté de l’or c’est la fête au village et le métal jaune s’échange à 4’060$, quant au Bitcoin, il panse ses plaies et repart à la guerre. Il se traite à 115’000$ après avoir fait un plus bas samedi matin autour des 109’000…
Bref, on commence la semaine dans le brouillard, mais persuadés que le soleil va se lever et que les oiseaux vont chanter. Trump souffle le chaud et le froid, Xi ne répond pas mais laisse son service de presse le faire, les algos sont complètement déglingués, et nous, on fait semblant de comprendre ce qui se passe. Les marchés, c’est un peu comme une relation toxique : tu sais que ça va mal finir, mais t’as toujours l’espoir que “cette fois, ça sera différent”. Pendant ce temps, le Private Credit gonfle, les banques vont nous jurer que tout va bien, et les investisseurs sont toujours confiant sur l’IA, comme toujours.
Si on regard tout ça de loin, avec beaucoup de recul, on a l’impression qu’on est dans un grand casino où le croupier s’appelle Trump, la banque s’appelle Trump, le patron du casino s’appelle Trump, que même le videur s’appelle Trump. Le tapis vert est chinois, les jetons sont chinois et toute l’électronique du casino est gérée par les Chinois… Et nous on vient là-dedans en pensant qu’on peut battre la banque et faire fortune. Le seul truc rassurant, c’est que quand tout va péter, on dira encore que c’était “imprévisible”. En attendant, on va continuer à faire semblant d’être sereins, à regarder les futures remonter et à se dire que tout ça, c’est juste une correction technique. Ou un échauffement avant le crash final.
Allez, bon début de semaine à tous et on se voit demain pour de nouveaux tweets et un nouveau Premier Ministre français, si ça se trouve…. Belle journée à tous !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Don’t be afraid to be a loner but be sure that you are correct in your judgment.” Walter J. Schloss