Mon job c’est de vous raconter ce qui s’est passé hier et ce qui se raconte dans les médias depuis hier soir. L’idée de base, c’était de vous prémâcher le travail et de vous éviter de passer trois heures à chercher des infos qui tiennent la route. Donc je me lève très tôt le matin et je commence par vous raconter ce qui s’est passé la veille. Et ce matin j’aurais pu entamer ma chronique en vous parlant du fait que l’on a vécu une journée de merde à New-York, que les résultats de Meta ont fait prendre conscience qu’on dépensait dans tous les sens pour l’IA et n’importe comment… Et puis j’aurais pu vous dire que ça commençait ENFIN à baisser. Sauf que non...
L’Audio du 31 octobre 2025
Il y avait les avants et les après
Donc. Si vous vous êtes absentés entre la clôture de mercredi soir et ce matin. Que vous revenez à l’instant et que vous allumez vos écrans vous n’allez plus rien y comprendre. Bon, après il y a une logique dans tout ça. Une logique qui fait des fois un peu peur parce qu’on se rend compte qu’actuellement, si on rate une demi-cession, on a intérêt à avoir une EXCELLENTE raison, parce que c’est peut-être l’occasion du trimestre de pouvoir racheter sur faiblesse. Vous savez, le fameux BUY THE DIP !!! Oui, parce que si on prend un peu le temps de se souvenir ce qu’a fait le marché durant le mois d’octobre, il n’y a pas besoin d’avoir une mémoire d’éléphant ET d’être physicien nucléaire pour se rappeler que GLOBALEMENT, on n’a fait que monter. Ou presque. Alors oui, on a eu deux-trois soubresauts quand Trump nous a fait une période TACO contre la Chine il y a quelques semaines, mais l’un dans l’autre, ce mois il valait mieux être bullish que bearish. En général, c’est le cas toute l’année, mais là encore plus…
Nous allons donc revenir un poil en arrière et essayer de se souvenir ce qui s’est passé entre 18h30 mercredi soir et hier soir tard. Je récapitule et si ma mémoire de poisson rouge fonctionne correctement, mercredi soir il y a d’abord eu Powell qui a baissé les taux et qui a plus ou moins laissé entendre que la baisse des taux de décembre n’était pas encore un « coup sûr ». Il a justifié ça de par le fait que selon ce qu’on sait, le marché de l’emploi ne va pas si mal. Bon. Là je vais juste faire un intermède. Non parce que je voudrais bien que l’on m’explique comment le gars il arrive à nous dire que l’emploi ne va « pas si mal que ça » alors que les derniers chiffres que l’on connaît – au niveau de l’emploi officiel – c’est ceux du mois d’août. Alors oui, d’accord, il est CERTAINEMENT MIEUX informé que moi, mais quand même. Souvenons-nous tout de même que les USA sont toujours sous SHUTDOWN et que, visiblement, c’est pas près de se terminer et que de plus en plus d’employés de l’état qui sont en train de se luger devant la télé et qui ont bientôt fini tout NETFLIX, commencent à trouver le temps long…
Passons…
Mais bon, passons. On va faire confiance à Powell et enregistrer dans un coin de nos têtes que l’emploi ne va pas si mal et que les taux ne sont pas certains de baisser. On en reparle en décembre. Juste après Powell, on a eu droit à Google qui a fait nettement mieux que les attentes et qui a été encensé par la critique et les experts du monde merveilleux de la finance qui lui trouvent tous des qualités indéniables de gendre parfait et en plus d’être un des meilleurs « play » pour jouer l’IA – en dehors de la star incontestée : Nvidia. Google prenait 2.5% hier. Et puis on a eu Microsoft qui a publié des chiffres et un trimestre que l’on qualifiera d’EXCEPTIONNEL, mais qui a été un peu timoré sur la guidance et le marché le lui a fait payer cash. Le titre baissait de 3%. Et puis META a fâché tout le monde. D’abord ils ont pris une charge comptable qui fait que leur bénéfice par action s’est fait déglinguer et puis ensuite, les experts sont unanimes, Zuckerberg dépense trop et il faut le lui faire comprendre en massacrant META de 12%. Vous rajoutez ensuite à ça, le deal de Trump avec Xi-Jinping qui était noté 12/10 de la part du Président, qui a réglé le problème des terres rares et des droits de douane et invité XI à Washington et vous aviez une journée placée sous le doute et les prises de profits. Je n’invente rien, le Dow Jones a perdu 0.23%, le S&P500 reculait de 0.99% et le Nasdaq parvenait à baisser de plus de 1.5% – ce qui est totalement exceptionnel dans cet environnement où nous sommes programmés pour acheter dès que le Nasdaq passe la barre des 1% de baisse.
Bref, hier on a baissé. Pour une fois. Et le S&P500 – je le rappelle – était en baisse de 0.99%. 0.99% c’est presque 1%. Du coup, on a traqué la bonne nouvelle et le chemin était tout tracé, puisqu’Amazon et Apple ont publié des chiffres de folie hier soir after close. Tout le monde n’est pas d’accord sur l’EXCELLENCE des chiffres de ce trimestre, surtout chez Amazon, mais l’un dans l’autre ça a quand même fait le taf et hier soir tard, la journée sur laquelle Microsoft et META ont pesé de tout le poids s’est inversée comme une fleur, comme si le BUY THE DIP était dorénavant devenu un réflexe pavlovien… Ce matin les futures sont en hausse de 0.7%. Et encore si vous vous étiez levés un peu plus tôt vous l’auriez vu encore bien plus haut ! On peut dire que si ça continue à ce rythme, les deux géants auront sauvé la séance de la veille.
Amazon en feu
Amazon a sorti des chiffres de folie : +13% après Bourse, bénéfice à 1,95 $ par action (au lieu de 1,57), et 180 milliards de chiffre d’affaires. AWS, le cloud maison, cartonne à +20%, mieux que prévu. Moins bien que Microsoft, mais mieux que prévu. Une croissance qu’on n’avait plus vue depuis 2022. Pendant que Google et Microsoft avancent à 34 et 40 % de croissance, Amazon se repositionne dans la course à l’IA avec son nouveau data center à 11 milliards, dédié à Claude, le chatbot d’Anthropic. Amazon relève son budget d’investissement à 125 milliards pour 2025, parce que “faut ce qu’il faut”. Tout le monde reproche à Zuckerberg de trop dépenser, mais pas là… Dans la foulée des investissements, on licencie quand même en masse. Mais que l’on se rassure c’est juste culturel et pas financier selon le management. Les licenciés en question apprécieront d’être des dommages collatéraux culturels pour faire plaisir à Bezos et à sa poupée en plastique.
En conclusion, Amazon fait 17,4 milliards de profit opérationnel, plombé par une amende de 2,5 milliards et 1,8 milliard de coûts de licenciement. Amazon gagne plus, dépense plus, licencie plus — et Wall Street adore. Visiblement on a retrouvé nos vieilles habitudes, plus on vire de gens, plus l’action monte. Le titre explosait même hier soir. Mais on notera quand même qu’il y a des voix qui s’élèvent : Amazon a beau afficher des chiffres record, plusieurs analystes doutent du fond. D’abord, les marges stagnent et les profits sont gonflés par des ajustements “exceptionnels”. Ensuite, la frénésie d’investissements dans l’IA inquiète : 125 milliards dépensés, mais le retour reste flou. Surtout avec l’IA, c’est pas la première fois que les retours sont flous. Et puis AWS ralentit face à Microsoft et Google, qui le distancent sur la croissance du cloud. Et pour terminer, le cash-flow s’effrite, et beaucoup se demandent si Amazon ne rachète pas sa gloire passée à crédit. L’annonce d’hier fait donc exploser Amazon, mais derrière le rideau, il y a encore des choses à discuter.

Merry Christmas, Apple
Il n’y a pas qu’Amazon qui sait faire la fête, Apple a encore prouvé qu’elle savait briller et qu’elle sait bien présenter les chiffres avec des beaux PowerPoint : +10% de croissance du chiffre d’affaires, +13% pour l’iPhone et +15% pour le Mac — le tout salué comme « un trimestre exceptionnel » par Tim Cook, qui n’a jamais été aussi satisfait de sa machine à cash. Le groupe a encaissé 94 milliards de dollars de revenus et 24 milliards de bénéfices nets, rien que ça. Mais derrière les paillettes, il y a quelques taches sur la pomme qui pourrait pourrir si on ne croque pas dedans rapidement. Les iPad déçoivent (-8%), les AirPods et montres connectées s’essoufflent (-9%) et la croissance chinoise, soudain revenue (+4%), doit plus son bon résultat à une subvention de Pékin qu’à un engouement délirant du consommateur chinois. En clair : la plus belle entreprise du monde doit désormais sa santé à un petit coup de pouce du Parti. En tous cas pour ce trimestre.
Côté communication, Cook a sorti le joker du moment : l’intelligence artificielle. Il promet d’“augmenter significativement” les investissements, d’“intégrer l’IA partout”, et de “réinventer l’expérience Apple”. Pour le moment, on n’a encore rien de concret, mais ça sonne bien en conf call. En attendant, tout repose toujours sur l’iPhone : 44 milliards de ventes ce trimestre, dont une partie dopée par les clients qui ont acheté avant les tarifs douaniers de Trump. Apple avance, engrange, hypnotise les marchés… mais la dépendance au téléphone star et la façade “IA pour faire moderne” commencent à sentir le réchauffé. Bref : le royaume de Tim Cook tourne toujours comme une montre suisse — sauf que la batterie commence tout doucement à chauffer. Le titre prenait quand même 2.6% hier soir, et se trouve actuellement au plus haut de tous les temps et vaut plus de 4’000 milliards de market cap…
En gros, hier on a eu des doutes à cause de la FED, de META et des dépenses pour l’IA, mais hier Amazon et Apple ont effacé ces doutes parce qu’on est devenu experts en déchiffrage de bilan tout en sachant mettre de côté ce qui ne va pas…
En Asie
Les marchés asiatiques ont démarré la journée en ordre dispersé : le Japon et la Corée du Sud ont poursuivi leur envolée record, dopés par la folie des valeurs tech et des semi-conducteurs, pendant que la Chine, elle, s’enfonçait encore un peu plus dans sa léthargie industrielle. Le Nikkei a franchi un nouveau sommet à plus de 52’000 points, un gain de 15% sur le mois, pendant que le KOSPI coréen s’offre un +20% en octobre. L’Asie high-tech s’envole, portée par la fièvre IA venue des États-Unis, pendant que les futures américains rebondissent, galvanisés par les résultats d’Apple et Amazon. Mais tout n’est pas rose à l’Est : la Chine déprime. Son PMI manufacturier s’est contracté pour le septième mois consécutif, preuve que la machine tourne au ralenti malgré les promesses de relance de Pékin. Les indices chinois ont tous reculé — Shanghai -0,74%, Hang Seng -0,9%, et l’optimisme, lui, est resté bloqué à la douane. Pendant ce temps, Tokyo publie une inflation à 2,8%, supérieure aux attentes, ce qui met encore un peu plus la Banque du Japon dans la sauce : elle garde ses taux inchangés, mais tout le monde sait qu’elle va devoir bouger un jour.
Pour le reste, le pétrole est à 60$, l’or repasse les 4’000$ en montant, le Bitcoin est à 110’000$ et le rendement du 10 ans américain est à 4.10%.
Des chiffres et une banque centrale
En dehors des méga-stars, il y avait aussi du monde qui publiait mais qui se faisait un peu moins remarquer. Eli Lilly a ouvert le bal en pulvérisant les attentes : 7,02 $ de bénéfice par action contre 5,89 $ attendus, et un chiffre d’affaires de 17,6 milliards, en hausse de 54 %. Le titre s’envolait de +3,8 %. Le marché a clairement un faible pour les labos qui impriment du cash. C.H. Robinson, le logisticien, fait encore plus fort : +20 % après des marges améliorées et un bénéfice au-dessus des attentes, malgré un chiffre d’affaires un peu mou. La boîte a même relevé ses prévisions pour 2026. Cardinal Health cartonne aussi : résultats solides, perspectives rehaussées, +15 % sur le marché. Guardant Health grimpe de 28 % grâce à un bond de ses revenus dans le dépistage du cancer. Et pendant que tout le monde fête, Metsera s’envole de +22 % après une offre à 9 milliards de dollars de Novo Nordisk, bien décidée à damer le pion à Pfizer dans la bataille des pilules anti-obésité. Finalement, la seule ombre au tableau c’est Roblox, qui s’écrase de 16 % après des chiffres que l’on va qualifier d’insatisfaisants.
Il y avait également la BCE qui se réunissait hier. La BCE a donc fait ce qu’elle sait faire de mieux : rien. Les taux restent plantés à 2 %, comme prévu, et Christine Lagarde a soigneusement évité de dire ce qu’elle comptait faire ensuite. Traduction : “on attend, on regarde, et on verra bien”. Les marchés, eux, continuent de rêver à une dernière petite baisse de taux d’ici la fin de l’année, parce qu’il faut bien espérer quelque chose. L’euro, lui, a fait la gueule — -0,3 % à 1,159 dollar, pendant que les taux européens bougeaient à peine, comme s’ils avaient eux aussi piqué du nez pendant la conférence.
Les chiffres du jour
Côté chiffres, nous aurons les Retail Sales en Allemagne, le CPI en France et en Europe, CPI français qui devrait être légèrement en-dessous du taux de popularité du Président et pour les sociétés, c’est la fin de la semaine, il n’y aura donc rien ce soir – mais avant l’ouverture nous aurons Exxon, Abbvie, BYD, Chevron et Petrochina. Pour le moment, les futures sont toujours en hausse grâce à Apple et Amazon.
Ce dernier jour du mois d’octobre nous devrions bénéficier d’un rebond pour fêter les chiffres d’hier et puis ensuite, on prendra deux jours de congé, histoire de se poser et de bien organiser notre argumentaire pour savoir si on continue d’acheter en novembre, la saison du X-Mas rallye approchant avec insistance. Allez, il nous reste deux mois avant 2026, et plus que trois ans de présidence à Trump. Normalement.
Excellent week-end à tous et à lundi !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Never cut a tree down in the wintertime. Never make a negative decision in the low time. Never make your most important decisions when you are in your worst moods. Wait. Be patient. The storm will pass. The spring will come. »
Robert H. Schuller
