La GROSSE JOURNÉE d’hier aura accouché d’une souris. La hausse en série des indices américains a été interrompue et l’intervention de Powell était plus ou moins alignée avec ce qu’on attendait. Il a baissé les taux, comme prévu, mais il a laissé entendre que la baisse des taux de décembre n’était pas acquise. Loin de là. C’est le loin de là qui n’a pas plu. Alors les indices ont baissé. De manière homéopathique. Mais comme à chaque fois qu’on ne termine pas en hausse, on se dit que c’est peut-être une opportunité d’achat. Bref, hier la FED a baissé les taux, on savait qu’elle allait le faire et maintenant va falloir utiliser la macro pour deviner la suite. Enfin, si macro il y a un jour.

L’Audio du 30 octobre 2025

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Pause café

Bon, ben voilà. Après quatre jours de hausse non-stop, Wall Street a décidé de reprendre son souffle. Pas de drame, pas de krach, juste une petite pause-café entre deux euphories. On a eu exactement ce qu’on attendait, mais en même temps, comme à chaque fois qu’on a trop anticipé les choses, on se dit qu’on aurait quand même voulu un peu plus. Le S&P500 termine inchangé, après avoir testé les 6918 au plus haut de tous les temps, le Dow Jones reculait de trois fois rien, mais pourra se targuer d’avoir au moins une fois dans sa vie, touché les 48’000 points et le Nasdaq, fidèle à lui-même, trouve quand même la force de grimper de 0.6% – merci Nvidia qui prenait 3% et qui devenait la première boîte du monde à valoir 5’000 milliards de capitalisation. Hier soir Jerome Powell aura été l’architecte de la séance. L’homme nous a porté son spleen et montré encore une fois son visage de dépressif avec un ton grave et il nous a un peu cassé nos jouets.

Lors de sa conférence, le patron de la Fed a lâché la phrase qui a tout gâché :

“Une nouvelle baisse des taux en décembre n’est pas une conclusion évidente. Loin de là.”

“Far from it.” – il a dit…

Trois petits mots. Mais alors, trois mots qui ont claqué comme une claque monumentale. Oui, parce que ces dernières semaines, on s’était habitués à une Fed plus, plus cool, plus décontractée. Et d’un coup, Powell a rappelé que le monde merveilleux de la finance c’est pas uniquement faire plaisir à tout le monde en baissant les taux comme un bourrin. Il y a aussi des conséquences à la baisse des taux que l’on ne peut pas négliger (comme l’inflation) et Powell en tant que « gardien du bon sens » a tout de même levé la main pour dire « deux secondes »… Alors après, les analystes en psychologie du marché sont tous sortis du bois pour venir nous expliquer que le « far from it » ne veut pas dire qu’il NE VA PAS BAISSER les taux en décembre. Ça veut simplement dire qu’il garde « toutes les options ouvertes ». Bon, pour être franc, il n’y a que Powell qui sait vraiment ce qu’il a voulu dire, mais disons que le marché NE VEUT PAS croire qu’il ne baissera pas les taux en décembre. Mais par contre, il faut admettre qu’entre les marchés qui battent record sur record et les investisseurs qui s’enflamment sur la perspective de taux à zéro, il fallait bien quelqu’un pour remettre un peu de gravité dans la salle. Et c’est ce que Powell a fait hier soir, en expliquant que la vraie vie de l’économie américaine ça n’est pas SIMPLEMENT de baisser les taux comme un bourrin. Le bourrin c’est le Président et Powell, lui c’est le gardien d’une certaine « raison » économique. Alors ça ne fait pas plaisir au marché, mais l’économie c’est pas toujours aussi simple et le « y a qu’à, il faut qu’on… » ça marche dans les dessins animés, mais la réalité est parfois plus complexe.

En conclusion

En résumé, hier soir Powell a baissé les taux, il a annoncé aussi que le « Quantitative Tightening » devrait se terminer à la fin de l’année. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Mais comme on était tellement occupé à déprimer avec le « loin de là » de Powell, on n’en a même pas tenu compte. Après, on notera quand même que selon une statistique que j’ai lu ce matin : Depuis deux ans, à chaque fois que la Fed parle, le S&P 500 grimpe dans les 30 minutes qui suivent… avant de redescendre mollement jusqu’à la clôture. C’est exactement ce qui s’est passé hier. La statistique a fonctionné. Après je me dis toujours : « il y a un gars quelque part, qui s’est dit un matin : tiens, si j’allais analyser les réactions du marché APRÈS les annonces de la FED »… Comme quoi on n’a pas tous la même vie, ni les mêmes intérêts.

Et puis, dans la foulée de l’annonce de la FED, pendant qu’on apprenait que sur tous les membres votants de la FED, il y en avait quand même un qui disait qu’il ne fallait pas baisser les taux du tout et un autre qui voulait 50 bp au lieu de 0.25%. On sait qui est le second, c’est l’homme de Trump, Stephen Miran. Mais pendant ce temps, le rendement du 10 ans US s’est envolé et, à l’heure où je vous parle, on est à 4.07% de rendement. Finalement ça a plus bougé sur le marché obligataire que sur le marché des actions qui lui se contente de se poser la fameuse question : « Bon, c’est quand qu’on BUY THE DIP ? »

Les « moins » magnificent three

Hier soir il y avait un avant FED, puis un après FED, mais un avant publications de Microsoft, META et Google. Et puis il y avait l’après tout ça. L’après tout ça, ça donne un future légèrement en baisse et des traders qui sont en train d’analyser les chart pour trouver des points d’entrée qui veulent dire quelque chose, parce que les 7’000 sur le S&P500 et les 50’000 sur le Dow Jones, on n’a pas renoncé à les voir cette année. Le problème c’est que sur les trois « grosses » publications d’hier, ça n’a pas été 100% carton. Mais avant d’attaquer le gros du sujet, commençons d’abord par les publications du début de la séance. D’avant la FED ; Caterpillar a sorti des chiffres costauds, mieux que prévu, avec des revenus en hausse dans trois de ses gros segments. Le titre s’est envolé de près de 12 %, meilleure perf du Dow Jones et l’une des stars du S&P 500. Du côté câbles et antennes, Verizon s’en sort pas mal non plus : bénéfice au-dessus des attentes, même si la croissance des abonnés n’est pas au top. Le titre prenait +2,3 %. Et puis il y a Boeing… toujours fidèle à sa réputation de serial déception. Une charge de 4,9 milliards de dollars liée aux retards du 777X, un trimestre plombé, et une chute de 4,4 %.

Passons maintenant aux choses sérieuses. Puisqu’il faut en choisir un pour commencer, on attaque avec Microsoft, Le géant de Redmond a présenté des résultats de mutant ; 77,7 milliards de chiffre d’affaires — mieux que prévu. 4,13 $ de bénéfice par action — mieux que prévu aussi. Et surtout : Azure, son business cloud, en orbite stratosphérique avec +40 % de croissance là où Wall Street n’en attendait que 38. Du très lourd. En résumé, tout le monde veut du AZURE et Microsoft n’a même plus assez de serveurs pour livrer tout le monde. Pendant qu’Amazon Web Services patine avec +18 % de croissance, Azure, lui, accélère. Satya Nadella a d’ailleurs annoncé la couleur : “Notre capacité totale en IA va augmenter de 80 % cette année, et nos data centers vont doubler d’ici deux ans.” Et histoire d’en rajouter une couche, OpenAI a officialisé une alliance encore plus profonde : la filiale commerciale devient une public-benefit corporation dont Microsoft détient désormais 27 %,
et surtout, OpenAI s’engage à acheter 250 milliards de dollars de services Azure dans les années à venir. 250 milliards. Ça ne veut plus rien dire. Et pourtant, hier soir after close, Microsoft était en baisse de 4%. Tout ça parce que la guidance était « dans la moyenne des attentes » et que la « moyenne » ça ne suffit pas. Ça ne suffit plus. Le marché fait la fine bouche. Microsoft c’est un peu le « mec parfait », il est intelligent, stable, honnête, musclé, millionnaire, mais qui se fait quand même larguer parce qu’il ne “fait plus rêver”. Le marché fait la gueule aujourd’hui, mais tout le monde sait que dans deux semaines, on reviendra frapper à sa porte en disant : “Finalement, t’étais pas si mal.” Parce qu’au fond, il y a une seule vérité dans cette histoire : tant qu’il y aura de l’IA, il y aura du Microsoft.

Google s’envole

Bon. Pendant que Microsoft se faisait taper dessus pour avoir été trop bon, Alphabet a sorti l’artillerie lourde et a mis tout le monde d’accord. Résultat : +6 % en after et ambiance feu d’artifice sur Google Street View. Bénéfice par action : 2,87 $, largement au-dessus des 2,26 $ attendus (et +35 % par rapport à l’an dernier). Chiffre d’affaires : 102,3 milliards $, contre 99,9 milliards $ prévus. Croissance de 16 % sur un an. Pour une boîte qui pèse déjà plus de 2’000 milliards, c’est presque indécent. Là où tout le monde se pâme de bonheur, c’est sur Google Cloud : +34 % de croissance sur un an, marge opérationnelle à 24 % (contre 17 % l’an dernier), et une nouvelle annonce : 92 milliards $ d’investissements prévus dans les data centers d’IA en 2025, au lieu des 85 milliards initialement prévus. Et pendant que tout le monde s’extasie sur le cloud, le vrai cash, lui, continue de couler à flot depuis la pub.
85 % des revenus viennent encore de là. La machine à cash tourne à plein régime.

Alphabet, c’est le meilleur des deux mondes : le vieux moteur de la pub qui crache encore des montagnes de fric et le mix cloud-IA qui propulse la boîte dans le futur. Pendant que Microsoft et Amazon s’écharpent pour savoir qui dominera l’IA, Google avance, tranquille,
avec YouTube qui imprime, Search qui domine, et des serveurs qui poussent comme des champignons dans le désert de l’Arizona. Le titre a déjà pris 41 % depuis le début de l’année,
et après ce genre de résultats, on se demande bien ce qui pourrait encore l’arrêter.

Meta, le vilain petit canard

Chez Meta, c’était un peu moins drôle hier soir. Si l’on devait résumer la chose, il faudrait dire : les revenus explosent, mais les marges fondent. Sur le papier, le trimestre de Meta est plutôt solide : 51,2 milliards $ de revenus, mieux que les 49,5 milliards attendus, et +26 % sur un an. Mais là où ça coince, c’est le bénéfice par action : 1,05 $, alors que Wall Street attendait… 6,72 $. OUCH ! Bon, pour être honnête, il y a eu une grosse charge exceptionnelle dans le trimestre — un one-shot comptable qui fausse un peu la photo — mais comme on n’est pas super-tolérant en ce moment, le titre dévissait de 8 %. La marge opérationnelle est passée de 43 % à 40 %. Trois petits pourcents, mais dans le monde de Meta, ça représente des milliards de dollars qui se sont évaporés. Pourquoi ? Parce que les dépenses de R&D ont bondi de 28 %, tirées par une véritable frénésie d’embauches dans les équipes IA. Sans compter que les prévisions de dépenses pour 2025 ont encore été revue à la hausse et les dépenses de 2026 seront encore plus élevées que celles de 2025. Zuckerberg appelle ça investir dans l’avenir. Mais à Wall Street, on appelle ça brûler du cash avec enthousiasme.

Pendant que Microsoft, Amazon et Google construisent des data centers pour les louer,
Meta, lui, les construit pour lui-même. Ses fermes de serveurs géantes ne servent qu’à faire tourner ses propres IA et à améliorer la pub sur Facebook, Insta et WhatsApp. Résultat : l’entreprise est en train de devenir très lourde en actifs. Et son cash fond comme neige au soleil. Pourtant, le patron veut continuer à investir massivement. On a déjà vu ça par le passé ; Zuckerberg veut investir, Wall Street pense que c’est une connerie et deux trimestres plus tard on se rend compte que Zuckerberg avait raison. Pourvu que ça dure. Et que ça se répète, surtout. L’entreprise gagne toujours des sommes astronomiques, mais son patron dépense plus vite qu’elle n’encaisse. Zuckerberg veut transformer Facebook en une machine d’IA totale, au risque de cramer le moteur en vol. Wall Street, lui, commence à douter :
est-ce encore une entreprise… ou un gigantesque laboratoire d’expérimentation financé par la pub ? Mais connaissant Zuck, une chose est sûre : il ne ralentira pas.

En conclusion ; Microsoft a fait mieux, mais c’est pas assez, Google a fait mieux et commence à rattraper le retard dans certains secteurs, quand à Meta, il y a une grosse charge et des gros investissements et des gros doutes.

En Asie

Ce matin l’Asie est globalement légèrement en baisse. La BOJ a laissé ses taux inchangés lors de son premier meeting sous l’ère Takaichi et le reste du monde digère le meeting entre Trump et Xi Jinping qui vient de se terminer. Le pétrole est à 60.20$, l’or est à 3’970$ et le Bitcoin vaut 109’000$. Mais ce qu’il faut retenir de ce qui s’est passé cette nuit, se trouve sur le terrain géopolitique.

C’était la première rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping depuis six ans, et pour l’occasion, les deux présidents se sont retrouvés à Busan, en Corée du Sud. Le résultat de ce meeting qui a duré 1 heure et 40 minutes, c’est une poignée de main, un deal d’un an sur les terres rares, et une série d’annonces dont seule la Maison-Blanche a le secret. Rien qu’on n’avait pas vu venir avec les déclarations de ces derniers jours. Trump a annoncé fièrement que les droits de douane sur le fentanyl chinois allaient passer de 20 % à 10 %. Le fentanyl, cette drogue responsable de milliers de morts aux États-Unis. Officiellement, c’est pour “inciter Pékin à coopérer” et à “stopper les exportations illégales”. Officieusement, c’est un moyen de dire : “On vous fait confiance, mais pas trop longtemps.” En parallèle, il a aussi réduit les droits de douane totaux sur la Chine de 57 % à 47 %. Et en échange, Pékin promet de reprendre ses achats de soja américain et de “travailler très dur pour réduire le fentanyl”.
Moins de taxes contre plus de bonne volonté. Trump a également déclaré que “la question des terres rares est réglée”. Un accord d’un an, renouvelable chaque année, pour sécuriser l’approvisionnement américain en métaux critiques. Concrètement, les États-Unis obtiennent une garantie d’accès à certains minerais chinois et la Chine obtient un peu de répit sur le front commercial et on n’a pas dit un mot sur Taïwan, histoire de ne pas se fâcher bêtement.

En conclusion Trump a obtenu ce qu’il voulait : une photo historique, un deal court terme et une illusion de contrôle. Xi, lui, gagne du temps, relance ses exportations, et fait mine de coopérer. Et pendant que les deux jouent à la diplomatie, les investisseurs observent parce qu’ils savent très bien que “un accord d’un an” avec Trump, c’est comme une trêve dans une télé-réalité : tout le monde se félicite… jusqu’à l’épisode suivant.

Shutdown et records

Voilà, les 24 dernières heures ont été chargées. Et c’est pas fini. Ce soir c’est Apple et Amazon, mais ça ne devrait plus changer grand-chose. Les États-Unis sont toujours sous SHUTDOWN, c’est le 29ème jour et à voir comment ça ne bouge pas, il est plus que probable que dès mardi soir, nous battrons le record du plus long SHUTDOWN de l’histoire avec ses 35 jours. On commence à entendre parler de pression financière dans certains secteurs et on parle même de risque de ralentissement du côté des contrôleurs aériens. Bref, on sait que le SHUTDOWN n’impacte pas l’économie sur le long terme, parce qu’une fois que ça réouvre, ça repart quand même et on rattrape le retard, mais là on se retrouve quand même dans une zone inconnue qui pourrait avoir un peu plus de conséquences que prévu.

Aujourd’hui, il y aura le PIB français, allemand et américain et puis il y aura la décision de la BCE sur les taux et on n’attend ABSOLUMENT rien, du bla-bla et de l’inaction. On verra ce qu’on arrive à trouver comme indices dans le décodage du discours de Madame Lagarde, mais disons que là tout de suite, il ne faut pas trop s’attendre à de grandes surprises ou de grandes manœuvres. Et puis, histoire de mettre l’ambiance, Donald Trump a ordonné au Pentagone de reprendre les tests nucléaires américains, une première depuis 1992, en invoquant les essais récents menés par d’autres puissances. Il a déclaré vouloir agir “on an equal basis”, sans préciser ce que cela signifie concrètement. L’annonce intervient juste après que la Russie ait testé sa torpille nucléaire Poseidon, ainsi que son missile Burevestnik, dans une série d’exercices stratégiques. Trump affirme que les États-Unis possèdent “plus d’armes nucléaires que quiconque”, alors que les chiffres montrent que la Russie reste devant, avec environ 5’459 ogives contre 5’177 pour les USA. Sur Truth Social, il a parlé du “Department of War”, un nom qu’il a rétabli par décret en septembre, même si le Congrès n’a jamais approuvé ce changement. Le ton rappelle la Guerre froide, avec un parfum de course à l’armement revisité façon 2025. Le dernier test américain remontait à l’ère George H. W. Bush, et depuis, un moratoire unilatéral était en place, complété par le Traité d’interdiction des essais nucléaires signé par Clinton en 1996. Trump rompt donc avec trois décennies de retenue stratégique. Officiellement, il s’agit de “rétablir l’équilibre” face à Moscou et Pékin.
En réalité, c’est un message politique musclé destiné à montrer qu’il “reprend la main” sur la scène mondiale. Un geste à la fois symbolique, risqué et explosif, qui replace les États-Unis au cœur d’un nouvel âge nucléaire — version Trump : bruyante, imprévisible et très médiatique. Manquait plus que ça.

En conclusion, Powell a baissé les taux, mais son “far from it” a glacé l’ambiance. Les marchés ont fait la moue, le 10 ans s’est envolé, et tout le monde cherche déjà le prochain “buy the dip”. Pendant ce temps, Microsoft cartonne, Google explose, et Meta crame du cash au nom de l’IA. Trump, lui, joue les pyromanes diplomatiques : un petit deal avec Xi sur les terres rares, une baisse de tarifs sur le fentanyl… et, cerise radioactive, la reprise des tests nucléaires américains. On y a joute un shutdown record, une BCE en mode pause-café. Ce soir c’est Apple et Amazon, et dans deux jours, c’est le week-end.

Excellente journée à tous.. et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

Don’t let the noise of others’ opinions drown out your own inner voice.
Steve Jobs