Les arguments sont assez simples : détentes des relations entre la Chine et les USA, la FED qui va baisser les taux demain et les Magnificent Five qui vont sûrement cartonner entre mercredi et jeudi soir. Ça ne sont pas des sujets que l’on ne connait pas, ça fait plusieurs jours qu’on nous les réchauffe. Les attentes sont basses, les sociétés ne peuvent pas se planter, Trump laisser planer la possibilité d’un happy end et la FED n’est même plus une question, c’est un aboutissement logique après deux ans de hausse. Hier le S&P a battu son 35ème record de l’année et malgré des marchés qui sont surévalués de tous les côtés, les records tombent comme des mouches et on a peur de rien.

L’Audio du 28 octobre 2025

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Shoot d’oxygène

Hier, la Bourse américaine s’est offert un vrai shoot d’optimisme. Un de ceux qui font voir la vie en rose, même quand le gouvernement est en shutdown et que tout le monde licencie.
Les investisseurs ont décidé que tout allait bien : la “fragile trêve commerciale” entre les États-Unis et la Chine a suffi pour allumer la mèche. Et la perspective quasi certaine que la Fed baisse les taux mercredi a fait le reste. Résultat : tout le monde a acheté tout ce qui bougeait — du S&P 500 au Nasdaq, jusqu’aux petites caps du Russell 2000. Le S&P 500 a pris 1,2 % et signé son 35ème record de l’année, pas sûr qu’il nous reste assez de bougies et de champagne si les records continuent à tomber à cette allure. Le Nasdaq s’est envolé de 1,9 %, propulsé par la tech, et le Dow Jones a grimpé de 0,7 %. Même le Russell 2000, d’habitude aussi nerveux qu’un escargot, a pris 0,3 %.

C’est encore une fois du côté de la tech qu’il faut chercher les responsables. Microsoft et Apple sont en train de se battre pour intégrer le club des sociétés qui valaient plus de 4’000 milliards. Apple terminait en hausse de 2.2% à 3’900 milliards et Microsoft clôturait juste derrière. Si l’on additionne, Apple, Microsoft et Nvidia, on est déjà à plus de 12’000 milliards de capitalisation boursière. Je ne vous fais pas un dessin, mais c’est énorme quand on se souviens que si on additionne Nestlé, Roche et Novartis, on n’arrive même pas à 700 milliards. Bref, c’était la fête du silicium, de l’iPhone, du Cloud et de l’IA : Apple, Alphabet, Nividia et Qualcomm ont mené le bal. Le fonds Roundhill Magnificent Seven a gagné plus de 2 %, et Qualcomm s’est payé le luxe d’ajouter 30,5 milliards de dollars de capitalisation en une seule séance avec une hausse de 11%. L’action a explosé après l’annonce d’un deal géant avec la société saoudienne Humain, qui va utiliser ses nouvelles puces IA pour serveurs — capables de générer une puissance de 200 mégawatts. Pendant ce temps, Nvidia et AMD surfent sur les rêves de trêve commerciale. Leurs puces, au cœur du bras de fer technologique sino-américain, restent l’objet de toutes les convoitises. Washington garde la main sur les exportations, Pékin fait mine d’entrouvrir la porte à l’espoir, et les investisseurs achètent — parce que “constructif” est devenu un mot magique à Wall Street. Que ce soit hypothétique ou pas. Tout le monde parie sur un deal de folie entre la Chine et les USA, Trump entretien la hype, mais prévient aussi qu’il n’exclut pas de changer d’avis au dernier moment. Du Trump tout craché, mais aussi fou que ça puisse paraître, le marché n’a même pas réagit à cette déclaration de doute et de méfiance. Le marché veut des acheteurs, le marché veut des BULLS, de l’euphorie et le S&P à 7’000 à la fin du mois de novembre en spéculant sur une autre baisse des taux. Pas celle de demain, mais celle de Noël.

On réveille les vieux discours

Les investisseurs attendent maintenant les résultats des « big names » qui vont sortir entre demain soir et jeudi soir avec une foi quasi mystique, le marché sait qu’“ils vont battre les attentes grâce à l’IA.” On s’attend à tout, sauf à une déception. Les experts commencent même à nous dire que comme les attentes sont « trop basses », il semble impossible qu’ils ratent leur trimestre et tout devrait bien se passer. Hier Nvidia titillait ses records du début du mois et Amazon terminait en hausse de 1.23% après avoir annoncé 30’000 licenciements dans ses services administratifs. La raison ? Ils veulent conserver plus de cash tout en optimisant les revenus et puis entre IA et robotisation, on n’a plus besoin d’autant de monde. 30’000 personnes de plus sur le carreau et 30’000 personnes de plus qui apparaîtront dans les chiffres du BLS si le SHUTDOWN se termine un jour.

Et pendant qu’on y est, Tesla reprend 4,3 %, sans vraie raison valable fondamentale — juste grâce à la ferveur ambiante. Musk a parlé de “robots humanoïdes” et de “self-driving”, et ça suffit pour faire grimper l’action. Et puis des experts commencent à dire que le système de conduite autonome de Tesla commence à devenir quasiment parfait. Encore un truc que je n’aurais jamais l’occasion de tester. Actuellement, il n’y a pas besoin de grand-chose pour faire monter Wall Street, juste croire que Trump va faire ce qu’il faut, croire que les chiffres vont passer crème et que la FED va baisser les taux. On voit très mal ce qui pourrait mal se passer.

Trump, la diplomatie à géométrie variable

Et puisque le scénario ne serait pas complet sans un peu de politique-fiction, voici Donald Trump en mode Kissinger 2.0. Sur le chemin de la Corée du Sud, il a promis une “rencontre réussie” avec Xi Jinping ce jeudi. Traduction : il espère serrer des mains, faire de belles photos et peut-être annuler quelques tarifs douaniers, si les Chinois se plient à ses désirs.
Mais il a aussi précisé qu’il “pourrait changer d’avis d’ici deux jours”. Évidemment ça aurait été trop facile sans que le Président nous rappelle son incapacité à tenir une parole ou à ne pas changer d’avis 22 fois avant de signer un vrai deal, qui pourra de toutes façons, être remis en question. Les négociateurs, eux, se félicitent : soja, fentanyl, métaux rares… tout y passe. Washington promet moins de tarifs, Pékin promet plus d’achats. Une trêve “constructive”, donc. Comme d’habitude, on signe la paix à midi et on menace de guerre à 17h. Et la détente sur les terres rares aura coûté très cher au secteur sur le marché US, puisque si les terres sont un peu moins rares, il est normal que des boîtes comme MP MATERIALS et USA RARE EARTH se fasse déglinguer sur la nouvelle. Trump s’attend même à boucler un deal sur TikTok, où ByteDance pourrait enfin obtenir le feu vert de Pékin. Et comme si ça ne suffisait pas, il parle aussi d’un accord “presque prêt” avec la Corée du Sud. Presque. Comme d’habitude.

Plus de nuances, juste un bouton BUY !

Mais peu importe, on n’entend plus les nuances, on achète, on court derrière et on galope pour poursuivre et surtout ne pas rater la hausse. Ce mardi la FED commence son marathon de deux jours. Enfermés avec des sandwichs et du café les banquiers centraux vont causer deux jours pour nous donner ce qu’on attend. À savoir une baisse des taux de 25 bp qui est déjà quasiment actée par le marché. Il ne nous reste plus qu’à savoir si on va vendre la nouvelle ou si les mots de Powell vont laisser entendre qu’il reste Dovish pour les fêtes de Noël, histoire de garder la motivation intacte !

Autrement, même si ça n’intéresse strictement plus personne, le gouvernement américain est toujours en shutdown, Nestlé, Target et Amazon licencient, et la dette publique grimpe plus vite que le Nasdaq. Mais à Wall Street, on s’en fout : tant qu’il y a un 36ème record à battre, tout va bien. Le VIX est tombé à 15,8, contre 25 au début du mois — preuve que plus rien ne fait peur à personne. L’or chute, l’argent aussi, et même les obligations perdent en attrait. La confiance est à son apogée et on n’a peur de rien. D’ailleurs, je n’arrête pas de chercher, mais je ne trouve pas ce qui aurait le pouvoir de nous faire faire un 180° et d’entrer en mode panique.

L’Europe joue la prudence (façon Lagarde)

Pendant que les Américains sabrent le champagne, les Européens sirotent leur café en silence. Londres et Paris reculent timidement de 0,1 %, Francfort grappille 0,1 %, et Madrid fait la meilleure figure avec +0,4 %. Tout le monde attend la même chose : Powell mercredi, Lagarde jeudi, et les résultats des GAFAM. Oui, je sais on répète un peu les mêmes recettes, mais on n’a pas la même motivation pour monter qu’aux USA. En Europe, la BCE ne devrait rien bouger. Les taux resteront à 2 %, et Lagarde répétera que “la politique monétaire reste appropriée” — le mantra préféré des banquiers centraux quand ils ne savent plus quoi dire. On notera qu’hier, l’indice IFO du climat des affaires en Allemagne est remonté à 88,4 en octobre (contre 87,7 en septembre). Une hausse symbolique, mais suffisante pour espérer que la locomotive allemande ait encore un peu de charbon dans le bide.

En Asie

Trump s’est fait plein de selfies avec la nouvelle Première Ministre Japonaise et les marchés asiatiques se sont un peu dégonflés ce matin. Après les records de Wall Street portés par la tech, l’Asie reprend son souffle, digère la tournée diplomatique de Donald Trump dans la région et attend surtout les grandes messes monétaires de la semaine : la Fed, la Banque du Japon et la BCE. Tokyo était sous pression et perdait 0,4%, effaçant une petite partie de son record historique au-dessus des 50’500 points. Rien de dramatique, juste un peu de prise de bénéfices après la fête. La rencontre entre Trump et Sanae Takaichi a fait les gros titres. Au menu : défense, commerce, et un gigantesque plan d’investissement américain de 550 milliards de dollars pour des projets communs en infrastructures, énergie propre et technologie. Autrement dit : un message clair à la Chine, que Trump retrouvera cette semaine en Corée du Sud pour tenter de boucler un accord commercial déjà esquissé à Kuala Lumpur. Côté Chine, pas de panique : les indices sont restés stables, pendant que Hong Kong cédait 0,3%.

Du côté des matières premières, le pétrole consolide au-dessus des 61$, l’or repasse sous les 4’000$ – ce matin il est à 3’987$, le rendement du 10 ans repasse en-dessous des 4% et le Bitcoin traite à 113’000$.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, En parallèle des licenciements, Amazon investira 1,4 milliard d’euros aux Pays-Bas pour booster son cloud et son e-commerce local. On coupe les têtes à Seattle, mais on plante les drapeaux à Amsterdam. Petit rebond chez Boeing grâce à de nouveaux contrats d’achat d’avions par la Malaisie et le Cambodge, signés dans le cadre des accords commerciaux du week-end. La grève continue dans les usines d’armement de Saint-Louis, mais Wall Street s’en fiche : tant qu’on vend des avions, tout va bien. On annonce également un mariage dans les banques régionales aux États-Unis : Huntington rachète Cadence Bank pour 7,4 milliards de dollars via un échange d’actions. Et pendant ce temps, Docteur Pepper, Le roi du soda et du café muscle son jeu : accord à 18 milliards de dollars pour racheter JDE Peet’s (le géant néerlandais du café). Financement assuré par les gros bras du private equity (KKR, Apollo, Goldman Sachs) — qui mettent 7 milliards sur la table et s’offrent au passage une participation dans la division boissons.

HSBC reste optimiste pour 2025, même après une provision surprise de 1,1 milliard de dollars liée au scandale Madoff. Le bénéfice avant impôts du trimestre a reculé de 14% à 7,3 milliards, mais les revenus dépassent les attentes, et la banque relève ses prévisions : rendement sur fonds propres autour de 15% et marge d’intérêt en hausse. L’action gagne 3% à Hong Kong. Et puis pour rester sur une touche optimiste : Selon un article publié sur MarketWatch hier, nous sommes dans un des marchés les plus surévalués de l’histoire américaine, toutes mesures confondues. Beaucoup justifient la hausse actuelle par des profits d’entreprises solides, mais c’est une erreur classique : une bulle ne naît pas de bénéfices faibles, mais d’un marché qui grimpe beaucoup plus vite que ces bénéfices. Un exemple : en 2000, les profits du S&P 500 progressaient de 33 %, et la bulle Internet a tout de même explosé. Aujourd’hui, le ratio PE est plus élevé qu’à n’importe quelle période, sauf mars 2000. Et on se souvient du résultat : un krach suivi d’une décennie de performances réelles négatives. Même constat avec le CAPE ratio de Shiller — basé sur les profits ajustés sur 10 ans — qui frôle 40, un niveau vu uniquement lors du pic de la bulle Internet, là aussi.
Les autres indicateurs de valorisation racontent la même histoire : le marché est plus cher que 98 % du temps depuis 150 ans. En clair : ce bull market n’a aucun vrai support fondamental, si ce n’est le sempiternel argument :

« Cette fois c’est différent »…

Et on le sait, ce sont les quatre mots les plus dangereux de Wall Street.

Les chiffres

Du côté des chiffres, nous aurons le climat de consommation en Allemagne, le nombre de demandeurs d’emplois au royaume de Macron et la confiance du consommateur aux USA. Sur le plan des trimestriels, il y aura Visa, Novartis, Air Liquide, United Healthcare, NexTera, Iberdrola, American Tower.

En résumé, Tout le monde y croit, tout le monde achète, plus personne n’a peur,
La Fed va baisser les taux, Trump promet la paix commerciale et Wall Street bat record sur record comme si rien ne pouvait casser. Mais les bull markets ne meurent pas de peur — ils meurent d’excès de confiance. Et là, on déborde d’excès de confiance.

Excellente journée à tous et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Socialism is a philosophy of failure, the creed of ignorance, and the gospel of envy, its inherent virtue is the equal sharing of misery.”

Winston Churchill