Encore une journée comme les autres dans le monde merveilleux de la finance. Les indices américains ont battu des records pendant que les « gourous » de la finance se succèdent sur les plateaux avec des messages de prudence concernant un éventuel krach boursier à venir, tout en étant parfaitement conscient que le marché peut encore monter de 50% avant de s’effondrer lamentablement – mais au moins ils l’auront dit – et puis pendant ce temps, les deals sur l’IA se multiplient comme des pains au chocolat Hier c’était AMD et OpenAI. Open AI qui fait des infidélités à Nvidia. Mais à la fin, le S&P500 est au plus haut de tous les temps et y a que ça qui compte. Pour le reste il y avait la France…

L’Audio du 7 octobre 2025

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Action !

Il y a des jours où les marchés ressemblent à un film de Tarantino : c’est brillant, bruyant, ça part dans tous les sens et à tout moment, on sait que ça peut finir dans une flaque de sang…ou au plus haut de tous les temps. Hier, entre l’euphorie américaine portée par l’intelligence artificielle (oui, encore elle), le vaudeville politique français, la nervosité japonaise, et quelques secousses du genre AppLovin et Tesla, la finance nous a offert un spectacle complet : de la comédie, du drame, du sang, des larmes et pas mal de sourires en coin quand Lecornu a battu des records de vitesse hier matin…

Aux États-Unis, on a encore eu droit à un remake de « nous sommes dans un bull market forever ». Le S&P 500 a signé une septième séance de hausse consécutive, le Nasdaq a suivi le mouvement, pendant que le Dow Jones faisait la gueule — plombé par ses vieux secteurs un peu chiants. Forcément quand tu peux te raccrocher uniquement à la santé, la conso de base et deux-trois banques qui se courent après et que t’as pas d’Intelligence Artificielle dedans, tu dois trouver le temps super-long. Oui, vous l’avez compris, hier ENCORE UNE FOIS, le sujet du jour c’était l’IA. Oui, l’IA. Parce qu’aussi fou que ça puisse paraître, le sujet de la grandeur de la France et de décadence de Manu, n’intéressait personne aux States, mais on y reviendra. Hier les investisseurs ont donc repris leur cheval de bataille favori : l’IA et avec une grosse préférence – une fois n’est pas coutume – une grosse préférence pour AMD…

Un mariage à trois

La boîte de Lisa Su a dégainé l’annonce de l’année – enfin UNE AUTRE ANNONCE DE L’ANNÉE : un partenariat XXL avec OpenAI pour livrer 6 gigawatts de processeurs graphiques – l’équivalent énergétique de six réacteurs nucléaires. Le premier giga arrivera en 2026, les cinq autres suivront. Mais le clou du spectacle, c’est cette “option magique” : OpenAI pourra acheter jusqu’à 160 millions d’actions AMD à… 1 centime pièce si certains objectifs sont atteints d’ici 2030. Autrement dit, Sam Altman pourrait devenir actionnaire de 10% d’AMD pour le prix d’un café chez Starbucks. L’histoire ne dit pas s’il paiera avec l’argent versé par Nvidia. Mais c’est un autre sujet. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’AMD a terminé en hausse de 23.7% et que Nvidia et Broadcom faisaient la gueule en reculant plus ou moins de 1%. Wall Street adore les nouveaux couples, surtout quand il y a un truc de glamour, mélangé avec un soupçon de revanche. Oui, parce qu’avec cette alliance, AMD vient clairement marcher sur les plates-bandes de Nvidia. Nvidia qui vient de lâcher 100 milliards à OpenAI, tout ça devient presque incestueux.

Le reste n’est que de la psychologie boursière ; on s’emballe sur AMD, on adore l’IA, les semi-conducteurs s’envolent, le SOX termine en hausse de près de 3% et au plus haut de tous les temps, bien sûr. On continue donc d’y croire dur comme fer. Malgré le shutdown dont tout le monde se fout et qui vient d’être encore une fois prolongé cette nuit puisque les fabuleux politiciens n’ont pas réussi à se mettre d’accord, et ne fait plus peur à personne. Pas de statistiques, pas de panique — tant que la Fed laisse entendre qu’elle pourrait baisser les taux fin octobre, ça suffit amplement pour faire péter les cocktails et le champagne dans les bars de Wall Street et d’ailleurs. En résumé, comme disait un analyste hier soir : “Le marché prolonge sa dynamique haussière alors que certains pensent que la Fed sera plus cool que prévu. Après je ne sais pas ce qu’il faut comprendre par « plus cool que prévu ». Pour le moment on parie toujours sur 99% de chances de voir une baisse des taux de 0.25% dans 3 semaines et rebelotte en décembre, 0.25% aussi. Mais plus cool que ça, je ne sais pas ce que l’on s’autorise à penser pour les mois à venir. Disons que Wall Street est en train de se dire que la FED est vraiment notre meilleure amie et que plus rien ne peut nous arriver, mis à part un méga-tremblement de terre qui engloutirait la Silicon Valley. Et encore, à l’heure actuelle, avec la Bullish Attitude que nous affichons, je ne suis pas sûr que ça suffise pour faire baisser les indices.

Manu qui s’enfonce dans le ridicule, LeMaire qui repart (déjà) à Lausanne

Mais LE SUJET d’hier, si vous n’étiez pas chargés d’AMD comme des mules, c’était la pièce comique qui était jouée en direct sur BFM TV par les politiciens français. Donc. Hier matin, je vous ai laissé ici-même avec le nouveau gouvernement de Lecornu qui ressemblait au vieux gouvernement de Bayrou, mais en pire. Et puis, alors que j’avais à peine publié, Lecornu s’est barré à l’Élysée pour rendre les plaques et expliquer au Président que « ça n’allait pas le faire » et qu’en fait c’était tout de la faute à Retailleau parce qu’il était pas content que Lecornu ait nommé LeMaire dans son dos. Bref, encore une fois le bricolage arrangé par ce qui reste du Président Français n’a pas fonctionné. Un Président Français qui s’accroche au pouvoir comme certains insectes nuisibles à certaines parties du corps lorsqu’on a des problèmes d’hygiène. Je ne vais pas vous refaire le résumé de la journée d’hier, on en a assez entendu, ce qu’il faut surtout retenir c’est que la France n’a DE NOUVEAU plus de gouvernement et que cette fois, ça devient très compliqué pour Manu de trouver des solutions qui feraient qu’il ne passera pas pour un con – sauf s’il démissionne.

Toujours est-il que la conférence de presse de Lecornu a déclenché un mini sell-off. Au vu de la réaction du CAC40, on ressent surtout de lassitude de la part des intervenants qui en ont tout simplement – excusez-moi du terme – plein le cul de ces tocards de politiciens donneurs de leçons qui passent tour à tour devant les caméras pour expliquer qu’EUX, ils veulent le bien de leur pays et que c’est tout la faute des autres qui pensent qu’à leurs fesses. Mais comme tout le monde dit la même chose devant les caméras – en rejetant la faute sur les autres, il y en a forcément qui mentent et qui se foutent de la gueule du monde. Comme disait Coluche : « Ça fait beaucoup marrer les gens de voir qu’on peut se moquer de la politique, alors que, dans l’ensemble, c’est surtout la politique qui se moque de nous. »

Mieux que Truss

À la fin le CAC s’est pris -1,36% dans les dents, pour clôturer à 7’971 points. Tout ça parce que la France n’a plus de Premier ministre. Pas que les 6 derniers aient servi à quelque chose, mais bon. Sébastien Lecornu, nommé il y a 28 jours, a démissionné lundi matin, 14 heures seulement après avoir présenté son gouvernement. Un record. On pensait que Liz Truss (45 jours à Downing Street) détenait la médaille du sprint politique. Lecornu vient de la battre à plate couture et les inquiétudes grandissent sur la fragilité du système politique français – sans blague ? – Macron n’a plus d’autre solution que de nommer un premier ministre de gauche ou de se casser, ou de dissoudre encore une fois. En attendant, la deuxième économie de la zone euro se retrouve sans direction, sans budget, sans majorité. Autrement dit, un terrain de jeu parfait pour les spéculateurs obligataires. L’euro a plongé jusqu’à -0,8 % avant de se reprendre à -0,26 % autour de 1,171 contre dollar, le 10 ans français est monté à 3.61%, les banques françaises se sont faites déglinguer parce que leurs capitaux, c’est de la dette française, SocGen perdait 4.23%, Crédit Agricole 3.43% et la BNP abandonnait 3.21%.

Le “spread” entre les taux français et allemands est désormais de 0,85 point, contre 0,50 avant la dissolution de 2024. Et on parle déjà d’une intervention de sauvetage de la BCE au cas où le spread atteindrait les 1 point de base. Un plan de sauvetage qui mettrait en place des guidelines drastiques pour redresser la France et qui seraient l’humiliation absolue pour Emmanuel Macron qui se retrouve de plus en plus affaiblit et de plus en plus isolé. Finalement, je me demande s’il n’aurait peut-être pas meilleur temps de nommer sa femme comme Premier Ministre… À moins que ce soit « Première Ministre ». Bref, les marchés semblent relativement immunisés contre ce spectacle pathétique qu’est le cirque qui nous est offert. Par contre, il ne faudra pas être surpris quand les autres organismes de rating – type S&P & co viendront encore downgrader la dette du pays. Le projet de Macron est en train de fondre comme neige au soleil et ça devient dramatique.

Le Japon : nouveau Premier ministre, vieux démons

Du côté de l’Asie, on le sait, le Japon, lui, vient de faire entrer une femme à la tête du pays pour la première fois de son histoire. Sanae Takaichi, nouvelle cheffe du Parti libéral-démocrate, sera donc la première Première ministre du Japon. Le symbole est fort. Mais derrière l’émotion, les marchés obligataires ont eu des sueurs froides. Takaichi, c’est du Abenomics pur jus : croissance d’abord, rigueur plus tard. Le résultat a été immédiat, le yen s’est effondré à un plus bas historique contre l’euro, le Nikkei s’est envolé hier et continue sa marche en direction des 50’000. Par contre, les bonds à 30 ans ont bondi à 3.28%, un record absolu. Oui, avec l’inflation et des taux en hausse, le Japon doit offrir plus de rendement pour attirer les investisseurs. Certains experts commencent même à dire que Takaichi pourrait relancer une politique de yen fort pour contenir l’inflation importée.
Mais entre les ambitions budgétaires et une dette qui pèse déjà plus de deux fois le PIB, le Japon joue avec le feu, en espérant ne pas s’y brûler.

Du côté du baril, L’OPEP+ a calmé le jeu : la hausse de production prévue pour novembre sera limitée à +137’000 barils par jour, loin des 500000 anticipés. Résultat : le Brent reprend 1,46 % à 65,47 $, le WTI +1,33 % à 61,69 $. Le marché respire un peu mieux, mais la peur d’une surabondance d’ici la fin de l’année reste bien présente. L’or est à 3’998$… un nouveau millier est proche et le Bitcoin se traite à 124’600$, pendant que le rendement du 10 ans est à 4.15%.

Les nouvelles à retenir

On reparle donc de Tesla. Ce week-end, Elon Musk a refait du Elon Musk en postant deux teasers sur X. Tout d’abord une espèce de turbine qui tourne en donnant la date du 7 octobre… aujourd’hui. Et des phares de voiture qui s’allument dans le noir. Résultat : tout le monde s’emballe, le titre Tesla prend +5,5 %, et les spéculations partent dans tous les sens.
La rumeur la plus crédible, c’est l’arrivée d’un Model Y “low cost”, la version dépouillée du SUV star, censée ramener Tesla vers le grand public. Chose que l’on attend depuis un moment. En réalité, Tesla n’a rien sorti de neuf depuis des lustres, pendant que les constructeurs chinois balancent un nouveau modèle tous les trois mois. Les investisseurs sont donc divisés : les uns veulent un vrai nouveau produit et les autres pensent que l’avenir, c’est ailleurs : les robotaxis, les humanoïdes, et la conduite autonome. Bref, Musk continue de vendre du rêve et des phares allumés dans le noir.

Et pendant qu’il fait le show, un autre acteur tech s’est pris un mur : AppLovin. La boîte d’IA publicitaire, star du S&P 500 (+81 % depuis janvier), a perdu 14 % lundi après un article de Bloomberg révélant une enquête de la SEC sur ses pratiques de collecte de données. Rien d’officiel, juste une “enquête préliminaire”, mais sur les marchés, c’est suffisant pour faire paniquer tout le monde. Le porte-parole s’est voulu rassurant, déclarant que c’était que du grand classique et qu’ils parlent régulièrement avec les autorités régulatoires. Sauf que ce n’est pas la première fois : déjà en février, des vendeurs à découvert accusaient AppLovin de forcer des installations d’apps et de pomper les données de Meta. Affaire à suivre.

Conclusion

En résumé Wall Street plane grâce à l’IA, AMD remplace Nvidia sur le podium du meilleur gendre de l’année, Paris continue de s’enfoncer dans la crise politique et après m’être gavé de BFM TV hier, je crains que ça ne soit que le début. Tokyo célèbre sa première femme Première ministre mais tremble pour sa dette et le pétrole se redresse et l’or atteint son palier intermédiaire. Pour le moment, le shutdown continue, les futures sont très légèrement en baisse et on n’attend le Trade Balance aux USA, ainsi que les Factory Orders en Allemagne, il y a des banquiers centraux qui vont parler comme Bostic, Bowman, Kashkari et Lagarde… Pour le reste, c’est très calme et on attend le prochain évènement excitant.

S’il y en a un.

Passez une très belle journée et on se voit demain pour la suite du feuilleton français et la suite du feuilleton shutdown, vivement jeudi que Powell parle.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« Le plus dur pour les hommes politiques, c’est d’avoir la mémoire qu’il faut pour se souvenir de ce qu’il ne faut pas dire. »

Coluche