Hier, Wall Street a confirmé qu’elle souffrait de trouble bipolaire : vendredi, la panique totale, lundi, l’euphorie absolue. Ou presque. Il aura suffi d’un “Don’t worry about China” signé Trump pour que les algorithmes se fassent un 180 degrés sur route en mode Fast & Furious et en un petit week-end, nous sommes passés de la guerre commerciale totale avec les USA qui se retrouvent sans terres rares à une garden party chez Monsieur l’Ambassadeur avec des Ferrero Rocher un peu partout. Trump envoie des « free-hugs » à Xi et Bessent prédit un meeting entre les deux en Corée du Sud, les métaux exultent, la tech réexplose et tout le monde se dit que ça va bien se passer. Jusqu’au prochain tweet.

L’Audio du 14 octobre 2025

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Le syndrome du poisson rouge

Nous avons donc vécu le grand retour du “tout va bien”. Alors bien sûr, nous ne sommes pas encore revenus au plus haut de tous les temps, mais le S&P500 a réintégré son canal ascendant, et n’est plus qu’à 1.7% des plus hauts de tous les temps. Autrement dit : une bonne publication trimestrielle dans le secteur de la tech et c’est plié. Le S&P500 terminait en hausse de 1,6 %, et le Nasdaq de 2,2 %. Autrement dit : la moitié de la gamelle de vendredi a déjà été effacée. Pourtant, il ne s’est strictement rien passé. Les Chinois n’ont pas annoncé qu’ils renonçaient à leurs réglementations sur les exportations de terres rares, Nvidia n’as PAS ENCORE fait de take over sur AMD, mais Broadcom est le nouvel élu d’Open AI et viens se greffer à la nouvelle danse circulaire des boîtes d’intelligence artificielles qui viennent étancher la soif de GPU et autres semi-conducteurs d’Open AI. Les datacenters poussent comme des champignons et si t’as pas ton deal avec Open AI, t’es plus personne. Mais ceci mis à part – ce qui a vraiment faire remonter le marché c’est l’état de grâce de Donald Trump qui – avant d’aller marcher sur l’eau en terre sainte – a lâché un message pour dire qu’il ne fallait pas s’inquiéter sur la Chine.

La Chine n’est pas finalement « pas un ennemi, mais juste une amie mal comprise ». Pas d’accord signé, pas de trêve réelle, juste une phrase. Pas de Chine qui revient en arrière sur ses décisions. Juste un Trump qui SOUDAINEMENT est moins agressif et qui a dû se faire remettre en place par son staff qui lui a expliqué que là tout de suite, se foutre sur la gueule avec la Chine, tant commercialement que militairement, c’était peut-être pas une bonne idée. Quoi qu’il en soit, hier on a bien compris que dans l’ambiance actuelle, une phrase de Trump vaut autant qu’un plan de relance monétaire ou qu’une déclaration de Powell qui annonce que finalement, il va baisser les taux de 100 points de base dans 2 semaines.

Mémoire à court terme endommagée

En tous les cas, encore un fois, ce marché fait preuve d’une résilience absolument terrifiante ou ahurissante. Honnêtement je ne sais ce qu’il faut choisir. Vendredi sur un post du Président ont entre en mode « PANIQUE » à la vitesse de la lumière. Comme si on savait tous pertinemment que ce moment allait arriver et que la « mère de toutes les corrections » avait commencé. Et puis sur un autre post du Président, on s’est refait le voyage – partiellement – dans l’autre sens. C’est impressionnant. C’est impressionnant déjà parce que nous sommes en train de revivre ce qui s’est passé lors du précédent mandat de Trump – parce qu’on l’a oublié, mais Trump a déjà été Président et c’était EXACTEMENT la même chose – à l’époque j’avais annulé mon abonnement Bloomberg pour me créer un compte sur Twitter. On n’avait besoin que de ça pour traiter à l’époque ; un tweet positif et BAM ! le marché prenait 2%. Un tweet négatif et patatra, on se faisait le voyage inverse. Trump 2.0 n’a rien de différent. On est toujours aussi influençables et lui est toujours aussi instable.

Mais aujourd’hui on a un petit truc en plus, on sort d’un bull market de folie avec des valorisations de débile mental et on est tous en train de se dire qu’un de ces quatre, on va bien finir par se la prendre – la claque monumentale – le mars 2000 de 2025 – le nouveau krach de la décennie. Du coup, on n’hésite pas trop à sauter par-dessus bord au moindre signe de truc pourri qui se pointe à l’horizon. Mais autant nous sommes très enclins à nous emballer à la vitesse d’un labrador qui entend le mot « croquette », nous sommes également – dans l’autre sens terrorisés de rater la suite du Bull Market qui pourrait emmener le S&P à 7’000 à la fin du mois, à 8’000 à la fin de l’année et à 10’000 en mars prochain quand Powell ramènera les taux à zéro avant de partir à la retraite. En résumé, nous sommes terrifiés dans les deux sens – à moins que ce soit les algos qui nous amplifient le truc comme des cons – mais une chose est sûre, PERSONNE ne veut être « dedans » quand ça va baisser et personne ne veut être laissé au bord de la route si le Dow Jones va à 100’000 et si Nvidia passe les 10’000 milliards de market cap l’année prochaine. Et pour ne rien rater on ne fait pas dans la dentelle, on n’est pas dans la microchirurgie, nous c’est tronçonneuse à essence et bulldozer version XXL.

Retour en grâce

Bref, hier la volatilité est repassée sous les 20% en nous regardant droit dans les yeux comme pour dire : « désolé, c’est ma faute je me suis emballée connement, tout est redevenu normal, Trump est notre ami, les Chinois sont nos cousins et l’IA et Code Quantum, c’est trop cool ! La confiance est revenue, vous pouvez vous rendormir et racheter des Bitcoins, tout va bien ». Et pendant que les traders reprenaient confiance, l’or et l’argent battaient des records historiques — l’argent n’avait pas connu un tel sommet depuis 1980. Autrement dit : tout le monde se détend, mais tout le monde se couvre quand même parce qu’il ne faut quand même pas oublier que l’on n’achète pas de l’or (et de l’argent dorénavant) pour DEVENIR RICHE, mais pour RESTER RICHE… Nous sommes donc rentrés dans la saison « du hedging optimiste ». En gros on n’a pas assez peur pour acheter des puts à la pelle, mais on est largement assez inquiets pour charger la barque avec des trucs qu’on ne nous reprochera pas d’avoir en portefeuille le jour où ça se pète la gueule…

Maintenant que Trump nous a sauvé les miches dimanche soir et que l’on s’autorise à penser dans les milieux autorisés qu’il va rencontrer Xi incessamment sous peu pour régler tout ça et make America great again, le prochain test, c’est la saison des résultats qui commence. Oui parce que comme c’est toujours sous SHUTDOWN aux USA, on n’a toujours pas d’infos sur l’état de l’économie, on est obligé de se rabattre sur autre chose que le CPI et le PPI. Là tout de suite, il y a des articles qui commencent à poindre à l’horizon qui laissent sous-entendre que le SHUTDOWN en question, commence à peser sur l’économie, mais comme ON N’A PAS DE RAPPORTS SUR L’ÉTAT DE L’ÉCONOMIE EN QUESTION : TOUT VA BIEN ! Ce que l’on ne SAIT PAS, ne peut pas nous faire de mal, c’est bien connu. Donc tout à l’heure, il y a BlackRock, JP Morgan, Citi, Wells Fargo et Goldman Sachs qui vont ouvrir le bal. Et puis il y aura aussi Johnson & Johnson et Domino’s Pizza, qui vont nous donner « leurs sentiments sur l’économie » dans un climat où la moindre erreur de virgule peut coûter 5 % de capitalisation. Les analystes ne prévoient aucune révision à la baisse, ce qui est déjà un signe de complaisance : ce trimestre, la barre n’a pas été rabaissée, elle a été hissée jusqu’à la stratosphère. Et dans ce marché où “bien” ne suffit plus, il va falloir faire “exceptionnel” pour survivre. Pas sûr que le « moins pire » suffise cette fois. Réponse dans quelques heures

Europe : mini-rebond et micro-intérêt

Pendant que Wall Street sabrait le champagne, l’Europe s’est contentée de trinquer du bout des lèvres avec de l’eau gazeuse pour faire comme si. Le CAC 40 a pris +0,21 %, le DAX +0,60 %, et Zurich a fait du surplace (+0,03 %). Paris joue à se rassurer pendant que Sébastien Lecornu essaie de faire voter un budget dans une Assemblée où tout le monde le déteste et où il doit se plier aux exigences de la minorité socialiste s’il veut une chance de survivre à la fin de la semaine. Et pendant ce temps, ce qui sert de Président à la France est au Moyen-Orient pour se faire humilier en public par Trump et pour expliquer aux journalistes sur place que c’est tout de la faute des autres si rien ne fonctionne en France et que lui il a tout fait juste. Heureusement que la finance a décidé de se désintéresser de la politique, parce que sinon le CAC serait en plein déprime rien qu’à écouter ceux qui sont censés diriger le pays. Clairement, aujourd’hui tu remplaces Macron par un furet ou un lapin nain, pas sûr que ça change quoi que ce soit à l’humiliation qu’il fait subir au pays. En Allemagne, la Deutsche Bank a tout résumé hier : “Chaque hausse de probabilité de récession provoque une panique, chaque baisse de probabilité de récession provoque un rally.” C’est devenu le sport national des marchés européens : courir après la probabilité de récession comme un footballeur après un ballon…

En Asie

Ce matin, les marchés asiatiques ont joué la prudence : Tokyo baisse, Séoul explose, la Chine fait du surplace — un peu tout et son contraire. Après l’euphorie de Wall Street, portée par un Trump soudain “zen” sur la Chine, l’Asie a préféré ne pas trop y croire. On voit que les messages ne passent pas tout à fait pareil en fonction du fuseau horaire. La tension reste vive malgré le message « rassurant » de Trump. On sent bien qu’entre les mots et la réalité, il y a encore un fossé qui doit être comblé. Bessent a confirmé que la rencontre Trump–Xi “aura bien lieu”, pendant que Pékin jure de “se battre jusqu’au bout”. Le Nikkei chutait de 1,2 %, après un jour férié, pénalisé par l’incertitude politique au Japon : la candidature de Sanae Takaichi au poste de Premier ministre a pris du plomb dans l’aile après le retrait de son partenaire de coalition. En clair : New York respire à nouveau, mais l’Asie reste en PLS, on ne sait jamais.

Le pétrole hésite toujours à repasser les 60$ – il est à 59.70$ pour le moment. L’or est à 4’182$ et le Bitcoin est à 113’000$, pendant que le dix ans US offre un rendement de 4.05%.

L’IA : la ruée vers l’or (sans l’or)

Autrement dans les « autres » sujets que l’on aborde en ce moment à Wall Street, on parle beaucoup des géants de la tech qui continuent de dépenser sans compter dans l’intelligence artificielle. Amazon, Microsoft et Google dépensent 25 % de leurs revenus en capex, mais génèrent 30 % de marge cash. Ils construisent des data centers comme si ça ne coûtait rien et selon les analyses, on veut y croire : “ce n’est pas une bulle dot-com.” Mais tout le monde n’est pas d’accord et on s’interroge. On s’interroge sur le rythme effréné des constructions et de l’annonce des projets. Et on commence à se poser des questions sur la facture d’électricité, sur la production d’électricité et sur la quantité d’eau nécessaire pour faire tourner tout ça. Et pendant qu’on se pose des questions, OpenAI a signé un deal avec Broadcom cette fois. Sam Altman a encore frappé : après Nvidia et AMD, voilà qu’OpenAI signe un contrat monstrueux avec Broadcom. Objectif : 10 gigawatts de puces d’intelligence artificielle sur mesure, soit l’équivalent d’une petite centrale nucléaire dédiée à ChatGPT.
Résultat : +10 % sur Broadcom en une séance. Et tout le monde a suivi le mouvement, Marvell, AMD, Nvidia, c’est à nouveau la fête au village dans le secteur. Le marché adore les histoires où tout le monde gagne et où personne ne se demande qui paie la facture énergétique. Oui parce que pendant que d’un côté on commence à flipper, de l’autre on claque du fric et on construit comme si ça ne coûtait rien. On dirait le marché immobilier à Dubaï en 2007…

Et puisque l’on parle de datacenters et d’énergie, Bloom Energy s’est envolé de 27 % après un partenariat à 5 milliards avec Brookfield. Leur promesse ? Fournir du courant “propre” et rapide aux data centers. Des piles à combustible silencieuses, compactes, efficaces.
Bref : le Uber Eats de l’électricité pour serveurs affamés. Le retour des piles à combustible… Certains analystes ont encore relevé l’objectif sur Bloom, mais certains commencent à se demander si nous ne sommes pas déjà en plein surchauffe — le titre a quadruplé en six mois. L’IA crée de la richesse, mais visiblement aussi des bulles… thermiques. Et puis, pendant que tout le monde regarde l’IA et les tweets de Trump, Jamie Dimon, le patron de JP Morgan a décidé que le futur, c’était le quantique. Sa banque a lancé un plan à 1’500 milliards sur dix ans pour financer les technologies “de sécurité et de résilience”. Résultat immédiat : les actions Rigetti +25 %, D-Wave +23 %, IONQ +16 %, Arqit +20 % on littéralement explosé. Le quantique, c’est un peu l’IA du futur : personne n’y comprend rien, mais tout le monde veut en acheter. La semaine dernière on disait que c’était cher et dangereux, mais cette semaine, c’est l’El Dorado. Il y a 20 ans si ça finissait par « dot-com », ça ne pouvait que monter, depuis deux ans, s’il y a de l’IA dedans ça ne peut qu’exploser. Depuis six mois, si ça construit des datacenters, c’est un coup sûr et maintenant si c’est lié de près ou de loin au « quantum computing », c’est forcément bullish. Ça ne peut QUE bien se finir. C’est une évidence.

Trump vs Xi : la guerre des terres rares continue (gentiment)

Pendant ce temps, dans l’univers parallèle de la géopolitique, Trump et Xi continuent leur partie d’échecs à coups de communiqués de presse. La guerre des terres rares n’est pas terminée. Pékin reste sur ses positions, Washington promet “toutes les options sur la table” mais pour l’instant, on privilégie la négociation avec un gant de velours et le secrétaire au Trésor Scott Bessent essaie de calmer tout le monde en répétant qu’une rencontre aura bien lieu “en Corée” entre Xi et Trump. Bref : tout le monde se déteste, mais tout le monde veut quand même dîner à la même table. C’est la diplomatie version Trump : taper d’abord, faire du « TACO » ensuite, puis négocier et surtout, ne rien assumer.

Conclusion : Wall Street, championne du monde du demi-tour sur route

En résumé ; vendredi, on paniquait sur les tarifs. Dimanche, Trump dit “tout ira bien”. Lundi, Wall Street rachetait tout et mardi, on attend les résultats des banques pour en savoir un peu plus… Nous sommes passés maîtres dans l’art du changement de direction instantané, mais on ne veut surtout rien rater du spectacle. Un marché de girouettes hautement qualifiées, capables de tourner à la vitesse de la lumière à la moindre nouvelle en provenance de la Maison Blanche. Et le plus ironique dans tout ça, c’est que chaque fois qu’on se retourne, on est persuadés que cette fois, c’est la bonne direction.

Aujourd’hui, en dehors du bal des publications des bancaires, nous aurons aussi le CPI en Allemagne, parce qu’EUX, ils ne sont pas sous SHUTDOWN, il y aura aussi le ZEW et le PPI en Suisse. Et puis ce soir, Powell va parler. Alors je sais que tout le monde va l’écouter religieusement au cas où il dirait un truc, mais ça serait vraiment surprenant qu’il sorte de sa réserve et vienne tout chambouler à 2 semaines du FOMC Meeting… Mais peu importe, Powell il va parler et on va se rassurer sur le fait que les taux, ils vont baisser…

Voilà, perso je serais absent pour le reste de la semaine. Je vous retrouve lundi prochain pour voir si j’ai raté un truc. Il est plus que probable que ça soit le cas, mais des fois, il faut juste couper et prendre l’air.

Belle journée à tous et bonne fin de semaine !

Thomas Veillet
Investir.ch

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― Peter Lynch