Hier je vous parlais de Trump qui change d’avis toutes les 5 minutes. Hier je vous parlais de Trump qui parlait de sanctions et de régulations sur les exportations à destination de Pékin. Eh bien hier, Trump a encore une fois été l’axe central de la hausse des indices, puisque le président a confirmé sa rencontre avec Xi pour le 30 octobre. Chose qu’il avait mis en doute il y a 48 heures et chose qu’il pourrait annuler dans les 12 prochaines heures s’il se réveille de mauvaise humeur et puis, au vu de la nouvelle sur le Canada qui est tombée cette nuit, on peut parier sur le fait que l’on va encore parler de Trump toute la journée. Je propose que l’on renomme le S&P500 en Trump 500.
L’Audio du 24 octobre 2025
Humeur changeante
À la fin de la présidence de Donald Trump, peu importe qui prendra le pouvoir, il faudra quand même se souvenir de ce que l’on a vécu dans ce monde fabuleux où un seul homme peut retourner un marché en une seule et unique publication sur les réseaux sociaux. Je ne sais pas comment ça sera dans 3 ans, mais il est certain que ça sera peut-être plus rationnel, mais vachement moins drôle. En tous les cas, en ce moment Wall Street est un endroit où l’humeur du jour peu changer très, très, mais alors très rapidement. Hier, les marchés ont encore prouvé qu’ils vivaient dans une réalité parallèle — un monde où les shutdowns, les sanctions et les guerres commerciales sont juste des bruits de fond. Ce qui compte, c’est Trump et puis c’est tout.
Résultat : tout le monde a ressorti son plus beau costume d’optimisme. Le Dow Jones a pris +0,3 %, le S&P 500 s’est offert +0,6 %, et le Nasdaq a refait son show à +0,9 %, frôlant les records historiques juste sur le fait que Trump va FINALEMENT VOIR XI-JIPING. Juste ça et quelques chiffres trimestriels qui continuent d’être pas trop mal. Et tout ça, à la veille du grand moment de vérité : le CPI, l’indice des prix à la consommation, cette donnée magique et que l’on attend depuis des semaines, parce que oui, après des jours de shutdown et d’administration fermée pour cause de “crise politique chronique”, le Bureau of Labor Statistics a été sorti de la naphtaline pour UNE SEULE PUBLICATION. Ensuite, on les remettra dans le bocal en attendant la prochaine fois ou la fin du SHUTDOWN. On n’aura pas les autres chiffres économiques tant que le SHUTDOWN ne sera pas terminé, mais au moins le gouvernement pourra payer les retraites qui sont indexées sur l’inflation. L’économie mondiale est dans le noir, mais les retraités, eux au moins, toucheront une pension qui tient la route. Même si on est en droit de douter des calculs du BLS qui ont surtout brillé par leur incompétence ces derniers mois. Ces dernières années. Ces 20 dernières années. Au moins.
Les taux remontent
Pendant ce temps-là, les taux obligataires ont tenté un petit “coucou, on est encore là”. Le 2 ans a grimpé à 3,48 %, le 10 ans flirte avec les 3,99 %, histoire de rappeler que Powell n’a pas encore juré devant la cour suprême qu’il va VRAIMENT BAISSER les taux. On a aussi noté que la FED était en train de réduire la taille de son bilan, ce qui, techniquement aurait tendance à pousser les taux court à la hausse. Mais sur les marchés, tout le monde s’en fout : pour l’instant on a décidé que la fête continuait. Même si les derniers sondages sur les taux laissent à penser que certains investisseurs (minoritaires), se demandent si – en fonction des chiffres du CPI de tout à l’heure – Powell ne serait pas capable de nous « faire un truc ». Un truc comme : « je vous baisse les taux cette fois, mais le laisse planer le doute pour ce qui est des cadeaux de Noël, ça sera une surprise ». À l’heure où je vous parle, les chances de deux baisses de taux d’ici décembre sont passées de 95,5 % à 91,9 %. Un léger doute nous étreint. Très léger.
Et puis il faut aussi noter qu’il y avait une ambiance de dingue hier à Wall Street, puisque plus c’est irrationnel, plus ça monte. Les secteurs les plus fous – quantum computing, cryptos, énergie nucléaire – se sont réveillés comme s’ils avaient reçu un double espresso en intra-veineuse. On en parlait hier, après les rumeurs comme quoi le gouvernement US allait prendre des participations dans le Quantum Computing, tout s’est envolé. Tout s’est envolé après s’être pété la gueule la veille à cause du nouveau processeur de Google. Et tout s’est redégonflé (un peu) parce que le gouvernement US a annoncé – via le compte X de Trump – qu’ils n’avaient aucune intention de prendre des participations dans le secteur. Pour l’instant ça n’a pas encore provoqué un sell-off massif, parce que les experts en psychologie boursière noteront que : 1) Trump peut changer d’avis. Que 2) Il n’a pas dit JAMAIS – bon, il a pas dit non plus « pour le moment », mais la porte n’est pas fermée. Et puis 3) Trump peut changer d’avis. Et 4) Trump PEUT encore changer d’avis. Ce qui, statistiquement, est plus que probable. Bref, hier les marchés ont terminé en hausse. Mais par contre, on retiendra quand même qu’il n’y a plus beaucoup d’humanité dans ce marché et que notre vision se limite au prochain « post » de Donald Trump.
Ailleurs plus proche de chez nous
Du côté de chez nous, pendant que le SMI terminait en baisse parce qu’il fallait digérer les chiffres de Roche qui n’étaient pas aussi sexy que ceux de Nvidia à chaque trimestre, la Bourse de Paris a terminé la séance de jeudi en légère hausse portée par quelques mouvements contrastés parmi les grands noms. Kering a créé la surprise du jour en bondissant de 8,7 %, malgré des ventes en baisse de 10 %. Les investisseurs ont préféré saluer l’arrivée de Luca de Meo à la tête du groupe et la vente de la division beauté à L’Oréal pour 4 milliards d’euros, perçue comme un premier pas vers le redressement, même si Gucci reste en panne d’inspiration. À l’inverse, c’était la douche froide pour Dassault Systèmes qui s’est crashé de 13% suite à la révision de ses ambitions annuelles à la baisse pour cette année. Même punition chez STMicro qui baissait de 14% après avoir été victime d’une chute de 32 % de son bénéfice net. Comme quoi il y a semi-conducteur et semi-conducteur. C’est pas pareil. C’est pas pareil, parce que c’est différent. Et puis, après les sanctions américaines sur le pétrole russe, le baril s’est envolé et est en hausse de 10% depuis 4 jours. Total en a bien profité, comme tout le secteur dans le reste du monde. Ce matin le baril est à 61.57$.
En Asie
Ambiance euphorique en Asie ce matin, on le sait Donald Trump a confirmé une rencontre avec Xi Jinping la semaine prochaine, et ça suffit pour faire oublier la guerre commerciale. Les marchés se détendent et les indices montent. En tête, la Corée du Sud : le KOSPI grimpe de plus de 2 % au plus haut de tous les temps, tiré par les semi-conducteurs. En Chine, l’annonce d’un nouveau plan quinquennal axé sur la tech et la demande intérieure redonne confiance : le CSI 300 prend 0,5%, le Hang Seng 0,6%. Du côté du Japon, les chiffres sont mitigés : inflation toujours au-dessus des 2 %, industrie en berne, mais Tokyo s’envole quand même de 1.55% portée par la promesse d’un plan de relance XXL de la nouvelle Première ministre Sanae Takaichi. On verra bien. Et puis, bien sûr, tout le monde attend le CPI américain, même si là-bas, on sait que quand il sortira, tout le monde sera à la maison.
L’or est à 4’116$ et il s’accroche. On s’interroge sur la chute, on se demande si ça va aller plus bas ou pas, on sait que ça va aller plus haut et c’est pas l’objectif qui fait douter, c’est le chemin pour l’atteindre. Hier soir une grande banque américaine a annoncé que l’or serait à 8’000$ d’ici la fin de la décennie. Ça devrait donc bien se passer. Il faudra être patient. Du côté du Bitcoin, ça remonte à 111’000$, le pardon offert au patron de Binance par Trump – oui, encore lui – ne doit pas y être étranger.
Les nouvelles du jour et les chiffres de la veille
Du côté des news du moment, on va parler des publications trimestrielles, puisque là au moins c’est du concret et c’est pas influencé par le Président Américain. Enfin, pas trop. Newmont a publié de bons résultats, portés par les records de l’or. Mais malgré ça, le titre a reculé de 2 % after close. Le groupe prévient que son cash-flow sera plus faible, à cause de travaux coûteux à Yanacocha. La production d’or chute de 15 % à 1,42 million d’onces, entre maintenance, gisements épuisés et intégration de Newcrest. Les analystes grincent des dents et se disent : « si Newmont ne surperforme pas avec l’or à 4’000 $, quand c’est qu’elle va le faire ??? ». Ensuite il y a Honeywell qui a surpris tout le monde. Bénéfice de 2,82$ par action (au-dessus des attentes) et ventes en hausse de 7% à 10,4 milliards $. Le titre gagnait plus de 4 %. Mais Honeywell relève également ses prévisions pour la fin de l’année et ce, malgré la future scission de Solstice prévue fin octobre, qui retranchera environ 700 millions $ de revenus. Côté activité, la division aérospatiale reste le moteur avec une hausse de 15% tandis que les bâtiments et solutions énergétiques progressent aussi.
Ford a publié des résultats meilleurs qu’attendu : 0,45 $ par action contre 0,35 $ attendus, pour un chiffre d’affaires en hausse à 50,5 milliards (+9 %). Résultat : le titre gagne plus de 4 % after close. Mais attention, le constructeur revoit ses ambitions à la baisse : bénéfice opérationnel attendu entre 6 et 6,5 milliards $, contre 6,5 à 7,5 milliards précédemment. En cause : les droits de douane qui vont coûter 700 millions et un incendie chez un fournisseur d’aluminium. Le PDG Jim Farley reste confiant et maintient le dividende à 0,15 $, tout en promettant que Ford tiendra le cap sur l’électrique — même si c’est pas simple. On notera au passage que GM a mieux géré les droits de douane que Ford, peut-être qu’ils devraient se parler.
Intel inside
Il y a encore quelques mois, on parlait d’Intel comme d’un dinosaure du semi-conducteur, un géant dépassé par Nvidia et AMD, perdu dans sa propre inertie. Et pourtant… Le groupe a publié des résultats nettement au-dessus des attentes : 0,23 dollar de bénéfice par action, quand Wall Street n’espérait qu’un centime. Le chiffre d’affaires grimpe à 13,7 milliards de dollars, là encore mieux qu’attendu. Résultat immédiat : le titre explosait de 7 % hier soir tard. C’est le quatrième trimestre consécutif que la direction parle de “progrès réguliers”, et cette fois, ça se voit. Sous la houlette du nouveau patron Lip-Bu Tan, Intel montre enfin qu’il sait encore produire… et délivrer. La marge brute atteint 40 %, très au-dessus des prévisions. Et fabuleux détail aux oreilles des actionnaires ; la société reconnaît qu’elle n’arrive pas à satisfaire toute la demande. Oui, Intel est en sous-capacité, un problème qu’on préfère largement à celui d’avoir des stocks qui débordent. Pour le prochain trimestre, la société vise un bénéfice de 0,08 $ et jusqu’à 13,8 milliards de revenus, tout en admettant que « les contraintes d’offre » dureront jusqu’en 2026. Traduction : il y a de la demande, et le moteur tourne enfin à plein régime.
Mais la vraie bataille, c’est celle de l’intelligence artificielle. Longtemps à la traîne, Intel compte bien revenir dans la course, soutenu par Nvidia, qui a investi 5 milliards de dollars dans le groupe. Ensemble, ils veulent créer un nouveau cycle de puces optimisées pour l’IA, lancées chaque année, histoire de prouver qu’il y a de la vie après le CPU.
En coulisses, la machine industrielle se remet en marche : la fonderie d’Arizona (Fab 52) tourne à plein régime, et les nouvelles puces “Panther Lake” sont prêtes à débarquer.
Bref, Intel n’a pas encore gagné la guerre, mais après des années de coma stratégique, le patient respire à nouveau — et Wall Street commence à y croire. Ce qui nous amène au coup de maître de Trump – oui, ENCORE LUI – Trump, le président… et le meilleur hedge fund manager du monde… Avec la performance des investissements de l’administration Trump chez Intel, on pourrait commencer à croire que Trump a trouvé le secret de la performance absolue : tous ses investissements affichent au moins +80 %, et deux flirtent avec +150 %. Résultat : un portefeuille désormais valorisé à 17,2 milliards de dollars. En clair : pendant que la plupart des hedge funds rament pour battre le S&P 500, Trump et son équipe font mieux que Wall Street… et de très loin. Reste à savoir si c’est de la stratégie, du timing politique… ou juste qu’ils sont plus égaux que les autres.

Ô Canada
Et puis ça vient de tomber en fin de nuit, Trump nous en a ENCORE FAIT une belle, il a “terminé toutes les négociations commerciales avec le Canada” parce qu’un spot canadien montrait Ronald Reagan critiquant les tarifs douaniers. Oui, Reagan, le vrai, remixé et sans autorisation. L’annonce, financée par Doug Ford (Premier ministre de l’Ontario), visait à tacler la politique tarifaire américaine. Trump, furieux, accuse Ottawa d’avoir “frauduleusement utilisé” Reagan pour influencer la Cour suprême, qui doit statuer sur la légalité de ses taxes. Verdict : “TOUTES LES NÉGOCIATIONS SONT TERMINÉES”. La Fondation Reagan confirme que la pub a été modifiée, sans dire qu’elle ment. Ford, lui, veut diffuser le spot partout. Bref, pendant que le monde regarde la Chine et les taux, Trump déclare la guerre à une pub des années 80. La saga avec le Canada va donc continuer et on aura probablement un autre son de cloche lundi.
Les trucs du jour
Pour ce qui est des attentes du jour, on aura plein de PMI’s, le FAMEUX CPI et les chiffres de la confiance du consommateur version Université du Michigan. Ensuite Trump prendra l’avion pour sa tournée asiatique, la Malaisie d’abord, puis il ira rencontrer la nouvelle patronne du Japon avant de finir en beauté avec SON Meeting avec Xi-Jinping. Sans compter que ; la semaine prochaine, il y aura LA FED – ouiiiii, la FED qui va baisser les taux – et puis les publications de 5 magnificent SEVEN… sachant que Tesla a publié avant-hier et que Nvidia publiera au mois de novembre, je vous laisse faire la liste. Mais ce qu’il faut retenir c’est que la semaine prochaine sera chaud-patate et que si les planètes sont alignées, les records vont tomber comme des mouches. Ou pas.
Bref, Wall Street, c’est devenu une cour de récré géante, avec Trump en instituteur lunatique et les marchés qui lèvent le doigt pour savoir s’ils ont le droit d’être optimistes aujourd’hui. On joue, on parie, on s’excite dans tous les sens, on oublie la macro parce qu’il n’y en a pas, on prie pour que le CPI soit calculé correctement par des mecs qui sont en training toute la journée depuis trois semaines et on rafraîchit X toutes les trente secondes, histoire de ne pas rater un tweet de Trump. Et tant qu’il le fait dans le bon sens et avec bon sens, on garde le cap. Pas certain que ça dure éternellement, mais en attendant on surfe la vague !
Excellent week-end à tous et on se voit lundi !
Thomas Veillet
Investir.ch
« Discipline is choosing between what you want now, and what you want most. »
Abraham Lincoln