« Les investisseurs s'inquiètent de la valorisation élevée des entreprises technologiques américaines, mais aussi de la santé de l'économie outre-Atlantique et de l'évolution des taux de la Réserve fédérale ». Ça, c’est la phrase fourre-tout qu’on peut lire dans tous les médias financiers (à peu près). On parle de « fatigue des acheteurs », mais en français on dirait qu’on s’emmerde parce qu’en octobre, y avait plein de news et là : plus rien. On se contente d’attendre des infos en spéculant sur ce qui pourrait éventuellement se passer. Et à l’aube des chiffres de Nvidia, des chiffres de l’emploi tardif du mois de septembre et de la FED à venir, on craint la correction.

L’Audio du 19 novembre 2025

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Alors correction or not correction?

Il y a des matins, on se réveille en vrac, on se lève du pied gauche et on sait à ce moment que la journée risque d’être bien pourrie. Et puis il y a des matins, on se réveille en vrac, on a mal à la tête, on se lève du pied gauche, on marche sur le chat, on renverse son café, on laisse tomber l’alliance dans le siphon du lavabo et là, on apprend que Nvidia a fait un profit warning et que le titre est en baisse de 24%. En général, à ce moment-là, soit on retourne se coucher, soit on se réveille parce que c’était un cauchemar. Ce matin je dois dire que quand on fait le bilan de ce qui se passe dans les marchés alors que NVIDIA N’A PAS ENCORE PUBLIÉ ses chiffres trimestriels, on se peut se poser des questions sur ce qui est en train de se passer.

Le Dow Jones vient se prendre sa quatrième séance de baisse consécutive. Le S&P500 a perdu 4.3% sur ces même 4 séances. Le Nasdaq navigue à peu près dans la même direction. Les Small Caps se font défoncer – plus le risque que la FED ne baisse pas les taux, plus elle se font et se feront défoncer – même certaines valeurs défensives se faisaient allumer. Bref, on l’impression que tout le monde est en mode « sauve qui peut » et
ça sent très mauvais. Ou alors c’est juste que tout le monde allège les positions parce qu’il n’y plus que trois choses qui comptent : les chiffres de Nvidia tout à l’heure, la FED dans trois semaines et en attendant : les chiffres économiques en retard because shutdown qui vont nous annoncer que le marché de l’emploi, c’est vraiment la merde. En bonus on a encore le fait que la semaine prochaine ça sera Thanksgiving et que personne ne sera-là aux States. Et une fois que tout ça sera passé, ça ira mieux. On pourra reprendre le bull market là où on l’a laissé pour finir notre rallye de fin d’année comme d’habitude..

Beuh..

Mais pour l’instant, honnêtement on n’en sait foutrement rien et la seule chose qui est vrai c’est que : « Les investisseurs s’inquiètent de la valorisation élevée des entreprises technologiques américaines, mais aussi de la santé de l’économie outre-Atlantique et de l’évolution des taux de la Réserve fédérale ». Oui, c’est l’excuse à deux balles qui met la pression sur les marchés financiers en Europe et aux USA. Ne cherchez pas, il n’y pas d’autre raison fondamentale. En revanche ce qui est très intéressant c’est que l’on entend parler un peu partout de KRACH BOURSIER annoncé, de correction de 10% en cours et du fait que POUR UNE FOIS, tout le monde est au courant que ça va baisser. Et quand je dis baisser, je veux dire baisser encore plus que ce que l’on vit actuellement.

Je n’invente rien, puisque l’indice Greed and Fear est en mode, on a très très peur. Hier soir nous étions à 11 alors qu’en début de semaine, on était à 22. Le put/call ratio grimpe à 0,76 — le plus haut depuis juillet. En langage de marché, ça veut dire : « BRACE, BRACE, BRACE » comme quand l’atterrissage va être compliqué. Oui, quand la demande de puts monte, c’est rarement un signe de confiance absolue. Et puis ça n’est pas tout, il y a aussi la volatilité qui est en hausse de 50% depuis une semaine. En résumé et pour faire simple, tout le monde attend la correction, tout le monde attend le KRACH et si VRAIMENT ça se produit, ça sera le KRACH le plus annoncé et le plus prévu de ces 100 dernières années. Si c’est le cas, je ne sais pas si c’est à cause du fait que TikTok et Instagram sont devenus plus performants que le Wall Street Journal et Bloomberg réunis, ou si c’est simplement le fait les investisseurs sont devenus plus forts, plus grands, plus beaux et plus intelligents qu’avant, mais si on se met à tout prédire avec autant de précision, c’est que quelque chose a changé.

Et si c’était déjà fait

Et puis, au milieu de tout ça, on entend en permanence : l’IA c’est trop cher, les valorisations sont trop élevées, ça ne peut pas durer et c’est pour ça que ça va plonger… C’est l’écho permanent qui revient des marchés et que l’on trouve dans tous les médias, y compris les médias qui ne savaient même pas que la bourse existait il y a encore une semaine. Tout le monde est en mode panique pour CE QUI VA ARRIVER. Et pourtant, quand on regarde ce qui s’est passé depuis quelques semaines, on est en droit de se demander si par hasard ça n’est pas DÉJÀ ARRIVÉ !

Oui, DÉJÀ ARRIVÉ parce que quand on regarde un peu les chiffres et la claque qu’on s’est déjà prise, il y a de quoi se poser des questions. Avant, les Magnificent Seven, c’était les Avengers de la Bourse. Aujourd’hui, on dirait plutôt Koh-Lanta après trois semaines sans manger et le passage d’un ouragan catégorie XXL. Si l’on se base sur le concept de « la correction » – ce qui, en termes de définition, veut dire : plus de 10% de baisse depuis les tops, il y a des nouvelles entrées cette semaine, et pas des moindres. Nvidia et Amazon viennent de se planter de près de 15% depuis les plus hauts. Et ils rejoignent Tesla qui avait pris de l’avance, ainsi que META – sauf que META, eux c’est pire, parce qu’ils sont en Bear Market (pour mémoire, le Bear Market c’est 20% de baisse) et là on est déjà à 25%.

Trop cher

Et tout ça c’est déjà « À CAUSE QUE L’IA C’EST TROP CHER, DEBLEU !!! » Wall Street a soudainement réalisé que l’IA ça coûte un bras et le ménage a été fait. Amazon a récemment emprunté 15 milliards et les actionnaires ne veulent pas payer les intérêts. Meta c’est pareil : l’idée c’est d’appliquer le concept du « trop d’investissements dans l’IA tuent l’investissement dans l’IA ». Et puis ça n’est pas tout, Broadcom : correction, AMD : correction, Oracle : Bear Market. Microsoft : correction, pas de beaucoup, mais correction quand même. Tout ça pour dire que le maître mot du marché actuellement c’est de dire que l’IA c’est trop cher et que la tech c’est has been et qu’il faut se préparer au pire. J’ai envie de dire que sur certaines valeurs, on a déjà fait un sacré bout de chemin. Reste maintenant à savoir si on parie sur un vrai KRACH et plus une simple correction bien sympathique au demeurant.

Et puis, le plus beau dans tout ça c’est que ce sont pas juste quelques vilaines valeurs tech qui tournent de l’oeil. Non non, c’est plus généralisé que ça. 324 boîtes du S&P 500 sont déjà à –10% de leur top annuel. Oui, 324. À ce stade, ce n’est plus une correction, c’est une liquidation de printemps, mais en novembre. Tech, industriels, bitcoin… tout le monde déguste. À part la santé et les consumer staples, ces bons vieux secteurs qu’on sort du placard quand ça commence à sentir le pâté. Et l’or qui fait son malin, parce que quand même, ça reste une valeur refuge.

Et maintenant, Nvidia…

Tout ce bla-bla pour dire que finalement, tout revient dans les mains de NVIDIA. Qui publiera ce soir. Mais je crois que vous êtes déjà au courant. Donc, la vraie question est la suivante :

Est-ce que Nvidia peut arrêter la panique ?

Donc forcément, tout le monde a les yeux rivés sur Jensen Huang. Si Nvidia rassure ce soir — si les chiffres sonnent juste, si la guidance ne fait pas peur, si la machine IA montre qu’elle tourne encore comme un moteur d’avion bien huilé — alors le marché va desserrer les dents. Les Magnificent Seven vont arrêter de laisser des traces de sang derrière eux. Et on évitera l’image particulièrement douloureuse des ETF IA brûlés sur la place publique par une foule hystérique.

Mais si Nvidia déçoit… Ah là, il faudra préparer les glaçons. Les investisseurs ressortiront les bouteilles de whisky, les graphiques de 2008, et les discours philosophiques du type : “Au fond, on doit tous mourir un jour.”

Pour le moment, on n’en est pas là. Les experts sont confiants et ils continuent de jouer la zen attitude. Ça va bien se passer et c’est juste l’opportunité d’achat d’une vie. Si Nvidia confirme que la demande est toujours solide, délivre une guidance qui tient debout et surtout annonce que ses GPU ont une durée de vie plus longue que prévu (le truc qui change complètement les amortissements des hyperscalers), alors tout le monde respirera. Amazon respirera. Microsoft respirera. Google respirera. Peut-ête même que META aussi.
Et quand ces monstres respirent, tout le marché respire avec eux. La vérité, c’est que Nvidia n’est plus seulement une entreprise. C’est devenu un baromètre du climat émotionnel de Wall Street. On regarde la guidance et on sait si on part en rally ou en cacahuètes. Ce soir Jensen Huang a le pouvoir de calmer la tempête ou de déclencher la panique générale. Bon, je vous le dis tout de suite, quand je vois le niveau de protection, la volatilité et le Greed and Fear, j’ai de la peine à croire qu’on se prenne une saucée monumentale ce soir…

Voici donc LA CHECK LIST que vous devez garder à côté de vous ce soir, celle qui vous permettra de savoir s’il faut tout vendre ou vendre la PS5 de vos enfants pour racheter du NVIDIA…

1) Le chiffre d’affaires

S’il est au-dessus ou en dessous des ~54–55 milliards attendus.

2) La marge brute

Est-ce qu’elle tient la route ou est-ce qu’elle se réduit avec les coûts des nouveaux systèmes ?

3) La guidance

Est-ce que Jensen voit plus haut, pareil, ou moins bien pour 2026 ?

4) Les data-center

Toujours en mode fusée… ou début de ralentissement ?

5) Le backlog

Huang confirme les 500 milliards de commandes ? Ou il devient flou ?

6) La Chine

Impact minime… ou gros nuage géopolitique ?

7) Les phrases de Jensen Huang

Il faudra chercher les mots-clés :

Avec les mots : “insatiable / explosive / massive” = marché rassuré
Mais si on nous donne du : “timing des clients / ajustements / incertitude” = panique possible

8) Et pour terminer : les Capex

Est-ce que Nvidia continue d’investir agressivement ? Ou est-ce qu’ils parlent de prudence ?

Avec ça votre soirée devrait être bien occupée. Après, si vous n’avez pas envie de vous casser la tête, allez manger au resto et revenez demain. De toutes façons, les IA analyseront ce qui va sortir 1 million de fois plus vite que vous, alors pourquoi perdre du temps ??? Et rater un resto ou même un plat de pâtes devant Netflix.

En résumé

Les marchés sont nerveux, mais ils se sont protégés. Nvidia nous fait angoisser, mais on a déjà visiblement pas mal anticipé de mauvaises nouvelles, Nvidia ne va pas faire de profit warning et de toutes façons, c’est illégal de faire des profits warnings le jour des publications. L’autre sujet, c’est la Fed, évidemment. Les investisseurs sont en train de découvrir que la baisse des taux de décembre, qu’ils voyaient comme grossomodo garantie, pourrait… ne pas avoir lieu. La probabilité est passée de 90% à 48.9%. Il y a donc une grosse tempête qui souffle sur les certitudes du marché. Et donc ça vend. Et quand ça vend, ça vend.
Et quand ça vend beaucoup, ça panique. Et quand ça panique, en général on se dit “tiens, c’est peut-être le moment d’acheter”.

Trois axes pour la fin de la semaine avant la dinde de la semaine prochaine

En conclusion, le marché est en mode : on veut une baisse des taux mais on n’est pas sûrs de l’avoir, donc on flippe parce que c’est le narratif qui nous fait monter depuis 2 ans et si Powell vient casser nos jouets on va pas aimer. Donc on vend. Mais on espère quand même que Nvidia va sauver le mois. Et puis demain, on jettera un œil sur les chiffres de l’emploi du mois de septembre qui seront très moches, mais ça pourrait nous permettre de croire un peu plus à une baisse des taux.

On a déjà corrigé un bon bout mais est-ce que c’est suffisant pour faire intervenir les pompiers du BUY THE DIP, ou est-ce que tout va vraiment si mal. Aussi mal que l’ensemble du monde merveilleux de la finance a tendance à le croire ce matin ? Aurions-nous enfin craqué le code du KRACH annoncé ou, comme d’habitude, on va avoir la confirmation que c’est une légende ?

En gros, là tout de suite après le 20ème café de la journée, j’aurais tendance à dire que le marché a une sale gueule, mais qu’en même temps, on a tous les ingrédients pour se faire un reversal de folie et mettre tous les shorts à poil. Ça sera pile ou face ce soir à 22h30… Je suis persuadé qu’il y a plein de monde qui veulent acheter, mais qui préfèrent que ce soit le voisin qui commence…

Le reste

Ce matin l’Asie ne fait rien et rivalise de talent pour trouver les mots qui disent qu’il est urgent de ne rien faire en attendant ce soir. Le pétrole repart au-dessus des 60$, l’or est à presque à 4’100$, le Bitcoin cuve sa déprime à 90’000$, le rendement du 10 ans est à 4.11% et personne ne semble pressé de vendre toutes ses actions pour aller acheter du 10 ans. Et au Japon, le 10 ans japonais frise les 1.80%, mais tout le monde s’en fout, parce que cette fois c’est différent….

Et puis l’Arabie Saoudite va investir 1’000 milliards aux USA. Pour le reste, j’ai l’impression que je viens de rédiger la plus longue chronique de ma vie, pourtant, dans les médias, c’est aussi calme que le lac Léman à 5 heures du matin en plein été… Comme si on faisait une pause avant de se déchaîner demain…

Nous voici donc coincés dans un marché qui a la même énergie qu’un type qui vient d’apprendre qu’il va passer Noël chez sa belle-mère : ça tremble, ça transpire et ça espère un miracle de dernière minute. Ce soir, Jensen Huang joue le rôle du Père Noël sous amphétamines : soit il distribue des GPU et on repart faire la fête, soit il éternue et Wall Street s’effondre comme un seul homme en s’en prenant à l’IA et pas à sa propre avidité. Entre-temps, la Fed continue de nous faire le grand écart facial entre “peut-être” et “pas sûr”, histoire qu’on fasse des cauchemars toutes les nuits. Bref, tout le monde veut acheter… mais uniquement si c’est pas eux qui commencent. Et si Nvidia déçoit, préparez-vous : demain matin, il faudra se mettre en position fœtale, sucer son pouce et attendre que ça passe.

Excellente journée à tous et surtout : Excellente soirée, ça va être tellement chouette et si le cœur vous en dit – ce soir il y a une conférence-débat-table-ronde à l’Uni Dufour sur la thématique : « Bulle tech et crypto: Peut-on encore investir? ».. et oui, j’y serai…

On se voit demain pour parler de.. Nvidia..

Thomas Veillet
Investir.ch

“Always forgive your enemies; nothing annoys them so much.”
― Oscar Wilde