Le marché américain vient d’entamer le mois de novembre comme moi j’entame un lundi matin : mal réveillé, de mauvaise humeur, et prêt à s’énerver sur n’importe quoi ou sur n’importe qui. C’est simple : c’est le pire début de mois depuis avril. Et tout ça pour pas mal de raisons, l’IA qui est trop chère, les stars de Wall Street qui mettent en doute la suite la hausse – surtout sur l’IA – les chiffres de l’emploi non-officiels qui sont dégueulasses, Trump qui fournit de l’instabilité à gogo et, pour en remettre une couche, le SHUTDOWN qui commence à durer et à faire flipper tout le monde.
L’Audio du 10 novembre 2025
SHUTDOWN, mon amour
Nous sommes donc en train de vivre le SHUTDOWN le plus long de l’histoire des États-Unis. Oui, encore une fois, Washington a réussi à fermer le pays comme un McDo ferme à 3h du matin. Et du coup, on commence à entendre des déclarations à l’emporte-pièce qui disent : « Si le shutdown continue encore un peu, jusqu’à Thanksgiving… alors là oui, on risque la correction boursière en pleine gueule.” En gros, Wall Street a enfin compris que quand l’État ferme, ce n’est pas juste un détail administratif. Au début on nous disait que ça n’était pas grave, que ça n’était pas important et que le marché rattraperait le retard dès que ça sera de nouveau ouvert. Mais voilà, ça ne rouvre pas. Chaque jour qui passe coûte des montagnes de fric à un gouvernement qui n’en a pas. On parle de 15 milliards par jours. Les entreprises souffrent, les fonctionnaires au chômage technique n’ont plus d’argent à dépenser et le gouvernement américain vient – en plus – de réduire l’aide alimentaire à coup de sabre.
On commence d’ailleurs à entendre ici et là que certaines boîtes souffrent de plus en plus. Prenez par exemple les compagnies aériennes qui doivent annuler des vols à tours de bras. Vous croyez sérieusement que ça les arrange de moins travailler ? et ça n’est que la pointe de l’iceberg. Et cette instabilité latente commence à peser très fort sur les profits, sur le moral, mais aussi sur les indices boursiers. On l’a encore vu la semaine dernière. Vendredi dernier pour être précis. Sans un miracle de dernière minute et le fait que l’on se soit souvenu trois heures avant la clôture que l’on maitrisait la stratégie du « Buy The Dip », les indices américains auraient clôturé en cassant la tendance haussière et la moyenne mobile des 50 jours. Pour faire simple, vendredi dernier nous sommes passés tout près de la correctionnelle et on ne s’en n’est même pas rendu compte. Si le miracle n’avait pas eu lieu, ce lundi matin n’aurait sûrement pas la même couleur.
Shutdown: tout le monde dans le brouillard
Quand le gouvernement est fermé, les investisseurs sont myopes. Plus de chiffres, plus de rapports officiels, plus d’indicateurs clés. Juste des approximations, des intuitions et des feelings… ce qui finit rarement bien dans un monde où les professionnels sont très exigeants sur la précision des chiffres.
En attendant :
• Les vols sont retardés,
• Certains programmes alimentaires sont supprimés
• Des centaines de milliers de fonctionnaires ne sont plus payés,
• Et l’économie commence à tousser.
Peut-être que ça ne se voit pas encore, mais on commence sérieusement à voir venir le problème gros comme une maison. Goldman Sachs a prévenu : six semaines de shutdown équivalent à 1,15% de croissance américaine en moins pour le Q4. Autant dire qu’à ce stade, même si vous ne comprenez rien à l’économie, vous allez inévitablement commencer à vous demander s’il y a vraiment un pilote dans l’avion. Et un pilote qui regarde autre chose que son nombril et sa coupe de cheveux.
Les consommateurs ont le moral dans les chaussettes
En ce début novembre le moral des ménages est tombé au plus bas depuis… juin 2022, période où on se demandait si l’économie allait nous exploser à la figure. Les Américains commencent à flipper :
• Le shutdown qui s’éternise,
• L’inflation qui colle encore comme du chewing-gum sous une paire de tongs au bord de la mer l’été dernier
• Et maintenant, la perspective d’un Noël sous tension.
Ce qui est le plus drôle a milieu de tout ça, c’est que selon ces derniers sondages, les seuls qui gardent le sourire sont les gens qui ont beaucoup d’argent investit en actions. Eux, leur moral grimpe de 11%. Après, si parmi ces gens optimistes, s’ils sont tous investis en marge, autant dire que ça peut rapidement passer de +11% à moins 111%. Alors après, on peut débattre sur le fait que l’argent ne fait pas le bonheur. Mais dans le cas présent, il y a de quoi débattre. Aux toutes dernières nouvelles, le Sénat aurait ENFIN fait un pas en direction de la fin du SHUTDOWN, mais il y a encore de la route à faire.
Le marché de l’emploi, mauvaise surprise
Autre pépite de la semaine : le rapport Challenger montre des licenciements qui explosent en octobre. Sans compter que d’autres chiffres provenant d’un organisme privé montrent que le marché de l’emploi aurait perdu des jobs en octobre, plutôt que d’en créer. Normalement on aurait eu le rapport officiel du marché de l’emploi vendredi, mais — surprise — shutdown oblige, rien du tout. On ne peut donc même pas comparer. Mais en même temps, est-ce que les gars du BLS auraient vraiment trouvé un chiffre différent qui arrange vraiment mieux les politiciens ? J’en doute, mais allez savoir, avec eux, tout est possible.
Nous sommes donc – pour l’instant – obligés de prendre des paris avec des données alternatives qui ne sont visiblement pas bonnes et qui démontrent que le marché de l’emploi ne va pas bien et que ça licencie à tout va. Après, la seule bonne nouvelle qui va bien dans tout ça, c’est que vu ce qu’on entend au niveau de l’emploi, Powell n’aura pas d’autre solution que de baisser les taux en décembre. Et le marché, ne l’oubliez jamais, adore quand on baisse les taux. Allez savoir, c’est peut-être à cause de ça que le marché a rebondi vendredi soir à la dernière minute. Un algo quelque part s’est peut-être dit qu’il était temps de faire un pari sur Jerome Powell.
Les valorisations: ça commence à coincer
Et puis, au milieu de ce shutdown et des craintes sur le ralentissement économique, il faut aussi penser à un autre sujet du moment qui fait « tilter » le marché, ce sont les valorisations du secteur technologique en général et de l’IA en particulier. Le S&P500, dopé à l’IA depuis un an, a atteint des niveaux où même les plus optimiste commenceront à dire: “Euh.. on se calme… » On l’a vu la semaine dernière, entre les positions de Michael Burry et les déclarations de prudence de la part des grosses banques d’affaires new-yorkaises à propos des possibilités de correction à venir ; on sent que ça commence à se crisper et à 10 jours des publications de Nvidia, on commence à comprendre que ça serait mieux qu’ils ne ratent pas les attentes d’un demi-pourcent.
Le secteur techno vient d’ailleurs de vivre sa pire semaine depuis avril : -4,2%. Malgré ça, l’indice reste seulement 2,4% sous son record du 28 octobre. On n’est donc pas encore en mode panique, surtout que les annonces politiciennes de ce matin devraient donner un peu d’air à ces angoisses, mais attention, le mal est fait et le doute est parmi nous. Vous savez que je ne suis pas un adepte des krachs annoncé et des corrections prévues, et que là je trouve qu’il y a un peu trop de monde qui crie au loup pour que ça puisse baisser violemment, mais disons que la moindre alerte un peu plus importante que d’habitude pourrait nous faire courir vers la sortie un peu plus vite que de raison. En tous les cas, à l’heure où je vous parle, les avancées du Sénat font quand même monter les futures S&P de 0.7%… Racheter sur la moyenne mobile des 50 jours vendredi soir sera peut-être le coup de maître de cette première semaine de novembre.

En Asie
Ce matin en Asie, le Japon et la Corée ont tenté de sauver la mise avec un joli rebond des technos – dans le sillage du sauvetage de vendredi soir – pendant que la Chine faisait du surplace malgré des chiffres d’inflation « un peu moins pires ». En gros, le Nikkei et le KOSPI ont repris des couleurs, +1.2% et +2.8%, parce que les mecs se sont dit que la boucherie de la semaine passée était peut-être un peu exagérée. Résultat : Samsung, Hynix, Tokyo Electron, Advantest… tout le monde remonte dans le bus. Même TSMC se réveille (+1%). Et Jensen Huang, le boss de Nvidia, qui est venu rajouter une petite couche en expliquant que ses puces Blackwell se vendaient comme des petits pains, ça aide toujours.
Mais attention, le fond de l’histoire n’a pas changé : tout le monde s’inquiète toujours que les valorisations IA soient complètement parties en orbite. La semaine passée, le marché tech s’est fait ravaler la façade, et ce matin c’est juste un petit pansement, pas une guérison.
Côté Chine… c’est plus mou qu’un lundi matin pluvieux. Shanghai et CSI 300, quasi plats. Oui, l’inflation remonte un poil, oui, c’est mieux que prévu, mais ça reste une économie qui se bat avec la déflation depuis trois mois. Le CPI remonte, le PPI baisse un peu moins, mais globalement la consommation n’a pas redémarré après Golden Week. En clair : les prix bougent, mais les gens pas vraiment. Pour faire simple : l’Asie tente un rebond technique parce que les futures US sont verts, que le shutdown aux États-Unis semble toucher à sa fin, et que quelques stars de la tech montrent des signes de vie. Mais sous la surface, tout le monde sait que les doutes sur l’IA et la Chine mollassonne restent bien là. Du côté du pétrole, on est à 60.25$, l’or est à 4’063$, le Bitcoin vaut 106’000$ et le rendement du 10 ans est à 4.13%.
Du neuf
La semaine qui commence est donc placée sous le signe de la continuité du rebond. La politique américaine va dans la bonne direction pour essayer de liquider ce shutdown – ce qui nous permettra de nous gaver de chiffres économiques en retard et d’avoir une meilleure visibilité. Dans la foulée les Chinois sont en train de desserrer l’étau des terres rares, comme c’était prévu, ce qui soulage un peu de stress également et puis on est toujours conscient que les valorisations sont très chères et qu’il va falloir délivrer ces prochains mois. Les attentes sont élevées et les déceptions seront sévèrement sanctionnées. La semaine devrait être moins agitée côté chiffres trimestriels et puis du côté macro, ça reste mince tant que Mister Shutdown n’est pas plié et que le BLS n’est pas revenu au bureau.
Pour l’instant, les futures sentent bon l’euphorie du lundi matin, reste à voir si le Sénat est vraiment capable de confirmer l’essai marqué cette nuit ! Passez une excellente journée et nous on se revoit demain pour faire le point !
Thomas Veillet
Investir.ch
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