Dans sa newsletter du 4ᵉ trimestre, AWAP revient sur la résilience des Gestionnaires de Fortune Indépendants face à un environnement toujours plus complexe, les nouvelles exigences de la FINMA et les enjeux croissants de cybersécurité. La publication présente également le point marchés, marqué par des valorisations tendues et un appel à la prudence dans les allocations.

Fabian Charlier

Il y a cinq ans à peine, le gérant de fortune indépendant vivait encore dans un monde familier. Un monde où l’on parlait de relation de confiance, d’expertise, de performance, et où l’on pouvait encore, parfois, respirer entre deux rendez-vous clients. Puis, soudain, tout a changé. En quelques années, le GFI a vu son univers se transformer à une vitesse inédite, les audits se cumulant désormais aux meetings.

Aujourd’hui, le GFI est surveillé comme une banque, réglementé comme une institution systémique, et contrôlé jusque dans ses processus internes les plus fins. Ses coûts de conformité ont pris l’ascenseur sans prévenir, pendant que ses marges, elles, descendaient sagement l’escalier.

Il fait face à une possible bulle spéculative qu’il doit observer sans la nourrir, tout en expliquant à ses clients que la sagesse paie davantage que la frénésie. Il doit apprendre à travailler avec toujours moins de rétrocessions, ou presque, et réinventer son modèle économique sous les projecteurs d’une régulation toujours plus exigeante.

Et puis, il y a cette réalité plus silencieuse, mais tout aussi implacable : sa clientèle vieillit. Ses repères ne sont pas ceux de la génération suivante, qui parle plus volontiers de tokenisation que d’obligations, et qui confie davantage sa confiance à un écran qu’à une poignée de main.

Et pourtant… il est toujours là. Le gérant de fortune indépendant suisse continue de tracer sa route, avec calme, conviction et un brin d’obstination. Il s’adapte, se forme, mutualise, collabore. Il reste debout dans la tempête, fidèle à ce qui le définit : la proximité, l’indépendance et la responsabilité. C’est si vrai qu’on voit apparaître sur le marché toujours plus de nouveaux GFI.

Fort, oui. Résilient, surtout.

Actualité Compliance avec notre partenaire Uldry RC

Risques  de  portefeuilles: Vers  un  renforcement  du  devoir d’information au Client

Sergio Uldry

Dans le cadre de sa mission, le gérant de fortune indépendant (GFI) doit veiller à rester aligné avec le profil investisseur de son client — c’est le principe de la «Suitability». Mais il faut aussi gérer les risques de portefeuilles. Les GFI maîtrisent ces risques dans le but de générer des plus-values à long terme pour leurs clients.

La FINMA rappelle toutefois, dans sa Circulaire LSFin 25/2, que le gérant doit protéger sa clientèle en l’informant le plus tôt possible des risques spécifiques suivants:

  • Risques de portefeuilles: expliquer clairement les risques liés à la concentration dans des titres individuels ou dans certains émetteurs.
  • Connaissances et expérience: tester la compréhension du client lorsqu’il est exposé à des produits ou stratégies complexes, illiquides ou risquées, contrairement aux mandats traditionnels pour lesquels ce test n’est pas forcément requis.
  • Rétrocessions: mettre en évidence de façon visible les rémunérations de tiers (banques, fonds, produits structurés), par exemple via l’usage du gras, d’une taille de police plus grande ou d’un encart
  • Conflits d’intérêts: la perception de frais à plusieurs niveaux (mandat et instrument, typiquement un AMC) reste possible, mais son impact doit être quantifiable et communiqué de manière claire. L’alternative, privilégiée par la FINMA, consiste à imputer ces frais en excluant le produit de la facturation, supprimant ainsi toute double rémunération.

Ces exigences, désormais formalisées, devront être appliquées et vérifiées par les auditeurs dès 2025. Les gérants pratiquant une gestion diversifiée et traditionnelle sont déjà largement conformes, tandis que ceux qui adoptent une approche concentrée (ou dite de conviction), à effet de levier ou recourant à des actifs illiquides doivent adapter sans délai leurs mandats et informer les clients concernés de manière spécifique.

Suivi des sanctions et des embargos

Par communication du 6 août 2025, AOOS a informé la communauté des GFI des dernières attentes de la FINMA en la matière. Ceux-ci devraient être en mesure, dans un délai de 24 heures après consultation des listes de sanctions accessibles au public, de détecter si une relation commerciale nouvelle et/ou existante fait l’objet de sanctions et/ou d’embargos.

Le principe de proportionnalité devrait permettre d’adapter ces obligations selon le profil de risque du GFI. Un établissement dont la clientèle est essentiellement européenne ou latino-américaine doit-il réellement procéder à un screening mondial exhaustif? Qui plus est dans des délais si courts?

Certains acteurs, très exposés à ces risques, ont déjà mis en place un processus automatisé, ou alors y consacrent un suivi quotidien par notre intermédiaire. Pour les autres, une réflexion préalable s’impose avant de réagir. Dans tous les cas, cette nouvelle exigence marque un pas supplémentaire vers la nécessité, pour les GFI, de s’équiper d’un CRM/PMS capable d’intégrer et de centraliser la gestion de nombreuses contraintes réglementaires.

Point Marchés avec notre partenaire Union Securities Switzerland

Micro force, macro fragilité

Emmanuel Ferry

Un environnement

Les marchés mondiaux poursuivent leur progression malgré un environnement économique et politique de plus en plus incertain. Les récents événements — nouveaux tarifs américains, instabilité politique en Europe, faiblesse du marché du travail aux États-Unis — ont conduit la Réserve fédérale à entamer un cycle d’assouplissement monétaire.

La croissance reste positive mais inégale: 1,9% aux États-Unis, 4,8% en Chine et 1% en Europe, dans un contexte où l’intelligence artificielle s’impose comme principal moteur d’investissement et de productivité.

Des valorisations sous tension

Les marchés d’actions sont portés par la concentration extrême autour des grandes valeurs technologiques américaines — les « Magnificent 7 » ont progressé de plus de 60% depuis le printemps.

Les valorisations atteignent des niveaux historiquement élevés : le CAPE à 38x s’approche des sommets de 2000. Si les fondamentaux des leaders technologiques demeurent solides, le contexte macroéconomique — dette publique américaine supérieure à 120 % du PIB, déficits élevés et marges de manœuvre monétaires limitées — rend les marchés sensibles à tout resserrement des conditions financières.

Le risque principal est désormais une compression des multiples, qui pourrait se traduire par une correction de 20 à 35% en cas de ralentissement des bénéfices ou de hausse des taux réels.

Les conséquences pour l’allocation

Nous restons dans un cycle tardif, caractérisé par un ralentissement accompagné d’une inflation persistante. Dans ce contexte, AWAP et USS maintiennent une approche prudente et sélective:

  • Diversification géographique: renforcement des expositions en Europe et sur les marchés émergents.
  • Au-delà du 60/40: valorisation accrue des actifs réels et alternatifs (or, matières premières, immobilier, infrastructures).
  • Approche barbell : combiner des actifs de croissance de qualité avec des stratégies asymétriques et peu corrélées.
  • Protection contre le débasement monétaire: l’or demeure une conviction forte, soutenu par la demande des banques centrales et les incertitudes géopolitiques, avec un objectif supérieur à 5’000 $/oz d’ici mi-2026 et les Cryptoactifs
  • Thématiques clés: défense, transition énergétique, réindustrialisation et infrastructures européennes. Les petites capitalisations européennes offrent désormais un point d’entrée attractif, soutenu par la reprise budgétaire allemande.

La combinaison d’une croissance modérée, d’une inflation persistante et de valorisations élevées plaide pour une allocation équilibrée, diversifiée et flexible. Dans un monde marqué par la dette, la fragmentation et le débasement monétaire, les actifs réels et les stratégies antifragiles demeurent les meilleurs vecteurs de résilience à moyen terme.

2025.11.06.Performance

Cybersécurité

Cybersécurité: la FINMA met en garde

 En 2024, la FINMA a officiellement identifié la cybersécurité comme un risque majeur pour le secteur financier. En 2025, elle confirme que le nombre d’attaques est en forte hausse, rappelant aux établissements qu’ils doivent être capables de démontrer la robustesse de leur dispositif informatique — sous peine de sanctions, voire de retrait de licence en cas de négligence. Les incidents significatifs doivent désormais être déclarés immédiatement à la FINMA, et les contrôles s’intensifient.

Dans le même temps, les banques interrogent de plus en plus les GFI sur la sécurité de leurs systèmes et de leurs données. La première réponse consiste souvent à rédiger une directive interne: principes de protection des systèmes et des données, tests réguliers, sensibilisation des collaborateurs, etc. Mais une directive, seule, ne suffit pas. Comme le rappelait récemment l’un de nos formateurs, un plan de remédiation et, le cas échéant, un contrat avec une société spécialisée, telle que KissLabs, notre partenaire IT, sont essentiels lorsque l’on n’est pas soi-même en mesure de circonscrire une attaque ou de restaurer les données. Dans certains cas, une assurance dédiée cyber-risque pourrait s’avérer utile, quand bien même rien ne remplace la nécessaire vigilance.

De la conformité à la pratique

D’un point de vue réglementaire, ces exigences sont incontournables. Mais, sur le plan opérationnel, la cybersécurité repose avant tout sur des gestes simples et disciplinés. Le Forum économique mondial estime que 95 % des cyberattaques réussissent à cause d’erreurs humaines. Voici quelques éléments à considérer:

  • L’usage d’un gestionnaire de mots de passe et de mots de passe uniques et complexes;
  • L’authentification multifactorielle (MFA) pour tous les accès sensibles;
  • Les mises à jour régulières des systèmes et logiciels;
  • L’installation et la maintenance d’un logiciel de sécurité à jour;
  • Et bien sûr, une vigilance constante face aux messages et autres courriels

Cocher les cases d’une directive est une condition nécessaire, mais pas suffisante. La cybersécurité ne se limite pas à une exigence réglementaire: c’est avant tout un enjeu IT stratégique pour chaque organisation. On se protège contre les attaques pour éviter d’avoir à en subir les conséquences — car lorsqu’un incident survient, ce sont des heures, voire des jours, qu’il faut consacrer à tout remettre en ordre. Il convient sûrement de passer d’une logique de conformité à une véritable volonté de protection: une approche proactive, une sensibilisation continue et une gouvernance IT solide.

Contactez-nous pour un audit de vos systèmes IT

Quoi de neuf chez AWAP?

Analyse de portefeuilles: un nouvel accompagnement pour nos membres

Après avoir mis en place, au premier semestre un cadre structuré pour aider nos membres à préparer leurs comités d’investissement et proposé des portefeuilles modèles, AWAP poursuit son développement. Nous les accompagnons désormais dans l’analyse de leurs portefeuilles.

Avec des questions simples mais essentielles:

  • Mon allocation d’actifs est-elle cohérente avec mes convictions de marché?
  • Ma construction de portefeuille offre-t-elle une diversification suffisante?

Ces analyses constituent un outil précieux pour une meilleure compréhension des risques financiers et s’avèrent particulièrement utiles dans le cadre de vos propositions de restructuration de portefeuilles, que vous faites avec vos clients.

Autant d’éléments sur lesquels nos membres peuvent désormais compter sur le soutien d’AWAP.

Le prochain chantier, pour ce deuxième semestre, porte sur la fluidification des relations bancaires. Ensemble, les membres d’AWAP représentent une force collective qui commence à peser dans le dialogue avec les banques. Cette position permet souvent d’être mieux accueillis, mais aussi de mieux comprendre ce que chaque banque apporte réellement — une valeur ajoutée qui n’est pas toujours connue ou partagée.

Notre objectif: rendre ces informations accessibles et transparentes sur myAWAP, notre plateforme d’échange entre membres.

S’unir pour mieux se développer, c’est aussi cela, AWAP

AWAP rassemble aujourd’hui plus de 65 gérants de fortune indépendants romands, regroupés au sein de 25 structures, autour d’une mission commune: unir leurs forces pour mieux affronter la pression réglementaire et la hausse des coûts opérationnels.

Tout en conservant leur indépendance, les membres bénéficient d’un accès privilégié à des prestataires à des conditions préférentielles, d’un accompagnement en matière d’investissement ainsi que d’une communauté engagée partageant les meilleures pratiques et défendant les intérêts des GFI de petite et moyenne taille.