En ce moment, si vous voulez attirer l’attention des investisseurs, le meilleur moyen c’est de signer un deal quelconque dans le domaine de l’Intelligence Artificielle. Peu importe le contenu du deal, peu importe l’objectif de ce dernier. Le plus important c’est que le deal en question se chiffre en milliards (idéalement en DIZAINES de milliards) et qu’Open AI et/ou Nvidia soient impliqués dans le package. À partir de là, vous pouvez licencier la moitié de vos employés, être prudent sur l’avenir de votre société et claquer du pognon dans tous les sens pour « booster » l’IA de votre boîte, plus RIEN ne pourra vous arriver et votre action ira directement au plus haut de tous les temps.
L’Audio du 4 novembre 2025
Restons focus
Lundi, les marchés américains ont entamé la semaine en mode bipolaire sous amphétamines. Le S&P 500 a grappillé +0,2 %, le Nasdaq a bondi de +0,5 %, et le Dow Jones, faisait la gueule parce qu’il n’y a pas assez d’Intelligence Artificielle dedans, du coup, il a lâché -0,5 %. Les variations des indices ne sont clairement pas représentatives de l’excitation qui se passe en coulisse, mais comme c’est un peu la référence du marché et sa marque de fabrique, il faut quand même faire « genre ça nous intéresse ». En clair : si hier vous n’aviez pas tout misé sur la tech et l’intelligence artificielle, votre journée était profondément dépressive et il valait mieux rester au lit en vous faisant passer pour malade même si c’était pas vrai. Sur les 500 valeurs du S&P, seules 180 ont fini dans le vert — autrement dit, la hausse tient sur les épaules de quelques-uns et d’Amazon, Nvidia et Palantir en particulier, le reste était chiant à mourir et il valait vraiment mieux trouver une excuse pour ne pas regarder vos écrans.
Le moteur du jour, c’était évidemment Amazon, qui a signé un accord colossal de 38 milliards de dollars avec OpenAI pour héberger les cerveaux artificiels de ChatGPT sur ses serveurs AWS. Rien que l’annonce a suffi à réveiller Wall Street : Amazon +4 %, Nvidia +2,2 %, Palantir +3,3 %. Les investisseurs ont lu “AI” et “38 milliards” dans la même phrase et ont acheté tout ce qui avait un processeur. Ce qui est fabuleux, c’est que peu importe le deal d’OpenAI, y a toujours Nvidia qui monte derrière – vu qu’ils vont devoir produire des tonnes de milliards de GPU’s en plus pour construire ces nouveaux Legos des datacenters. Et puis ce qui est fabuleux également, c’est qu’OpenAi est en train de signer des deals avec tout le monde sans aucune distinction et on ne sait toujours pas à quel moment ils vont augmenter leurs revenus pour de vrai… Mais peu importe, ils vivent le polyamour avec tout le monde tant que ça développe des serveurs, des datacenters et que ça assèche des lacs entiers pour refroidir lesdits serveurs en question…
La tech, la tech, la tech et l’IA (surtout)
À côté de ça, à côté de ce deal et du fait que tout le monde était surexcité sur les chiffres trimestriels dithyrambiques de Palantir qui étaient attendus after-close, le reste du marché faisait grise mine. Les matériaux, la conso de base, l’immobilier et la finance se sont pris des claques comme si ça ne coûtait rien, tandis que les fonds défensifs et les small caps se faisaient tondre dans tous les sens. Pffff, qu’est-ce qu’il faut être idiot pour faire du DÉFENSIF, c’est sooooooo Has Been… À la fin de la journée, il y avait trois secteurs qui gardaient la tête hors de l’eau : la consommation discrétionnaire, la tech et les utilities. Les autres regardaient passer la fusée Amazon d’un air résigné. La consommation discrétionnaire montait parce que tout va tellement bien dans l’économie américaine, qu’il fallait quand même fêter ça, la tech parce que l’IA c’est quand même la base et les Utilities, parce qu’il va bien falloir construire des Datacenters, les connecter au réseau électrique et pomper un max d’électricité et aussi de flotte pour refroidir le monde merveilleux de l’intelligence artificielle.
Sur le front macro, l’ambiance reste tout aussi paradoxale. Le shutdown américain entre dans son 34ème jour, paralysant la publication des statistiques économiques — les traders pilotent à vue, alimentés par les algos et les « feelings » de Powell – quand il en donne. Après la baisse des taux de la semaine dernière, Jerome Powell a calmé tout le monde en déclarant qu’une nouvelle baisse en décembre “n’était pas acquise”. Résultat : les marchés, qui misaient à 94 %sur un nouvel assouplissement il y a encore une semaine, n’y croient plus qu’à 67 %. Et ce soir, dans la nuit de mardi à mercredi, le SHUTDOWN actuel deviendra le plus LONG DE TOUS LES SHUTDOWNS et nous entrons dans une zone inconnue. Les experts qui disaient – il y a encore 34 jours – que l’impact économique du SHUTDOWN restait limité, commencent à se dire qu’ils auraient eu (peut-être) meilleur temps de la fermer. Et dès ce samedi, l’aide alimentaire que le gouvernement fourni aux Américains dans le besoin va être réduit de 50% (au moins). Trump a dit qu’il allait trouver une solution, mais quand même. Le niveau de stress dans la population est en train de monter, pendant que ces glands de politiciens à Washington n’arrivent pas à se mettre d’accord pour un budget dont tout le monde se fout. Et en attendant, on ne sait toujours rien de l’emploi, si ce n’est que quand ça va rouvrir le calcul des NFP’s va ressembler à une équation à 14 inconnues qui a été rédigée par un chimpanzé sous cocaïne.
À boire et à manger
Du côté des entreprises, les résultats s’enchaînent : IDEXX Laboratories s’est envolé de +15 %, Kenvue de +12 %après son rachat par Kimberly-Clark (qui, elle, s’est effondrée de -15 %), et les investisseurs attendent dès aujourd’hui, les publications d’Uber, Shopify, Spotify, Ferrari et Pfizer avant l’ouverture et AMD et Supermicro après la clôture. D’ailleurs ces deux dernières devraient cartonner parce que l’IA, c’est quand même trop cool. Et puis on regardera avec intérêt les chiffres de Ferrari, qui sont en souffrance depuis que l’on a réalisé que personne n’a vraiment envie de rouler dans une Ferrari électrique qui ferait un faux-bruit de V12 et qui aurait une autonomie de 200 kilomètres pour autant que ça soit en descente avec le vent dans dos. Le reste, c’est du classique ; on a eu droit à des indicateurs économiques qui se contredisent, puisque l’ISM manufacturier voit une contraction de l’économie, pendant que le S&P Global Manufacturing PMI sur le même mois, mais pas calculé par les mêmes mecs ni le même style, montre une croissance. Déjà qu’on n’a pas de chiffres économiques « fiables » à cause du SHUTDOWN, mais si EN PLUS, ceux qu’on nous donne se contredisent, il vaut mieux acheter de l’IA parce que ça, au moins ça a de l’avenir et ça assure la croissance des marchés FOREVER !!!
En Europe on a démarré la semaine avec le dynamisme d’un lundi matin pluvieux, brumeux et déprimant. Le Stoxx 600 fait du surplace, le CAC 40 perdait 0.1 %, pendant que le DAX s’offre un petit +0,7 % juste pour montrer qu’il est encore vivant. Les PMI manufacturiers européens stagnaient pile à 50, ce qui veut dire : “ni croissance, ni récession, juste l’emmerdement maximal”. Mais heureusement, le secteur auto a mis un peu d’ambiance : Renault, Volkswagen, Mercedes et Forvia ont redémarré en trombe grâce à la fin des tensions sur les semi-conducteurs chinois. En Suisse, le SMI s’est contenté d’un +0,01 % symbolique pendant que l’inflation s’établissait à 0,1 % – la BNS peut dormir tranquille, elle qui prévoit une inflation moyenne de 0,2 % pour 2025. Et pendant que Lufthansa évite une grève et que BASF déménage ses usines, le reste du continent attend une vraie nouvelle pour se secouer les puces. En résumé : l’Europe avance à 50 à l’heure sur la voie de droite, les yeux rivés sur Wall Street, en espérant que quelqu’un appuie enfin sur l’accélérateur ou trouve un moyen de faire un deal sur l’IA en Europe.

L’Asie dans le pâté
En Asie, ce matin, les marchés digèrent la trêve fragile entre Washington et Pékin et se demandent si ça va vraiment durer très longtemps ou si les belles paroles de la semaine dernière, ne sont pas finalement….que des paroles alors que les tensions techno refont déjà surface. À Séoul on prenait les profits après les récents records. À Sydney la RBA a laissé ses taux inchangés à 3,6 % — une décision tellement attendue que personne n’a bronché.
Les futures US baissent un peu dans la nuit asiatique. Trump, lui, a décidé de remettre une couche : les puces Blackwell de Nvidia resteront aux États-Unis. Pas une de plus pour la Chine. Trêve commerciale, oui, mais embargo technologique, toujours. Du côté de Pékin, l’ambassadeur Xie Feng rappelle à Washington de respecter les “lignes rouges” – comprendre : Taiwan, tu touches pas. En résumé : une trêve d’un an qui ressemble plus à une pause café qu’à une réconciliation, des marchés prudents, et des investisseurs qui savent déjà que le prochain épisode du soap “Trump vs Xi” est pour bientôt. On ne parle pas encore d’un nouvel épisode de « guerre commerciale » saison 8, mais il y a un truc qui nous dit que l’année ne va pas se terminer comme ça ; aussi facilement.
Le pétrole reste stable autour de 60.87 $, l’OPEP+ ayant décidé de suspendre toute hausse de production début 2026 — autrement dit : ils improvisent. L’or repasse sous les 4’000$ et ce matin nous sommes à 3’993$. Le bitcoin dégringole à 106’000$ et les experts sur le sujet – dont je ne fais pas partie DU TOUT – commencent à dire que l’on pourrait voir une pression vendeuse en direction des 94’000$… histoire de faire paniquer tout le monde encore une fois. Du côté du 10 ans, le rendement est toujours à 4.10%.
Amazon & OpenAI, le nouveau pacte des titans du cloud
Si la séance a autant fait parler d’elle, c’est à cause de ce deal hors norme entre Amazon et OpenAI. Le laboratoire de Sam Altman, déjà partenaire de Microsoft et Oracle, vient de signer un contrat de 38 milliards de dollars sur sept ans avec AWS pour faire tourner ses modèles d’intelligence artificielle sur l’infrastructure d’Amazon. L’accord est effectif immédiatement, avec la mise en place de centaines de milliers de GPU Nvidia dernière génération d’ici fin 2026, et une clause d’extension à partir de 2027. L’idée… oui parce que c’est pas juste une distribution de milliards, c’est de distribuer la puissance de calcul de ChatGPT entre plusieurs géants du cloud. OpenAI, qui avait déjà réservé 250 milliards de dollars chez Microsoft (Azure) et 300 milliards chez Oracle, s’offre avec Amazon un troisième pilier stratégique. Ce choix est malin : il empêche qu’un seul acteur — Microsoft, par exemple — ait un contrôle total sur son infrastructure, tout en garantissant une redondance colossale pour ses futurs modèles GPT-6 et GPT-7.
Pour Amazon, c’est une victoire stratégique éclatante. AWS, qui voyait Microsoft lui grignoter des parts de marché, revient au premier plan de la bataille du cloud. C’est aussi un message à Wall Street : le futur de la tech ne se jouera pas sur les applis, mais sur les serveurs. Le marché a adoré : +4 % en séance pour Amazon, soit des dizaines de milliards de capitalisation gagnés en une journée. Et pour Nvidia, c’est encore Noël. Toutes ces alliances se traduisent par des commandes massives de GPU, ce qui continue d’alimenter sa position de fournisseur unique de la révolution IA. En résumé, ce partenariat n’est pas juste un contrat technique — c’est le nouvel acte de la guerre du cloud et de l’IA.
Microsoft, Oracle et Amazon sont désormais les trois bras armés d’OpenAI, pendant que Google, Meta et Anthropic cherchent encore leur plan de bataille. Et au milieu de tout ça, Sam Altman orchestre le tout, façon chef d’orchestre de la Silicon Valley, pendant que les investisseurs rêvent d’un monde où la seule inflation qui reste, c’est celle des serveurs.
Bienvenue en 2025 : la croissance ne se mesure plus en points de PIB, mais en téraflops.
On notera d’ailleurs qu’au passage que depuis le début de l’année, OpenAI a :
o A signé un accord Stargate de 500 milliards de dollars
o A signé un accord avec Nvidia de 100 milliards de dollars
o A signé un accord avec AMD de 100 milliards de dollars
o A signé un accord avec Amazon de 38 milliards de dollars
o A signé un accord avec Intel de 25 milliards de dollars
o A signé un accord avec TSMC de 20 milliards de dollars
o A signé un accord avec Microsoft de 13 milliards de dollars
o A signé un accord avec Oracle de 10 milliards de dollars
o A signé un accord « de plusieurs milliards de dollars » avec Broadcom
o A lancé un navigateur pour concurrencer Chrome
o Est devenue l’entreprise privée la plus valorisée au monde
o Envisage une introduction en Bourse à 1 000 milliards de dollars d’ici 2027
C’est ça qu’on appelle : « être le centre du monde » ???
Palantir : le toit du monde et la volatilité
Hier soir, Palantir devait publier les chiffres de son troisième trimestre. Avant les publications, Palantir était littéralement la rock star du Nasdaq. Le marché s’attendait à un feu d’artifice. Le titre avait pris plus de 170 % depuis janvier, porté par l’engouement pour l’IA et la promesse d’une croissance “à la Nvidia”. Bref, tout le monde voulait croire qu’Alex Karp avait trouvé la martingale entre les contrats gouvernementaux et la monétisation de l’intelligence artificielle. Et, sur le papier, c’est exactement ce qu’il a livré : chiffre d’affaires record de 1,18 milliard (contre 1,09 attendu), bénéfice ajusté de 21 cents (au lieu de 17), croissance de 63 % sur un an, et une activité gouvernementale en feu : +52 %, à 486 millions, dopée par un contrat massif avec l’armée américaine d’une valeur maximale de 10 milliards de dollars. Même le segment commercial — longtemps vu comme le maillon faible — a doublé ses revenus à 397 millions, avec des signatures multipliées par quatre, et des deals costauds avec Snowflake, Lumen et Nvidia.

Résultat : à l’annonce, le titre s’envolait de +7 % en after-hours. Euphorie totale. Et puis… le soufflé est retombé. En quelques heures, Palantir a tout reperdu et plongeait de plus de 5 %. Pourquoi ? Parce que le marché, grisé par l’IA, commence à se demander si la valorisation n’a pas dépassé la réalité. À près de 500 milliards de capitalisation, Palantir est désormais valorisée comme une méga-cap, mais sans les marges, ni la stabilité d’un Microsoft et avec un PER dans les 6 ou 700x, on peut se poser des questions. Enfin, une question surtout : que se passerait-il en cas de ralentissement de la croissance ? Alex Karp, fidèle à son style mythique et mystique, a parlé de “croissance authentique et substantielle” et estime que ces résultats sont « les meilleurs résultats jamais réalisés par une entreprise de logiciels »…Mais Wall Street, lui, a surtout entendu : beaucoup de hype, peu de guidance. Le relèvement des prévisions à 4,4 milliards de revenus pour l’année n’a pas suffi à calmer les doutes : la boîte reste brillante, mais son prix flirte dangereusement avec la stratosphère. En clair : Palantir a fait tout juste, sauf une chose : défier la gravité de sa propre hype.
Les chiffres du jour
Côté chiffres économiques, nous aurons le Trade Balance aux USA, mais aussi les factory orders et les JOLTS. Ce dernier chiffre sera particulièrement regardé, puisqu’au moins lui, il donne un semblant d’état de santé de l’emploi américain en l’absence des NFP’s. Autrement, on va continuer à disséquer les trimestriels et on va attendre le prochain deal d’OpenAI qui n’a encore rien signé avec Google et Meta.
Les futures sont en détresse ce matin et encore une fois, lorsque l’on voit les chiffres de Palantir et le résultat final, une fois de plus, le marché ne sait plus saluer les bons trimestres, il ne sait plus que punir. Sauf quand il s’agit d’un deal sur l’intelligence artificielle.
Bref, on vit une époque fascinante : l’économie réelle fait la sieste et laisse supposer qu’elle n’est pas au mieux de sa forme, mais l’IA fait la fête. Les politiciens sont en shutdown, les traders en pilotage automatique, et OpenAI signe des deals comme d’autres collectionnent les timbres. Palantir découvre que même les miracles ont un prix, Amazon imprime des milliards de capitalisation boursière, et Powell essaie encore de comprendre comment calmer un marché sous amphétamines. Résultat : tout le monde parle d’IA, mais plus personne ne parle d’économie. Et si 2025 devait être un slogan, ce serait sans doute : “In AI we trust… »
Excellente journée à tous et on se voit demain pour de nouvelles aventures passionnantes dans le monde merveilleux de la finance.
Thomas Veillet
Investir.ch
People grow through experience if they meet life honestly and courageously. This is how character is built.
Eleanor Roosevelt