Il y a un truc qui me dit que les journées vont être super longues jusqu’à mercredi prochain. Le marché est en train de faire une obsession sur les chiffres de l’emploi à un point que ça donne le sentiment que la FED – en baissant les taux dans 6 jours – va éradiquer le cancer, transformer l’eau en champagne millésimé et faire disparaître la faim dans le monde, ainsi que l’ensemble des conflits mondiaux, Russie-Ukraine y compris. En fait la FED VA simplement BAISSER LES TAUX, c’est une certitude et à partir de là, je ne sais pas à quoi on va se raccrocher en attendant l’arrivée de l’éminemment jovial Kevin Hassett qui lui, va ramener les taux à zéro en trois semaines en mai prochain.

L’Audio du 4 décembre 2025

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Les bonnes nouvelles, c’est trop bon

Si l’on devait résumer la séance d’hier, je crois que ça serait hyper-simple : ON ADORE LES MAUVAISES NOUVELLES, parce que ça fait baisser les taux. Voilà, point final. Si ce matin vous voulez gagner du temps, vous pouvez arrêter de lire cette chronique ici. La seule et unique raison qui a fait monter la bourse hier c’est que les chiffres macros continuent d’être immondes et que ceux qui sont moins immondes pointent en direction d’une inflation qui « semble » vouloir ralentir. En gros, peu importe ce qui sort, ça nous permet de trouver une justification, ou en tous les cas un renforcement de notre conviction comme quoi Powell n’aura pas d’autre choix que de baisser les taux la semaine prochaine.

Hier nous avons donc eu les chiffres de l’ADP qui ont été publiés, mais également l’ISM des services. Si l’on se concentre sur L’ADP de novembre, c’était la douche glacée. Bon, tout d’abord il faut retenir une chose, c’est que d’habitude on se fout pas mal des chiffres de l’ADP, parce que deux jours plus tard, on publie les Non Farm Payrolls et comme c’est l’équipe de bras cassés du BLS qui les publient, c’est plus important pour les Dieux de la Finance que nous sommes. SAUF QUE. Oui, sauf qu’à cause du SHUTDOWN, le BLS est à la ramasse et ne pourra publier les NFP que le 16 décembre. Ce qui nous emmène APRÈS le meeting de la FED. Donc, SOUDAINEMENT, les chiffres de l’ADP sont devenus Calife à la place du Calife et c’est devenu LE CHIFFRE LE PLUS IMPORTANT DU MOOOOOONNNNNDE, pour savoir si la FED va baisser les taux. Je ne vais pas vous faire patienter plus longtemps : la FED VA BAISSER LES TAUX. Elle n’aura pas vraiment d’autre choix parce que les entreprises privées ont viré 32’000 personnes sur le mois de novembre alors que les génialissimes économistes et autres analystes qui sont payés à prix d’or pour faire des prévisions bidons, avaient prédit que l’économie privée avait créé 40’000 emplois. C’est donc un nouveau gros ratage pour le monde de la finance qui aurait intérêt à se lancer dans les prévisions météo, puisque statistiquement et avec l’aide de la technologie, les météorologues ont amélioré leur taux de réussite sur les 50 dernières années. Alors qu’à Wall Street on a toujours un taux d’efficacité qui frise le championnat du monde de pile ou face.

C’est moche donc c’est bien

Donc. En résumé, les chiffres de l’emploi ADP étaient dégueulasses, les salaires ralentissent – pour ceux qui ont job – et c’est surtout dans les petites entreprises qui ça sabre dans le staff. ADP résume les choses de la manière suivante : “Les employeurs sont nerveux, les consommateurs sont prudents, l’économie ne rassure pas, et les petites boîtes décrochent.” On peut retourner les choses comme on veut, ça ne donne pas l’impression que l’économie rigole et que tout le monde il est content. La suite des choses était assez logique, nous avons mis en place le concept de l’interpolation et on s’est dit : Si les chiffres ADP étaient immondes, les NFP se seront pas meilleurs surtout qu’en plus, l’état était à moitié fermé en novembre, donc peu enclin à engager du monde. Ce qui nous amène donc à la conclusion logique :

LA FED N’AURA PAS D’AUTRE CHOIX QUE DE BAISSER LES TAUX LA SEMAINE PROCHAINE !!!

Donc hier il fallait acheter et donc hier le S&P500 a terminé légèrement en hausse, mais à 40 points de sa plus haute clôture historique. Soit 0.6% à parcourir. Une bonne séance d’optimisme basée sur des bonnes nouvelles bien pourries et hop, on est au plus haut de tous les temps en se basant sur le fait que les taux bas sont le dopage autorisé des bourses mondiales. Alors bien sûr, comme vous êtes tous des êtres dotés d’une intelligence logique et rationnelle, vous allez me dire : OUI, MAIS ALORS, QUID DE L’INFLATION ??? Et vous aurez bien raison, parce que nous savons tous qu’une baisse des taux va stimuler l’inflation – elle qui a déjà de la peine à baisser – si l’on tient compte des derniers chiffres qui ont été publié. Avant le SHUTDOWN…

Et bien figurez-vous que si vous aviez encore le moindre doute sur le fait que l’on vit dans un monde parfait, hier ce doute a été levé avec la publication d’un seul chiffre : l’ISM des services. Alors oui, je sais, d’habitude l’ISM des services on s’en fout comme de notre première cravate Hermès, mais comme on est pas dans une période classique du côté de la macro-économie, on est bien obligé de se raccrocher à ce qu’on peut. DONC, l’ISM des Services montre que l’économie tourne encore, mais que les prix ralentissent. Et si les prix ralentissent : CQFD, l’inflation est apaisée. Alors bien sûr, les gros rochons viendront vous dire que si l’économie « va bien » et « tourne encore », il n’y a pas de raison de baisser les taux, mais ça serait oublier que le marché est conditionné pour vivre par et pour la baisse des taux. Depuis que Powell a annoncé qu’il arrêtait de monter les taux il y a près de 26 mois, les bourses mondiales sont devenues toxico-dépendantes aux taux ou la perspective de taux bas.

L’évidence qui frappe

Ne cherchez donc pas plus loin, hier les indices américains sont montés à cause de la probabilité de baisse des taux qui grimpe à plus de 90% et qui frappe comme une évidence et à moins que le PCE de demain sorte 140% au-dessus des attentes, on voit mal comment Powell pourrait faire autrement. Et puis si les perspectives de taux bas la semaine prochaine ne suffisent pas, vous trouverez toujours un média quelque part qui vous expliquera que « comme Kevin Hassett va devenir Président de la FED en mai », nous avons une longue période de taux bas devant nous qui va entraîner prospérité, joie et bonheur dans l’économie mondiale en général et américaine en particulier. Notre avenir semble tout tracé : demain le PCE sera en ligne avec les attentes ou en-dessous et mercredi Powell fera son annonce et ensuite on se demandera à quelle date sera la prochaine baisse. Après, oui, on peut quand même se souvenir que la dernière fois que des gens de la FED ont parlé, la FED était divisée :

• Une partie disait : “Il faut couper pour éviter un vrai problème.”
• Et l’autre disait : “Si on coupe plus, l’inflation repart et c’est nous qu’on va se faire découper par l’inflation.”

Mais ça c’était AVANT les chiffres d’hier qui nous montrent le chemin vers la lumière… Bref, hier on est monté aux USA, on a hésité en Europe, parce que rien ne bouge entre l’Ukraine et la Russie et à la fin, on attend toujours mercredi prochain. Ça va être très long. Même le week-end va être très long. La bonne nouvelle restant quand même que tout va bien parce que le marché ADORE LES MAUVAISES NOUVELLES.

En Asie, on regarde ailleurs

Pendant que les Américains font des interpolations avec leurs chiffres économiques et que l’Europe attend de voir si Poutine va envahir la Pologne, en Asie on se concentre sur d’autres trucs. Le Nikkei s’envole parce que soudainement – et depuis que Fanuc, le fabricant de robots, a signé un deal avec Nvidia pour construire des Terminator pour les envoyer dans le passé, le secteur c’est la nouvelle folie du moment. Les Chinois et Hong Kong ne font pas grand-chose en attendant des signaux d’encouragement du parti qui pourrait prendre la forme d’un nouveau stimulus – je crois que c’est le 289ème et que ça ne stimule toujours pas grand-chose. Et puis pendant que le Japon se prend pour le Nasdaq, Kazuo Ueda, patron de la Banque du Japon, a admis que la BoJ avançait un peu à l’aveugle, parce que le fameux “taux neutre”, celui qui ne chauffe ni ne refroidit l’économie, est impossible à mesurer précisément. On sait juste qu’il se cache quelque part entre 1% et 2,5%, une fourchette tellement large qu’elle en devient comique. Et en plus c’est même pas sûr. Résultat : la BoJ pourrait remonter les taux… sans vraiment savoir jusqu’où. Ça fait pas mal de doutes et d’interrogations qu’il va falloir gérer. Que ce soit au Japon ou ailleurs.

Pour l’instant, le reste du monde reste bien plus concentré sur les décisions de la FED et la couleur de la cravate que portera Kevin Hassett pour son investiture, que sur le sujet du Japon, mais avec un taux directeur actuellement à 0,5%, Ueda laisse déjà entendre qu’on pourrait grimper à 0,75% lors de la prochaine réunion, tout en reconnaissant que la stratégie n’est pas gravée dans le marbre. En clair : la Banque du Japon pilote la politique monétaire à l’aveugle et parle de nommer un nouveau membre au board de la banque centrale qui pourrait bien être un labrador. Pour le reste, on retiendra que le pétrole est à 59.26$, que l’or se traite à 4’219$, que le rendement du 10 ans américain est à 4.09% et que l’indicateur de prise de risque du marché, autrement dit : le BITCOIN, est à 93’000$, comme figé depuis hier… Ah oui, et puis le rendement du 10 ans japonais est à 1.92% et tout le monde s’en fout. Personnellement je me demande à quel moment on va basculer du côté panique… Peut-être que le jour où ça passe à 2%, on va se réveiller.

Entre autres choses..

Ceci mis à part, en dehors du fait qu’hier nous avons passé la séance à faire de l’interprétation macro-économique en nous basant sur des bouts de ficelle, du marc de café et de la panse de brebis farcie, il faudra tout de même retenir qu’il s’est passé un non-évènement dans le secteur de l’intelligence artificielle. Hier, Microsoft s’est pris -2,5% dans la figure parce qu’un article disait que la société avait baissé ses objectifs de vente de certains produits d’IA parce que ça ne se vendait pas si bien que ça. Un truc qui, évidemment, a déclenché la panique chez tous ceux qui rêvaient que l’IA imprime du cash instantanément. Sauf que ça n’est pas aussi simple :

• Microsoft a répondu : “l’article mélange croissance et quotas, arrêtez d’inventer n’importe quoi.”
• Les analystes ont déclaré : “calmez-vous, on est au début de l’année fiscale, ajuster les quotas c’est normal.”
• Et Azure est toujours blindé de demande. Même trop : elle dépasse sa capacité.

Le seul produit vraiment touché, c’est Foundry (oui, moi non plus je ne sais pas ce que c’est) et ça ne représente qu’un microscopique bout d’Azure. La baisse de quota pourrait surtout indiquer que Snowflake et Databricks sont des concurrents un peu plus costauds que prévu.
Rien qui remette en cause la machine à cash. Le titre a chuté aussi parce que tout le monde a les nerfs à vif depuis le “code rouge” d’OpenAI et le grand retour de Google Gemini 3, qui a mis tout le monde sur les dents. Mais au final, les experts résument la situation de la façon suivante : BUY THE DIP…

Le reste

Autrement on retiendra qu’après ses récents problèmes, Airbus a réduit sa guidance du nombre d’avions livrés pour l’année. Tout le monde s’en fout. Salesforce a publié des chiffres supérieurs aux attentes et le titre était légèrement en hausse after-close. Et puis on parle aussi du fait que Merz, le Chancellier Allemand pourrait déjà se faire virer après 7 mois. Visiblement les réformes ne vont pas assez vite et il est en train de perdre le soutien des partis qui lui avaient permis de prendre le pouvoir. L’Allemagne est en train de se « franciser »… et puis aujourd’hui il y aura les Jobless Claims.

Pour l’instant, les futures sont en hausse de 0.06% et tout le monde est à la recherche de la MAUVAISE NOUVELLE qui va faire monter la probabilité de baisser les taux à 200%. En ce qui me concerne, il me reste à vous souhaiter une excellente journée et on se voit demain pour parler des attentes du PCE et des incantations que nous pourrions faire pour atteindre les 7’000 points avant que la FED se réunisse. Passez une excellente journée et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Do one thing every day that scares you.”
― Eleanor Roosevelt