C’est calme. Ça monte lentement, mais c’est calme. C’est en tous les cas l’impression que ça donne au premier abord. Les indices américains sont tous en hausse, mais sans s’emballer et l’Europe ne sait pas trop quoi faire en attendant d’y voir plus clair sur l’Ukraine – pour autant que ça se produise un jour. Pour le reste, on attend les taux de la semaine prochaine et visiblement - le Bitcoin, devenu officiellement « l’indicateur d’appétit au risque » - a donné des signes de vie avec un rebond massif. Rebond qui fait dire que le marché a retrouvé l’envie de « prendre des risques » à l’aube de quelques chiffres macro qui devraient confirmer la baisse des taux la semaine prochaine.

L’Audio du 3 décembre 2025

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La phrase

Et puis, comme l’indiquait un « expert » dans ses déclarations d’hier : « peu importe si la FED baisse les taux la semaine prochaine, nous attendons tout de même d’autre baisses de taux en 2026, ce qui devrait profiter aux actions ». Dans cet environnement, inutile de vous dire qu’il ne faut pas grand-chose pour nous faire comprendre que les marchés vont continuer sur leur lancée de ces deux dernières années : « si les taux baissent, les marchés vont monter et puis c’est tout ». La stratégie est simple et le reste n’est que du bruit autour de nous. Les indicateurs macros – lorsqu’ils auront retrouvé leur rythme normal – serviront uniquement à savoir si la FED va baisser les taux le mois prochain ou celui d’après et la seule question que l’on se posera sera de savoir ce qu’on fera lorsque les taux directeurs seront proches de zéro… Qu’est-ce qui fera ensuite, monter les marchés. Mais ça c’est pour plus tard.

Une chose est certaine, la séance d’hier aura démontré que les craintes qui étaient les nôtres il y a quelques semaines, se sont complètement dissipées. Les doutes d’il y a deux semaines se sont dissipés, surtout maintenant qu’on a compris que la question n’est plus de savoir si l’IA va cartonner, mais plutôt de savoir si l’IA qui va cartonner c’est l’IA Google ou si c’est l’IA OpenAI. On a retrouvé un certain enthousiasme sur le secteur et même si hier, OpenAI a déclenché un “code rouge”, parce que Google Gemini 3 vient de dépasser GPT-5.1 sur tous les tests qui comptent, on y croit encore. Oui, Sam Altman a envoyé un mémo façon général en guerre : « on coupe tout, on arrête les gadgets, toute l’armée retourne bosser sur ChatGPT ». Pendant ce temps, Google déroule en mode tranquille : Gemini passe de 450 à 650 millions d’utilisateurs mensuels, il s’apprête à propulser Siri en 2026, et ChatGPT progresse… mais moins vite. Oracle et Microsoft sourient parce qu’un OpenAI paniqué, ça consomme du cloud comme un chameau en plein désert. Mais derrière ce petit rebond boursier, la réalité dérange un peu : OpenAI a promis plus de 1’000 milliards de dépenses, 300 milliards à Oracle, 250 milliards à Microsoft… pour une boîte qui génère à peine 20 milliards par an. Et si la monétisation est retardée pour sauver GPT, c’est leurs serveurs qui deviennent la banque. Pendant ce temps, la concurrence fonce : Gemini 3 Pro explose les benchmarks, Meta et xAI suivent, et la Chine débarque avec DeepSeek V3.2 qui dit “on est aussi bons, parfois meilleurs.”

Bref : OpenAI reste en tête, mais voit arriver Google dans le rétro, comme Norris voit arriver Verstappen. La Chine remonte à toute vitesse et la course est relancée. Mais pour le moment, le marché trouve que cette compétition, c’est sain et retrouve une certaine motivation. Hier soir encore, Marvell a annoncé des perspectives enthousiasmantes et le rachat de Celestial pour près de 5.5 milliards, et le titre explosait de près de 9% after close. On voit que les « bonnes nouvelles » déclenchent à nouveau des emballements sur le secteur. De bon augure pour le rallye de fin d’année ou juste un feu de paille en attendant la FED ? Peu importe, tant que le Bitcoin monte, ça veut dire que l’appétit au risque est de retour et c’est le nouveau mantra du marché depuis 24 heures.

Le risque, c’est chic…

Hier, Wall Street a donc décidé que finalement… le risque, c’était quand même vachement sexy. Donc on a racheté du Bitcoin comme si c’était un reste de promo du Black Friday, et hop, les trois indices de référence terminaient tous en hausse. Tout le monde était content et on voyait que le « Buy the Dip » fonctionnait à nouveau. Le Bitcoin a donc rebondi au-dessus de 90’000 dollars — et d’ailleurs ce matin c’est encore mieux puisque nous sommes en train de friser les 93’000$. Pas mal pour un truc qui a brièvement traité sous les 84’000, il y a un peu plus de 24 heures et donc comme on le mentionnait plus tôt, la bonne humeur du Bitcoin est devenue l’indicateur émotionnel officiel de Wall Street. Je n’invente rien, ce matin en première page du Barron’s on nous explique que le Nasdaq, la tech, les semiconducteurs ont besoin de la hausse de la crypto-star pour espérer retrouver les plus hauts de tous les temps. Si le crypto-circus se calme, le marché arrête de respirer dans un sac en papier et peut repartir vers la stratosphère d’ici la fin de l’année. Et il y a même plusieurs banques qui ont commencé à afficher des « targets fin d’année » à 7’500 sur le S&P500. C’est 10% de hausse en moins de 20 jours de trading. Je ne sais pas ce que la FED va déclarer mercredi prochain, mais pour pousser le S&P500 de 10%, va falloir trouver les mots.

En tous les cas, il est absolument phénoménal de voir comment le marché était sous oxygène il y a encore deux semaines et qu’absolument TOUT LE MONDE PARLAIT du KRACH à venir et que là, 10 séances plus tard, on regarde le Bitcoin remonter et on se dit : « tiens, si j’achetais des call S&P500, strike 7’000 échéance 31 décembre, ça paiera sûrement les cadeaux de Noël des 8 prochaines années ». Et puis dans cette enthousiasmante séance, où l’on retrouvait l’envie et le bling-bling du Bitcoin, il faut aussi dire que les quelques boîtes technos qui ont publiés des chiffres trimestriels ont su parler aux investisseurs. MongoDB et Credo ont explosé de respectivement 22% et 10%. Hier, même si ça ne se voyait pas sur le Nasdaq, l’appétit au risque était de retour et les craintes d’hier n’étaient plus que bonnes à être classées dans les livres d’histoire.

Le retour de Boeing

Et puis hier, pendant que nous retrouvions une certaine sérénité sur la tech et l’IA. Et aussi pendant qu’Airbus se débattait avec ses récents problèmes techniques, Boeing a fait un truc incroyable : ils ont rassuré Wall Street. Résultat : +10% dans la journée, un petit bond à 205,28 dollars. La star du jour c’était Jay Malave, le nouveau CFO fraichement débarqué de chez Lockheed Martin. Trois mois chez Boeing, et déjà il arrive à dire un truc qui ne fait pas peur. Rien que ça, c’est une performance. Surtout avec l’historique récente de chez Boeing. Lors d’une conférence organisée par l’UBS, le CFO a lâché les mots magiques :

“On va générer plus de cash.”

Et là… hallelujah, les investisseurs ont vu la lumière. Et Malave ne s’est pas arrêté là, puisqu’il a ajouté :

“10 milliards de cash par an ? C’est très faisable.”

C’est à cet instant très précis que Wall Street que a commencé à pleurer de joie. Côté production, le 737 MAX avance “comme prévu”, ce qui, dans les standards Boeing, signifie “aucun drame majeur cette semaine”. Les livraisons devraient grimper en 2026 et on parie sur 700 jets en 2025, Boeing dit plutôt 600. Mais la vérité est simple : ils doivent produire plus s’ils veulent cracher du cash. La nouvelle était excellente, parce que depuis les problèmes avec le 737 MAX, Boeing crame du cash comme une start-up dans les années 2000. Alors le moindre signe d’amélioration financière déclenche une standing ovation. Pour faire simple, cash is king, surtout pour Boeing.

L’Asie

Ce matin le Japon est en hause de 1.5% et la Chine en baisse de 0.9%. Franchement, ça donne l’impression que tout le monde est assis sur sa chaise en attendant d’y voir plus clair au niveau des chiffres macros. Hier le CPI en Europe était en ligne avec les attentes et aux USA on regardera les chiffres ADP de tout à l’heure, puisque c’est la seule chose qui nous rapproche un peu des Non Farm Payrolls habituels que l’on reçoit en début de mois. Actuellement, le seul chiffre qui pourra peut-être générer un peu d’excitation, c’est le PCE de vendredi qui devrait donner un peu d’indications sur l’inflation. Mais pour le moment, on a juste l’impression que l’on se rassure sur le côté tech/IA et qu’on attend de voir si on va nous donner quelque chose à manger niveau macro.

Le pétrole est à 58.69$, l’or est à 4’250$, le rendement du dix ans est à 4.08% et le Bitcoin s’échange autour des 93’000$.

Le calme avant le calme

En résumé, le marché est très calme et semble retrouver un semblant de confiance. Il faut cependant ne pas oublier qu’on parle quand même des craintes du côté japonais, du fait que la free-money qui vient de là-bas pourrait à terme se tarir et remettre en question certains investissements que l’on qualifiera de « risqués », comme le BITCOIN, par exemple. Pour le moment ce ne sont que des craintes et des suppositions, mais si le château de cartes japonais venait à s’effondrer, les conséquences seraient douloureuses pour tout le monde. Actuellement, on en parle, mais on n’a pas peur. Pourvu que ça dure.

Et puis, on parle aussi pas mal des tuyaux du système financier US qui commencent à vibrer : deux taux cruciaux du financement ultra court terme, le SOFR (Secured Overnight Financing Rate) et le TGCR (Tri-Party General Collateral Rate), sont repassés au-dessus de 4%, signe que la liquidité se resserre. Rien d’alarmant, mais suffisamment pour que tout le monde regarde la Fed en mode “tu fais quelque chose, ou on appelle un plombier ?”. Les stratèges de J.P. Morgan et BNY Mellon estiment que la banque centrale devra bientôt injecter du cash via des achats de bons du Trésor, probablement début 2026 — voire avant. Depuis septembre, ces tensions reviennent chaque fin de mois : preuve que les réserves bancaires ne sont plus vraiment “abondantes”. TD Securities pense même que la Fed pourrait intervenir dès janvier. Certains, chez Deutsche Bank, imaginent une action encore plus rapide en ajustant le taux payé sur les réserves bancaires. Pendant ce temps, les T-bills baissent un peu, les indices montent gentiment, et le marché repo se calme… mais seulement en surface. La réalité, c’est que la plomberie financière tient encore, mais la pression monte chaque mois. Et la Fed va devoir resserrer quelques boulons avant que ça ne dégénère en geyser. Mais là encore, on en parle sans trop y croire, parce qu’en attendant, l’IA c’est chouette et le Bitcoin nous dit qu’on aime bien prendre des risques…

Côté chiffres

Du côté des chiffres du jour, il y aura, le CPI en Suisse, plein de PMI’s partout dans le monde, les chiffres de l’emploi APD et la production industrielle. Les futures sont en hausse de 0.25% et la confiance semble revenir. Tout monde fait ses calculs pour savoir où finira le S&P500 dans trois semaines et on a presque l’impression que nous sommes dans un marathon et qu’une fois qu’on aura passé la ligne d’arrivée, on va pouvoir se reposer. Sauf qu’on a tendance à oublier que le 2 janvier, on y retourne et que d’ici-là, Kevin Hassett sera officiellement le nouveau futur patron de la FED.

Passez une très belle journée pleine de confiance et d’amour du risque, checkez le bitcoin, c’est notre nouvelle boussole et on se revoit demain pour la suite des aventures du monde merveilleux de la finance !

À demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

“To be yourself in a world that is constantly trying to make you something else is the greatest accomplishment.”
― Ralph Waldo Emerson