Il y a des semaines où on a un agenda chargé sur les marchés et on sait qu’il va falloir gérer plusieurs choses en même temps et qu’il ne va rien falloir rater. Et puis il y a des semaines comme celle qui commence. On a un seul rendez-vous, une seule chose qui compte, mais en même temps, ça donne l’impression que cette « chose qui compte » va déterminer le reste de notre année boursière. La décision de la FED qui sera prise mercredi soir, devrait donc nous donner le ton pour les 23 derniers jours de 2025. Soit on va se faire secouer, soit le S&P500 ira chercher les plus hauts de de tous les temps avec les 7'000 points comme première étape. Alors ? Pile ou face ?
L’Audio du 8 décembre 2025
L’attente, toujours l’attente
Commençons parce ce que l’on sait. On sait tous que la FED VA couper les taux mercredi. En théorie, je devrais dire « ON SAIT QUE LA FED DEVRAIT COUPER LES TAUX », mais quand tu sais que les derniers sondages donnent une probabilité de 86-87% à la baisse des taux, on n’est plus dans le monde du conditionnel. Nous allons donc passer ce début de semaine à se repasser le film de ce que l’on sait déjà. On va parler de l’emploi qui ne va pas bien et qui DONC doit être la première priorité de Powell et on va aussi parler de l’inflation qui reste une vraie interrogation. On n’a pas eu de CPI qui tienne la route depuis un moment, « SHUTDOWN » oblige et si l’on se base sur les chiffres du PCE de vendredi dernier, elle ne baisse pas vraiment, bien au contraire. Mais ce que l’on retient quand même c’est qu’elle « dans les attentes des économistes » ou « moins pire que prévu ». Ça ne veut donc pas dire que la vie va vous coûter moins cher le mois prochain, mais que les prix vont monter moins fort et qu’à la fin votre niveau de vie va quand même sensiblement se réduire.
Mais rassurez-vous, Wall Street se fout pas mal de cet état de fait. Le plus important, c’est que l’inflation ne fasse pas mine d’être hors de contrôle, du coup, on peut se concentrer pleinement sur l’emploi qui va mal et être convaincu que la baisse des taux est probable à 86-87%. Et donc, si l’on se base sur cette réflexion, les trois premiers jours de la semaine devraient être dédiés à s’auto-convaincre que tout va bien se passer, en se concentrant principalement sur la réflexion précitée. L’emploi va mal, l’inflation n’est pas trop « hors de contrôle », Powell peut baisser les taux.
Retour sur vendredi
Vendredi, les indices ont terminé en hausse. Mais dans une hausse qui était presque aussi spectaculaire qu’un combat à main nues entre deux escargots. Le S&P 500 et le Nasdaq ont cependant enchaîné 4 jours de hausse, le Dow Jones suivait péniblement et au final, on a bouclé une seconde semaine positive. Pas que ça soit hyper-excitant, au vu de la manière dont ça s’est fait, mais ça méritait quand même d’être signalé. On a clairement été soulagé par les chiffes du PCE qui était – comme je le disais juste avant – un peu moins pire et qui démontraient que l’inflation ne serait clairement pas le problème le plus discuté durant le FOMC Meeting qui commence demain.
Les indices avaient été emballé par l’annonce de vendredi après-midi, ils sont rapidement allés chercher les plus hauts de tous les temps, avant de se rendre compte c’était vendredi et qu’après vendredi, vient le week-end et que comme le week-end, les marchés sont fermés – sauf les cryptos qui nous encore fait un show dont ils ont le secret – les intervenants ont rapidement liquidé les positions et l’enthousiasme du PCE pour partir faire du golf samedi-dimanche avec l’esprit tranquille. Ce qu’il fallait retenir de la semaine dernière et de celle qui commence, c’est que le VRAI moment de vérité c’est cette semaine. Enfin, mercredi soir vers 19h00 pour être précis.
Santa Powell is coming to town… ou pas
La réunion du 9 et 10 décembre, c’est la seule chose qui nous préoccupe en ce lundi matin et c’est la seule chose qui va nous préoccuper jusqu’à jeudi soir au moins. Oui, le temps qu’on digère l’information. Tout se résume à une question : record historique ou pas ? Non, parce qu’à l’heure où je vous parle, le S&P 500 est déjà à 0,15% de son record absolu – si on tient compte de la légère hausse des futures ce matin. C’est comme si vous êtes à 8’848 mètres sur l’Everest et qu’il vous reste les 86 derniers centimètres à escalader, il y a comme un truc un peu émotionnel. Bon. En même temps cette année comme on a déjà fait plus de 30 « plus hauts historiques », il y a un truc qui devient un peu banal. Mais disons que dans le cas qui nous occupe, si on va au plus haut de tous les temps, c’est que Powell il est toujours DOVISH et que c’est de bon augure pour 2026 et encore plus de baisse des taux.
Surtout quand on tient compte du fait que l’on revient des gorges de l’enfer après les tensions de novembre, un shutdown interminable, des doutes sur l’IA et la manière de comptabiliser les dépenses et les amortissements, la volatilité qui prenait l’ascenseur et le « greed and fear » qui montrait la terreur… Aujourd’hui, les investisseurs ont tout oublié.
L’amnésie sélective est clairement super-pouvoir de Wall Street et du monde merveilleux de la finance. Mais entre nous soit dit, ce que veut VRAIMENT entendre le marché mercredi, c’est pas seulement « ON COUPE ». Ce qu’il veut c’est le nouveau storytelling de 2026. Oui parce qu’on veuille l’entendre ou pas, la baisse de 0.25% de mercredi soir est déjà actée, ce que l’on veut savoir c’est si la FED a l’intention de continuer à baisser les taux et peut-être même mieux que ça, puisque les plus optimistes aimerait bien que Powell annonce carrément le début d’un nouveau QE – pas vraiment un QE officiel, mais comme maintenant ils ont fini le QT, on se dit qu’ils pourraient bien en remettre une couche dans l’autre sens pour motiver les troupes. Certaines banques d’affaires y croient déjà. Bank Of America parle de 45 milliards par mois dès le mois de janvier – et pour au moins six mois. Ça serait carrément Byzance.
Kabooommm
Si la FED nous annonce un truc pareil (j’ai bien de la peine à y croire, puisqu’il y a encore deux semaines on parlait de « pause dans la baisse des taux »), pour le marché ça serait l’équivalent d’une injection d’adrénaline, de la confirmation comme quoi la FED est notre amie et peut-être même que notre indicateur d’appétit au risque (le Bitcoin) arrêterait de déprimer et de nettoyer les gars qui traitent en marge tous les week-ends…
Mais bon, on peut rêver. Une baisse des taux, je veux bien, un QE et un soutien monétaire affiché dès ce mercredi, c’est plus compliqué à admettre. Je parierais plus sur ce genre d’annonce avec l’arrivée du nouveau poulain de Trump à la tête de la FED, mais ça c’est pour le mois de mai. Quoi qu’il en soit, pour le moment si on prend un peu de recul à la FED il y a toujours deux camps : ceux qui veulent couper les taux parce que “Le marché du travail faiblit → l’inflation retombera → on coupe avant la récession.” Et l’autre camp, les faucons paranoïaques, qui se fixent sur l’inflation qui est TOUJOURS à 3%. Apparemment, les faucons paranoïaques ne seront pas assez nombreux pour renverser la table, mais ça ne veut pas dire que leurs réflexions sont complètement idiotes. L’inflation reste un problème et ce, même si on ne veut pas le voir parce que ça dérange. Et surtout, il ne faut pas oublier que la pression politique est toujours énorme sur les banquiers centraux, parce que oui, Powell s’en va en mai, mais les autres restent et s’ils ne veulent pas que leurs vies deviennent misérables, il faut quand même un peu écouter la Maison Blanche.
Bref…
Bref, mercredi la FED elle va couper les taux. Et nous, d’ici-là, on va brasser de l’air comme jamais pour essayer de meubler les heures et les jours d’attente. On va dire tout et n’importe quoi en espérant qu’au milieu de tout ça il y aura un peu de vérité. Mais à la fin, ça reste pile ou face. Et encore ça dépendra de l’interprétation qu’on va en faire… La dernière chose que l’on notera, c’est que les options parient sur une hausse de 1.3% sur le S&P500 dès mercredi soir, ce qui ne veut rien dire, si ce n’est que nous sommes plus optimistes que jamais sur ce qui se passera mercredi.
Du côté de l’Asie, inutile de vous dire que nous sommes dans la même réflexion, la même question se pose et on va attendre pareil. Ce matin on a révisé le PIB japonais à la baisse, mais ça ne devrait pas perturber la BOJ dans sa volonté de monter peut-être les taux encore ce mois. Le Nikkei est quasiment inchangé et Hong Kong perd 1% pendant que la Chine fait exactement l’inverse. Le Bitcoin s’est encore fait un swing ce week-end, puisqu’il est allé chercher sous les 88’000$ avant de remonter comme une balle. J’imagine qu’il y en deux-trois qui traitaient en levier qui vont commencer leur semaine en PLS au fond de leur lit. Le pétrole est à 60.11$, l’or est à 4’237$, le Bitcoin est à 91’100$, le rendement du 10 ans US est à 4.14% et celui du 10 ans japonais est à 1.9610%. Je me réjouis déjà les 2%…

Les trucs qu’on regarde à côté de la FED
En ce début de semaine, mis à part la FED, il y a deux choses à noter. Tout d’abord le deal Netflix-WarnerBrosDiscovery. Le géant du streaming a annoncé vouloir racheter Warner Bros. Discovery et HBO Max dans un deal à 72 milliards, un truc si énorme qu’on dirait presque un crossover Marvel–Dc Comics. Les actionnaires de Netflix ont moyennement apprécié la chose, c’est cher et ils reprennent toute la dette, ce qui pose des questions sur le rating de Netflix qui pourrait être revu à la baisse. Et puis, Le deal n’est pas encore fait pour autant : la Maison-Blanche a déjà froncé les sourcils. Trump promettant de “regarder ça de près”. Et on parle déjà un peu beaucoup de position dominante…
Et puis il y a la Chine et le Japon. Le week-end a été électrique autour d’Okinawa : Tokyo accuse des chasseurs chinois d’avoir braqué leur radar sur ses avions, un geste considéré comme une menace directe, tandis que Pékin réfute tout en bloc. Le Japon parle d’actes “dangereux”, dépose une protestation et promet une réponse “résolue mais calme”, soutenu par l’Australie. La Chine riposte en accusant les appareils japonais d’avoir harcelé ses forces pendant des exercices près du détroit de Miyako, en plein contexte de tensions croissantes autour de Taïwan. Ces incidents sont les plus sérieux depuis des années et illustrent une relation sino-japonaise au bord de la rupture, alors que Tokyo affirme qu’une attaque chinoise sur Taïwan pourrait entraîner une réaction japonaise. Pendant que Trump reste silencieux, Pékin multiplie les démonstrations de puissance, déployant plus d’une centaine de navires dans la région. Taïwan observe avec inquiétude ces manœuvres, dénonçant une stratégie d’intimidation et de guerre psychologique. Et au milieu de tout ça, la mer de Chine orientale redevient un théâtre où chaque radar allumé peut faire basculer l’équilibre régional. On avait bien besoin d’un truc pareil pour détourner notre attention de la FED.
En conclusion
Au fond, cette semaine ressemble à une immense salle d’attente avec la même musique d’ascenseur qui tourne en boucle. Nous sommes suspendus entre espoir et peur panique et tout se décidera en quelques secondes mercredi soir. Tout ce qui compte, c’est mercredi, 19h. À ce moment précis, soit le S&P500 passe les 7’000 avec élégance et conviction, soit je préfère ne pas imaginer ce qui pourrait se passer. D’ici-là, il va falloir patienter et se répéter les mêmes choses en boucle, encore et encore.
Pour le moment, il me reste à vous souhaiter une excellente journée, un très bon début de semaine et on se revoit demain pour – probablement – vous répéter la même chose encore une fois, oui la FED elle va baisser les taux et Powell est notre ami…
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
“If there’s a book that you want to read, but it hasn’t been written yet, then you must write it.”
― Toni Morrison