L’année qui vient de s’écouler restera dans nos mémoires comme celle où tout est devenu possible, le meilleur comme le pire. Les crises sont révélatrices et agissent comme des accélératrices de tendances de fond déjà initiées auparavant. 2020 est une année de basculement, d’un ancien monde vers un nouveau.

Le choc de la fin d’hiver et le confinement provoqué par le virus sont des évènements d’une brutalité que peu d’économistes auraient pu imaginer. Le recul de croissance engendré par cette fermeture au deuxième trimestre a été plus violent que les récessions engendrées par les guerres ou par la grande dépression de 1929. Difficile de retenir qu’un seul chiffre, mais nous relevons néanmoins:

  • 33% de baisse du PIB US au 2ème trimestre;
  • 22 millions d’emplois perdus aux USA au printemps;
  • 3 trilliards d’injection de liquidités de la FED en mars (soit 3 x 1021 USD).

Toutes les considérations économiques de la fin du mois de janvier ont été balayées par ce tsunami: la guerre commerciale Chine-Etats-Unis ou la perspective de l’élection américaine nous renvoyaient alors à des perspectives désormais impalpables.

Evolution du SMI en 2020

Après ces mois difficiles et un retour à une certaine normalité en été, les intervenants économiques sont devenus plus sensibles aux nouvelles épidémiologiques qu’aux nouvelles économiques. Rien d’étonnant donc que l’annonce des vaccins juste après l’élection présidentielle américaine ait eu l’effet d’une potion magique à la morosité automnale. Les anticipations de retour à la vie normale ont ainsi permis à la plupart des actifs de poursuivre la phase de récupération entamée au mois d’avril.

Le monde va désormais devoir gérer le challenge de la vaccination générale dans un contexte de tensions sociales exacerbées. La crise sanitaire s’est vite conjuguée à une crise économique et désormais une crise sociale sans précédent. Toutes les grandes démocraties se trouvent affaiblies par la gestion de l’épidémie. Deux pays symbolisent clairement cette situation. La France tout d’abord qui voit des manifestations dégénérer chaque week-end et des gouvernants dépassés par les enjeux. Et les Etats-Unis évidemment qui payent un lourd tribut en termes de décès dus au Covid-19 et qui, après des manifestions raciales importantes, sont déchirés par l’élection présidentielle contestée.

Evolution des principaux titres du SMI

Il y aura un avant et un après 2020. Le monde qui se construit sous nos yeux accélère ce qui était déjà sous-jacent. La Chine sera probablement le seul pays à avoir une croissance positive en cette année cauchemardesque. Malgré sa mauvaise gestion initiale de la crise et son opacité, force est de constater que la Chine sort (à nouveau) victorieuse en termes économiques. L’occident s’est rendu compte de sa désindustrialisation au plus mauvais moment, soit lorsqu’il en avait le plus besoin. L’influence de la Chine grandit dans un monde qui voit son centre de gravité se rapprocher de Pekin.

Les géants des nouvelles technologies, communément appelées les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) sont les principaux bénéficiaires des changements de mode de consommation et de vie, imposés par le virus. Le monde continue de se polariser avec des grandes sociétés qui continuent de progresser et des petites entreprises qui souffrent et s’éteignent lentement.

Les actions suisses ont mieux résisté à la crise au printemps grâce aux gros titres de l’indice. L’automne s’est par contre avéré difficile en prévision d’une initiative populaire visant les multinationales. L’attrait du SMI au niveau international ne se dément pas. Les étrangers utilisent l’indice helvétique pour sa composition défensive et la devise, particulièrement recherchée en période de crise.

Indices actions

La disparité est par contre très importante au sein de l’indice phare des actions suisses. Lonza bénéficie de son accord avec Moderna pour participer à la production d’un vaccin. Credit Suisse est sous pression dans une année compliquée pour les titres bancaires. L’horlogerie souffre de l’arrêt complet des voyages touristiques. Swatch poursuit ainsi une tendance négative de plusieurs années. Swiss Re est le plus mauvais titre en raison des indemnisations à venir pour la société de réassurance.

Au niveau international c’est également le grand écart. Le Nasdaq, indice des titres technologiques américains, caracole en tête. A cette exception près les marchés les plus prolifiques sont liés aux pays ayant bien géré la crise, à savoir les marchés asiatiques. La Suède, tant critiquée pour sa stratégie sanitaire, est le meilleur marché européen. L’Afrique du Sud, comme la plupart des pays africains sont peu impactés même si leurs devises se sont effondrées.

L’Europe est la grande perdante de cette année 2020. L’Italie, la France, la Grande-Bretagne ou l’Espagne figurent parmi les moins bons élèves. La Russie ferme la marche.

Evolution de l’indice bancaire européen

Au niveau sectoriel l’énergie et les bancaires présentent la moins bonne performance annuelle alors que les technologies de l’information constituent le meilleur secteur de l’année.

Le CHF joue, comme à chaque crise, son rôle de valeur refuge. La couronne suédoise et le dollar australien sont les seules monnaies en progression contre CHF en 2020 malgré une chute de près de 9% en mars.

Bien que l’Europe fût l’épicentre de la crise sanitaire au printemps, l’EUR a bien résisté et termine seulement légèrement négatif contre la devise helvétique.

Après une année 2019 stable, l’USD est en chute libre.

Devises contre CHF

Les injections massives de liquidités et les incertitudes politiques pèsent sur le billet vert. Mais une dépréciation peut aussi être vue positivement puisque c’est la capacité exportatrice américaine qui s’en trouve renforcée.

Le pétrole, tout comme les marchés actions, a connu les abysses au printemps. La réduction drastique de la production industrielle et la paralysie du transport aérien ont fait plonger le baril à des niveaux inimaginables. Le 20 avril, veille de renouvellement d’instruments dérivés, le baril s’est traité jusqu’à -40$ ! Ce prix reflétait le remplissage total de toutes les capacités de stockage. L’optimisme renaissant et les coupes de production des pays de l’OPEP ont permis à l’or noir de retrouver des couleurs dès le début de l’été.

Les matières premières ont eu des destins bien différents sur l’année. A l’opposé des énergies fossiles, l’or a vécu une très belle année 2020. Malgré un plongeon initial début mars, les acteurs ont progressivement réalloué les portefeuilles vers la «relique barbare».

L’or bénéficie de la configuration de taux d’intérêts créée par cette crise. Des taux d’intérêts réels négatifs ont toujours été positifs pour le métal doré.

Evolution de l’or en 2020

Evolution du pétrole en 2020

Plusieurs banques centrales, pour lutter contre la panique du mois de mars et l’effondrement économique, ont poussé jusqu’à l’extrême la politique de taux faibles. Désormais les banquiers centraux sont les principaux acheteurs de la dette gouvernementale avec des taux d’intérêts à 0, voire négatifs. L’indépendance des banques centrales a volé en éclat au printemps 2020 et la «planche à billets» s’est remise en marche.

Or et taux d’intérêts réels

Dette souveraine US (milliards USD)

La dette des états a explosé en cette année.

Dette de la FED (trilliards USD)

Elle progresse aux Etats-Unis à un rythme mensuel de 1.6% et atteint presque 28 trilliards d’USD. Ces montants, mis à disposition de l’économie pour faire face à la crise, sont créés par la banque centrale qui, elle également, a vu son bilan prendre l’ascenseur. Avec 3 trilliards d’USD créés, nous entrons dans une ère de l’impression monétaire massive. C’est probablement l’enseignement le plus important de 2020.

Pour limiter l’impact de la crise, en plus de faire gonfler leurs bilans, les banques centrales ont baissé les taux d’intérêts.

En Suisse, malgré la baisse du mois de mars, les taux long terme sont restés relativement stables, signe que les niveaux négatifs déjà en vigueur constituent une forme de plancher.

Evolution du SBI en 2020

Corolaires à ces taux négatifs à long terme, les obligations sont toujours moins attractives, en particulier les obligations gouvernementales. Toutes les obligations de la Confédération Suisse restent ainsi en taux négatifs. La duration, soit la prise de risque sur le long terme, devient un risque sans rémunération et plus une rémunération sans risque.

L’indice des obligations suisses (SBI), bien que réalisant des résultats positifs durant les deux premiers mois de 2020, a également souffert de la chute massive du mois de mars. Les prises de profit ou le deleveraging sont les principales raisons de ce mouvement surprenant. Sur l’année l’indice reste stable à des niveaux peu attractifs. En effet au 31 décembre le rendement à échéance est de -0.18% (contre -0.07% une année auparavant) pour une duration de 7.68 années (contre 7.56 au 1er janvier). La gestion passive de cette classe d’actifs devient toujours moins intéressante.

Evolution de l’immobilier suisse en 2020

L’immobilier a vécu une année similaire aux obligations avec une baisse très importante au mois de mars. Certains produits ont perdu jusqu’à 25% en deux semaines. La fin d’année a permis à cette classe d’actifs de terminer en positif avec une volatilité qui a rarement été constatée. L’immobilier commercial a été plus pénalisé que le résidentiel et n’a quasiment pas rebondi. La crise pourrait avoir un effet à long terme avec la mise en place du télétravail et un rapport différent à son emploi.

Le monde qui s’annonce, né en 2020, s’articulera autour de grandes thématiques: digitalisation, développement durable, revenu universel, crise monétaire, ubérisation des emplois, biotechnologie… Tant de sujets qui sont autant d’opportunités que de dangers. Les banques centrales seront au cœur des enjeux de cette année 2021 et devront arbitrer entre la nécessité de soutenir massivement l’économie avec le développement des infrastructures par exemple et les risques monétaires sous-jacents comme le retour de l’inflation ou la perte de crédibilité des grandes monnaies. La hausse de l’or ou des crypto-monnaies ne représentent rien d’autre que cette méfiance envers nos gouvernements.

Nous entrons dans une nouvelle ère correspondant à une réelle révolution industrielle: la révolution numérique. Ces perspectives ne peuvent que nous conduire à un optimisme raisonné pour cette année 2021.

“Les investissements d’aujourd’hui sont les profits de demain et les emplois d’après-demain.” Helmut Schmidt.

 

Source : Bloomberg, XO Investments SA