«Simply Put», la chronique hebdomadaire de l'équipe Multi Asset Group de Lombard Odier Investment Managers

Par Florian Ielpo, Head of Macro, Lydia Chaumont, Client Portfolio Manager et Arnaud Gernath, Fund Manager

 

En résumé:

  • La récession est probablement à nos portes, mais elle sera vraisemblablement temporaire, comme celles qui l’ont précédé.
  • A partir de quel moment peut-on commencer à tenter de penser l’après récession ? C’est une question clef de l’investissement aujourd’hui.
  • En moyenne, les marchés commencent à s’en sortir trois ou quatre trimestres après le début de la récession, mais le moment du rebond du marché varie considérablement d’une récession à l’autre.

Florian Ielpo

On connait la chanson. La plupart des récessions de l’histoire de l’après Bretton Woods font suite à un resserrement monétaire, ce resserrement monétaire venant de la nécessité de contre-carrer une vague d’inflation plus ou moins prononcée (1979, 1988, 1994) ou une bulle immobilière ou financière (2001, 2008). La banque centrale –la Fed souvent la première – monte ses taux, à la suite de quoi le crédit se tarit et le chômage progresse. Si dans un premier temps la baisse du chômage permet de protéger les marges des entreprises et donc leur valorisation de marché, à terme les vagues de licenciement finissent par peser sur la demande agrégée et précipitent les earnings et les dividendes vers leur chute. Si cette situation pèse sur les prix des actions – on a tous vu un graphique comparant contraction des résultats et baisse des prix des actions – elle n’en reste pas moins temporaire. Du point de vue de la gestion d’un portefeuille, la récession est bien évidemment un période critique. Il arrive cependant toujours un moment durant lequel le gérant se doit s’autoriser à regarder à l’autre bout du tunnel. On pense ainsi naturellement au premier trimestre 2009 ou bien à avril 2020 pour l’histoire la plus récente. Ce moment intervient bien évidemment lorsque l’économie mondiale s’approche de la fin de la contraction, mais quelles leçons peut-on tirer de l’histoire? C’est la question que se pose ce Simply Put: à quel moment peut-on s’autoriser à positionner ses portefeuilles pour «l’après récession» ? La réponse détaillée plus bas.

Des données et des récessions

Lydia Chaumont

Avant de pouvoir répondre à une telle question, il nous semble essentiel de faire un point sur les données qui s’offrent à nous, tant du côté des récessions que des actifs eux-mêmes.  Très naturellement, les récessions que l’on retiendra sont celles des Etats-Unis, et ce pour deux raisons clefs. La première de ces raisons c’est la qualité de la méthodologie de datation existante, celle du NBER. Peu de pays disposent d’un comité officiel de datation sur aussi longue période. On se focalisera ici sur la période s’entendant de 1950 à 2020 pour laquelle le NBER a su identifier 14 récessions de durée variable. La deuxième raison de ce choix c’est que le cycle US est historiquement synchronisé avec le cycle mondial, alors que le monde émergent est généralement marginalement en avance et l’Europe marginalement en retard. Le cycle qui affecte le prix des actifs est probablement davantage celui qui anime le monde plutôt que les spécificités de certaines zones. Notre point d’ancrage sera aussi des actifs principalement libellés en Dollar, une autre raison de se focaliser sur les récessions US.

Arnaud Gernath

Le second éléments clef est de choisir un large panel de classes d’actifs afin de tenter d’en capturer les points communs. Notre analyse s’appuie ici bien évidement sur les actions (ici le S&P500 pour la profondeur de son historique), mais aussi les taux 10 ans américaines, les spreads de crédit BBB sur obligations américaines, les prix de l’énergie (depuis 1971), le Dollar (en taux de change effectif) ainsi que le prix de l’or (là aussi depuis 1971). Cet éventail d’actifs offre l’avantage de contenir des actifs profitant de la croissance (et donc souffrant de son absence) ainsi que des valeurs qui peuvent potentiellement offrir une source de refuge durant les «mauvais» moments du marché action. Passons donc la performance de ces différents marchés à la moulinette des moyennes historiques.

2023.05.10.Performance 1
Figure 1. Performance moyenne cumulée par actif depuis le début d’une récession (données américaines, 1959-2023)

2023.05.10.Performance 2
Figure 1. Performance moyenne cumulée par actif depuis le début d’une récession (données américaines, 1959-2023)

2023.05.10.Performance 3
Figure 1. Performance moyenne cumulée par actif depuis le début d’une récession (données américaines, 1959-2023)

Le jeu des lois

La figure 1 présente la moyenne des performance cumulées depuis le début de chaque récession américaine. Les graphiques se lisent comme suit : pendant les 9 premiers mois d’une récession, la performance des actions américaines est globalement de 0%. Autour de ce point, un intervalle construit d’ un écart type s’étend entre -9% et +9%. De l’analyse de la batterie de graphique présentée en Figure 1, il nous semble que l’on peut tirer les quelques conclusions suivantes :

  • Historiquement, les actions commencent à relever la tête neufs mois après le début d’une récession. Il faudra attendre 15 mois pour que l’intervalle de confiance tout en entier ne devienne positif – la patience des investisseurs a historiquement été mise à dure épreuve.
  • Les taux 10 ans baissent sur l’ensemble des 18 mois que l’on analyse ici, sous la forme de deux vagues : une première baisse sur les 4 premiers mois, puis une nouvelle baisse qui s’étend jusqu’au 15ème Historiquement, la prime de risque « duration » est LA prime de risque à détenir au cours d’une récession.
  • Le monde obligataire ne présente cependant pas de cohérence complète dans la réaction des actifs qui la composent : les spreads de crédit BBB ont tendance à s’écarter jusqu’au 15ème mois après le début de la récession, pour ensuite se stabiliser. Cela ne signifie pas pour autant que la performance du monde du crédit reste négative sur toute la période à mesure que le « carry » de la classe d’actif s’accroit en compense l’écartement des spreads.
  • Les prix de l’énergie enregistrent un effondrement passé le premier mois d’environ 30% en moyenne sur une année, l’effondrement de la demande globale pesant sur les prix du baril notamment. Ça n’est qu’à partir du 11ème qu’une stabilisation s’opère.
  • L’or quant à lui profite historiquement des récessions, mais le gros de sa performance moyenne s’accumule au cours des 5 premiers mois de la récession, cette performance s’établissant en moyenne autour de 10%.
  • Enfin, le Dollar perd historiquement 5% les 4 premiers mois d’une récession pour ensuite gagner autour de 8% – il n’est pas forcément l’actif refuge que l’on imagine.

Ces différents chiffres ne sont que des moyennes et chaque récession vient avec des particularités qui ne peuvent que nous enjoindre à considérer ces résultats avec précaution. Cependant, ils peuvent contribuer à éclairer notre lanterne, pour répondre à la grande question: à partir de quel moment peut-on commencer à regarder par-delà la récession pour repositionner les portefeuilles? A cette question l’histoire nous répond: «entre 9 et 15 mois». Si «soft-landing» il y a, peut être peut-on raccourcir cet horizon de quelques mois et les intervalles de confiance trahissent cette hétérogénéité de situation. Toutes les récessions ne se ressemblent pas et celle qui s’annonce peut tout à fait être moins violente qu’attendu – c’est du moins le message actuel de nos indicateurs de nowcasting. L’effondrement du canal du crédit pourrait bien dégrader les choses, mais on en mesure encore mal l’impact.

Pour dire les choses simplement, l’histoire nous enseigne qu’une récession n’est pas un événement anodin pour la gestion d’un portefeuille. Une année est historiquement nécessaire pour recommencer à positionner ses allocations plus agressivement – cette fois-ci les choses seront-elles différentes ?

Macro/Nowcasting Corner

L’évolution la plus récente de nos indicateurs propriétaires de nowcasting pour la croissance mondiale, les surprises d’inflation mondiale et les surprises de politique monétaire mondiale conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.

Nos indicateurs nowcasting indiquent actuellement:

  • Le déclin de la croissance américaine se poursuit, notre nowcasting de la croissance s’établissant désormais à 28% : les chances d’un atterrissage « normal » aux États-Unis augmentent.
  • Les trois zones que nous surveillons (États-Unis, zone euro et Chine) voient leur indice nowcasting pour l’inflation osciller autour de 25 %, ce qui indique clairement que les pressions inflationnistes à venir sont appelées à décliner.
  • Après les réunions de la Fed et de la BCE, le message global devient de plus en plus clair : la politique monétaire n’est pas encore prête à pivoter, mais les hausses agressives et surprises sont désormais terminées.

2023.05.10.Nowcaster de croissance

Nowcaster de croissance mondiale : Long terme (à gauche) et évolution récente (à droite)

2023.05.10.Nowcaster d'inflation
Nowcaster de surprise d’inflation mondiale : Long terme (à gauche) et évolution récente (à droite)

 

2023.05.10.Nowcaster de politique monétaire
Nowcaster de surprise de politique monétaire: Long terme (à gauche) et évolution récente (à droite)

Source : Bloomberg, LOIM

Note de lecture: L’indicateur de nowcasting de LOIM rassemble des indicateurs économiques de manière ponctuelle afin de mesurer la probabilité d’un risque macroéconomique donné – croissance, surprises d’inflation et surprises de politique monétaire. Le Nowcaster varie entre 0% (faible croissance, faibles surprises d’inflation et politique monétaire dovish) et 100% (forte croissance, fortes surprises d’inflation et politique monétaire hawkish).


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