L’année a été agitée pour les actions des marchés émergents, et bien que le contexte macroéconomique soit mitigé, le ralentissement de l’inflation et l’amorce de baisses des taux d’intérêt laissent entrevoir une amélioration progressive. Certaines opportunités sont bien présentes auprès d’entreprises pouvant dégager un rendement durable même dans un environnement incertain, ainsi que de nombreuses entreprises de qualité qui ont puisé dans les fluctuations hasardeuses du marché un précieux atout pour leur valorisation.

Par Nick Price, Emerging Markets Portfolio Manager

 

Perspectives d’investissement pour les marchés émergents en 2024

Comme par le passé, les marchés émergents se sont moins bien comportés que les marchés développés. La faiblesse de la Chine et les craintes d’ordre géopolitique en sont en partie responsables, ces deux facteurs s’accompagnant de surcroît d’un risque de perte extrême à surveiller de près. L’escompte dans les activités des marchés émergents contraste néanmoins avec l’embellie des fondamentaux à de nombreux égards, d’autant que le pic de l’inflation a apparemment été franchi dans un grand nombre d’économies, que les taux d’intérêt ont commencé à baisser et qu’une multitude d’entreprises, notamment en Chine, redistribuent des capitaux à leurs actionnaires. La solidité budgétaire d’une part substantielle des économies émergentes est également favorable à cette classe d’actifs. À la différence de la plupart des pays développés, les marchés émergents n’ont dans l’ensemble accordé d’aides budgétaires qu’avec lenteur durant les confinements liés au Covid. Il peut être constaté qu’un grand nombre de pays émergents affichent un ratio endettement/PIB relativement faible, spécialement au regard des États-Unis, qui ont pratiquement crevé leur plafond d’endettement, faisant apparaître au grand jour que le taux d’endettement national n’y est pas durable.

Potentiel de surprises en 2024

Étant le plus grand marché individuel parmi les marchés émergents, la Chine joue un rôle essentiel dans les sentiments qu’inspire cette classe d’actifs. Elle a démontré sa capacité à «surprendre» les marchés lorsque la réouverture de son économie après la pandémie a déclenché un rebond sur les marchés, même si le soufflé n’a pas tardé à retomber lorsqu’il s’est avéré que la reprise serait plus lente que prévu. Eu égard notamment à l’excédent d’épargne des ménages, il est probable que la consommation se redresse en Chine. Les ventes massives d’actions H ont également atteint une ampleur considérable – et les mouvements des marchés pourraient encore s’intensifier si la confiance se consolide. Compte tenu de ces facteurs, et de la taille du marché, un revirement dans les sentiments pourrait influencer sensiblement les rendements sur les marchés émergents.

Ailleurs, certaines niches du marché sont négligées, la dispersion est considérable et les valorisations se négocient à des niveaux très différents à la comparaison entre l’Europe émergente et l’Inde, ce qui fait naître quelques opportunités. Il en découle par ailleurs un potentiel de recueillir un rendement attrayant pour les actionnaires au cours de l’année à venir.

La géopolitique comporte toujours un risque de perte extrême. Il faut impérativement continuer de s’entourer de personnes d’un éventail d’horizons différents, y compris de spécialistes de la géopolitique et de stratèges extérieurs. À terme, on peut faire sens de l’imprévisibilité exacerbée des marchés en mettant en relation davantage d’opinions.

Réussites en 2023

Les sentiments des marchés ont été extrêmement instables cette année, si bien que de nets redressements ont été suivis d’épisodes de prises de bénéfices. Un exemple édifiant réside dans le secteur des technologies de l’information, où les difficultés de 2022 ont cédé la place à l’exubérance lorsque le cycle baissier des semi-conducteurs a pris fin et qu’une reprise alimentée par l’IA s’est installée. Dans ce sillage, certains placements du portefeuille dans le matériel technologique à Taïwan et en Corée du Sud se sont particulièrement bien comportés. Il a donc été important d’élaguer et de retirer les bénéfices de façon ordonnée à mesure de l’augmentation du cours des actions.

Les titres du secteur financier ont eux aussi réalisé de belles performances cette année. Dans ce domaine, il a porté ses fruits de dépasser un univers de possibilités d’investissement pléthoriques pour explorer certains créneaux couramment délaissés. La plateforme de commerce électronique et de paiement Kaspi et la banque brésilienne florissante Nu Holdings se sont spécialement distinguées.

Risques et opportunités

Il subsiste un réservoir d’opportunités dans le secteur financier. Cependant, la dynamique dont les banques ont profité en rehaussant les marges d’intérêt nettes s’est largement concrétisée et l’attention devrait se déplacer des bénéficiaires à taux plus élevés vers ceux fondés sur des moteurs structurels. Dans cette catégorie, on trouve des histoires de «croissance» structurelle, comme les banques indiennes, qui opèrent sur un marché peu couvert où la demande de produits tels que les cartes de crédit et les comptes d’épargne devrait progresser, et des histoires de «changement» structurel, comme les banques grecques, où après une décennie d’évolution anémique des prêts, de nombreuses banques peuvent se targuer d’une excellente qualité de leurs actifs.

À l’inverse, l’immobilier chinois ne sera plus le puissant moteur de croissance économique qu’il a été par le passé, ce qui se répercute sur la confiance des consommateurs. Le marché chinois présente toutefois une valeur substantielle, et les entreprises qui redistribuent des capitaux à leurs actionnaires y sont de plus en plus prépondérantes. À titre d’exemples, China Mengniu Dairy, Zhongsheng Group, Vipshop et AIA Group appartiennent à ces entreprises pratiquant des politiques de rachat progressistes dont les valorisations sont extrêmement attrayantes en raison de la frilosité à l’égard du marché chinois.


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