L’année 2019 se caractérise par des performances positives pour l’ensemble des classes d’actifs tout en offrant une rémunération du risque associé. Les actions affichent ainsi une surperformance significative par rapport aux obligations, au sein desquelles le High Yield superforme l’Investment Grade. L’espoir d’une reprise du cycle économique et les niveaux de taux d’intérêt expliquent en grande partie ces résultats. Il convient néanmoins de les mettre en perspective avec ceux observés fin 2018.

Par Didier Bouvignies, Associé-Gérant & Responsable de la Gestion
et Ludivine de Quincerot, Gestionnaire & Porte-parole de la Gestion

 

Sur les marchés d’actions, 2019 se présente comme le miroir inverse de 2018, à bien des égards. En effet, sur la base des cours au 31 décembre 2017, à l’exception du marché américain et de ses +17% sur la période – résultant essentiellement de la hausse de 40% des sociétés du secteur technologique mais également de la baisse des taux qui a favorisé des secteurs défensifs (santé et services aux collectivités) – les autres places financières affichent des résultats plus mitigés avec, respectivement, un Eurostoxx à +3% , +4,4% pour l’Europe, +2,9% pour le Japon et -9% pour les marchés émergents.

En début d’année, après la forte correction intervenue au mois de décembre 2018, la plus importante aux États-Unis depuis 1931, les marchés redoutaient une entrée en récession au regard de la chute du moral des chefs d’entreprises du secteur manufacturier dans les principales régions du monde. Des inquiétudes d’ordre politique, à l’image de la guerre commerciale, du “Brexit” ou encore des tensions entre le Japon et la Corée du Sud ont également exacerbé ce sentiment et pesé sur la confiance des investisseurs durant la majeure partie de l’année.

Après une première vague de hausse au printemps, portée par des politiques monétaires accommodantes depuis fin août, les marchés semblent avoir intégré que ces événements politiques devraient trouver une issue favorable. De fait, les investisseurs restent convaincus qu’outre-Atlantique, l’Administration américaine parviendra à un accord avec les autorités chinoises permettant d’éviter une escalade des tarifs douaniers. Tandis qu’au Royaume-Uni, les élections générales ont permis à Boris Johnson d’obtenir une majorité au Parlement et ainsi de pouvoir sortir de l’Union européenne de façon ordonnée avec un accord déjà négocié.

Concernant le cycle économique, le moral des chefs d’entreprises dans le secteur des services, bien que s’étant détérioré tout au long de l’année, est resté suffisamment élevé et en décalage avec le secteur manufacturier, pour permettre d’espérer éviter un recul plus prononcé de l’activité globale. Cela peut d’ailleurs s’observer au travers d’une croissance américaine qui, au global sur l’année, approche les 2%.

Surtout, le redressement des indicateurs de confiance des chefs d’entreprises de part et d’autre de l’Atlantique à l’automne, laisse présager que le point bas serait passé, dans un contexte où le niveau de confiance des ménages est resté élevé. Une amélioration progressive de l’activité semble envisageable, à plus forte raison lorsque les incertitudes politiques auront été levées. De surcroît, cette éclaircie se produit dans un environnement de taux bas, voire parfois négatifs, avec un Bund à -0,7% au 31 août et un fort recul des taux longs américain de 150 points de base par rapport à leur pic de 2018. La légère hausse depuis cette date, de 30 points de base aux États-Unis et 40 points de base en Europe, traduit bien le sentiment que les anticipations s’infléchissent.

Pour autant, plusieurs facteurs pourraient permettre aux marchés de poursuivre sur cette tendance. Dans un premier temps, la valorisation des marchés d’actions à l’échelle mondiale a peu évolué au cours des deux dernières années et reste raisonnable en absolu, et modeste en comparaison des niveaux de taux d’intérêt. Ensuite, les investisseurs ont peu participé à cette hausse puisque des rachats massifs d’actions ont été opérés alors que, dans le même temps, les produits de taux et monétaires enregistraient des souscriptions colossales. Des circonstances qui renforcent la conviction de certains commentateurs lorsqu’ils qualifient la période actuelle de “Most Hated Bull Market in History”. En revanche, l’analyse des attentes de résultats des entreprises se révèle complexe. Avec des anticipations de l’ordre de 10%, le risque de déception est élevé, même si une partie de ce rebond provient d’une amélioration des résultats du secteur des matières premières, par nature volatils.

Dans ce contexte, il convient de faire preuve d’humilité. Cependant, nous pourrions être tentés de penser que l’Europe puisse bénéficier d’un environnement relatif plus avantageux que les autres grandes zones géographiques, grâce à un effet de base favorable. Sur l’année 2019, l’Allemagne a notamment souffert d’une baisse de 7% de sa production industrielle en raison des nouvelles normes environnementales imposées au secteur automobile, une situation qui devrait s’améliorer. La Zone va aussi profiter d’une politique budgétaire contributive à la croissance au plus haut depuis 10 ans, en réponse à l’injonction de différents corps (économistes et Banque centrale) et à la nécessité pour l’Europe de prendre en main son destin en ce qui concerne son système financier ou sa défense dans un contexte de guerre de leadership entre la Chine et les États-Unis.

Le niveau de liquidité sur le marché d’actions européen pourrait également être amené à s’améliorer, tant les ventes ont été importantes ces deux dernières années (140 milliards sur les 18 derniers mois). En effet, en 2020, et pour la première fois, l’Europe bénéficiera d’un contexte semblable à celui du marché américain où les rachats de titres sont attendus supérieurs aux émissions. De plus, une sortie ordonnée du Royaume-Uni de l’Union européenne favoriserait grandement un retour des investisseurs vers le Vieux continent. Enfin, une résolution, même partielle, du conflit commercial sino-américain serait une très bonne nouvelle pour des entreprises européennes, notamment allemandes, qui en ont particulièrement souffert en raison de leur nature très exportatrice.

Aux États-Unis, si une année électorale se révèle en général être une bonne année boursière, les effets bénéfiques sur l’industrie de la politique de relance du Président Trump tardent à se manifester et le niveau des déficits jumeaux laissent peu de place à la mise en place d’un nouveau dispositif. En outre, sur le plan national, la hausse des coût salariaux, dont le poids n’a pas été intégralement répercuté sur les prix, tend à provoquer un effritement des marges.

Comme souvent au cours des dernières années, les actifs les plus difficiles à appréhender restent les obligations. Sur les niveaux de taux actuels, il paraît difficile d’envisager des performances positives pour 2020. D’autant que ces derniers nous semblent totalement déconnectés de la croissance nominale sous-jacente des différentes zones alors que les Banques centrales ont semblé faire l’aveu de la nécessité de trouver des relais à des politiques monétaires susceptibles d’engendrer des effets négatifs si elles étaient amenées à perdurer.

Par ailleurs, la performance des obligations les plus sûres est surestimée dans les esprits. Rappelons qu’un placement en obligations allemandes a généré sur les cinq dernières années un rendement cumulé de 10,3% et annualisé de 2%. Sur cette période, tout investissement dans une classe d’actifs d’une autre nature, à quelques exceptions près, offrait de meilleurs résultats. Depuis la fin du mois d’août, l’évolution des taux en Europe illustre bien que toute amélioration conjoncturelle se répercute mécaniquement sur ce marché.

Enfin, certains pourraient objecter que nous traversons actuellement le cycle économique américain le plus long depuis l’après-guerre. Toutefois, son intensité reste nettement inférieure aux précédents et les autorités monétaires et budgétaires, conscientes des risques en cas de rupture d’activité, mettent tout en œuvre pour maintenir une croissance de 2%. Un niveau optimal pour l’actionnaire, car assurant une croissance des bénéfices sans faire craindre une hausse des taux susceptible de pénaliser les valorisations.