La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Le conflit engagé par la coalition au pouvoir a monté d’intensité cette semaine après l’approbation du budget par le Parlement et son envoi officiel aux autorités de l’UE. Celles-ci ont immédiatement réagi en qualifiant sèchement de «sans précédent» le dérapage des comptes présentés. Les étapes suivantes semblent écrites.

D’abord l’avis négatif de la Commission la semaine prochaine, avec une demande de révision, et, très probablement, une fin de non-recevoir assortie de provocations diverses du gouvernement, qui a constamment exprimé sa défiance à l’égard de Bruxelles. Si, en elle-même, la fermeté de la Commission n’est pas un élément négatif pour la dette italienne – puisqu’elle exerce une pression vers plus d’orthodoxie – elle annonce un déroulement du conflit dans lequel la hausse des taux souverains sera le juge de paix. Elle seule permettra de rapprocher les deux protagonistes de la négociation, en exerçant une pression interne forte (sur le secteur public et sur les acteurs privés, avec un net resserrement des conditions financières) mais également une menace existentielle sur l’ensemble de la zone, qui devrait faire aussi réfléchir la Commission.

Le retournement de la position italienne apparait malheureusement aujourd’hui encore éloigné car la rhétorique anti-européenne paye sur le plan électoral. Ce rôle central des taux explique pourquoi la valorisation du risque de crédit souverain (qui inclut évidemment un risque de redénomination) est celle d’un rating high yield, alors que les agences de notation devraient se contenter d’une dégradation d’un notch pour le moment.

BCE : rendez-vous à Noël

La réunion de la BCE ne devrait pas apporter de surprises majeures la semaine prochaine. La fin du QE a déjà été pré-annoncée pour décembre et le flux d’informations récentes ne devrait pas changer cette décision, ni motiver une dégradation dans l’appréciation générale du contexte présentée par la banque centrale, avec des risques toujours «équilibrés». La BCE avait d’ailleurs déjà révisé en baisse ses anticipations d’inflation et de croissance à la réunion précédente. Elle attendra certainement décembre pour préciser les modalités du réinvestissement de ses flux de portefeuille, la seule variable de décision concrète qui lui restera jusqu’à la date (lointaine) de remontée des taux d’intérêts.

Il est quasi-certain que la question italienne sera évoquée dans la conférence de presse. Mario Draghi a déjà devancé l’appel et averti des risques que causaient (d’abord à eux-mêmes) les Etats qui mettaient en cause les règles de la zone euro.

L’Italie ferait-elle des émules en Espagne?

Le budget espagnol dévoilé cette semaine, élaboré par la coalition PS-Podemos, présente un déficit 0,5% supérieur à ce qui avait été décidé en début d’année. En outre, certaines mesures comme la
hausse des impôts, des dépenses et du salaire minimum, la remise en cause de certaines réformes du marché du travail devraient faire tiquer la Commission, qui les verrait comme un frein à la
croissance.

Les marchés, échaudés par l’Italie, ont également pénalisé la dette espagnole récemment. Pourtant la situation est assez différente: il s’agit pour les Espagnols d’affirmer des priorités sociales, tout en restant dans le cadre des limites européennes. D’ailleurs, les plans espagnols, dont le vote définitif reste incertain, prévoient une réduction du déficit structurel, là où les Italiens l’accroitraient sensiblement. Cette politique est parfaitement défendable à Bruxelles, d’autant qu’elle s’inspire de l’exemple portugais, où une coalition de gauche avait mené de front une politique sociale et l’assainissement des comptes publics.