Vu d’il y a quelques semaines, cette réunion de mars aurait dû être mineure pour la Banque centrale européenne (BCE). S’il était prévu que l’institution y dévoile ses nouvelles prévisions sur l’inflation et la croissance de la zone euro, peu de changement était à attendre sur la politique monétaire.

Olivier de Berranger, CIO, LFDE

Vu d’il y a quelques semaines, cette réunion de mars aurait dû être mineure pour la Banque centrale européenne (BCE). S’il était prévu que l’institution y dévoile ses nouvelles prévisions sur l’inflation et la croissance de la zone euro, peu de changement était à attendre sur la politique monétaire. Mais le récent mouvement haussier des taux d’intérêts à long terme a nettement accru les attentes sur ce rendez-vous. Pour autant, il était difficile d’envisager des annonces majeures. En effet, la hausse des taux européens a surtout été due à un effet d’entraînement de la hausse des taux américains, alors que les perspectives de croissance pour le premier semestre sont moroses sur le Vieux Continent et que l’inflation y demeure faible.

En annonçant que les achats d’actifs au titre du PEPP[1] seraient «menés à un rythme significativement supérieur au cours du trimestre à venir par rapport aux premiers mois de l’année», la BCE a probablement trouvé la bonne mesure. D’un côté, elle a positivement surpris les marchés, provoquant la détente des taux longs et une réduction de la prime de risque des pays de l’Europe périphérique. De l’autre, cette action reste suffisamment modérée pour ne pas être perçue comme une surréaction qui n’aurait pas lieu d’être. Par ailleurs, elle permet à la banque centrale d’accélérer ses rachats sur de meilleurs niveaux qu’en fin d’année dernière, et ce en amont d’une période qui s’annonce dense en termes d’émissions de nouvelles dettes. La Présidente Christine Lagarde a donc réussi son exercice de communication.

Enguerrand Artaz, Fund Manager, LFDE

Un exercice qui s’annonce nettement plus complexe pour la Réserve fédérale américaine. Jerome Powell, patron de la Fed, va en effet devoir composer, cette semaine, avec deux forces contraires. D’un côté, la hausse incontestable des perspectives d’inflation. Plusieurs éléments conjugués génèreront très probablement, ces prochains mois, une hausse des prix à la consommation aux Etats-Unis. Le déploiement du 3e plan de relance, récemment validé par le Congrès, se traduira par de nouvelles aides directes aux ménages, à hauteur de 422 milliards de dollars, alors même que le taux d’épargne des ménages américains a nettement progressé en janvier – à plus de 20% du revenu disponible – malgré une forte hausse, en parallèle, des ventes au détail. La réserve de consommation est donc très importante. Et si une part de cette réserve restera épargnée, et vraisemblablement investie en partie sur les marchés financiers, ce sont plusieurs centaines de milliards de dollars de dépenses de consommation qui pourraient se matérialiser ces prochains mois. Confrontées à de fortes pressions haussières sur les prix des intrants – fret, énergie et matériaux non transformés notamment –, les entreprises pourront ainsi relever leurs prix de vente… ce qui se traduira par une hausse des prix à la consommation. Par ailleurs, de manière temporaire, l’inflation sera accentuée par des effets de base, puisque la variation des prix sur un an commencera à être calculée avec pour point de départ le printemps 2020, lors duquel la fermeture brutale de l’économie avait entraîné une forte baisse des prix. Ces pressions inflationnistes pourraient, naturellement, inciter la Fed à tenir un discours moins accommodant.

Mais de l’autre côté, le marché de l’emploi, devenu un enjeu officiel pour la Fed, est loin d’être normalisé. Ajusté des personnes sorties du marché de l’emploi pendant la crise, le taux de chômage atteint environ 8,5% (6,2% pour le chiffre officiel). Le taux de participation des personnes seulement diplômées du secondaire, un des trois indicateurs du tableau de bord de Jerome Powell sur l’emploi, a nettement reculé depuis octobre et se rapproche de son point bas d’avril 2020. Enfin, à 42,4%, le taux de non-emploi – chômeurs et personnes hors de la population active – reste nettement plus haut qu’au pic de la dernière crise (41,8%). Difficile pour la Fed, dans de telles conditions, d’amoindrir son soutien à l’économie. Entre ces deux extrêmes, elle devra donc trouver une ligne de crête, qui s’annonce bien mince.

[1] Pandemic emergency purchase programme

 

Rédaction achevée le 12.03.2021

 


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