L’économie de la zone euro fait preuve de résilience, mais les perspectives sont assombries par les risques géopolitiques et la fragilité du sentiment. Les marchés immobiliers restent soutenus par une offre restreinte, et la correction du marché crée des opportunités immédiates, bien qu’un sentiment négatif pèse actuellement sur l’activité.

Par Oliver Kummerfeldt, Head of European Real Estate Research

 

Contexte économique

L’économie de la zone euro fait preuve de résilience, mais les perspectives sont incertaines

L’économie de la zone euro continue de faire preuve de résilience, bien que l’incertitude liée aux événements géopolitiques, y compris l’évolution des politiques commerciales, assombrisse les perspectives. Au premier trimestre 2025, la croissance économique a surpris à la hausse avec un PIB en progression de 0,6%. Cependant, cela s’explique en partie par la concentration des exportations vers les États-Unis en prévision de l’entrée en vigueur des nouveaux droits de douane. Les chiffres globaux constituent donc une surestimation de la dynamique sous-jacente.

Les risques géopolitiques et commerciaux restent élevés

Les risques politiques et commerciaux restent importants. Alors que l’attention s’est temporairement concentrée sur les tensions au Moyen-Orient, la perspective d’une hausse des droits de douane américains sur les produits de l’UE a rapidement repris de l’importance. Les analystes politiques avaient indiqué que l’UE semblait prête à accepter un accord-cadre temporaire, plafonnant potentiellement les droits de douane américains à 10 % avec des représailles limitées de l’UE tout en cherchant des exceptions pour les métaux et les automobiles, mais le risque d’un « no deal » a persisté.

L’accord commercial entre l’UE et les États-Unis conclu fin juillet a permis d’éviter ce risque de «no deal» avant la date limite du 1er août, qui aurait entraîné une augmentation des droits de douane américains à 30 % et probablement des représailles de l’UE. Au lieu de cela, des droits de douane américains de 15% s’appliqueront désormais à la plupart des marchandises importées de l’UE. Si l’accord lève certaines incertitudes et prévoit, par exemple, une réduction des droits de douane sur les voitures, des incertitudes subsistent autour de certains produits, et de nouvelles discussions doivent avoir lieu pour finaliser tous les détails.

Un sentiment et des perspectives de croissance fragiles

Le sentiment économique reste fragile et les indicateurs d’enquête, comme l’indice PMI de la zone euro, se sont nettement dégradés après les premières annonces tarifaires de début avril, avant de se stabiliser en juin. Bien que la plupart des enquêtes nationales aient rebondi par rapport à leur creux d’avril, la probable répercussion des exportations anticipées indique que la solide performance de la zone euro ne s’est pas poursuivie au deuxième trimestre. Les premières données du deuxième trimestre montrent déjà un net renversement des exportations, en particulier dans les économies les plus exposées au commerce, où la croissance devrait fortement ralentir ou rester stable.

De nouvelles dépenses de défense, y compris l’accord des membres de porter leurs dépenses de défense à 5% du PIB à moyen terme, comme convenu lors du récent sommet de l’OTAN, pourraient donner un coup de pouce. Il en va de même pour les dépenses supplémentaires de défense et d’infrastructures de certains grands pays européens, comme l’Allemagne. Mais même avec l’assouplissement des règles budgétaires, les niveaux d’endettement public ont considérablement augmenté depuis la pandémie, limitant la capacité des pays à mettre en place de vastes plans de relance.

Les perspectives de croissance dépendent de plus en plus de la demande intérieure, en particulier de la consommation des ménages. Fort heureusement, la baisse de l’inflation et la forte croissance des salaires ont entraîné une augmentation d’environ 2 % des revenus des ménages l’année dernière, mais les dépenses réelles n’ont augmenté que de 1,1 %, ce qui indique une hausse du taux d’épargne et un comportement prudent de la part des consommateurs. Le maintien de la demande intérieure dépendra d’une résilience accrue du marché du travail. Alors que le taux de chômage de la zone euro est resté à un niveau historiquement bas de 6,2 % en avril, la baisse des prévisions d’embauche laisse entrevoir une légère dégradation.

Pause dans la normalisation des taux d’intérêt

La politique monétaire est restée accommodante au cours du dernier trimestre, mais de nouvelles baisses de taux sont désormais peu probables. Au cours des trois derniers mois, l’inflation dans la zone euro (IPCH) a oscillé autour de l’objectif de 2% de la Banque centrale européenne (BCE), s’établissant à 2,2% en avril, 1,9% en mai et 2,0% en juin. La BCE a procédé à de nouvelles baisses de taux de 25 points de base chacune en avril et en juin, ramenant le taux de dépôt à 2,00%, un niveau observé pour la dernière fois en décembre 2022. Les avantages se font déjà sentir sur le marché de l’immobilier en termes d’événements de refinancement, d’opportunités d’investissement et de sentiment à l’égard de la classe d’actifs en Europe.

Avec une inflation qui se stabilise à un niveau proche de l’objectif et après sept baisses de taux consécutives, la BCE a indiqué suspendre tout nouvel assouplissement lors de sa réunion de juillet. Les risques d’inflation restent orientés à la baisse, mais les récentes communications de la BCE à la suite de la revue stratégique de juin suggèrent une approche mesurée, et une moindre propension à réagir à des écarts mineurs par rapport à l’objectif de 2%.

Le soutien budgétaire mérite également une attention particulière, d’autant que les dépenses publiques pourraient augmenter suite notamment à l’accord de l’OTAN visant à porter les dépenses militaires à 5% du PIB d’ici 2035. Les taux directeurs devraient donc rester aux niveaux actuels ou légèrement baisser, conformément aux attentes actuelles du marché. Des risques importants demeurent pour l’inflation et la croissance, et la revue de la BCE a également précisé qu’une plus grande incertitude pourrait signifier une plus grande volatilité de l’inflation à l’avenir.

Marché immobilier européen

L’offre restreinte continue de soutenir les niveaux de location

Des niveaux élevés d’incertitude ont une incidence sur la demande des occupants, les entreprises semblant reporter temporairement leur prise de décision. Cependant, les conditions d’offre serrées continuent de soutenir les niveaux de location. La tension concurrentielle pour les biens rares et de haute qualité situés dans des lieux accessibles persiste dans le secteur des bureaux, reflétant la polarisation continue de la demande, qui sera une caractéristique permanente du marché dans un avenir prévisible.

Alors que les taux de vacance globaux du marché ont généralement augmenté dans toute la région depuis la pandémie (par exemple à Berlin, d’environ 2% courant 2020 à environ 8% aujourd’hui), les taux de vacance des espaces de catégorie A restent nettement inférieurs. Une tendance similaire peut être observée au niveau des sous-marchés. En effet, les taux de vacance dans les quartiers centraux d’affaires (QCA) restent généralement plus faibles, avec par exemple un taux de vacance dans le QCA parisien d’environ 4 à 5%, alors que les niveaux sont supérieurs à 20 % en péri-Défense. En termes de perspectives, les pipelines d’approvisionnement devraient considérablement diminuer à partir de cette année, avec des ajouts nets qui devraient passer de 1% des stocks au cours des cinq dernières années à environ 0,6 à 0,7% par an pour les cinq ans à venir.

L’industrie et la logistique bénéficient des moteurs de la demande à long terme

Les loyers industriels et logistiques de premier ordre sont restés pratiquement inchangés au cours du trimestre. Seuls certains marchés ont affiché une croissance, souvent attribuable à l’entrée sur le marché d’une nouvelle génération d’actifs et à l’établissement de nouveaux loyers de référence. Les conditions moroses dans le secteur manufacturier font que ces occupants sont plus conscients des coûts et prudents dans leur prise de décision.

Cependant, la demande à moyen et long terme reste soutenue par des facteurs structurels tels que la croissance continue du commerce électronique et l’attention portée par les occupants aux rares biens modernes avec des caractéristiques telles que la fourniture d’énergie renouvelable et des équipements pour les employés, avec un problème mineur mais croissant concernant les biens vieillissants. La situation actuelle est également susceptible d’accélérer la dynamique du «nearshoring» (relocalisation à proximité), même si les droits de douane sont de courte durée. Du côté de l’offre, le développement spéculatif s’est intensifié, mais la hausse des coûts de développement et les conditions de planification restrictives continuent de limiter les pipelines.

Les perspectives du secteur du commerce de détail sont mitigées

Face à des consommateurs qui privilégient l’épargne plutôt que les dépenses et à un sentiment qui reste faible, les conditions dans le secteur du commerce de détail restent difficiles. Cette situation, conjuguée à la concurrence du commerce en ligne, va entraîner une pression continue sur les ventes en magasin et maintenir des taux d’inoccupation élevés. De plus, les détaillants sont confrontés à une pression sur les marges en raison de l’augmentation des coûts de personnel.

Malgré ces considérations, les niveaux de location pour de nombreux formats de vente au détail ont probablement atteint leur point bas. Par conséquent, nous devenons moins prudents quant aux perspectives, tout en restant très sélectifs en ce qui concerne les segments. Les centres commerciaux peu exposés à la mode ainsi que les commerces de proximité, y compris les supermarchés, devraient être en mesure de fournir des flux de trésorerie résilients liés à l’inflation. Notons également que la demande de produits de luxe devrait rester inélastique, bien que les prix d’investissement n’offrent généralement pas de juste valeur.

Un sentiment négatif pèse sur l’activité des marchés d’investissement

En ce qui concerne les marchés de capitaux, les enquêtes de sentiment, telles que les indicateurs du consensus INREV de juin, présentent un tableau encourageant. Malgré une légère baisse au cours des trois derniers mois, la confiance est généralement restée résiliente face aux incertitudes persistantes.

De fait, les attentes des investisseurs concernant les perspectives économiques se sont légèrement améliorées, et le sentiment concernant la location et les fondamentaux opérationnels est resté positif,  ce qui indique une confiance continue dans les marchés des occupants. Du côté du financement, les investisseurs ont conservé une vision très optimiste. Cependant, le sentiment concernant la liquidité des investissements s’est nettement détérioré, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives sur les volumes de transactions dans les mois à venir.

L’activité d’investissement avait déjà ralenti au deuxième trimestre 2025, les chiffres préliminaires indiquant qu’environ 38,5 milliards d’euros avaient été investis dans l’immobilier européen, ce qui en fait le trimestre le plus lent depuis le troisième trimestre 2023. De manière plus anecdotique, nos conversations avec les investisseurs ont révélé un thème récurrent autour de la demande actuelle et imminente pour l’immobilier européen par rapport aux États-Unis, compte tenu des taux d’intérêt plus bas et des circonstances géopolitiques.

Les prix restent stables

Les prix de l’immobilier européen sont restés globalement stables au cours des trois derniers mois. Selon le Monthly Yield Monitor de CBRE, les rendements moyens non pondérés des 13 plus grands pays européens (incluant le Royaume-Uni, mais excluant les PECO) ont montré une variation minimale au cours de la période dans tous les principaux secteurs. La compression des rendements a été très sélective: la plupart des variations se sont limitées à 5-10 points de base, et seuls quelques marchés ont enregistré des variations de 25 points de base. Il s’agit d’un net changement par rapport au début de l’année, lorsqu’un plus grand nombre de marchés avaient connu une compression plus prononcée des rendements1.

Perspectives d’investissement

Opportunités suite à la correction des marchés

En raison de l’ampleur de la réévaluation observée depuis le printemps 2022, notre cadre exclusif d’évaluation du marché signale que des opportunités immédiates peuvent être trouvées sur plusieurs marchés et secteurs. Plusieurs types d’immobiliers, notamment les segments industriels et logistiques, ont été rebasés à des niveaux de prix attractifs et sont soutenus par des fondamentaux structurels solides malgré le risque élevé pesant actuellement sur les performances à court terme. Les investisseurs doivent également être conscients que l’histoire montre que les périodes précédant les ralentissements économiques affichent des performances supérieures à la moyenne.

En ce qui concerne nos positions actuelles sur les actifs ainsi que nos secteurs de prédilection et le positionnement de notre portefeuille, notre position a continué d’évoluer vers une position plus neutre sur tous les segments de marché. Cela s’explique par nos attentes d’une nouvelle croissance des revenus à la lumière de la faiblesse de l’offre future – malgré les incertitudes persistantes –, et par le fait que la réévaluation du marché continue de progresser, même si elle est un peu plus lente que le niveau attendu au début de l’année.

Vues sectorielles

Nous continuons de privilégier les zones industrielles (y compris les entrepôts extérieurs), les entrepôts de transbordement et les actifs logistiques urbains qui bénéficient des tendances du e-commerce et de l’urbanisation. Selon nous, les changements de politique commerciale pourraient accélérer la dynamique de «nearshoring» et inciter les occupants à détenir des stocks plus élevés lorsque cela est financièrement viable – même si les droits de douane pourraient être de courte durée. Il existe également une menace croissante d’obsolescence dans le secteur, avec plus de la moitié du stock logistique dans de nombreux pays européens ayant plus de 10 ans, selon JLL, et de nombreux grands occupants s’étant fixé des objectifs de réduction des émissions de carbone. Les exigences des occupants continuent également d’évoluer, l’accès à une énergie suffisante devenant une préoccupation majeure compte tenu de la tendance croissante à l’électrification des flottes.

Le manque d’offre d’espaces résidentiels sur les principaux marchés d’Europe occidentale ainsi que les tendances persistantes à l’urbanisation créent des opportunités dans les segments « résidentiels » qui fournissent des flux de trésorerie résilients à long terme. Nous nous concentrons particulièrement sur les segments des logements locatifs abordables et du marché intermédiaire sous-approvisionnés, bien qu’il faille accorder une attention particulière aux réglementations locales qui évoluent pour protéger davantage les locataires résidentiels contre les augmentations de loyer.

Nous voyons également des opportunités dans les marchés sélectifs des résidences pour personnes âgées et étudiantes dans les grandes villes universitaires de la région ainsi que dans certaines parties du marché hôtelier. Pour ce dernier, nous privilégions les hôtels loués dans les principales destinations offrant des loyers de base indexés sur l’inflation, ainsi que les composantes variables reflétant le résultat d’exploitation ou les hôtels en exploitation où le repositionnement, la restructuration des opérations et/ou l’achèvement des activités de stabilisation peuvent générer de la création de valeur.

La polarisation de la demande et de la performance dans le secteur des bureaux entre les « meilleurs de leur catégorie » et « le reste » devrait persister. Les actifs modernes offrant de bonnes prestations dans les principaux quartiers d’affaires métropolitains devraient rester performants, et les actifs de premier ordre présentent un potentiel de création de valeur. Le manque émergent d’espace moderne offre également une opportunité de moderniser et de rénover des espaces de travail bien situés dans les grandes capitales et les QCA régionaux à l’offre limitée, en capitalisant sur une pénurie croissante d’approvisionnement.

1Source : Schroders Capital, CBRE, juillet 2025.

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