«Simply Put», la chronique hebdomadaire de l'équipe Multi Asset Group de Lombard Odier Investment Managers

Par Florian Ielpo, Head of Macro et Jérôme Collet, Head of Beta Portfolio Management – Global Fixed Income

 

En résumé:

  • Quelle que soit la mesure retenue, le risque systémique a progressé depuis 2022.
  • Le secteur bancaire est devenu une source de ce risque systémique récemment, et constitue une source d’inquiétude pour les marchés.
  • L’ampleur des chocs qui viennent du secteur bancaire reste pour le moment limitée : de ce point de vue, la politique de nos banquiers centraux porte ses fruits, mais la prudence reste de mise.

Florian Ielpo

La récente crise bancaire n’a pas manqué de rappeler aux plus expérimentés d’entre nous de mauvais souvenirs : le spectre de 2008, de la faillite de Lehman Brothers et de la contagion qui s’en est suivi. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et l’expérience de ce triste moment de notre histoire financière a été digérée par nos autorités et ainsi que par les investisseurs. A présent que la poussière commence à retomber, que peut-on dire du risque contagion? Si en 2008 le traitement médical avait été inoculé à un malade gravement atteint, cette fois ci la médication a eu lieu dans les premiers jours de la maladie – avant que les symptômes n’aient trop gagné en gravité. Le risque systémique a-t-il été pour autant circonscrit? et surtout : est-ce que le risque bancaire a reflué? De nombreuses méthodes économétriques pour mesurer ce risque existent et voici quelques illustrations tirées de l’une d’entre elles.

La notion de « spillover » de volatilité

Jérôme Collet

Parmi les nombreuses mesures de risque systémique – au-delà de ce que nous avions présenté avec Trevor Leydon il y a quelques semaines – deux méthodes économétriques se sont distinguées dans les années qui ont suivi 2008. Ces deux méthodes utilisent fondamentalement la même technologie, mais en font un usage différent. Si notre papier d’il y a deux semaines analysait la capacité des marchés à supporter les chocs, ces deux méthodes font un pas en avant significatif en s’intéressant à l’origine de ces chocs. Le risque systémique traduit une certaine difficulté des marchés à absorber un risque supplémentaire. L’endroit d’où nait ce surcroit de risque est généralement le «maillon faible» de la chaine financière – la source de ce risque systémique. La place du secteur bancaire en 2008 en a fait le maillon faible de la chaine, et par conséquence l’origine du choc qui s’est propagé dans les marchés financiers. Deux méthodes permettent donc de mesurer ex-post l’origine et la propagation des choses systémiques :

  • L’approche de Monica Billio[1] basée sur des tests de causalité (quel secteur cause un accroissement de volatilité globale), mais qui ne permet pas de jauger de l’intensité de ces chocs entre secteurs.
  • L’approche de Diebold et Yilmaz[2], qui justement permet de mesurer l’intensité de la transmission des chocs. Leur approche se base sur le même socle que celui de Billio, analysant comment les variations de la volatilité se transmettent d’un secteur à l’autre.

C’est cette dernière approche, née des cendres de 2008, que nous proposons d’exhumer et d’appliquer à la situation actuelle juger de sa gravité en suivant les pas d’un article que nous avions écrit à cette occasion[3].

Deux indicateurs en un

Leur approche peut se résumer comme suit: le risque systémique croit lorsque les chocs se transmettent entre secteurs. Lorsque les chocs ne se propagent pas, ce même risque systémique est faible. Le premier des indicateurs qu’il propose est par conséquent un indicateur de risque systémique agrégé: celui mesure sur une échelle de 0 à 100% quel est le pourcentage des chocs dans chaque secteur qui parvient à engendrer des chocs dans d’autres secteurs – l’essence même de la contagion. La figure 1 présente cet indicateur recalculé sur la période 1999-2023 sur la base de la volatilité des rendements des obligations d’entreprise en excès des obligations d’Etat par secteurs. Si le pourcentage historique des chocs qui transitent entre secteurs évolue autour de 65% à long terme, ce pourcentage fluctue. Comme on le lit clairement sur le graphique, ce pourcentage s’accroit naturellement autour des grands chocs systémiques de notre histoire. Au cours des derniers 18 mois, du point de vue de cette métrique, le risque systémique s’est élevé à deux occasions: à l’occasion de la première hausse de la Fed fin 2021 et plus récemment avec la progression du risque bancaire. Du point de vue de cet indicateur global, il y a effectivement montée du risque de contagion, mais à la différence de notre analyse précédente, cette fois-ci on peut s’intéresser à l’origine du choc et plus particulièrement au risque du secteur bancaire.

2023.03.29.Indice de contagion
Figure 1. Indice de contagion entre secteurs crédit estimé sur la période 1999-2023
Source: LOIM, Bloomberg

Un risque bancaire en progression

L’intérêt de la méthode de Dielbold et Yilmaz c’est de pouvoir calculer une «attribution de performance» du risque systémique: si risque systémique il y a, d’où vient-il? Quel secteur est à son origine? Evidemment, le point focal de notre analyse revient à étudier les chiffres que l’on obtient dans le cas du secteur bancaire, toujours basé sur la volatilité des «excess returns» des obligations d’entreprise par secteur. Le graphique 2 présente ce que les auteurs appellent le «net spillover giver score», c’est-à-dire une mesure de la capacité du secteur à être davantage donneur de chocs que receveur de chocs, pour un ensemble de secteurs. L’analyse absolue du niveau de l’indicateur est ardue à lire mais son niveau relatif historique ainsi que sa variation sont toutes deux porteuses de sens. Le message de la figure 2 est le simplement le suivant: le risque systémique du secteur bancaire, tel que mesuré par sa volatilité, a progressé entre fin 2022 et mars 2023, c’est un fait. Cependant, avec les mesures qui ont été prises par nos banques centrales et nos autorités plus globalement, ce risque reste inférieur à son niveau de long terme. C’est un important message: le risque n’est pas définitivement écarté – cela va sans dire – mais il est pour le moment bien en deçà de sa moyenne de long terme et par conséquent, de son niveau de 2008. Gardons aussi un œil sur le secteur des «consumers cyclicals» qui est récemment devenu une source de chocs, cette fois-ci en ligne avec sa moyenne de long terme.

2023.03.29.Décomposition indice de contagion
Figure 2. Décomposition de l’indice de contagion par secteur
Source : Bloomberg, LOIM

Note de lecture : LT signifie «valeur de long terme». Un indice positif signifie qu’un secteur est un «net giver» de chocs, c’est-à-dire qu’il a tendance à donner davantage de chocs qu’il n’en reçoit.

Pour dire les choses simplement, le risque systémique a bien progressé, et les bancaires y ont contribué. Cette progression laisse ce risque bancaire à un niveau inférieur à celui de 2008, un important message.

Macro/Nowcasting Corner

L’évolution la plus récente de nos indicateurs propriétaires de nowcasting pour la croissance mondiale, les surprises d’inflation mondiale et les surprises de politique monétaire mondiale conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.

Nos indicateurs nowcasting indiquent actuellement:

  • Notre indicateur nowcasting de croissance reste en territoire de récession pour le moment et cette semaine reste stable. Cette stabilité s’explique par une détérioration marginale des chiffres européens compensés par une amélioration des chiffres chinois.
  • Notre indicateur nowcasting de l’inflation s’est élevé marginalement cette semaine, a mesure que les pressions inflationnistes chinoises progressent avec la réouverture de l’économie.
  • Notre indicateur nowcasting de politique monétaire reste entre 45% et 55% : la modération devrait être le modus operandi de nos banquiers centraux au deuxième trimestre.

2023.03.29.Croissance mondiale
Nowcasting de la croissance mondiale : Long terme (à gauche) et évolution récente (à droite)

 

2023.03.29.inflation mondiale
Nowcasting de l’inflation mondiale : Long terme (à gauche) et évolution récente (à droite)

 

2023.03.29.Politique monétaire mondiale
Nowcasting de la politique monétaire mondiale : Long terme (à gauche) et évolution récente (à droite)

 

Note de lecture: L’indicateur de nowcasting de LOIM rassemble des indicateurs économiques de manière ponctuelle afin de mesurer la probabilité d’un risque macroéconomique donné – croissance, surprises d’inflation et surprises de politique monétaire. Le Nowcaster varie entre 0% (faible croissance, faibles surprises d’inflation et politique monétaire dovish) et 100% (forte croissance, fortes surprises d’inflation et politique monétaire hawkish).

 

[1] Billio, Monica, et al. « Econometric measures of connectedness and systemic risk in the finance and insurance sectors. » Journal of financial economics 104.3 (2012): 535-559.

[2] Diebold, F. X., & Yılmaz, K. (2014). On the network topology of variance decompositions: Measuring the connectedness of financial firms. Journal of econometrics182(1), 119-134.

[3] Collet, J., & Ielpo, F. (2018). Sector spillovers in credit markets. Journal of Banking & Finance94, 267-278.

 


A l’usage exclusif des investisseurs professionnels
Ce document est publié par Lombard Odier Asset Management (Europe) Limited, autorisée et réglementée par la Financial Conduct Authority (la « FCA »), et inscrite au registre de la FCA sous le numéro 515393.
Lombard Odier Investment Managers (« LOIM ») est un nom commercial.
Ce document est fourni à titre d’information uniquement et ne constitue pas une offre ou une recommandation d’achat ou de vente d’un quelconque titre ou service. Il n’est pas destiné à être distribué, publié ou utilisé dans une juridiction où une telle distribution, publication ou utilisation serait illégale. Ce matériel ne contient pas de recommandations ou de conseils personnalisés et n’est pas destiné à remplacer les conseils d’un professionnel en matière d’investissement dans des produits financiers. Avant de s’engager dans une transaction, l’investisseur doit examiner attentivement l’adéquation de la transaction à sa situation particulière et, si nécessaire, obtenir un avis professionnel indépendant sur les risques, ainsi que sur les conséquences juridiques, réglementaires, fiscales et comptables. Ce document est la propriété de LOIM et est adressé à son destinataire exclusivement pour son usage personnel. Il ne peut être reproduit (en totalité ou en partie), transmis, modifié ou utilisé à d’autres fins sans l’autorisation écrite préalable de LOIM. Ce document contient les opinions de LOIM, à la date d’émission.
Ni ce document ni aucune copie de celui-ci ne peuvent être envoyés, introduits ou distribués aux États-Unis d’Amérique, dans l’un de ses territoires ou possessions ou dans les zones soumises à sa juridiction, ou à ou au profit d’une personne des États-Unis. À cette fin, l’expression « personne des États-Unis » désigne tout citoyen, ressortissant ou résident des États-Unis d’Amérique, toute société de personnes organisée ou existant dans un État, un territoire ou une possession des États-Unis d’Amérique, toute société constituée en vertu des lois des États-Unis ou d’un État, d’un territoire ou d’une possession de ce pays, ou toute succession ou fiducie assujettie à l’impôt fédéral sur le revenu des États-Unis, quelle que soit la source de ses revenus.
Source des chiffres : Sauf indication contraire, les chiffres sont préparés par LOIM.
Bien que certaines informations aient été obtenues de sources publiques jugées fiables, sans vérification indépendante, nous ne pouvons pas garantir leur exactitude ou l’exhaustivité de toutes les informations disponibles auprès de sources publiques.
Les points de vue et opinions exprimés le sont à titre informatif uniquement et ne constituent pas une recommandation de LOIM d’acheter, de vendre ou de détenir un quelconque titre. Les vues et opinions sont à jour à la date de cette présentation et peuvent être sujettes à des changements. Ils ne doivent pas être interprétés comme des conseils d’investissement.
Aucune partie de ce document ne peut être (i) copiée, photocopiée ou dupliquée sous quelque forme que ce soit, par quelque moyen que ce soit, ou (ii) distribuée à toute personne qui n’est pas un employé, un dirigeant, un administrateur ou un agent autorisé du destinataire, sans le consentement préalable de Lombard Odier Asset Management (Europe) Limited. Au Royaume-Uni, ce matériel est un matériel de marketing et a été approuvé par Lombard Odier Asset Management (Europe) Limited qui est autorisée et réglementée par la FCA. ©2022 Lombard Odier IM. Tous droits réservés.