La note macro de Benoit Soler, Responsable de la gestion Crédit chez Ellipsis AM.

Dire que 2019 a pris de nombreux investisseurs obligataire à revers est un doux euphémisme: alors qu’il y a 6 mois, la plupart anticipaient 2 à 3 hausses des taux de la FED et une normalisation graduelle des politiques monétaires, même celle de la Zone Euro, la situation a drastiquement changé en 3 mois avec l’effondrement des PMI, de l’inflation et d’une décélération forte de la croissance mondiale.

Fidèle à leur politique depuis 8 ans, la réponse des banquiers centraux a été claire: ils leur restent des marges de manoeuvre, et notamment en Europe où nous pourrions voir le retour du programme de Corporate Sector Purchase Program (CSPP), en version 2.0… Nicolas Blanc n’étant pas présent pour vous en parler, je me permets de prendre le relai pour vous en parler.

Pour commencer, petit rappel des montants et effets du CSPP 1 sur les spread Corporate de la Zone Euro: ce programme, lancé en juin 2016 et terminé en décembre 2018, a atteint 180 milliards d’euros sur les dettes d’entreprises non financières de la zone € (et avec des critères comme une maturité de 30 ans et noté Investment Grade). Au plus fort du programme, la BCE achetait 2 milliards par semaine, avec une limite de 70% de détention pour chacune des souches. Autre statistique intéressante, 18% du total du CSPP 1 ont été achetés lors d’émissions primaires.

Au total, les achats de la BCE via le CSPP 1 ont représenté environ 15% du stock de dettes d’entreprises libellées en euros (et répondant aux critères d’inclusion évoqués ci-dessus).

  • Sur la période active du CSPP, les spread (en se basant sur un indice ICE BofAML Non-Fin. Corp. Euro*) se sont resserrés de 50bp (de 120 à 70bp) lors de la première phase entre le départ et début 2018 lorsque la situation économique s’améliorait et que la perspective de la fin du programme avançait.
  • Lors de la deuxième phase (de janvier à décembre 2018), la détérioration du commerce mondial, le reflux de l’inflation et les mauvais résultats des entreprises au Q3 ont conduit les spread à se réécarter pour atteindre 150bp fin décembre.

Un CSPP 2.0 : quand? comment?

Pour de nombreux intervenants, un nouveau QE de la BCE semble imminent (avant décembre 2019). Il nous semble toutefois compliqué d’envisager une telle action avant la prise de fonction de Christine Lagarde le 1er novembre. De plus, un CSPP 2.0 serait forcément plus limité car le panier «investissable» est moindre: avec les critères évoqués lors du CSPP 1.0, la BCE pouvait travailler sur un stock de plus de 1000 milliards d’actifs, elle n’aurait aujourd’hui qu’environ 350 milliards de titres éligibles (cf. la limite de 70% rappelée plus haut et le fait que certaines souches échues n’ont pas été refinancé).

Quel pourrait être l’impact d’un CSPP 2.0 sur les spread crédit en Europe?

Le potentiel nous semble hélas beaucoup plus contraint: depuis fin décembre 2018, les spread se sont déjà compressés de 60bp pour atteindre 110bp (ce qui est exactement la moyenne constatée de l’indice lors de la phase de 18 mois de resserrement, entre juin 2016 et février 2018). Au plus serré (novembre 2017), les spread sont tombés autour de 70bp, mais avec un PMI composite euro vers 57 (et en tendance haussière…) contre 52 aujourd’hui…sur une tendance baissière. Le PSPP puis CSPP avait déclenché une vague de «Hunt for Yield» sans précédent. Nous garderons toutefois en mémoire que l’histoire récente (de la FED en 2011 ou en 2015) nous montre que des spread de crédit peuvent s’écarter alors même que la banque centrale est en phase de quantitative easing.

Prudence donc, il faut savoir raison garder….