Green Bonds, Social Bonds, Sustainable Bonds, Sustainability Linked Bonds… l’univers des obligations vouées à soutenir la transition ne cesse de s’étendre. Nicolas Racaud et Andrea Sekularac reviennent sur les principales évolutions du marché.

Comment l’univers des obligations à vocation durable a évolué au cours des dernières années?

Au niveau global, le marché a dépassé les 2 200 milliards de dollars en 2021, soit une hausse de 87% par rapport à l’année précédente(1). Les obligations vertes (“Green Bonds”) continuent de le dominer à hauteur de 58%(1). Ces titres sont exclusivement dédiés au financement de projets verts et doivent s’inscrire dans un cadre de référence (ICMA, CBI, etc.)(2). Les montants levés doivent permettre aux émetteurs de faire évoluer leur modèle économique vers plus de soutenabilité environnementale et contribuer à la transition énergétique et écologique. Ces obligations sont donc liées à des projets offrant un bénéfice environnemental clair qui sera évalué et quantifié annuellement par l’émetteur.

Le second segment, les “Social Bonds”, répond à la même logique mais en étant associé à des projets à visée sociale. Ce marché s’est essentiellement développé en 2020 et représente actuellement près de 18% du gisement(1). Enfin, les “Sustainable Bonds” sont des actifs hybrides, à mi-chemin entre les “Green Bonds” et les “Social Bonds”, émis dans le but de financer des projets aussi bien sociaux qu’environnementaux. Plus actif depuis 2020, ce gisement pèse environ 19% du marché(1). Ces trois types d’obligations sont regroupés au sein de la famille des instruments “use of proceeds” qui induit que le produit de l’émission est dédié à des projets clairement identifiés.

La dernière catégorie à avoir émergé s’intitule “Sustainability Linked Bonds” (SLB). Bien que leur éclosion soit très récente (2019), l’année 2021 leur a été particulièrement propice, avec une hausse des émissions significative et un intérêt marqué des investisseurs. Ces titres ont représenté environ 12% des émissions en euros d’obligation corporate(3) à vocation durable en 2021(1). Toutefois, leurs caractéristiques singulières ne leurs permettent pas d’entrer dans la catégorie des instruments “use of proceeds”, car l’émetteur ne s’engage pas sur des projets mais sur un indicateur ESG (“KPI(4)”) qu’il a lui-même défini.

La nature de cet indicateur est variable mais le standard qui tend à s’imposer porte sur la réduction de l’intensité carbone scope 1&2(5). Si l’émetteur n’atteint pas son objectif quantitatif dans le respect du calendrier fixé à l’émission, il se voit appliquer un “malus” préalablement déterminé, le plus souvent, une réévaluation à la hausse du coupon. Cette “pénalité” est susceptible d’adopter différentes formes mais, de manière générale, la conversion d’un intérêt environnemental ou social en contrepartie financière ne nous semble pas satisfaisante, à plus forte raison s’il se révélait négligeable pour l’émetteur.

Dans quelle dynamique s’inscrit le marché?

La croissance du marché est exponentielle. En 2021, plus d’un quart des émissions corporates libellées en euros était à vocation durable(6) et alors que les Green Bonds représentent déjà près de 5% du marché(7). Les indices obligataires en intègrent désormais une part non négligeable (près de 8% pour l’indice IHS Markit iBoxx EUR à fin 2021(7)). Si l’on regarde ne serait-ce que quelques années en arrière, cela donne le vertige. À titre d’exemple, en 2020, année de lancement de notre fonds R-co 4Change Green Bonds, son indice de référence comptait environ 200 titres pour une bonne centaine d’émetteurs. Actuellement, le même indice se compose de près de 500 titres pour 267 émetteurs(7).

Les émissions souveraines restent majoritaires et le mouvement d’accélération devrait perdurer sous l’impulsion des plans de relance gouvernementaux et supranationaux post-Covid-19. Cependant, nous nous intéressons essentiellement à la partie corporate et cherchons à observer le taux de pénétration au sein des différents secteurs. Historiquement concentré sur les banques et les services aux collectivités, le marché des obligations vertes connaît depuis quelques années une diversification sectorielle soutenue. À ce titre, l’immobilier coté a été un des plus gros émetteurs au cours de l’année passée, à la deuxième place derrière le secteur bancaire mais devant les services aux collectivités. Le marché est mature et la plupart des secteurs vont continuer à être actifs même si les dynamiques de croissance pourraient se révéler très variables.

Il nous semble aussi que les secteurs les plus exposés aux enjeux de transition et de transformation de leurs activités continueront probablement à faire la part belle aux émissions vertes. Un mouvement confirmé en 2021 qui, en parallèle, a alimenté l’attrait et la compétitivité du marché des SLB. Les acteurs pas, ou peu présents sur le marché des instruments “use of proceed” commencent progressivement à se faire une place via cette classe d’actifs. En 2022, ces mêmes secteurs de transition risquent d’opter davantage pour des stratégies de complémentarité entre émissions vertes et SLB afin de faciliter l’atteinte de leur objectif « Net Zero »(8).

Les “Green Bonds” devraient néanmoins demeurer le principal segment de marché que ce soit en nombre d’émissions et en montants de projets financés, même si au cours de l’année passée les “Social Bonds” ont connu la plus forte croissance au sein des obligations « use of proceeds » (+107%(7)) et si, dans la continuité de 2021, nous nous attendons à une forte augmentation des émissions de SLB en 2022.

Quelles tendances se dessinent?

Les projets les plus représentés au sein du gisement “Green Bonds” sont liés au financement des énergies renouvelables, des bâtiments verts et de la mobilité. Le segment affiche donc un biais sectoriel que l’émergence des SLB pourrait partiellement gommer grâce à la diversification du profil des émetteurs. Cette classe d’actifs ouvre donc une porte intéressante, dès lors que les objectifs définis au travers du KPI retenu sont suffisamment ambitieux et associés à des éléments tangibles quant à leur atteinte.

On peut légitimement se questionner sur la nature même de ces obligations qui se révèle, a priori, moins engageante que les instruments “use of proceeds”. L’émetteur se retrouve néanmoins exposé à un risque tant réputationnel que financier et pourrait voir le marché se refermer s’il ne respectait pas ses engagements, à plus forte raison auprès d’investisseurs ayant eux-mêmes définis des objectifs durables. Aussi, un nouveau standard semble proche d’émerger, les “Transition Bonds”, des obligations “use of proceeds” dédiées à la transition énergétique incluant l’objectif « Net Zero ».

Comment a évolué le prix de ces actifs?

Au fur et à mesure de son développement, le gisement s’est vu progressivement rattacher un spread(9) de taux négatif par rapport aux obligations classiques appelé “Greenium”. Sa logique est similaire à une prime de risque. Une obligation verte, sociale ou durable offre un meilleur profil ESG et apporte une garantie ainsi qu’une transparence supplémentaire qui se paie par un rendement légèrement inférieur à celui d’une obligation “traditionnelle” comparable. Ce différentiel peut également s’expliquer par un déséquilibre d’offre et de demande. Même si le nombre et les montant des émissions sont considérables, l’appétit des investisseurs l’est encore davantage et les réglementations poussent en ce sens.

Cette inadéquation a donc pour conséquence de tirer les prix vers le haut. Cet écart se limite cependant à quelques points de base et n’est pas homogène entre les différents segments. Actuellement, il se paie en moyenne 4 points de base, mais s’élève à 6 points pour les “Green Bonds”(7), marché le plus mature. Il semble, en outre, que la catégorie des émissions “use of proceed” offre davantage de garanties aux yeux des investisseurs que les KPIs des SLB, puisque ces derniers se révèlent moins fortement impactés.

Doit-on considérer que ce marché est cher?

Le “Greenium” pourrait effectivement laisser penser que le marché est cher, notamment par rapport aux obligations “traditionnelles” car, sur le principe, il n’y a effectivement pas de différence avec une obligation conventionnelle: le risque reste rattaché à l’émetteur et la nature du projet ou le KPI sélectionné n’influe en rien sur ce paramètre. Toutefois, l’écart de valorisation ne nous semble pas exagéré et reste limité. Il se justifie par une qualité durable supérieure et une visibilité renforcée sur les projets et l’impact sous-jacent que le marché se révèle dorénavant en capacité de valoriser. Malgré la généralisation des investissements durables et des produits ISR, peu de stratégies et d’actifs offrent un tel niveau de transparence.

Par ailleurs, le développement du marché se révèle fortement favorisé par les programmes de soutien économiques mais, surtout, par la réglementation. L’entrée en vigueur de la taxonomie européenne devrait, à ce titre, accroître encore davantage l’intérêt pour la classe d’actifs. Les niveaux de valorisation resteront donc portés par l’appétence et les exigences durables qui pèsent sur les investisseurs. La demande n’est donc pas prête de s’étioler car la nature de ces obligations semble, pour l’heure, répondre aussi bien à leur besoin qu’aux enjeux environnementaux et sociaux.

Quelle expertise avez-vous développée sur cette classe d’actifs?

Nous investissons dans cette classe d’actifs depuis 2019 avec la création de notre gamme 4Change et depuis 2020 sur les « Green Bonds », date à laquelle nous avons lancé notre fonds à impact R-co 4Change Green Bonds, (cliquez ici pour accéder au reporting ESG du fonds) catégorisé SFDR article 9 et labélisé Towards Sustainability. Spécialisé dans les émissions vertes d’entreprises, il offre une exposition à des projets environnementaux alignés avec la taxonomie européenne. Son portefeuille, composé exclusivement d’obligations “use of proceed” respectant les principes de l’ICMA, permet un suivi par type de projets et ODD(10), par stratégies thématiques environnementales, ainsi qu’une estimation de son impact consolidé au regard de 4 indicateurs de performance environnementaux (émissions de tonnes de CO2 évitées, capacités de production d’énergie renouvelable installées, quantité d’énergie renouvelable produite et nombre de m² verts financés). Cette stratégie innove en investissant dans des entreprises internationales offrant une diversité tant sectorielle que géographique, couplée à une approche permettant d’identifier des opportunités d’investissement sur différents profils obligataires (maturité, notation…).

 

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(1) Source : Bloomberg, Rothschild & Co Asset Management Europe, avril 2022.
(2) Climate Bonds Initiative et International Capital Market Association. Il s’agit de deux organisations à but non lucratif des professionnels de la finance ayant déterminé un cadre strict dans la définition des Green Bonds.
(3) Obligations émisent par les entreprises.
(4) Key Performance Indicator : Indicateur de performance clé.
(5) Les émissions Scope 1 correspondent aux émissions de carbone directes provenant des installations fixes ou mobiles situées à l’intérieur du périmètre organisationnel. Les émissions Scope 2 concernent les émissions de carbone indirectes liées aux consommations énergétiques.
(6) Source : Natixis, janvier 2022.
(7) Source : Bloomberg, Rothschild & Co Asset Management Europe, avril 2022.
(8) “Net Zero” est un objectif découlant des Accords de Paris qui induit la baisse des émissions anthropiques de gaz à effet de serre dans le but d’approcher un zéro théorique.
(9) Le spread désigne l’écart de rendement entre une obligation et un emprunt de maturité équivalente considéré comme « sans risque ».
(10) Objectif de Dévéloppement Durable des Nations Unies.

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