Au cours de l’été, les marchés ont évolué de façon assez différenciée. On relèvera le beau rebond des actions américaines, la baisse assez marquée des actions émergentes et la relative stabilité de l’Europe.

Didier Bouvignies & Ludivine de Quincerot, Rothschild Asset Management

En conséquence, depuis le début de l’année, les marchés enregistrent des performances plutôt décevantes, à l’exception des États-Unis en hausse de quasiment 10%. Les autres actifs sont en territoire négatif avec -1% pour la Zone euro et le Japon, -9% pour les émergents, et à la neutralité pour les obligations de la Zone euro.

Cette évolution des marchés à l’échelle globale est la résultante de deux forces contraires. Positive, dans un premier temps, avec la bonne dynamique des résultats des entreprises cotées sur l’ensemble des marchés, mais devant finalement se confronter à un certain nombre d’inquiétudes. Les principales étant: aux États-Unis, la  longévité du cycle économique avec le risque de hausse de l’inflation et des taux; dans les émergents, le ralentissement économique en Chine avec la dépréciation du yuan et la situation notamment au Brésil et en Turquie; en Europe, la baisse du rythme d’activité au premier semestre, le “Brexit” et le contexte politique italien. Le tout, sur fond de guerre commerciale initiée par Donald Trump. Une partie de ces inquiétudes légitimes peut, selon nous, être toutefois atténuée.

Etats-Unis

La longévité du cycle de croissance américain, à bientôt 10 ans, se rapproche du record historique. Mais son intensité étant très inférieure à la moyenne historique, il reste en mesure de se prolonger, aidé par la réforme fiscale promulguée par le Président Trump et la réévaluation récente du taux d’épargne des ménages à un niveau de 7%, leur offrant un pouvoir de consommation additionnel significatif.

Quant au S&P 500 enregistrant actuellement le plus long “Bull Market” de son histoire, gardons à l’esprit que ce dernier a démarré d’un point particulièrement bas compte tenu de la baisse observée en 2008, sur des craintes semblables à la crise de 1929. Depuis, les actionnaires ont profité d’un environnement extrêmement favorable de taux d’intérêt, en dépit d’une croissance soutenue et de la capacité des entreprises, notamment les GAFAM, mais pas seulement, à générer des marges élevées.

Cependant, les indicateurs d’inflation doivent être observés avec attention car la hausse des prix à la production et la tension sur les salaires ne permettent plus à la Fed de maintenir une politique, pour l’instant, toujours accommodante si l’on compare les taux d’intervention projetés et la croissance nominale proche de 6%.

Marchés émergents

La dégradation de la situation de certains pays émergents constitue également un facteur de volatilité. En effet, même si l’inflexion de l’activité en Chine concerne essentiellement le secteur manufacturier, alors que les services maintiennent une bonne dynamique, ces derniers ne disposent pas d’un poids suffisant pourcompenser le ralentissement industriel. Toutefois, la dépréciation du yuan, essentiellement par rapport au dollar, ne ressemble en rien aux évènements de 2015 ayant conduit à une forte baisse des marchés mondiaux. D’une part, les autorités monétaires ont beaucoup appris mais, avant tout, nous n’assistons pas à une baisse des réserves de change, contrairement à ce que nous avions pu observer trois ans auparavant.

Concernant la Turquie, voire l’Argentine, leur poids d’environ 1% du PIB mondial chacun, ne s’avère pas suffisant pour justifier un effet de contagion, à plus forte raison pour des pays habitués, historiquement et périodiquement, à des crises de cette nature.

Europe

La croissance européenne, au premier semestre, s’est révélée inférieure aux attentes. L’hypothèse d’un “trou d’air” nous semble cependant la plus vraisemblable. D’une part, en raison d’éléments ayant pesé sur la croissance en début d’année, notamment la hausse de l’inflation suite à l’envolée du prix du baril rognant sur le pouvoir d’achat des ménages, mais également de conditions climatiques peu favorables et d’un impact fiscal décalé en France. Pour autant, la croissance de l’emploi d’environ 1,5% et la hausse des salaires frôlant les 2% créent du revenu disponible, auquel s’ajoute un investissement positif lié à un niveau de confiance des entreprises toujours élevé et à même de compenser l’effet dépressif du commerce international affecté par l’effet de base défavorable de 2017.

La situation politique en Italie se révèle être sans doute le sujet le plus délicat, particulièrement pour la Zone euro. La coalition au pouvoir va inévitablement durcir le ton vis-à-vis de la commission européenne sur la définition du budget 2019. Reste à savoir jusqu’où les italiens peuvent pousser le curseur du déficit, sans être en contradiction formelle avec les objectifs de soutenabilité de la dette, s’exposant à des sanctions qui ne feraient qu’envenimer un climat européen déjà délétère.

Scénario

Nous envisageons un scénario central comprenant un accord sur le budget italien dont le déficit serait inférieur à 3%, incluant un certain nombre d’initiatives se rapportant à la politique de l’offre, telles que des baisses d’impôts et des dépenses d’investissement, et permettant de trouver un compromis évitant ainsi un conflit ouvert à l’issue incertaine. La tension que l’on a pu observer sur les taux d’intérêt italiens, au-delà de 3%, reste supportable pour une économie dégageant un excédent primaire de 1,8% du PIB et dont le taux apparent de la dette s’élève à 2,9%, et qui, par ailleurs, bénéficie d’un excédent courant de l’ordre de 2%.

Enfin, la guerre commerciale initiée par les États-Unis a secoué les marchés d’actions à partir du mois de février, mais l’ouverture de négociations a depuis logiquement apaisé les craintes. Néanmoins, les enjeux de ce “conflit”, même dans une version pessimiste, ne nous semblent pas de nature à inverser le cycle économique reposant très majoritairement sur la tendance des demandes domestiques. L’ensemble de ces éléments ont néanmoins conduit à maintenir une croissance relativement robuste au niveau mondial au cours du premier semestre, proche de 4% en parité de pouvoir d’achat, mais beaucoup moins synchronisée que ce qui pouvait être anticipé, avec une accélération au deuxième trimestre aux États-Unis à 4,2% en rythme annualisé, et une érosion des anticipations de croissance tant en Europe qu’au Japon pour l’exercice 2018.

Ces disparités se sont fait ressentir sur les marchés d’actions mais il convient également d’observer une compression des Price-Earnings Ratios, car les progressions des indices sont, sur l’ensemble des zones, inférieures à la croissance des bénéfices. Ce phénomène s’avère d’ailleurs particulièrement flagrant aux États-Unis, où les prévisions de croissance des bénéfices de 25%, dont 8% dû à l’effet fiscal, n’ont conduit “qu’à” une hausse des indices de 8% en monnaie locale.

Contrairement à 2007, les rendements sur les actifs refuges, tant monétaires qu’obligataires, sont quasiment inexistants.

L’identification de ces différents facteurs de risque constitue le paramètre le plus rassurant. Ils sont certes multiples, mais les marchés les ont intégrés. Nous nous trouvons néanmoins dans un environnement où, contrairement à 2007, les rendements sur les actifs refuges, tant monétaires qu’obligataires, sont quasiment inexistants. Même au sein des marchés d’actions, il convient légitimement de se demander si les valeurs ayant profité jusqu’à maintenant de ces incertitudes, notamment le luxe, la technologie et l’alimentation, seraient à même de se comporter favorablement si elles venaient réellement à se matérialiser.

Cette situation nous conduit donc à accepter l’inconfort de l’investisseur face à ces doutes, compte tenu des niveaux des primes de risque. Comme nous avons pu le constater lors des quatre à cinq dernières années, ce contexte permet de générer des performances satisfaisantes dans un environnement de volatilité relativement basse,et ce, même dans une période au cours de laquelle les motifs d’inquiétudes ont été nombreux: la crise chinoise au second semestre 2015, le baril de pétrole à 26 dollars en janvier 2016, suivi par le “Brexit” en juin et l’élection de Donald Trump en novembre de la même année, et plus récemment, la crise catalane puis les élections italiennes en octobre 2017 et mars 2018. Il nous semble intéressant d’observer que depuis la mise en place du Quantative Easing par les Banques centrales début 2015, le risque a tout de même été rémunéré, comme l’indique le graphique ci-dessous.

Performances des principaux indices depuis le 31 décembre 2014 (en %)
Source : Bloomberg, Rothschild Asset Management, données au 04/09/2018

Il appartient donc à l’allocataire d’actifs de définir une répartition de ses avoirs et notamment la part d’actions susceptibles de générer des rendements significatifs, au prix de cet inconfort. Nous savons que les fins de cycle boursier peuvent être particulièrement vigoureuses et source d’écarts de performance importants. Ce sentiment se voit renforcé par un état d’esprit général demeurant assez nettement défavorable aux marchés d’actions, principalement en Europe, où l’on a assisté à des retraits massifs sur cette classe d’actifs.

Dans ce contexte, nos fonds chercheront à exploiter la hausse des marchés en vue de réduire progressivement leur exposition mais, comme toujours, il convient de ne pas se précipiter dans l’exécution de cet exercice complexe.